Retraitements de fond : des normes comptables USA aux françaises

Retraitements de fond : des normes comptables USA aux françaises

Section 2 – Principaux retraitements de fond

1/ Bilan

La présence de certains éléments dans un bilan américain doit attirer l’attention compte tenu des différences significatives dans leur traitement par rapport au référentiel comptable français.

On rencontre déjà des impôts différés dans tous les bilans établis conformément aux US GAAP. En effet, les entreprises américaines doivent reconnaître les impôts différés actifs et passifs pour toutes les différences temporaires entre résultat comptable et résultat fiscal, ainsi que pour les déficits fiscaux reportables. En revanche, une telle approche n’est pas prévue dans les comptes individuels des entreprises françaises qui sont généralement établis selon la méthode de l’impôt exigible.

Le passage du référentiel comptable américain au référentiel comptable français peut donc nécessiter l’annulation de la fiscalité différée. Il semble toutefois important de souligner que la reconnaissance des impôts différés passifs n’est pas nécessairement contraire à la réglementation comptable française, puisqu’elle peut s’analyser comme la comptabilisation d’un produit constaté d’avance résultant de la déductibilité fiscale d’une charge non encore comptabilisée.

En revanche, la reconnaissance des impôts différés actifs est plus problématique, car elle conduit à reconnaître un produit non encore réalisé. Cette problématique est toutefois écartée si l’on se réfère à la quatrième directive européenne, qui s’impose aux Etats membres, et qui autorise les entreprises françaises à constater les impôts différés actifs et passifs dans leurs comptes individuels. En outre, dans sa recommandation 1.20 de février 1987, l’Ordre des Experts-Comptables s’est prononcé en faveur de la reconnaissance des impôts différés.

Cette conception est toutefois plus restreinte que la conception américaine. En effet, elle prévoit principalement la comptabilisation d’un solde net après compensation des actifs et passifs d’impôts différés et émet des réserves importantes en présence d’un solde net actif, alors que la réglementation américaine rejette une telle compensation et requière l’inscription au bilan des impôts différés actifs, qui doivent toutefois être provisionnés si leur possibilité d’utilisation sont incertaines.

Dans le cadre de la préparation de liasses de consolidation, le retraitement de la fiscalité différée n’est toutefois pas nécessaire, puisque la constatation des impôts différés actifs et passifs est obligatoire dans les comptes consolidés.

La présence de la rubrique « capital lease obligations » au passif du bilan doit également attirer l’attention, car ce poste est la contrepartie de l’activation de biens pris en crédit-bail. En effet, les entreprises américaines doivent immobiliser ces biens si elles en ont la jouissance économique, indépendamment des aspects juridiques du contrat. En revanche, une telle approche n’est pas autorisée par les normes françaises, l’absence de transfert de propriété avant la levée de l’option d’achat interdisant l’inscription des biens à l’actif.

Le traitement du crédit-bail selon les US GAAP est assez complexe, néanmoins la compréhension de son principe est nécessaire pour préparer ou valider le passage aux normes françaises. Aux Etats-Unis, ces biens sont inscrits à l’actif du preneur pour la valeur actualisée des loyers futurs, la contrepartie de cette écriture étant la constatation d’une dette de même montant présentée sous la rubrique « capital lease obligation ».

Ils sont ensuite amortis conformément à la politique comptable de l’entreprise, tandis que les loyers payés sont comptabilisés en partie comme remboursement de la dette et en partie comme paiement des intérêts sur cette dette.

L’impact de l’opération sur les résultats est donc différent selon le référentiel comptable utilisé, puisqu’en France, la charge globale annuelle est égale au montant des loyers sur la période, tandis qu’aux Etats-Unis, elle est égale à la somme de l’amortissement et de l’intérêt calculé sur la dette. Toutefois, au terme du financement, l’opération ne doit pas générer d’écart de situation nette, l’ensemble des charges comptabilisées sur la durée du contrat étant identique.

Le retraitement consiste donc à annuler ces écritures, afin de faire ressortir la redevance de crédit-bail (Annexe X). En présence de contrats s’étalant sur de nombreux exercices, la difficulté du retraitement réside essentiellement dans le suivi des écarts de situation nette pendant la durée de l’opération.

Il faut donc être particulièrement rigoureux et vigilant sur cet aspect. Par ailleurs, il semble important de souligner que si les termes de la transaction n’ont pas pour effet de transférer l’ensemble des droits et obligations attachés aux éléments pris en crédit-bail, les opérations, alors qualifiées de « operating lease », sont traitées de façon similaire selon les normes françaises et américaines.

Dans le cadre de la préparation de liasses de consolidation, ce retraitement n’est pas toujours nécessaire, puisque l’activation du crédit-bail est une des méthodes préférentielles pour l’établissement des comptes consolidés.

Si la lecture du bilan fait apparaître un fonds de commerce (« goodwill »), il convient également d’analyser ce poste avec soin. Selon la récente norme américaine SFAS 142, cet élément qui représente les survaleurs non affectées résultant d’un rachat d’actifs n’est plus amortissable. Il doit seulement être déprécié de façon irréversible en cas de constatation d’une perte de valeur permanente (« impairment »).

En revanche, dans certains cas la réglementation française prévoit l’amortissement de cet actif, qui peut aussi faire l’objet d’une provision pour dépréciation en cas de perte de valeur. Dans cette hypothèse, outre le calcul de l’amortissement sur une durée conforme aux exigences de la réglementation française, le retraitement des fonds de commerce nécessite également que soient recherchées les éventuelles dépréciations antérieurement constatées dans les comptes américains.

En effet, si des provisions significatives ont été comptabilisées, il est important d’envisager leur bien fondé selon le référentiel comptable français car les règles d’évaluation des fonds de commerce sont différentes selon le référentiel français et le référentiel américain. Cet aspect dépasse toutefois le cadre de notre étude.

La conversion d’états financiers américains au format français nécessite également que certains éléments moins apparents soient pris en compte, comme la valorisation des stocks et le traitement des écarts de conversion.

Parmi les méthodes de valorisation des stocks couramment utilisées aux Etats-Unis figure la méthode du dernier entré-premier sorti (LIFO). En revanche, cette méthode n’est pas autorisée pour l’établissement des comptes annuels français. Un retraitement peut donc être nécessaire afin de valoriser les stocks selon l’une des deux méthodes admises en France, à savoir la méthode du coût moyen pondéré (CMP) ou celle du premier entré-premier sorti (FIFO).

Ce retraitement peut être particulièrement difficile à mettre en œuvre si l’information nécessaire n’est pas disponible dans le système comptable de l’entreprise. On peut toutefois souligner que l’application du LIFO à partir des quantités étant lourde à gérer, dans la pratique les entreprises américaines utilisent souvent une méthode LIFO basée sur la valeur du stock.

En conséquence, même si les stocks sont valorisés en LIFO dans les états financiers, ils sont généralement tenus sur la base du FIFO ou du CMP, cette valorisation servant de base au calcul des lots utilisés pour appliquer la méthode LIFO. La détermination du retraitement est alors grandement facilitée puisque la valeur du stock en FIFO ou en CMP est directement disponible dans le système comptable de la société.

Dans le cadre de la préparation de liasses de consolidation, ce retraitement n’est pas toujours nécessaire, puisque l’utilisation de la méthode LIFO est autorisée dans les comptes consolidés.

Enfin, il semble important d’envisager le traitement des écarts de conversion, car l’exposition au risque de change est fréquente chez des filiales américaines de sociétés étrangères. Selon les US GAAP, les pertes et gains de change latents sont comptabilisés dans le résultat de l’exercice.

En conséquence, il n’y a pas de poste d’écarts de conversion au bilan des sociétés américaines. Cette approche est donc totalement différente de la conception française, qui exclut ces éléments du résultat comptable. Ainsi, le passage aux normes françaises nécessite d’abord de faire ressortir les écarts de conversion actifs et passifs, puis d’envisager la nécessité de constituer une éventuelle provision pour perte de change.

Dans le cadre de la préparation de liasses de consolidation, ce retraitement n’est pas toujours nécessaire, puisque la comptabilisation en résultat des pertes et gains de change latents est une des méthodes préférentielles pour l’établissement des comptes consolidés.

2/ Compte de résultat

Outre la contrepartie résultat des retraitements évoqués précédemment et les problèmes de présentation qui seront abordés ultérieurement, certaines particularités de la réglementation comptable américaine doivent être envisagées lors de la conversion au format français d’un compte de résultat établi selon les US GAAP.

Tout d’abord, la conception américaine du résultat exceptionnel est beaucoup plus restrictive que la conception française. En effet, selon les US GAAP, seuls les éléments significatifs non rattachés à l’activité normale de l’entreprise et non récurrents sont considérés comme des charges ou produits exceptionnels, ce qui exclut tout élément provenant des activités ordinaires. En revanche, la réglementation comptable française définit les composants du résultat exceptionnel comme des éléments non rattachés à la gestion courante de l’entreprise, et elle traite donc certaines charges et produits provenant des activités ordinaires en exceptionnel.

En pratique, la présence de charges ou produits exceptionnels est assez rare dans les comptes des PME américaines. Ainsi, pour ces dernières les pertes sur créances irrécouvrables, le résultat de cession des éléments d’actifs, les amendes et pénalités… sont inclus dans le résultat courant et non pas dans le résultat exceptionnel. Ces éléments doivent donc être identifiés avec soin pour le passage aux normes comptables françaises.

La présence de frais de recherche et développement dans le compte de résultat d’une société américaine nécessite également une analyse particulière. La réglementation comptable américaine est claire et sans équivoque à ce sujet, puisqu’elle interdit l’immobilisation de ces frais, même s’ils sont afférents à des projets ayant de bonnes chances de réussite.

En outre, elle exige que les matériels et équipements exclusivement destinés à un projet donné, et n’ayant pas d’utilisation alternative possible, soient directement comptabilisés en charges et non pas immobilisés. En revanche, la réglementation comptable française est plus tolérante, puisqu’elle permet l’activation des frais de recherche et développement si certaines conditions sont réunies. En outre, dans le référentiel comptable français, les immobilisations destinées à ces activités doivent être portées à l’actif du bilan et amorties sur leur durée de vie.

En présence d’importantes activités de recherche et développement, ces différences de conception peuvent donc nécessiter certains retraitements pour passer du référentiel comptable américain au référentiel comptable français.

A ce titre, il faut prendre garde à la présentation de la charge de recherche et développement dans les états financiers américains, car elle regroupe souvent sur une seule ligne du compte de résultat des éléments de nature diverse, tels que des frais de personnel, des amortissements, des équipements… On précise toutefois que si les frais sont engagés pour répondre à une commande, et qu’ils ont donc une contrepartie spécifique, leur traitement est identique selon les deux référentiels puisqu’ils sont alors inclus dans les stocks.

Enfin, le traitement des changements comptables constitue également une source de retraitements qu’il n’est pas rare de rencontrer. En effet, cette problématique est assez fréquente dans le contexte de l’acquisition d’une PME américaine dont les comptes n’étaient pas forcément audités auparavant, et qui doit désormais produire des états financiers conformes aux US GAAP ou appliquer des méthodes conformes aux exigences de son nouveau propriétaire.

Les normes américaines opèrent la même distinction que les normes françaises pour caractériser la nature des changements, à savoir changement de méthode, changement d’estimation ou correction d’erreur. Par ailleurs, elles prévoient que l’impact des changements d’estimation et des changements de méthodes soit passé en résultat sur l’exercice du changement, tandis que l’impact des corrections d’erreurs sur exercices antérieurs soit directement imputé sur les capitaux propres.

Selon les normes comptables françaises, les changements d’estimations et les corrections d’erreurs sont comptabilisés en résultat, tandis que les changements de méthodes sont imputés sur les capitaux propres à l’ouverture. Le traitement des changements de méthodes et des corrections d’erreurs est donc inverse selon les deux référentiels comptables, d’où la nécessité d’opérer un retraitement dans ces situations.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top