L’action de l’article 32 et le droit de repentir dans le cadre du bail commercial au Maroc: Explorez l’action judiciaire de l’article 32 après l’échec de la conciliation et le droit de repentir du bailleur selon le dahir de 1955 au Maroc
§2 L’action définitive de l’art 32.
Après l’échec de la tentative de conciliation, et c’est le principe dans la pratique marocaine, les parties ou l’une d’elles est en droit de passer à la troisième étape de la procédure qui est l’action de l’article 32.
Dans quel tribunal est-il compétent pour recevoir cette action ? Quelles sont ses compétences ?
A- Le tribunal compétent.
L’action définitive de l’article 32 doit être entamée au près du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve l’immeuble et dans un délai de 30 jours de la notification du procès-verbal de l’échec de la tentative de conciliation.
Le procès-verbal notifié aux parties doit mentionner le délai de 30 jours pour déclencher l’action de l’article 32. À défaut de prévoir ce délai, les parties, et surtout le locataire, disposent d’un délai ouvert pour entamer cette action d’après le point de vue de la cour suprême, sans toutefois que ce délai soit supérieur à 2 ans (délai de la prescription de toutes les actions du dahir de 24 mai 1955 prévu par l’article 33).
De même, si le locataire a entamé l’action de l’article 32 dans le délai prévu, il n’a pas le droit de contester l’irrégularité de la notification.
B- La compétence du tribunal de l’action de l’article 32.
Au terme de l’article 32, le tribunal de commerce est compétent pour trancher deux demandes principales du locataire, à savoir :
- La contestation du motif invoqué par le bailleur.
- La demande des indemnités de refus de renouvellement dans le cadre des articles 10 et suivants du dahir de 24 mai 1955. Mais en pratique, le locataire ajoute toujours une autre demande, celle de la contestation de la régularité de la mise en demeure.
Le locataire, en contestant les motifs invoqués par le bailleur, tend à obtenir une indemnité d’éviction dans le cas où les motifs invoqués par le bailleur sont de nature à le priver de toute indemnité, ou encore d’obtenir une indemnité d’éviction au lieu d’une indemnité partielle.
Dans le cas où les motifs invoqués par le bailleur lui donnent droit seulement à une indemnité partielle, mais en tout état de cause, le locataire ne peut demander le renouvellement forcé du bail en cas de refus du bailleur, même en cas où les motifs invoqués par le bailleur sont illégaux.
Simultanément à la contestation des motifs, le locataire demande le paiement des indemnités de refus de renouvellement tel que prévu par les articles 10 et suivants du dahir de 1955, qui peut être soit une indemnité d’éviction égale au montant du fonds de commerce, soit une indemnité partielle égale au montant du loyer de 2 ans, 3 ans ou 5 ans selon les motifs invoqués par le bailleur et leur légalité.
Face au silence du dahir de 24 mai 1955 sur la contestation de la régularité de la mise en demeure, et bien que l’article 27 organise la tentative de conciliation et que le juge de conciliation n’a pas le choix de trancher aucune contestation relative à la mise en demeure, alors que l’article 32 prévoit que le juge de l’action de l’article 32 est compétent pour recevoir deux demandes : la contestation des motifs de refus et la demande des indemnités.
Les juridictions marocaines, après une hésitation, acceptent la demande du locataire qui conteste la régularité de la mise en demeure. Ainsi, le locataire a le droit de contester la mise en demeure s’il n’est pas content par les mentions prévues par l’art 6 ou en cas où il a été envoyé par une personne n’ayant pas la qualité de le faire.
Nous allons étudier les effets de la contestation de la régularité de la mise en demeure en trois niveaux :
D’abord, au niveau de la tentative de conciliation, ainsi le locataire qui n’a pas entamé la procédure de conciliation et conteste l’irrégularité de la mise en demeure. Il peut invoquer soit le manque de mention de l’article 27. Dans ce cas, le bailleur ne peut pas invoquer la perte des droits du locataire parce qu’il n’a pas entamé la procédure de conciliation. Ce dernier peut invoquer son droit de recourir au juge conciliateur à n’importe quel moment tant que son droit n’a pas été prescrit par le délai de prescription qui est de deux ans.
Soit en cas où l’irrégularité de la mise en demeure porte sur un autre motif. Dans ce cas, le locataire peut invoquer contre l’action du bailleur l’irrégularité de la mise en demeure qui n’est pas conforme aux dispositions de l’article 6. La mise en demeure irrégulière ne produit aucun effet et peut ainsi échapper à l’expulsion.
Ensuite, dans le cas où le bailleur accepte de renouveler le bail mais avec d’autres conditions. Dans ce cas, et vu que l’acceptation du bailleur de renouveler le bail permet aux parties d’arriver à la phase de l’action de l’article 32, le locataire, en cas d’irrégularité de la mise en demeure, a deux solutions :
- Soit renoncer à la tentative de conciliation et déclencher une action d’irrégularité de la mise en demeure, mais dans ce cas, il risque de perdre tout recours contre le bailleur en cas d’échec de son action vu que le délai de 30 jours pour recourir à la tentative de conciliation et de déclencher en même temps une action d’irrégularité de la mise en demeure suite aux règles de droit commun.
En fin, en cas où le bailleur refuse le renouvellement du bail, le locataire peut invoquer devant le juge de l’action de l’article 32 la nullité de la mise en demeure comme demande principale et la demande de contestation des motifs de refus de renouvellement et celle des indemnités comme demandes exceptionnelles en cas de non-aboutissement de la demande principale.
En tout état de cause, la décision du juge de fond est susceptible de tous les recours, notamment l’appel et la cassation.
§3 Le droit de repentir :
Le législateur a permis au bailleur qui a expulsé son locataire et qui est sanctionné par des dommages et intérêts qu’il ne peut pas supporter, surtout en cas d’une indemnité d’éviction égale au fonds de commerce, une dernière chance d’échapper au paiement de ces indemnités ou, en contrepartie, d’accepter le renouvellement du bail avec les conditions du précédent bail ou avec les conditions déterminées par le juge dans l’article 30.
C’est le droit de repentir qui est prévu par l’alinéa 2 de l’article 32 qui énonce :
« Le propriétaire qui a succombé peut, dans le délai de 30 jours à compter du jour où la décision est devenue définitive, s’il s’agit d’une décision de première instance, ou la notification de l’arrêt s’il s’agit d’une décision de la cour d’appel, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge pour lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail dans les conditions, en cas de désaccord, fixées conformément aux règles de l’article 30. Ce droit ne peut être exercé que tant que le locataire est dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre local. »
Le bailleur ne peut donc exercer ce droit que dans un délai de 30 jours et à condition aussi que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué un autre local. Le bailleur qui invoque ce droit doit supporter les frais de l’instance.
Conclusion
Nous avons essayé dans ce modeste mémoire de faire une évaluation du dahir de 24/03/1955 après plus de quarante ans de son application, et c’est une durée suffisante pour constater ses lacunes et le degré d’efficacité des procédures qu’il établit.
Le progrès économique et social que le Maroc a connu dans toutes ces années a rendu les dispositions de cette loi incompatibles avec l’actualité marocaine, ce qui rend sa révision indispensable.
Dans ce cadre, nous proposons certaines modifications qui, d’après notre étude, paraissent utiles :
D’abord, l’annulation de la procédure établie par l’article 7 et suivants qui oblige le locataire, dans le cadre d’un bail à durée déterminée, à adresser une demande de renouvellement au bailleur dans un délai de 6 mois avant l’expiration du contrat de bail, et le bailleur doit répondre à cette demande dans un délai de 3 mois à partir de la date de sa réception. Cette procédure est restée lettre morte, presque jamais appliquée, parce que le locataire qui continue à exploiter le local et à payer le loyer après l’expiration de la durée du bail ne s’adresse jamais à la justice pour demander le renouvellement. De plus, il a le droit, au cas où il reçoit une mise en demeure du bailleur, de s’adresser au juge conciliateur. Donc, cette procédure n’a aucun intérêt.
Ensuite, la procédure de conciliation de l’article 27 est aussi une complication inutile parce que la plupart des conciliations entre le bailleur et le locataire se passent hors des tribunaux. En plus, la plupart des locataires, ignorant les dispositifs législatifs, s’adressent, après avoir reçu la mise en demeure, directement au bailleur, ce qui permet à certains bailleurs de mauvaise foi d’en profiter pour laisser expirer le délai de la procédure de conciliation et la perte des droits du locataire.
Enfin, nous remarquons que le législateur a prévu dans les articles 13, 14, 15, 16, et 20 plusieurs indemnités en cas d’expulsion du locataire, dont le montant est différent selon le motif invoqué par le bailleur. Alors que nous constatons que tous ces motifs ont un point commun qui est l’absence de faute de la part du locataire. Ainsi, nous proposons l’annulation de ces articles et de se contenter de l’article 10 qui, en l’absence de faute de sa part, et de l’article 11 qui prive le locataire de toute indemnité en cas de faute grave de sa part. C’est la solution adoptée par le législateur égyptien.
Affirmant enfin qu’une meilleure législation est celle qui prend en considération les nécessités et les exigences de son environnement et qui ouvre d’une bonne volonté de reconstruction, et non pas celle qui recopie la législation française, vu que la réalité marocaine est loin d’être semblable à la réalité française.