La fiscalité applicable à la transmission du patrimoine

Assurance-vie et organisation de la transmission du patrimoine La souscription d’un contrat d’assurance-vie est très souvent motivée par la volonté d’aménager la transmission de son patrimoine dans de bonnes conditions juridiques et fiscales. Chacun souhaite, en effet, transmettre ses biens à ses proches, enfants, petits-enfants, conjoints, parents plus éloignés, voir amis. Or, sans exiger la présence d’un lien de sang, seule l’assurance-vie permet de donner une totale liberté dans la transmission de son patrimoine, en choisissant librement les bénéficiaires, qu’ils fassent ou non parties du cercle familial. Même si l’exonération totale est devenue l’exception et la taxation la règle générale, il faut noter que celle-ci s’effectue dans des conditions généralement plus avantageuses que celles réservées aux autres actifs transmis à l’occasion de la succession d’un particulier.

§1 : Présentation générale de la fiscalité applicable lors de la transmission du patrimoine au bénéficiaire

A) Assurance-vie et mutation par décès

1) Conditions nécessaires

Pour pouvoir  appliquer le régime fiscal de faveur de l’assurance-vie, plusieurs conditions doivent être réunies, qu’il convient de rappeler même si elles sont parfois évidentes :

  • le contrat doit être un contrat d’assurance vie…,
  • le contrat doit être dénoué par le décès de l’assuré et tel n’est pas le cas lorsque le capital est payé au terme du contrat à un bénéficiaire désigné autre que l’assuré, celui-ci étant encore en vie.

Le capital doit être payé au profit d’un bénéficiaire en cas de décès déterminé ou déterminable au travers de la clause qui le désigne. Dans le cas contraire les sommes tombent dans la succession de l’assuré, sont réparties entre les différents héritiers et taxées au titre des droits de mutation par décès, La désignation du bénéficiaire doit être réalisée à titre gratuit, si elle est à titre onéreux, la transmission ne supporte aucune taxation.

2) Fiscalité applicable : fonction de multiples facteurs.

L’identification de la fiscalité applicable dépend de la combinaison de multiples facteurs :

  • la date de souscription du contrat : avant ou après le 20 novembre 1991,
  • l’âge de l’assuré au jour du versement des primes : avant ou après 70 ans,
  • la date de versement des primes : avant ou après le 13 octobre 1998.

Les droits de mutations par décès pour les primes versées après 70 ans. L’article 757 B du Code général des impôts, créé par l’article 68 de la loi de finances pour 1980, et modifié par l’article 26 de la loi de finances pour 1991, dispose : « I. – Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30.500 € . II. – Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré, il est tenu compte de l’ensemble des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré pour l’appréciation de la limite de 30.500 €. III. – Les conditions d’application du présent article et notamment les obligations concernant les informations à fournir par les contribuables et les assureurs sont déterminées par décret en Conseil d’Etat . » L’instruction 7G-4-92 commente l’article 757 B du Code général des impôts et précise les conditions d’assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit des sommes versées à un bénéficiaire en cas de décès de l’assuré :

  • tous les contrats d’assurance-vie entre dans le champ d’application,
  • le contrat doit avoir été souscrit à compter du 20 novembre 1991,
  • et sont concernées toutes les primes versées après 70 ans.

La base d’imposition est, en principe constituée par les primes versées après les 70 ans de l’assuré et non la faction de capital correspondant à ce versement. En cas de primes versées par deux co-souscripteurs-assurés, dont l’un a plus de 70 ans, les primes seront considérées versées après 70 ans si le plus jeune décède en premier. La formulation « prime versée » exclut de a base de taxation les produits générés par le placement. Les rachats partiels et les avances accordées par les assureurs non remboursées au décès de l’assuré restent sans incidence sur l’assiette de la taxation, à moins que le capital en compte ne devienne inférieur aux primes versées. L’abattement de 30.500 € est unique par assuré, quel que soit le nombre de bénéficiaires et quel que soit le nombre de contrat comportant des primes versées après 70 ans. Il se réparti entre le bénéficiaires au prorata de leurs droits. Au-delà de cette somme, c’est le droit commun des successions qui s’applique. Lorsque les contrats comportent des primes versées après les 70 ans de l’assuré, les assureurs ne peuvent effectuer le paiement des capitaux aux bénéficiaires que s’ils ont, dans les 45 jours qui suivent la connaissance du décès, informé le fisc sur l’identité des bénéficiaires et sur le montant des prime versées après 70 ans et qu’ils ont la preuve que les bénéficiaires ont bien acquitté leurs droits de mutation.

Le principe de taxation de l’article 990 I du Code général des impôts

L’article 990 I du Code général des impôts, mis en place par l’article 37 de la loi de finances pour 1999 et entré en vigueur pour les successions ouvertes à compter du 1 janvier 1999, qui a mis fin à l’exonération totale au titre des droits de mutation pour les capitaux exclus du champ d’application de l’article 757 B du Code général des impôts dispose : « I. Lorsqu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 757 B, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un ou plusieurs organismes d’assurance et assimilés, à raison du décès de l’assuré, sont assujetties à un prélèvement de 20% à concurrence de la part revenant à chaque bénéficiaire de ces sommes, rentes ou valeurs correspondant à la fraction rachetable des contrats et des primes versées au titre de la fraction non rachetable des contrats autres que ceux mentionnés au 1° du I de l’article 199 septies) et que ceux mentionnés aux articles 154 bis, 885 J et au 1° de l’article 998 et souscrits dans le cadre d’une activité professionnelle, diminuée d’un abattement de 152.500 €). Le bénéficiaire doit produire auprès des organismes d’assurance et assimilés une attestation sur l’honneur indiquant le montant des abattements déjà appliqués aux sommes, rentes ou valeurs quelconques reçues d’un ou plusieurs organismes d’assurance et assimilés à raison du décès du même assuré. II. Le prélèvement prévu au I est dû par le bénéficiaire et versé au comptable des impôts par les organismes d’assurance et assimilés ou leur représentant fiscal visé au III dans les quinze jours qui suivent la fin du mois au cours duquel les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux ont été versées aux bénéficiaires à titre gratuit. Il est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d’assurances prévue aux articles 991 et suivants. III. Les organismes d’assurance et assimilés non établis en France et admis à y opérer en libre prestation de services doivent désigner un représentant résidant en France personnellement responsable du paiement du prélèvement prévu au I ». Dans le principe, la taxation devient la règle et l’exonération l’exception, même si l’abattement de 152.500 € ouvre encore un champ d’optimisation important. La base d’imposition est la valeur de rachat au jour du décès, correspondant aux primes versées avant 70 ans et après le 13 octobre 1998, après un abattement de 152.500 € par bénéficiaire distinct. Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré au profit d’iun même bénéficiaire, il convient, pour l’application de l’application de l’abattement, de tenir compte de l’ensemble des parts taxables revenant au même bénéficiaire au titre de chacun de ces différents contrats ; Quand le capital décès est démembré, il semble d’après une réponse ministérielle du 9 août 2005 intégrée dans la doctrine administrative que les avantages fiscaux ne bénéficient qu’à l’usufruitier. Cependant, selon la doctrine majoritaire cette réponse ministérielle est erronée : il devrait y avoir autant d’abattement qu’il n’y a de bénéficiaires. Le prélèvement de 20%, qui est effectué directement par la compagnie d’assurance après l’abattement de 152.500 € par bénéficiaire, est un prélèvement spécifique, distinct des barèmes des droits de mutation auxquels il se substitue et s’applique quel que soit le lien de parenté avec le bénéficiaire désigné. La fiscalité applicable à la transmission du patrimoine La part qui excède l’abattement de 152.500 € ne peut bénéficier de l’abattement de 46.000 € au titre des droits de succession, ni des premières tranches du barème.

B) Assurance-vie et mutation entre vifs

L’application de la fiscalité spécifique de l’assurance-vie en matière de droits de mutation est conditionnée par différents facteurs, dont notamment que le contrat soit dénoué par le décès de l’assuré. Pour autant, il existe un certain nombre de configurations où l’assurance-vie peut opérer une mutation entre deux personnes, sans pour autant que le contrat soit dénoué par décès :

1) Adhésion conjointe

Ce type de souscription autrefois très répandue est aujourd’hui réservé aux régimes matrimoniaux aménagés. Le Code des assurances autorise la possibilité de mettre en place un contrat comportant deux co-souscripteurs, co-assurés du contrat, le dénouement n’intervenant qu’au deuxième décès. Certains ont tenté d’utiliser ce mécanisme pour transférer des capitaux, en évitant toute fiscalité. Ainsi, notamment s’étaient mis en place des contrats entre un payeur de prime relativement âgé et un deuxième co-souscripteur, destiné à terme à récupérer l’intégralité des droits du souscripteur et à appréhender la valeur de rachat du contrat. L’administration fiscale a exprimé à plusieurs reprises une position très restrictive sur ce type de montage, sans pour autant l’officialiser : elle estime que cette opération constitue une donation indirecte, soumise aux droits de mutation. Cette position a été reprise dans un arrêt de la Cour de cassation du 1 décembre 1998. Quand cette adhésion conjointe est réalisée entre époux séparés de bien ou époux commun en biens sans que leur régime matrimonial ait fait l’objet d’aménagements (préciput ou attribution intégrale au profit du survivant), on peut considérer que la qualification de donation indirecte serait maintenue.

2) Les autres configurations spécifiques

Différenciation assuré souscripteur et paiement du capital terme à un bénéficiaire en cas e vie différent du souscripteur. Il semble peu douteux de considérer que le paiement du capital terme au profit d’un bénéficiaire autre que le souscripteur constitue une donation indirecte soumise aux droits de mutation.

Souscription démembrée et décès de l’usufruitier

L’investissement de capitaux démembrés au sein d’un contrat d’assurance-vie se veut une réponse cohérente et relativement simple aux difficultés auxquelles se trouvent confrontés tant le nu-propriétaire que l’usufruitier dans le cadre de l’optimisation de la gestion des capitaux démembrés entre eux. Cependant ce schéma laisse subsister de nombreuses incertitudes tant sur le plan patrimonial que sur le plan civil. Dans les schémas d’investissements de capitaux démembrés en assurance-vie, on trouve généralement un couple usufruitier/nu-propriétaire dont l’usufruitier relativement âgé a besoin ou tout moins souhaite en garder la faculté et dont le nu-propriétaire, souvent quinquagénaire, souhaite investir en assurance-vie des capitaux dont il ne disposera qu’au décès de l’usufruitier et dont la souscription anticipée lui procurera des avantages : « faire tourner le compteur fiscal » des huit ans au-delà duquel il lui sera possible de générer des revenus avec une fiscalité très faible,

Gestion des capitaux sans impôts sur les plus-values en cas d’arbitrage

Optimiser la transmission de son patrimoine à ses propres enfants en cas de décès en profitant du régime fiscal de l’assurance-vie avant 70 ans que l’usufruit soit éteint ou pas. En cas de prédécès de l’usufruitier : si l’usufruitier n’exerce pas son droit de rachat avant son décès, ne peut-on pas qualifier ce non exercice de donation indirecte au profit du nu-propriétaire ? Par prudence on peut conseiller l’usufruitier d’exercer une fois sa faculté de rachat, mais une telle qualification serait difficile à démontrer dans la mesure où l’exercice du rachat n’est nullement une obligation. Au décès de l’usufruitier, les auteurs s’accordent à dire que la réunion de la pleine propriété entre les mains du nu-propriétaire n’entraîne aucune taxation en vertu de l’article 1133 du Code général des impôts, à condition toutefois que l’origine du démembrement soit clairement établie et que la preuve en soit conservée au fil des réemplois successifs pour éviter l’application ce l’article 751 du Code général des impôts.

Prédécès du nu-propriétaire :

Cette hypothèse doit être prévue et encadrée dans la convention qui articule la clause bénéficiaire en indiquant en général que tant que l’usufruitier est en vie, les bénéficiaires désignés conjointement ne le sont que pour la nue-propriété. Dans ce cas de figure classique, comment s’appliquera la taxation prévue au titre de l’article 990 I du Code général des impôts. D’après la réponse ministérielle du 9 août 2005, précitée, intégrée dans la doctrine administrative concernant le démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie entre un usufruitier et un nu propriétaire, il semblerait par analogie qu’un seul abattement pour l’usufruitier puisse être effectué : le maintien de son droit à l’usufruit est ainsi cher payé. Pour conclure, s’agissant de la souscription démembrée, moins l’usufruitier a besoin de revenus réguliers, plus il est âgé et plus l’enjeu transmissif est fort pour le nu-propriétaire, plus la souscription d’une contrat d’assurance-vie démembré est opportune.

Donation d’un contrat d’assurance-vie

Dans cette opération envisageable, il est préférable de prévoir que le futur donataire sera, dès l’origine assuré du contrat, cette qualité ne pouvant se transférer. Il s’agit ici d’une donation classique, et non une donation indirecte, soumise aux droits de mutation à titre gratuit. Par ailleurs on peut supposer que le changement d’identité du souscripteur entraîne novation du contrat. Lire le mémoire complet ==> (Assurance vie : Assurance décès, vie et assurance vie mixte) Université de Nice Sophia-Antipolis – faculté de droit, de sciences économiques et politiques et de gestion Master II de droit notarial

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