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Comment l’intégration des nouveaux membres transforme-t-elle les organisations autogérées ?

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🏫 Université Haute Bretagne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2005-2006
🎓 Auteur·trice·s
Suzy Canivenc
Suzy Canivenc

L’intégration des nouveaux membres est souvent perçue comme un simple processus, mais des recherches récentes révèlent qu’elle est bien plus complexe. En effet, la réussite de cette intégration dépend de l’adhésion au projet collectif et des motivations individuelles, redéfinissant ainsi les dynamiques organisationnelles contemporaines.


  1. Le temps long de l’intégration

Mais le recrutement ne signe pas l’intégration totale du nouveau membre, il n’en est qu’une étape et c’est réellement en pratique que chacun va pouvoir apprécier la capacité et les motivations d’ « adhésion au projet » du nouvel entrant.

C’est également en situation que ce dernier va réellement pouvoir juger de l’attrait qu’il a pour l’entreprise et pour l’ensemble de son projet (rédactionnel comme autogestionnaire).

Le temps d’intégration est encore une fois bien différent de celui des entreprises classiques où l’embauche représente l’épreuve la plus décisive.

En effet, une fois recruté, le salarié est souvent considéré comme intégré en grande partie, puisque officiellement incorporé au travers de la signature d’un contrat de travail qui le lie formellement à sa nouvelle entreprise.

L’adaptation humaine au nouveau milieu de travail est ensuite presque intégralement prise en charge par le salarié, qui doit se débrouiller seul pour intégrer les « jeux humains » complexes prenant place au sein de l’entreprise.

251 On retrouve ici la notion d’ « homme complet » évoquée précédemment.

252 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983

Il semble, au contraire, qu’à La Péniche, l’épreuve la plus importante n’est pas l’intégration formelle qui fait suite à un entretien d’embauche ou à la signature d’un contrat, mais l’intégration complexe et informelle qui consiste à s’insérer dans le tissu humain de l’entreprise afin d’y trouver sa place.

On retrouve ici la tension entre l’individu et le collectif. L’intégration est ici un processus lent et complexe, comme l’expliquent les membres de La Péniche : « [l’intégration] ne peut se dérouler que dans la durée pour permettre à tous de se choisir mutuellement »253.

Ce processus peut même être perçu comme douloureux, à l’image de toutes les relations humaines, faites d’incertitudes et d’imprévisibilité.

253 Autogestion, mode d’emploi.

  1. L’activité communicationnelle comme témoin de l’adhésion au projet et comme variable d’intégration :

Certains membres de l’entreprise ont ainsi souffert de cette longue intégration, jouant sur les ressorts complexes de l’être humain plus que sur de simples variables professionnelles.

Cet exemple de l’intégration nous donne ici encore une illustration du rôle important qu’acquiert la communication, puisqu’il semble bien que la prise de parole soit un facteur clé de l’intégration.

C’est en effet au travers de la motivation à prendre la parole, témoignant de la volonté de s’impliquer dans toutes les activités de l’entreprise, que va se juger « l’adhésion au projet ».

Hélène a notamment souffert au départ d’un manque de légitimité quant à ses capacités à écrire des articles ou à participer à la gestion de l’entreprise.

Pour certains de ses collègues, le retrait qui a découlé de ce sentiment d’illégitimité à sérieusement mis en jeu, à leurs yeux, la motivation de cette employée à « adhérer au projet » autogestionnaire.

Il lui a ainsi été reproché de ne pas s’impliquer pleinement dans l’entreprise. L’intégration dépend ainsi de la représentation que les autres ont de votre capacité à « porter le projet », à s’y impliquer pleinement au travers de la prise de parole.

Hélène s’est ainsi trouvée dans l’obligation de s’ « exprimer» (au sens propre comme au sens figuré) afin de trouver les repères qui lui permirent plus tard de se sentir totalement incorporée dans l’entreprise.

Elle a ainsi subit une forte tension entre sa timidité naturelle et la nécessité de s’exprimer.

Sarah, au contraire, n’a jamais ressenti cette impression d’illégitimité. Elle s’est tout de suite exprimée sur nombre de dossiers et impliquée dans l’organisation du travail et de l’entreprise.

La capacité à prendre la parole et à se faire entendre semble ainsi un facteur essentiel d’intégration au sein d’une structure autogérée.

Cédric semblait également souffrir d’une intégration lente et douloureuse. Cependant, ce n’est pas sa capacité d’expression qui semblait ici être en cause, mais tout simplement l’inintérêt qu’il semblait éprouver à l’idée de donner son opinion sur des dossiers qui à ses yeux ne le concernaient pas.

En effet, Cédric semblait raisonner selon le modèle classique des entreprises hiérarchisées : ne le concernaient que les dossiers sur lesquels il travaille et pour lesquels il est rémunéré.

Sur de nombreux points de l’activité et de l’entreprise, Cédric ne souhaitait pas s’exprimer.

Or, par définition, une entreprise autogérée appartient à l’ensemble des salariés, l’ensemble des activités concernent tout le monde car c’est le fruit de toutes ses activités qui à l’origine de la rémunération de chacun.

Ainsi, Cédric ne semblait pas adhérer à l’ensemble des principes de fonctionnement de la Péniche, il se trouvait ainsi en porte-à-faux vis-à-vis du « projet » de l’entreprise.

Ce « projet » est pourtant la variable fédératrice qui rassemble l’ensemble des membres de la Péniche : il est la clé de la cohésion matérielle et symbolique de l’entreprise.

En n’adhérant pas au plus important des éléments fédérateurs de l’entreprise (le projet d’entreprise), il ne pouvait réaliser sa pleine intégration.

Cette situation débouchera d’ailleurs quelques mois plus tard sur sa démission.

La clôture symbolique :

La Péniche est une structure qui rassemble 10 salariés, mais, comme nous l’avons vu, ceux-ci ne sont pas regroupés dans un même lieu géographique.

En effet, en juin 2005, 7 membres travaillaient dans un même local parisien, Odette (cas particulier dans l’entreprise) était basée à Nice, Myriam se trouvait basée à Lyon et Sylvain à Grenoble (depuis Myriam à rejoint Sylvain car elle souffrait d’une certaine solitude dans l’exercice de son travail).

Mais ces différents groupes géographiques appartiennent pourtant à la même organisation. L’unité spatiale et la clôture organisationnelle ne sont plus ici géographiques, matérielles, mais psychologiques, symboliques.

On retrouve ici la thématique de l’effacement des frontières, omniprésentes dans les nouvelles théories organisationnelles.

La communication devient ainsi une variable clé pour l’organisation.

En effet, si tous les salariés ne sont pas toujours physiquement réunis ils le sont symboliquement grâce à une communication ininterrompue (notamment grâce aux NTIC telles que Internet ou les téléphones portables).

Mais cette porosité des frontières, ou plus exactement cette substitution de frontières psychologiques et symboliques en lieu et place des frontières géographiques et matérielles, ne caractérise pas seulement les frontières internes de l’entreprise.

La Péniche entretient en effet également des relations particulières avec son environnement.

Se pose ici la question du difficile équilibre à trouver entre ouverture (nécessaire pour échapper à l’entropie qui sévit dans les systèmes fermés) et fermeture (permettant la différenciation, base de l’identité d’une organisation).

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251 On retrouve ici la notion d’ « homme complet » évoquée précédemment.

252 SAINSAULIEU, TIXIER et MARTY. La démocratie en organisation. Librairie des Méridiens. 1983

253 Autogestion, mode d’emploi.


Questions Fréquemment Posées

Comment se déroule le processus d’intégration des nouveaux membres dans une organisation autogérée ?

L’intégration est un processus lent et complexe, où le nouvel entrant doit s’insérer dans le tissu humain de l’entreprise pour y trouver sa place.

Pourquoi la communication est-elle essentielle pour l’intégration des nouveaux membres ?

La prise de parole est un facteur clé de l’intégration, car elle témoigne de la volonté de s’impliquer dans toutes les activités de l’entreprise.

Quelles sont les différences entre l’intégration dans une entreprise classique et une organisation autogérée ?

Dans une entreprise classique, l’intégration formelle suit souvent la signature d’un contrat de travail, tandis que dans une organisation autogérée, l’intégration complexe et informelle est primordiale.

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