La fiscalité des contrats dits à bonus de fidélité

II) La fiscalité des contrats dits à bonus de fidélité La relative discrétion avec laquelle l’offre commerciale des contrats à bonus de fidélité est orchestrée pourrait laisser croire qu’ils ont quelque chose à cacher. Qu’en est-il en réalité ? S’agit-il simplement de contrats exploitant habilement certaines dispositions du Code des Assurances dans le but de procurer des avantages fiscaux particuliers à leurs souscripteurs ? Ou d’un vrai concept de gestion qui permet de donner une prime en matière de rentabilité aux épargnants fidèles ? Souvent l’un, parfois les deux, sachant qu’il est difficile de donner un avis général autre que prudent, tant les formules proposées sur le marché sont diverses.

A) Le principe des contrats dits à bonus de fidélité

La plupart des contrats proposés sur le marché sont construits sur la base de l’article R331-5 du Code des Assurances qui définit la notion de garantie de fidélité. Ils distinguent d’un côté la « garantie principale » et de l’autre le « bonus de fidélité ». Le montant affecté au bonus en général défini comme la différence positive entre l’épargne revalorisée et le cumul des versements net de frais (soit 100% de la valorisation nette constatée). Le bonus de fidélité ainsi alimenté ne devient disponible qu’après un certain délai (au minimum 8 ans) et sous certaines conditions prévues aux conditions générales du contrat. Mais des formules plus récentes explorent une autre piste, qui fonde sa logique sur l’article A 331-9 du Code des Assurances, c’est-à-dire la faculté de différer l’attribution de participation aux bénéfices de l’année N+8, celle de l’année N+1 en N+9, etc.. Dans un cas comme dans l’autre, l’analyse – souvent validée par une consultation fiscale confidentielle mais largement diffusée auprès du candidat souscripteur – conclut que la valeur du bonus n’a pas à être intégrée dans la valeur de rachat du contrat, tant que les conditions de sa consolidation ne sont pas réalisées.

B) Quels avantages fiscaux, pour quels souscripteurs ?

Ce type de contrat ne procure aucun avantage fiscal spécifique par nature, sauf dans deux hypothèses lorsque le souscripteur est soumis à l’ISF, et/ou s’il effectue des rachats partiels sur son contrat pour générer des revenus. En effet dans les deux cas, la minoration de la base taxable au titre de la valeur de rachat procure un avantage fiscal par rapport à un contrat dont la performance financière serait identique mais directement affectée au contrat et non au bonus de fidélité,

1) En cas de rachats partiels effectués sur le contrat

La formule de calcul de la part des produits taxables comprise dans un rachat partiel fait référence à la valeur de rachat du contrat. Si cette valeur de rachat ne comprend pas (ou peu) de produits générés depuis l’origine, la part taxable est réduite par rapport à un contrat classique. Les rachats partiels successifs effectués pendant la période de fidélité – ce qui est sans doute par ailleurs antinomique – permettent donc d’être presque totalement exonéré d’impôt sur le revenu. Si l’on prend l’hypothèse d’un investissement de 200.000 € sur un contrat sans bonus de fidélité dont la performance moyenne annuelle s’établit à 6%. Le cumul des PFL et cotisations sociales liés à des rachats annuels de 12.000€ pendant les 8 premières années (soit 96,000 € au total) s’élève à environ 6.700€, soit 7% du montant des rachats. L’allocation de cette performance à un bonus de fidélité permet donc de réaliser une économie d’impôt de cet ordre, en cas de rachats équivalents. Toutefois, il ne s’agit que d’un différé dans le temps. En effet lorsque le bonus de fidélité est consolidé et affecté au contrat, les rachats partiels ultérieurs font apparaître une fraction taxable normale (puisqu’elle inclut tous les produits non imposés précédemment). Toutefois le taux appliqué sera inférieur (sans compter la déduction éventuelle de l’abattement de 4.600€ ou 9.200€) ce qui se traduit au final par une économie d’impôt. Paradoxalement, pour ce type de contrat, il est plus intéressant d’effectuer des rachats partiels avant 8 ans, et de les éviter ensuite, ou de les limiter à la saturation de l’abattement

2) Souscripteurs soumis à l’impôt de solidarité sur la fortune

L’article 885 F du Code général des impôts définit la valeur à prendre en compte au titre de l’I.S.F. en ce qui concerne les contrats d’assurance-vie placement en distinguant les contrats comportant ou non une valeur de rachat. Cette notion correspond à la valeur qui serait remboursée par la compagnie en cas de rachat, en l’occurrence â la date du 1er janvier de l’année d’imposition au titre de I’I.S.F.. Si le contrat souscrit comporte un bonus de fidélité (ou une participation aux bénéfices différée) et que les conditions définies pour son affectation au compte du souscripteur ne sont pas encore remplies, la valeur de rachat du contrat au 1er janvier n’intègre pas celle du bonus. La fiscalité des contrats dits à bonus de fidélitéMais en dehors du plaisir de faire de la “résistance” à l’impôt, à combien peut-on estimer le « gain fiscal » ? Bien évidemment, il est d’autant plus consistant que la fraction de la croissance constatée sur le contrat affectée au bonus de fidélité est importante, et que la tranche marginale d’I.S.F. est élevée. Exemple : Supposons que la technique du bonus de fidélité permette de mettre « hors valeur de rachat » l’intégralité de la croissance constatée sur le contrat pendant les 8 premières années, et limitons la valeur de rachat à la contre-valeur de la prime initiale (même si en réalité la garantie principale peut varier à la hausse comme à la baisse). Pour un montant investi de 200.000 € , une croissance moyenne annuelle de 7%, et une tranche marginale d’imposition de 0,75% le cumul de l’impôt I.S.F. économisé s’élève à 3.885 € . Soit une surperformance liée à la fiscalité de 0,17% annuel par rapport à un contrat dont la performance serait identique mais incluse dans la valeur de rachat. Pour un taux d’imposition de 1,80%, le gain passe à 9.325 € sur 8 ans, soit une sur performance fiscale de 0, 42% par an. Le gain est alors sensiblement équivalent à celui qui peut être tiré de la souscription d’un contrat de capitalisation (dont le régime fiscal spécifique limitant la base taxable à la valeur de la prime investie a été récemment confirmée) mais avec tous les avantages attachés à l’assurance-vie en cas de décès de l’assuré en cours de contrat. Si le contribuable bénéficie par ailleurs d’un plafonnement de son ISF, et qu’il génère une fraction de ses revenus par des rachats exonérés pendant la période de fidélité, il pourra encore optimiser les bénéfices tirés de l’utilisation d’un tel contrat.

3) Les risques de remise en cause.

Pour le souscripteur qui n’effectuerait aucun rachat partiel pendant la période de fidélité, et ne serait pas soumis à l’ISF, à l’évidence aucun risque, puisqu’il ne bénéficie d’aucun avantage fiscal spécifique lié à la technique du bonus de fidélité. Par contre, ceux qui tirent des avantages fiscaux de la souscription et de l’usage d’un tel contrat sont naturellement sensibles à leur éventuelle remise en cause. De manière réaliste, quels pourraient être les angles d’attaque de l’administration fiscale ? Un angle d’attaque dangereux serait la contestation du caractère aléatoire du bonus. En effet, le fondement de sa non-intégration dans la valeur de rachat est lié à son caractère aléatoire, qui ne doit pas être confondu avec une simple indisponibilité temporaire. En la matière, la Cour de Cassation a rendu un arrêt en date du 24 juin 1997 (arrêt Junca) concernant un contrat d’assurance-vie dont le droit de rachat ne pouvait être exercé au cours des 6 premières années. Le souscripteur estimait alors que ce contrat ayant une valeur de rachat nulle au cours de la période d’indisponibilité, et n’avait pas à être ajouté à son patrimoine taxable au titre de l’I.S.F.. La Cour de Cassation a estimé au contraire que “le droit à remboursement, même différé, à une valeur économique prédéterminée ». L’administration fiscale en tire alors fort naturellement la conclusion suivante lorsque le droit à remboursement constitue un droit acquis, dont le versement est certain, il convient donc d’en tenir compte dans l’évaluation du patrimoine taxable à l’I.S.F.. Il faut donc qu’un aléa concernant l’attribution ou la perte du bonus soit effectif sur le contrat en cause. Sur ce point, les formules proposées diffèrent quant aux cas de perte du bonus. On peut considérer que le caractère aléatoire du bonus est plus ou moins évident, ou plus ou moins défendable selon les constructions retenues. A cet égard, moins le contrat est contraignant, plus le risque est grand. Ainsi, lorsque le souscripteur se voit offrir le choix quant à la détermination du montant de la contribution au bonus et/ou sa durée, on peut considérer que l’indisponibilité temporaire pourrait alors difficilement être opposable à l’administration fiscale, dans la mesure où elle est organisée à l’initiative du souscripteur. De même, lorsque le bonus n’est perdu qu’en cas de rachat total (alors que les rachats partiels sont autorisés pour un pourcentage important), mais débloqué en cas de décès, le caractère aléatoire en est fragilisé. Si le dossier était alors contesté par l’administration fiscale, la voie retenue serait celle d’une majoration de la base taxable au titre de l’I.S.F., et/ou au titre de l’impôt sur le revenu, puisque la valeur du bonus de fidélité serait alors intégrée dans la valeur de rachat du contrat. L’impôt supplémentaire s’accompagnerait alors du paiement des intérêts de retard, mais ne devrait subir aucune majoration complémentaire, puisqu’il ne s’agirait alors que d’une mauvaise interprétation des textes en vigueur. Un autre angle d’attaque envisageable serait celui de l’abus de droit, qui consiste alors à démontrer que la souscription de ces contrats – bien que répondant à des dispositions parfaitement légales – n’avait en fait comme seul but que d’échapper en tout ou partie à l’impôt (ISF ou impôt sur les produits en cas de rachat). Pour contrer l’argument, il conviendrait de démontrer que le mécanisme en cause répond à des motivations d’ordre économique (recherche d’une meilleure valorisation notamment) Certes, les propositions de gestion financière spécifique de ce bonus constituent un début de réponse – mais elles peuvent être trouvées par ailleurs, au travers d’arbitrages programmés par exemple. La mutualisation de la gestion du bonus et l’effet de levier lié à l’attribution aux souscripteurs fidèles des bonus perdus par ceux qui n’ont pas rempli les conditions d’attribution apparaissent comme une base d’argumentation plus solide. Ainsi, si le but n’est pas de capter l’un ou l’autre avantage fiscal, les contraintes réelles en matière d’investissement amènent à écarter la formule au profit des contrats multisupports classiques, qui offrent une plus grande souplesse. A l’inverse, plus l’obtention de bénéfices fiscaux est importante dans les motivations de souscription, plus le risque de remise en cause du montage est réel. Lire le mémoire complet ==> (Assurance vie : Assurance décès, vie et assurance vie mixte) Université de Nice Sophia-Antipolis – faculté de droit, de sciences économiques et politiques et de gestion Master II de droit notarial

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