Changement d’activité, dégradations, nuisances ou abandon : certains comportements du locataire peuvent mener à la rupture du contrat sans indemnité.
Expulsion pour mauvaise utilisation du local au Maroc : Ce que dit la loi
§2: La mauvaise utilisation du local
Comme dans le cas précédent, le bailleur peut refuser le renouvellement du contrat de bail s’il constate un motif grave et légitime contre le locataire.
Ce motif grave et légitime est considéré comme une dérogation par le locataire à ses obligations contractuelles, surtout celles indiquées par l’article 663 du D.O.C qui stipule que : « le locataire a deux obligations principales : a- de payer le prix du louage b- de conserver la chose louée et d’en user sans excès ni abus, suivant sa destination naturelle ou celle qui lui a été donnée par le contrat ».
Donc, la mauvaise utilisation du local est un motif grave et légitime qui englobe un ensemble de motifs, à titre d’exemple et non limitatif, et qui ont été indiqués par l’article 11 du dahir du 24 mai. Peut-on savoir quels sont alors ces motifs ?
A- La négligence de conservation du local
En se basant sur l’article 692 alinéa 2 du D.O.C qui stipule que : « la résolution a lieu en faveur du locateur, sans préjudice des dommages, si le cas y échappe : 2- s’il la néglige de manière à causer à la chose un dommage notable. » Cette négligence est un motif grave et légitime qui a pour conséquence l’expulsion du locataire sans indemnité, car c’est une dérogation au principe indiqué par l’article 663 du D.O.C qui oblige le locataire de conserver la chose louée dont des mesures à prendre très importantes à savoir :
- Avertir sans délai le propriétaire de tous les faits qui exigent son intervention, qu’il s’agisse de réparations urgentes, propagations urgentes.
De la découverte des défauts imprévus, d’usurpation, ou de réclamation portant sur la propriété ou sur un droit réel, de dommages commis par des tiers (article 647 du DOC).
- Les menues réparations qui seraient à la charge du preneur d’après l’usage local (article 638 DOC).
- Le preneur n’est tenu des réparations locatives ou de menues entretien que s’il en est chargé par le contrat ou par l’usage (article 639 du DOC).
Il ressort de ces articles que le locataire n’a pas le droit de faire les réparations locatives ni les menues réparations sans l’accord du bailleur, comme l’ouverture d’une fenêtre ou d’une porte ou la division des chambres du local d’une manière à causer un dommage au niveau d’hygiène et de sécurité. Cependant, les menues réparations ne peuvent être considérées comme un motif grave et légitime entraînant l’expulsion du locataire sans indemnité, donc c’est une exception au principe imposé par le D.O.C. Car le législateur a laissé le pouvoir au juge dans ce cas, et qui ne peut être contrôlé sauf par celui de l’interprétation qui concerne la modification interdite au locataire à condition de l’accord du bailleur, et celles des modifications matérielles à la structure de l’immeuble.
Mais s’il s’agit des modifications nécessaires et positives comme l’eau, l’électricité, le téléphone ou toute autre réparation conventionnelle mentionnée dans le contrat, cela est favorable au locataire selon la nature d’utilisation. Par exemple, si le local a été loué pour un commerce, une industrie ou une coutume ou toute autre industrie variable, le locataire a le droit de changer cette dernière selon la nature d’utilisation du local sans que le locateur soit en état d’éviction à ce changement et sans considération aussi de ces réparations comme motif grave et légitime entraînant la résolution du contrat de bail. Pour bien préciser, on pose la question suivante : est-ce que l’écriture est nécessaire pour justifier l’accord du bailleur sur les réparations faites sur la structure du local ?
Des multiples cas sont exposés devant la justice et dont lesquels ces réparations étaient faites pendant longtemps : est-ce que le silence du locateur et l’absence d’éviction sur les modifications ne peuvent être considérés comme une reconduction tacite de ce dernier ? L’article 38 du D.O.C stipule que : « le consentement ou la ratification peuvent résulter du silence, lorsque la partie, des droits de laquelle on dispose, est présente ou en est dûment informée, et qu’elle n’y contredit point sans qu’aucun motif légitime justifie son silence ». Donc la solution est très claire, surtout puisque les règles générales d’ordre public n’imposent pas que la convention doit être écrite sur toute modification en matière de bail commercial contrairement au bail d’habitation où l’article 12 de la nouvelle loi d’habitation ou d’usage professionnelle qui oblige l’écriture.
Conformément aux règles générales, on peut considérer aussi permis les causes d’expulsion sans indemnité : la fermeture du local, la négligence des conditions d’hygiène et de sécurité qui entraînent la destruction des composants du local. Il faut noter que cette obligation de protection du local qui est contre sa négligence, ce n’est pas celle de l’obligation d’utilisation du local à sa nature auquel il est destinée, qui est de sa part contre l’utilisation du local à une autre activité que celle à laquelle il est destiné par sa nature ou par la convention, donc ce qui signifie ce dernier cas ?
B – L’utilisation du local à une autre activité que celle à laquelle il est destinée par sa nature ou par la convention
Selon l’article 663 du D.O.C, le locataire est tenu de : conserver la chose louée et d’en user sans excès ni abus, suivant sa destination naturelle ou celle qui lui a été donnée par le contrat. L’inexécution de cette obligation constitue un motif grave et légitime qui justifie l’expulsion sans indemnité du locataire, car ce dernier peut faire face à ce problème par le fait d’appliquer les conditions expresses et tacites indiquées par le contrat.
a – L’application des conditions expresses
Dans ce cas, lorsque le contrat indique expressément la nature d’utilisation du local favorisé au locataire, ce dernier doit être en application de cette condition, il n’a pas donc le droit de changer l’activité. Par exemple, si le local a été loué pour faire le commerce, il est interdit au locataire d’exercer une autre activité comme l’industrie au lieu du commerce. Cette condition a été précisée par le conseil supérieur dans une décision datée du 26-11-86, dossier civil n°85/3539.
b- L’application des conditions tacites
Contrairement au cas précédent, dans ce cas, lorsque le texte reste silencieux sur la manière d’utilisation du local, le locataire doit respecter les modifications naturelles du local précisées au moment du contrat. Donc, lorsque la modification naturelle ne favorise au locataire qu’une seule activité précise, les parties peuvent être considérées comme consenties tacitement, mais si le local ne se caractérise pas par des caractères favorisant l’utilisation de ce dernier à certaines activités à l’exception d’autres, le locataire peut dans ce cas exercer une activité conforme à la nature du local, même s’il choisit une activité déterminée par le contrat au début du bail, il a le droit de changement.
Si les parties se mettent d’accord sur un commerce précis ou une industrie, le locataire a droit d’ajouter un commerce précis ou une industrie, le locataire a droit d’ajouter un commerce complémentaire à celui qui a choisi à condition que cette activité ne cause aucun dommage comme l’indique l’art 669 du DOC qui stipule que : « Le preneur ne peut céder ou sous-louer la chose pour un usage différent, ou plus onéreux, que celui déterminé par la convention ou par la nature de la chose ». Même si cette règle concerne la cession et la sous-location, elle est considérée comme applicable dans les relations entre le bailleur et le locataire. Donc, si le bailleur est en état d’éviction pour la seule raison que le locataire ajoute une activité complémentaire qui ne cause aucun dommage, il peut être considéré comme un abus de droit, car son éviction n’entraîne aucun effet.
On remarquera toutefois que le changement d’un commerce à l’autre par le locataire peut mettre fin au fonds de commerce qui est constitué pour la première activité ; dans ce cas, un danger est apparu sur les droits du locataire. Ainsi, d’autres obligations du locataire doivent être respectées concernant l’utilisation du local à sa nature comme le cas de non-utilisation du local ou son utilisation de manière à causer un dommage notable à ses voisins.
C- La non-utilisation du local ou son utilisation de manière à causer un dommage à ses voisins
L’utilisation du local dans la nature à laquelle il est destinée s’impose une utilisation correcte qui ne cause aucun dommage ni bruit à ses voisins, ni exercer des activités différentes à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Le locataire est aussi obligé dans ce cas d’utiliser le local de manière durable ou continue, car le fait de ne pas utiliser le local pendant longtemps donne droit au bailleur de restituer son local pour l’utiliser et, par conséquent, il a le droit d’expulser le locataire sans indemnité grâce à ce motif grave et légitime énoncé par l’article 11 du dahir de 1955.
Donc, comme on l’a déjà dit, la non-utilisation et autre chose que celle de sa négligence, qui est au contraire de sa protection, cette dernière ne signifie pas aussi l’utilisation dans le local à sa nature à laquelle il est destiné, et dans ce cadre, la cour suprême a pris une décision datée du 8-7-1987, décision 16 N° 19634, dossier civil n° 93159, qui dit que : Le locataire est obligé, selon l’article 663 du D.O.C, de protéger la chose louée et de l’utiliser sans négligence ni abus selon la nature ou par la convention.
Dans ce cas, le locateur, au lieu de suivre la procédure qui impose un ordre d’ouverture du local, qui ne mène dans la plupart des cas à aucun résultat positif parce que le locataire peut toujours se défendre de son droit et justifier qu’il n’est pas négliger la chose louée de manière définitive et que le contrat de travail n’est pas résolu ni par la justice ni par la convention des parties, peut donc demander la résiliation du contrat de bail conformément aux règles générales de la loi et à l’art 962 du D.O.C.