Les relations de l’organisation à l’environnement

3.2.3 – Les relations de l’organisation à l’environnement : un exemple de conciliation entre ouverture et clôture symbolique : Les relations que les entreprises autogérées développent avec leur environnement diffèrent des relations que nouent les entreprises traditionnelles avec leur milieu. En effet, pour Sainsaulieu : « Le rapport à l’environnement est au centre de l’inventivité des organisations à fonctionnement collectif, il est plus complexe que dans l’entreprise traditionnelle ». La Péniche présente plusieurs spécificités dans les relations et la communication qu’elle développe pour agir « sur », mais surtout « avec » son environnement. La relation à l’extérieur est en effet plus perçue sur le mode de la collaboration, de la coopération et de l’échange que sur le mode de la compétition et de la concurrence, sur le mode de la confiance plutôt que sur celui de la méfiance. De même les contacts qu’elle entretient avec son environnement ne sont pas seulement d’ordre professionnel et les relations extérieures dépassent la simple dimension contractuelle. Ainsi, les structures démocratiques semblent adopter des stratégies originales qui vont « amener ces organisations à chercher la création de réseaux d’alliances et de soutien dans l’environnement. En effet, celui-ci n’est pas monolithique et des îlots sociaux sont favorables à l’expérimentation, d’où une tentative de mobilisation constante de ces réseaux de soutien ». Au travers de cette stratégie, « la réciprocité réapparaît » : la coopération encourage ici à renoncer à un certain type de pouvoir traditionnel pour en gagner un autre. Cette manière particulière d’organiser ses relations avec son environnement sur la base de la coopération permet ainsi à l’entreprise de renouer avec un fondement anthropologique mis en lumière par Lévi Strauss : le principe de réciprocité, devenu « principe de don et de contre don » sous la plume de Marcel Mauss. La reconnaissance mutuelle des groupes correspond, en effet, pour Lévi Strauss, à la forme générale sous-jacente à l’ensemble des comportements sociaux, fondement anthropologique. Ce qui importe ici n’est pas l’objet de l’échange mais l’acte d’ « échanger » en lui même, c’est la reconnaissance de l’autre, l’enjeu est la relation sociale. Le système de don et de contre don est ainsi une contrainte d’échange par laquelle se créé le lien social transfigurant le lien naturel. Les connexions que La Péniche entretient avec son environnement renvoient ici à la conception anthropologique de la communication, où celle-ci correspond à un échange fondant la relation sociale. On retrouve également ici le monde « connexionniste » de la cité projet, où le projet est à la fois l’origine et l’aboutissement de la multiplication des échanges, des contacts, des relations. L’insertion dans des réseaux, autour de projets, invite donc à inventer de nouvelles formes de relations sociales pour répondre à de multiples objectifs, qui ne sont pas tous guidés, loin de là, par la rationalité économique, mais qui sont tous voués à « étendre le réseau » de l’entreprise. * Une pluralité d’échanges avec l’extérieur : La Péniche multiplie en effet les occasions de rencontres, d’échanges, de relations avec une multitude d’acteurs extérieurs à l’entreprise. La Péniche se veut donc une entreprise ouverte. Ainsi, il est courant que le repas du midi soit partagé avec diverses personnes invitées à découvrir l’entreprise. Au cours du mois de juin 2005, l’entreprise reçut le Président de l’Union régionale des Scop d’Ile de France, monsieur Arnaudin ; la déléguée générale du CEGES (Conseil des Entreprises et Groupements de l’Economie Sociale), Madame Gillig ; un des réviseurs de l’UR Scop Ile-de-France, des salariés de différentes SCOP ; un graphiste à la recherche de travail dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire ainsi que deux stagiaires préparant un mémoire sur les entreprises autogérées. Ces visites peuvent avoir différents objectifs : obtenir et donner des informations, échanger des expériences, mutualiser des pratiques, discuter de projets communs, bénéficier d’un regard extérieur… Ces visites visent donc à nourrir le dense réseau d’aide et de soutien auquel appartient la Péniche, mais également à publiciser les pratiques de l’entreprise. En effet, chaque visite est introduite par une présentation détaillée de la Péniche : son fonctionnement, son historique, ses activités, ses clients… Les principaux principes de fonctionnement mis en avant auprès des différents visiteurs sont les suivants : -l’absence de patron et de hiérarchie (spécificité qui semble la plus valorisée dans l’entreprise) -un système de salaire horaire égal pour tous -des tâches tournantes et la non spécialisation des postes -un temps de travail choisi. * Une communication externe à l’image de la communication interne misant sur les relations interpersonnelles : Outre ces nombreuses rencontres, la Péniche se sert également d’un support de communication externe plus classique : une pochette présentant les différents domaines d’activités et clients de l’entreprise. Cependant cet outil de communication ne semble pas beaucoup exploité. Comme en interne de l’entreprise, La Péniche semble privilégier le mode de communication orale et la rencontre en face-à-face à l’écrit. Les circuits informels sont encore une fois largement favorisés. En effet, pour faire connaître l’entreprise auprès de l’opinion publique en général, la Péniche semble avoir opté pour une méthode assez originale : le bouche-à-oreille. Ainsi, chaque salarié est soucieux de parler de son entreprise, de ses activités mais surtout de ses principes de fonctionnement, à un maximum des gens de son entourage. Chacun participe ainsi à la communication externe de l’entreprise. Encore une fois l’entreprise sait prendre en compte les temps longs humains de la proximité, de la réflexion, de l’intégration, de la compréhension, de l’intériorisation…Aux yeux de chacun, il est en effet plus probable qu’une personne s’intéresse à un sujet particulier au travers d’une conversation amicale prenant place dans un contexte convivial qu’au travers d’une pochette de présentation impersonnelle reçue par la Poste. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, l’oral bénéficie d’un important avantage sur l’écrit : il permet une meilleure adaptation à son interlocuteur, celui-ci aura alors plus de chance d’intégrer le discours qui s’adresse personnellement à lui. La Péniche est donc soucieuse de « laisser les gens comprendre, venir et s’approprier les choses ». Cette stratégie de communication externe est certes très particulière, elle est d’ailleurs largement négligée dans les entreprises. Comme le remarque Annie Bartoli, « parmi les modalité d’information externe de notoriété, il en est une que les entreprises ont souvent tendance à oublier : la possibilité pour chacun des salariés de promouvoir son entreprise au quotidien dans le cadre de tous ces contacts externes, personnels ou professionnels. En effet, chacun à l’intérieur de l’entreprise pourrait être le vecteur de la condition externe. Mais cela suppose trois conditions de base : qu’il sache (que qui renvoie à la communication interne), qu’il en soit convaincu (ce qui nécessite une cohérence entre les discours et les actions concrètes), qu’il ait envie d’en parler (ce qui repose sur une certaine motivation) ». Il semble qu’à La Péniche, ces trois conditions soient regroupées. Là aussi La Péniche pourrait illustrer cette cité projet en émergence, car toutes deux développent la même politique de communication. En effet, « la cité par projet privilégie une communication personnelle, en tête-à-tête ou en petit groupe. Les réputations passent par la bouche-à-oreille plus que par le battage médiatique. Le lobbying remplace les campagnes de publicité ». La Péniche utilise également un autre support de communication écrit mais celui-ci possède l’avantage de s’appuyer sur les dimensions humaines de l’affectif, du ludique et du festif : des cartes de voeux réalisées par la Péniche et qui participent à publiciser ses modes d’organisation mais également l’esprit d’entreprise sur un ton humoristique. * Le « réseautage » : Cette activité d’échange bien particulière consiste à « créer une communauté destinée à développer l’interconnaissance et la mise en réseau des structures autogérées ». Conformément au véritable cœur de métier de la Péniche, il ne s’agit pas de créer des réseaux professionnels ayant trait au monde de la rédaction et de la communication, mais de constituer des réseaux ayant vocation à rassembler les structures autogérées dans un but d’échanges d’expériences et de services en tout genre, « que ce soit pour tisser des liens économiques, des projets communs, attirer de nouveaux participants et surtout pour entretenir la flamme d’une conception de la production ». Conformément au principe organisationnel défendu et mis en œuvre par La Péniche, ces relations ne sont pas des relations de subordination mais de collaboration, transcendant la simple visée économique. Elles n’empêchent cependant pas la concurrence si plusieurs structures exercent la même activité. Ainsi, la présentation qu’Odile Castel fait de l’économie sociale est solidaire pourrait s’appliquer à la stratégie de réseautage de La Péniche où « aucune entité ne travaille de manière isolée mais toujours à travers un partenariat (…) elles établissent [ainsi] une configuration multipolaire (aucune entité n’a une position centrale) dans un contexte de coopération qui n’empêche pas qu’il puisse exister une relation de compétition entre elles ». De même cette stratégie de réseautage n’est pas sans rappeler la configuration particulière de Mondragon, fédération au sein de laquelle « les différentes coopératives prennent leurs décisions commerciales en toute autonomie mais profitent néanmoins de la solidarité qui règne au sein de groupe coopératif ». Selon Bélène Cartabarria « ne pas être isolé, pouvoir échanger informations, stratégie et expériences confère un sentiment de puissance ». Le réseaux dans lesquels s’inscrit La Péniche lui permettent ainsi d’être à la fois autonome et en interdépendance avec d’autres firmes porteuses de mêmes valeurs et au projet d’entreprise similaire : « l’interdépendance système-environnement et l’autonomie deviennent [ici] complémentaires ». La Péniche illustre encore une fois cette cité projet dont nous parlent Boltanski et Chiapello où « nœud de projets, l’entreprise est aussi acteur de projets plus vastes avec d’autres entreprises ». Ainsi, « Le fonctionnement en réseau », qui caractérise tant les réseaux d’entreprises autogérées que la cité projet, « satisfait cette caractéristique bien humaine de vouloir être à la fois libre et engagé. Les engagements peuvent empiéter sur notre liberté d’agir de façon autonome, mais il donne en retour un sens à notre vie et à notre travail ». La Péniche participe ainsi à toutes les rencontres qui peuvent avoir trait de près ou de loin à l’autogestion, comme par exemple les rencontres du LAP (Lycée Autogéré de Paris) organisées en juin 2005 visant à rapprocher les diverses structures autogérées et à les faire échanger sur ce mode particulier d’organisation ; ou encore une conférence organisée autour des SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif, nouvelle forme d’entreprise coopérative crée en 2002). Là encore l’objectif était de multiplier les contacts au sein des milieux autogérés et de bénéficier d’échanges d’expériences tout en réfléchissant à la structuration du mouvement autogestionnaire en France et en Europe. Plus encore, La Péniche a participé à la création d’un réseau national nommé Repas (réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires), un réseau informel d’entreprises désireuses d’échanger sur leurs expérimentations. Comme nous l’explique Michel Lulek d’Ambiance Bois, ce réseau à pour vocation de relier entre elles de multiples « initiatives économiques qui se reconnaissent cousines d’une démarche coopérative, alternative, solidaire ou sociale…Peu importe le label, l’important est dans les pratiques. C’est pourquoi le réseau s’appelle réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires ». Chaque année est ainsi organisée une rencontre autour d’une thématique particulière sur le site d’une des 30 entreprises du réseau. Ces rencontres sont ainsi « l’occasion de visiter des entreprises, de rencontrer d’autres « chercheurs explorateurs ». Elles se composent d’atelier de réflexion sur les pratiques autogestionnaires et de séances plénières mutualisant ces réflexions, mais également de moments conviviaux autour de repas et de spectacles. Comme nous l’explique Béatrice Barras, l’une des fondatrices de ce réseau, « le mot « Repas » est un clin d’œil à la convivialité qui nous est chère ». Par ses initiatives, La Péniche souhaite bénéficier d’un réseau dense d’aide, de soutien, de formation réciproque…participant au développement de l’entreprise. L’entreprise souhaite également qu’en s’unissant, les entreprises autogérées bénéficient de plus de visibilité en France ; cette démarche participe donc d’une stratégie de publicisation, mais qui dépasse leur seule entreprise, leurs efforts étant en effet tournés vers le mouvement autogestionnaire dans son ensemble. Cette activité de « réseautage » à donc une importance primordiale, l’entreprise est très attachée à cette relation particulière à son environnement et la considère comme fondamentale pour sa pérennité et son développement, mais également pour l’expansion de son modèle d’organisation. Ainsi, « l’extension et l’approfondissement du champ des complicités sont le secret de la réussite et doivent être le souci premier des entreprises alternatives ». Les entreprises autogérées sont donc à la fois ouvertes sur leur environnement extérieur mais fonctionnent pourtant en vase clos dans le sens où elles ne fréquentent que des structures similaires. Mais ce réseau semble s’élargir de jour en jour, notamment grâce aux thématiques de l’ « Economie Sociale et Solidaire » qui semblent pénétrer en profondeur le tissu social. Ce réseau offre donc désormais une multitude de contacts, qui ont l’avantage de se dérouler sur le mode de la « proximité », chacun ayant l’impression d’appartenir « au même monde ». Là encore la clôture de ce réseau est bien plus symbolique et psychologique que matérielle et structurelle. En intégrant ces réseaux, La Péniche est donc à la fois ouverte sur son environnement, ce qui lui permet de se régénérer continuellement grâce à un apport d’informations toujours renouvelées, mais également « fermée », « close symboliquement » puisqu’elle ne s’ouvre que sur des structures portant le même projet qu’elle (expérimenter et publiciser l’autogestion et les pratiques alternatives), ce qui lui permet de bénéficier d’une forte identité. La place que la Péniche occupe au sein du réseau REPAS (ainsi que les autres structures qui composent ce réseau) nous offre donc une illustration parfaite de ce processus paradoxal que nous décrit Jean-Pierre Dupuy selon lequel l’environnement du système participe à la clôture organisationnelle, cognitive et informationnelle de ce système. La Péniche nous montre ainsi l’exemple d’un système à la fois fermé sur lui même et ouvert sur le monde. Le réseau REPAS est également une illustration concrète de la métaphore holographique. Il se veut en effet un tout en lui-même, dont le projet spécifique (qu’il prenne le nom d’autogestion, d’économie social et solidaire, d’alternative…) est contenu dans chacune de ses parties (les différentes structures qui la compose). Cette pratique du « réseautage » n’est pas sans rappeler la thématique fédéraliste propre à l’anarchisme autogestionnaire du XIX° siècle, et dont le réseau Repas pourrait être une illustration. Ainsi, plutôt que la révolution prolétarienne, Proudhon prônait davantage l’association des ouvriers et la découverte, l’invention de nouveaux modes de relations sociales et de nouvelles formes de structures économiques. A cette forme particulière d’association il donnera le nom de fédéralisme et l’objectif de lier différents groupements humains tout en les laissant libres et indépendants. Nous avons en effet défini l’idéal type autogestionnaire comme renvoyant à de « petites communautés autonomes respectueuses du pluralisme des éléments qui la constituent, mais fédérées entre elles par des relations d’entraide et de réciprocité ». Le respect de la pluralité des éléments qui composent le réseau REAPS est perceptible au travers de l’extrême diversité des formes organisationnelles que prennent les entreprises qui composent ce réseau et qui, pourtant, portent toutes le même projet organisationnel : travailler autrement en expérimentant les principes autogestionnaires. Au travers de cette diversité on retrouve également le caractère hautement expérimental des entreprises autogestionnaires, où l’application des principes idéal typiques autogestionnaires peut prendre de multiples formes. Cette multiplicité de formes organisationnelles est le reflet même de la liberté laissée à chacun de ces collectifs qui décident par eux mêmes de la finalité de leur regroupement et des modalités pour y parvenir. Ainsi, Sainsaulieu, Tixier et Marty remarquent que « le paysage des organisations ayant adopté une dimension collective est très diversifié », de même, Emeric Bréhier constate l’ « impossibilité de percevoir l’autogestion comme uniforme ». Et pour Jacques Grand’Maison, l’objectif de ces réseaux doit être de « permettre une variété des formules mais toujours autour d’un objectif : libérer la capacité de créativité, d’imagination et de concertation ». Le fédéralisme entre structures autogérées tente ainsi de concilier diversité et cohésion, autonomie et interdépendance, comme l’explique Henri Arvon : « Ces fédérations suivent des contrats synallagmatiques et commutatifs qui lient ceux qui y souscrivent mais chacun est libre de le résilier ». L’entreprise autogérée et les réseaux d’aide, de soutien et d’échanges dont elle s’entoure illustre ainsi parfaitement ce « monde connexionniste » en émergence, caractéristique des nouvelles formes organisationnelles. Comme en témoigne Béatrice Barras, fondatrice d’Ardelaine et du réseau Repas, « nos méthodes ont souvent fait appel au relationnel (…) La capacité à nouer des relations, à échanger des données, à créer des réseaux de confiance et de communauté d’intérêt est des plus performante, opérationnelle et satisfaisante ». Le réseau REPAS nous permet ainsi d’illustrer les similitudes que l’on retrouve entre certains éléments de la pensée autogestionnaire et les nouvelles théories organisationnelles. Toutes deux tournent en effet autour des problématiques interactionnelles de la dialectique et de la systémique cherchant à concilier l’individu et le collectif, autonomie et interdépendance, diversité et cohésion…et toutes deux militent pour l’expérimentation de nouvelles formes organisationnelles, basée sur l’invention de nouvelles relations qui ne doivent pas n’être qu’un moyen au service d’un finalité purement économique, mais doivent aussi être considérées comme la condition même de la constitution de la société et du développement de l’intelligence. 4 – Conclusion : 4.1 – La réactualisation de l’idée autogestionnaire dans les nouvelles théories organisationnelles : Ainsi, nouvelles théories organisationnelles et théorie autogestionnaire développent toutes deux une « image » très similaire de l’organisation et des processus organisationnels, mettant notamment l’accent sur : La reconnaissance des dimensions collectives, interactionnelles et collaboratives du travail Le refus du centralisme et de l’autoritarisme auxquels se substituent la décentralisation et les thématiques de la confiance, de la coopération et de la réciprocité La remise en cause de la logique de formalisation et la reconnaissance de l’importance du système de régulation autonome et informel La valorisation de l’intelligence, de l’apprentissage et de la créativité La reconnaissance du pluralisme L’importance de la pleine implication et participation de tous La revalorisation du travail Le passage de formes organisationnelles pyramidales et hiérarchiques à des formes organisationnelles horizontales disséminant les compétences et les pouvoirs décisionnels et organisationnels à tous les niveaux de l’organisation. La remise en cause de la division du travail, de la séparation entre conception et exécution, et de la division entre les différentes sphères de l’existence humaine Une conception non plus statique mais processuelle de l’organisation valorisant les thématiques de l’expérimentation et du changement permanent. Autant de nouveaux fondements pour l’organisation, communs à la théorie autogestionnaire et aux nouvelles théories organisationnelles, qui nécessitent la démultiplication des flux de communication pour s’actualiser. Les Sciences de l’Information et de la Communication s’avèrent donc être une discipline clé pour analyser les entrelacements de ces deux modèles organisationnels. 4.2 – La société de l’information, de la communication et de la connaissance comme terrain propice au renouveau de l’idée autogestionnaire : La société de l’information a été un sujet favori des futurologues et prospectivistes avant de devenir une préoccupation des chercheurs et des décideurs politiques. On constate depuis quelques temps un glissement sémantique qui nous fait passer de la société de l’information à celle de la connaissance. Ce glissement témoigne de la mutation de notre regard sur les phénomènes organisationnels et communicationnels, qui s’attache désormais à dépasser les conceptions classiques réductrices pour développer des approches à la fois élargies et affinées, en un mot complexifiées. Ainsi pour Valenduc, ce glissement permet de « retracer un itinéraire conceptuel qui part d’une approche de la société postindustrielle nettement imprégnée de déterminisme technologique, pour s’achever (provisoirement sans doute) sur la notion de société de la connaissance, qui accorde un rôle prépondérant au capital humain et au capital social ». Ainsi, « parler de société de la connaissance c’est mettre l’accent sur de nouvelles dimensions : le savoir, l’apprentissage, la culture ». Ce n’est plus le simple échange d’informations, de données brutes qui permet l’organisation, mais la compréhension, l’intériorisation puis l’extériorisation des ces informations leur conférant un statut de connaissance. C’est donc l’intelligence qui devient la variable organisationnelle, et donc productive, de base au travers des processus informationnels et communicationnels. Ceux-ci permettent en effet aux potentiels cognitifs non seulement de s’exprimer (et de servir ainsi l’organisation), mais plus encore de se développer à travers la transmission d’informations, les échanges et les relations sociales. La société actuelle est ainsi celle de l’information, la communication et de la connaissance. On retrouve ici les trois variables clés des organisations autogérées. Comme nous l’avons évoqué, c’est en effet la socialisation de ces trois variable organisationnelles qui sont à la base de la socialisation du pouvoir et donc de l’autogestion. Cette société de l’information, de la communication et de la connaissance semble un terrain propice pour le développement d’organisations autogérées. Elle se caractériserait en effet par la démocratisation de la réception et de l’émission d’informations. Elle encourage donc la « socialisation » des moyens d’information et de communication, c’est-à-dire leur dissémination au sein du tissu social. Parallèlement, cette nouvelle doctrine repose sur l’idée qu’information et communication sont désormais les principaux vecteurs d’organisation. En socialisant les moyens d’information et de communication, elle participe donc, in fine, à la socialisation des moyens d’organisation et donc du pouvoir. Ainsi, comme le souligne Pierre Rosanvallon : « la société informationnelle est l’envers du centralisme démocratique : elle organise la circulation du pouvoir à tous les niveaux et pas seulement de manière verticale. Elle s’appuie sur la conception d’une société décentralisée qui tend à diffuser le pouvoir pour le démocratiser ». Frank Georgi, fervent défenseur et promoteur de l’idée autogestionnaire, milite ainsi pour « une société informationnelle où le pouvoir circule à tous les niveaux ». 4.3 – Le renouveau de la pensée autogestionnaire comme système organisationnel alternatif ? Ainsi, l’idée autogestionnaire, loin d’être morte (comme pourrait le laisser penser son absence patente dans les débats contemporains), semble être en réalité une idée pertinente et d’une vigoureuse actualité dans les nouvelles théories organisationnelles comme dans le contexte sociétal actuel. Son apparente désuétude ne serait liée qu’au phénomène naturel du « cycle de vie des mots ». En effet, pour Frédéric Cépède « si nous appliquons cette hypothèse du cycle de vie des mots à l’autogestion, nous pouvons considérer qu’après avoir connu la marginalité puis le succès dans les années 70, l’autogestion comme mot a vécu ensuite la phase de banalisation qui accompagne le succès et prépare la décadence puis l’oubli. Mais l’autogestion comme source de vitalité souterraine, comme attente d’une démocratie toujours plus radicale et participative reste, elle, féconde et rien n’interdit de penser que le mot puisse connaître dès lors une nouvelle jeunesse dans un avenir plus ou moins proche ». Ainsi, si le mot « autogestion » est bien mort, l’idée que ce terme incarne, et notamment l’ « image » de l’organisation dont il est porteur, reste toujours, voire de plus en plus, pertinente. L’idée autogestionnaire semble ainsi refleurir derrière de nouveaux vocables et de nouvelles thématiques. Michel Trebitsch se demande ainsi si l’idée autogestionnaire ne « renaît[rait] pas aujourd’hui dans la notion de « citoyenneté » ou de « nouvelle citoyenneté ». L’autogestion est aujourd’hui métisse de décentralisation, d’autonomie culturelle, de refus du politique, de contournement du national ». Frank Georgi constate lui aussi que « l’autogestion n’est pas morte et sa prospérité peut se lire aujourd’hui dans les mouvements contemporains en faveur d’une autre mondialisation essayant d’articuler les échelles de la démocratie, du local au global, nécessitant un haut niveau d’auto régulation ». Ainsi, pour Pierre Rosanvallon « l’autogestion n’est pas une doctrine du XIX°, elle est la fille du XXI° siècle. Son projet et sa méthode accompagnent la rupture que nous indique la science contemporaine ». C’est également l’idée que semblent défendre Michael Hart et Antonio Négri en constatant l’émergence d’une nouvelle forme organisationnelle globale qui offrirait « de nouvelles possibilités aux forces de libération ». A la société de contrôle, qui a succédé à la société disciplinaire, se substitut ainsi une nouvelle société qu’ils nomment « postmoderne (…) dans laquelle les mécanismes de maîtrise se font toujours plus « démocratiques », toujours plus immanents au champ social, diffusés dans le cerveau et le corps des citoyens ». Ces auteurs situent le lieu d’émergence de cette nouvelle forme macro-organisationnelle au sein de l’entreprise car c’est le lieu « où naissent les résistances et les solutions de remplacement les plus efficaces au pouvoir de l’Empire ». En effet, l’activité productive des entreprises contemporaines semble actuellement subir de profonds bouleversements qui les amèneraient sur les chemins de l’autogestion : « la révolution de l’accumulation informationnelle requiert un énorme bond en avant vers une plus grande socialisation de la production. Cette socialisation grandissante est un processus qui fait assurément bénéficier le capital d’une productivité accrue, mais qui pointe aussi, au-delà de l’ère du capital, vers un nouveau mode social de production ». L’entreprise devient ainsi le lieu où s’exprime l’ « exigence politique de la multitude : le droit à la réappropriation (…) Dans ce contexte, la réappropriation signifie avoir le libre accès (et le contrôle sur) la connaissance, l’information, la communication et les affects, parce que ce sont quelques uns des moyens premiers de la production biopolitique. Le droit de réappropriation est réellement le droit de la multitude à l’autocontrôle et l’autoproduction autonome ». 4.4 – L’intégration de l’idée autogestionnaire par le système organisationnel dominant ? Dans une perspective beaucoup moins « enchantée », Boltanski et Chiapello font un constat plus amer : l’idée autogestionnaire, loin de remettre la logique capitaliste en question et de représenter une alternative, servirait au contraire à la justifier, à lui donner un sens, à remobiliser les travailleurs, c’est-à-dire ceux qui jouent un rôle dans le processus d’accumulation capitaliste sans en être les bénéficiaires privilégiés, et qui ont donc besoin d’une symbolique forte pour s’y engager. Boltanski et Chiapello constatent ainsi la « capacité surprenante de survie [du système capitaliste] par endogénéisation d’une partie de la critique ». C’est en effet la critique qui serait le facteur essentiel de régénération du capitalisme. En croyant le combattre, elle contribuerait, paradoxalement, à le maintenir. Ainsi, « parce que la critique permet au capitalisme de se doter d’un esprit qui est nécessaire à l’engagement des personnes dans le processus de fabrication du profit, elle sert indirectement le capitalisme et est un des instruments de sa capacité à durer ». L’ouvrage de Michael Hart et d’Antonio Négri semble lui aussi conduire au même constat : « de façon à la fois paradoxale et contradictoire, les processus impériaux de mondialisation assument ces événements en les identifiant à la fois comme limites et comme occasions pour recalibrer les instruments même de l’Empire ». 4.5 – Ouverture : Pour penser réellement la place de l’autogestion dans le renouvellement actuel des formes organisationnelles, il nous faut également souligner ce qui différencie cette théorie des nouvelles théories organisationnelles. Tout d’abord, ces deux théories ne poursuivent pas les mêmes buts : la première valorise cette image de l’organisation car elle est jugée plus humaniste/démocratique, pour l’autre parce qu’elle est jugée plus efficace. D’autre part, ces deux images de l’organisation fort similaires ne se développent pas dans le même contexte social, économique et culturel : l’une est fille du XIXème siècle alors que la deuxième émerge à l’orée du XXIème siècle. Profondément, ces deux images sont donc le reflet deux idéologies bien distinctes : le socialisme, voire l’anarchisme, du XIXème siècle pour la première et le capitalisme contemporain pour la seconde. Malgré ces fortes différences, ces deux idéologies semblent s’appuyer sur des principes organisationnels similaires, reposant notamment sur une intensification des activités communicationnelles, informationnelles et cognitives. Une question se pose alors : de part cet ancrage idéologique fort différent, ces deux corpus théoriques prônant des principes organisationnelles quasi identiques vont-ils forcément déboucher sur des pratiques organisationnelles similaires ? Une question plus conceptuelle se pose également : les tentatives de mise en application des nouvelles théories organisationnelles au sein de entreprises contemporaines amorcent-t-elles un certain renouveau de l’autogestion ou reflètent-elles au contraire l’extraordinaire intégration de la critique par le système capitaliste et donc « la fin de l’histoire », désormais engluée dans un système organisationnel indépassable ? Ou bien représentent-elles une troisième voie, une alternative permettant de dépasser ces deux idéologies par le passage à un méta niveau conciliant objectif économique et objectif social ? Ce travail de recherche demande donc à être poursuivi en passant du niveau des théories, des principes et des discours à celui des pratiques organisationnelles. Ce mémoire se poursuivra donc par la réalisation d’une Thèse visant à comparer les pratiques organisationnelles des coopératives autogérées à celles issues des innovations managériales contemporaines. L’objectif sera ainsi de poursuivre cette interrogation sur la place de l’autogestion dans les pratiques entrepreneuriales actuelles et d’affiner notre compréhension des modèles organisationnels actuellement en émergence. Bibliographie : Ouvrages généraux: AMBLARD, Henri ; BERNOUX, Philippe ; Herreros, Gilles; LIVIAN, Yves-Frédéric. Les nouvelles approches sociologiques des organisations. Seuil, 1996 (3° éditions augmentée en 2005) AUGE, Marc. Pour une anthropologie des mondes contemporains. Flammarion, 1994 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999 BARTOLI, Annie. 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http://www.reseaurepas.free.fr
Films : La coopérative Mondragon, une idée d’avenir ? Film de Wiltrud Kremer Lire le mémoire complet ==> (Réactualisation de l’idée autogestionnaire – Autogestion) Mémoire de fin d’étude MASTER 2 Etudes et Recherches en Sciences de l’Information et de la Communication

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