Les applications pratiques de la communication interculturelle révèlent des mécanismes de défense insoupçonnés dans le contexte congolais. Cette recherche innovante, alliant psychologie interculturelle et méthodologies mixtes, promet de transformer notre compréhension des dynamiques identitaires et des interactions socioculturelles.
Abordant la problématique de « l’identitaire à l’interculturel », Yolanda Onghena46 a cherché à répondre à la question suivante : Comment les identités se construisent-elles dans un processus interculturel ? D’une part, pour l’auteure, quand on parle de changement, de mutation, il y a certainement et nécessairement des concessions identitaires à faire.
Cependant, le changement épargne les identités et les pousse, quels que soient les mécanismes, à présenter des concessions parce que tout le monde a, d’une manière ou d’une autre, conscience du danger du discours identitaire, notamment lorsque le repli identitaire est mis en œuvre dans un contexte d’adversité. C’est un des aspects tragiques de l’obsession identitaire, donc l’autre est perçu comme étant un adversaire.
Malgré cette adversité, l’interculturel nous impose la cohabitation et celle-ci a des implications sur notre vécu quotidien.
D’autre part, pour comprendre les implications que nous impose la communication interculturelle, la même auteure va aborder avec force détails la question des
« frontières culturelles »47. Il faut bien admettre que, dans la pratique communicative, l’interculturel tend à provoquer, très souvent, ségrégation, différenciation et essentialisation. Celles-ci constituent donc des limites qui érigent la frontière entre les identités culturelles. Cette frontière représente un espace de tension dans lequel des illusions identitaires sont partagées avec ceux qui sont à l’intérieur et des catégories conflictuelles de différenciation pour ceux qui restent à l’extérieur. Il existe donc des « dynamiques interculturelles », c’est-à-dire un processus d’identification et de différenciation ayant des effets multiples qui vont bien au-delà d’une seule identité idéalisée ou d’une seule différence stéréotypée.
Pour étudier l’insertion professionnelle des Français au Vietnam, Minh Nguyet Nguyen48 pose la question suivante : « si, comme le déclare Edouard Twitchel Hall, culture et communication sont le même phénomène envisagé sous deux facettes particulières, comment, en situation de la différence culturelle, la communication reste-t-elle envisageable ? ». L’analyse des données des entretiens lui a permis de tirer deux constats.
Le premier constat est que malgré les différences de deux éthiques culturelles chez les sujets et les difficultés qui en découlent, la communication existe et permet l’apparition d’autres éléments au cours du processus interactif, tels que les stratégies de maintien de l’interaction et de coopération développées par les acteurs, les modes d’interprétation différents pouvant provoquer des difficultés au cours des interactions et créer des incompréhensions pendant l’entretien.
Bref, chaque tradition culturelle peut couler l’un vers l’autre. Et le second constat, quand une culture en croise une autre, elle peut intégrer des traits culturels de l’autre culture ajoutant de nouveaux stéréotypes perçus sous forme de nouvelles représentations sociales. Dans ce cas, la personnalité oriente les actions et réactions sous forme de rites et de rituels.
46ONGHENA, Y., op.cit, 2006, pp. 331-358.
47Ibid, 2008, pp. 257-263.
48NGUYEN, M.N., op.cit, pp. 1-314.
Du point de vue sociolinguistique, nous relevons deux travaux sur la communication interculturelle réalisés par Virginie André49 et Philip Riley50.
Sous la direction de Virginie André51, le Centre de Recherches et d’Applications Pédagogiques en Langues « CRAPEL » avait mené des enquêtes de terrain sur les « relations de service ». La problématique discutée au sein du groupe est notamment née de mauvaises impressions fréquemment confiées par des étrangers aux membres du groupe concernant leurs contacts avec les administrations françaises.
Le constat tiré de cette étude peut être résumé comme suit : les interactions de service se déroulent selon certains schémas sociaux préétablis et la valeur performative de certains énoncés augmente leur dimension socioculturelle. La seule compétence linguistique ne garantit pas au locuteur une intercompréhension totale avec son interlocuteur, il faut ajouter à cela la compétence communicative que les deux interactants doivent développer.
Sous l’égide de Philip Riley52, le Groupe de Réflexion Sociologique « GREFSOC », créé en 2002, a lancé un programme de recherche sur les implications et applications pédagogiques de la recherche en sociolinguistique, dont les premiers travaux ont été consacrés à l’étude des
« aspects ethnolinguistiques de la construction sociale de l’identité » avec comme objectif de dénicher les différences interculturelles des vertus communicatives ainsi que sur les conséquences de ces différences sur l’interaction et sur l’interprétation du déroulement de l’interaction. Il arrive alors au constat selon lequel chaque individu entrant dans une interaction, s’attend généralement à ce que son interlocuteur fasse preuve de vertus communicatives c’est-à-dire d’amabilité, de sympathie ou de politesse. Ces mêmes vertus communicatives varient selon les pratiques et les habitudes culturelles des locuteurs.
Du point de vue sémiopragmatique, nous avons retenu deux travaux, à savoir : la thèse d’Alexander Frame53 et l’article de Samir Abdehamid et El Hadj Berghout54.
De son côté, Alexander Frame55 s’interrogeait : « Dans quelle mesure et de quelle manière, l’activation de cultures et d’identités non-nationales partagées peut-elle permettre à des acteurs sociaux étrangers de dépasser symboliquement leurs différences culturelles perçues et de créer des conditions de prévisibilité mutuelle ? ». En rejoignant les analyses d’Éric
49ANDRE, V. (dir.), « Langues et relations de service : Introduction », in Mélanges CRAPEL, Université de Laval, n°30, 2005, pp. 6-8.
50RILEY, P., Language, Culture and Identity: An Ethnolinguistic Perspective, London, Continuum, 2007, pp. 1-265.
51ANDRE, V. (dir.), op.cit, pp. 6-8.
52RILEY, P., op.cit, pp. 1-265.
53FRAME, A., Repenser l’interculturel en communication : performance culturelle et construction des identités au sein d’une association européenne, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, Bourgogne, Université de Bourgogne, décembre 2008, pp. 1-644.
54ABDELHAMID, S. et BERGHOUT, E.H., « Image publicitaire et communication interculturelle : Un autre regard possible », in Synergies Algérie, n° 2, 2008, pp. 65-78.
55FRAME, A., op.cit, pp. 1-644.
Dacheux56, le chercheur valide son hypothèse selon laquelle « toute communication directe est interculturelle », puisque deux individus, même s’ils s’attribuent mutuellement une même identité culturelle, n’ont jamais ni les mêmes combinaisons de cultures d’appartenance, ni la même vision de la culture qu’ils croient partager.
Pour leur part, Samir Abdelhamid et El Hadj Berghout57 cherchaient à comprendre la communication interculturelle à travers l’image publicitaire. L’analyse des indices culturels relevés dans l’image corpus a permis de valider l’hypothèse émise, c’est-à-dire la publicité, représentée ici par l’image publicitaire fixe, non séquentielle, est une représentation culturelle assez fidèle du groupe social auquel elle est prédestinée.
Elle peut dès lors être considérée comme une fenêtre à travers laquelle il est possible de « jeter un coup d’œil » sur un univers de représentations et d’en faire une lecture culturelle. Ainsi concluent les auteurs, face à une vision du monde tournée vers le concret, la publicité conduit l’homme à penser concrètement l’abstrait à partir d’une image.
Nombre de détails culturels peuvent être relevés dans cette image et créer ainsi, de par leur simple évocation, cette communication interculturelle, ou cet autre regard possible que nous supposons possible à travers (ou sur) l’image.
Les travaux sur la communication interculturelle intéressent également un Groupe de chercheurs de l’IFASIC dont nous faisons partie représentés ici par Joseph Mbelolo Ya Mpiko (1999) et Philippe Ntonda Kileuka (2010). Sous le financement de l’Unicef58, ce groupe de chercheurs avait mené une réflexion ethnographique autour de la « situation de l’information et de la communication en RD Congo, dont le résultat est tel que, dans les villes, on retrouve les survivances de la structure ethnotribale dans le comportement quotidien des individus.
Il en est ainsi de l’usage des langues dans diverses cérémonies (deuil, mariage, …). Ici, la communication a lieu précisément entre les personnes de langues maternelles identiques. Dans le souci d’une plus grande sécurité psychologique et afin de ne pas être totalement dilués dans la masse urbaine, les ressortissants d’une tribu arrivent à se regrouper dans des associations et des mutuelles.
Il sied de souligner que la prédominance de la solidarité traditionnelle est telle que le réflexe tribaliste réapparaît dans maintes attitudes de l’individu en relation avec les tiers.
C’est dans cette même optique que Philippe Ntonda Kileuka59 va noter que dans la ville-province de Kinshasa où évoluent de nombreuses entreprises et institutions, ces survivances de la structure ethnotribale apparaissent surtout dans des cérémonies de deuil, de mariage, …, au cours desquelles la palabre est organisée. Dans ce cas, la langue y occupe évidemment une place importante. Elle est utilisée dans le cadre de la transmission d’un message en recourant
56DACHEUX, E, « La communication : point aveugle de l’interculturel ? » in Bulletin de l’ARIC, n°31, 1999, p.1.
57ABDELHAMID, S. et BERGHOUT, E.H., op.cit, pp. 65-78.
58MBELOLO ya MPIKO, J. (dir.), La situation de l’information et de la communication en RDC, Projet financé par l’Unicef, Kinshasa, Ifasic-éditions, 1999, p. 12.
59NTONDA KILEUKA, P., op.cit, p. 42.
notamment aux sentences, aux maximes, aux proverbes et aux contes. Il est utile de souligner que la palabre est un lieu d’expression privilégiée dans les sociétés dont la communication est basée sur l’oralité pour des problèmes importants. C’est là que se déploie la communication verbale avec des règles et des stratégies discursives bien définies.
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46 ONGHENA, Y., op.cit, 2006, pp. 331-358. ↑
48 NGUYEN, M.N., op.cit, pp. 1-314. ↑
49 ANDRE, V. (dir.), « Langues et relations de service : Introduction », in Mélanges CRAPEL, Université de Laval, n°30, 2005, pp. 6-8. ↑
50 RILEY, P., Language, Culture and Identity: An Ethnolinguistic Perspective, London, Continuum, 2007, pp. 1-265. ↑
51 ANDRE, V. (dir.), op.cit, pp. 6-8. ↑
52 RILEY, P., op.cit, pp. 1-265. ↑
53 FRAME, A., Repenser l’interculturel en communication : performance culturelle et construction des identités au sein d’une association européenne, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, Bourgogne, Université de Bourgogne, décembre 2008, pp. 1-644. ↑
54 ABDELHAMID, S. et BERGHOUT, E.H., « Image publicitaire et communication interculturelle : Un autre regard possible », in Synergies Algérie, n° 2, 2008, pp. 65-78. ↑
55 FRAME, A., op.cit, pp. 1-644. ↑
56 DACHEUX, E, « La communication : point aveugle de l’interculturel ? » in Bulletin de l’ARIC, n°31, 1999, p.1. ↑
57 ABDELHAMID, S. et BERGHOUT, E.H., op.cit, pp. 65-78. ↑
58 MBELOLO ya MPIKO, J. (dir.), La situation de l’information et de la communication en RDC, Projet financé par l’Unicef, Kinshasa, Ifasic-éditions, 1999, p. 12. ↑
59 NTONDA KILEUKA, P., op.cit, p. 42. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment les identités se construisent-elles dans un processus interculturel?
Les identités se construisent dans un processus interculturel par des concessions identitaires, même en contexte d’adversité, où le repli identitaire peut être perçu comme une menace.
Quelles sont les implications de la communication interculturelle au Congo?
La communication interculturelle impose la cohabitation, ce qui a des implications sur le vécu quotidien, mais peut aussi provoquer ségrégation, différenciation et essentialisation.
Quels mécanismes de défense socioculturelle sont identifiés dans la communication interculturelle?
Les mécanismes de défense socioculturelle incluent des dynamiques interculturelles qui entraînent identification et différenciation, créant des tensions entre les identités culturelles.