Cette étude révèle comment la garantie d’éviction au Bénin protège les droits des consommateurs dans les contrats électroniques. Découvrez les implications juridiques essentielles qui garantissent une exécution équitable des contrats et évitent les déséquilibres, vous interrogeant sur vos droits en tant qu’acheteur.
Paragraphe II : La garantie d’éviction
L’éviction est la perte d’un droit apparent d’une personne sur une chose en raison de l’existence du droit d’un tiers sur cette même chose. Le vendeur d’un bien est garant de l’éviction éventuelle de l’acquéreur1. La garantie d’éviction dont la charge incombe au professionnel engendre des implications2 (A) et le droit pour le consommateur d’initier une action en exigeant le respect d’une telle garantie doit être exercé dans un délai donné (B).
A- Les implications de la garantie
« Le vendeur doit à l’acheteur la possession paisible de la chose vendue »3. « La garantie d’éviction s’apprécie à deux (02) niveaux. Pour le dire autrement, le vendeur garantit son fait personnel et le fait des tiers »4. S’agissant de la garantie portant sur le fait personnel du vendeur, le vendeur garantit l’acheteur des troubles de jouissance résultant de son fait ou de ses droits.
Un adage ramasse la règle en quelques mots : « qui doit garantie ne peut évincer ». Le vendeur s’interdit d’abord tout comportement affectant la jouissance du bien par l’acheteur. « Le vendeur s’interdit ensuite de faire valoir les droits dont il serait titulaire qui affecteraient l’usage ou la disposition de la chose.
En ce qui concerne la garantie d’éviction contre le fait des tiers, elle n’a pas pour fonction de faire peser sur le vendeur les conséquences des comportements de personnes parfaitement étrangères à la vente, ce que le droit nomme des tiers absolus ou penitus extranei. Elle frappe le vendeur qui, à l’occasion de la vente, fait preuve de légèreté si ce n’est de mauvaise foi en omettant d’informer l’acheteur des droits certains ou éventuels des tiers sur le bien. C’est le comportement du vendeur antérieurement à la vente et simultanément à celle-ci qui est en réalité sanctionné »5. Pour pouvoir appeler la garantie, le trouble doit être effectivement subi par le propriétaire en titre. Il ne doit pas s’agir d’une simple crainte. Le trouble peut provenir du vendeur et être soit un trouble de fait, soit un trouble de droit6. Le trouble peut également émaner d’un tiers7.
La garantie d’éviction produit des effets à l’encontre du professionnel8. En effet, si le bien vendu se trouve avoir augmenté de prix au moment de l’éviction, indépendamment même du fait de l’acquéreur, le vendeur est tenu de lui payer ce qu’il vaut au-dessus du prix de la vente9. De même, le vendeur est tenu de rembourser ou de faire rembourser à l’acquéreur, par celui qui l’évince, toutes les réparations et améliorations utiles qu’il aura faites au bien10.
Pour ce qui est de l’éviction partielle, elle ouvre à l’acheteur la faculté de résilier la vente s’il s’avère que l’acquéreur n’eût point acheté sans la partie dont il a été évincé11. À défaut d’une éviction suffisante ou à défaut de volonté de l’acheteur en ce sens, la vente est maintenue et le vendeur est tenu de rembourser l’acheteur d’une fraction du prix.
Cette fraction est assise sur la valeur de la partie du bien dont l’acheteur a été évincé elle n’est pas fixée au prorata du prix total de la vente, cette valeur étant appréciée au jour de l’éviction. L’acquéreur peut souffrir de ce calcul dès lors que la partie du bien dont il a été évincé présentait une utilité pour le bien dont il demeure propriétaire12.
Or, rien ne s’oppose à ce que la réparation des autres préjudices dont aurait souffert l’acheteur à raison de l’éviction partielle soit décidée13. Bien que la garantie d’éviction soit reconnue au consommateur, elle fait également l’objet d’une prescription.
B- La prescription
La prescription est la consolidation d’une situation par l’écoulement d’un certain délai. La prescription est acquisitive lorsque l’écoulement du délai a pour effet de faire acquérir un droit réel à celui qui en fait l’exercice. Elle est extinctive lorsqu’elle fait perdre un droit réel ou un droit personnel du fait de l’inaction prolongée du titulaire du droit14.
En matière de contrat électronique, la garantie d’éviction est assortie d’une prescription. En effet, une lecture minutieuse des dispositions de l’article 376 du code du numérique permet de se rendre compte que la garantie d’éviction est imprescriptible15. Cette imprescriptibilité relative à la garantie d’éviction se justifie par le fait que la cession du bien confère au consommateur la pleine jouissance dudit bien et par conséquent le droit de propriété16.
Mais une question mérite d’être posée relativement aux biens dits immatériels ou des contenus téléchargeables sur des sites de streaming dont la transaction a eu lieu souvent sur la base d’un contrat d’abonnement ou encore d’une licence. Généralement, cette transaction ne confère pas au consommateur, la propriété sur les contenues téléchargés.
On peut même se poser la question de savoir s’il s’agit en réalité d’une vente17 au propre sens du terme. Le professionnel en mettant lesdits contenues à la disposition du consommateur demeure toujours propriétaire des œuvres même si le consommateur a le droit de jouissance. Si le consommateur au terme du contrat d’abonnement n’arrivait pas à renouveler ledit contrat, il perd le droit de jouissance relatif aux contenus téléchargés.
Dans un tel cas de figure, et se basant sur les dispositions des articles 376 du code du numérique et 1640 du code civil évoquées ci-dessus, l’on pourrait amener à se demander si dans une telle transaction, le professionnel pourrait effectivement garantir l’éviction au consommateur dans la mesure où ce dernier n’a qu’une jouissance temporaire sur les contenus téléchargés.
Autrement dit est-ce que la prescription ne tombe pas lorsque la jouissance temporaire du consommateur est expirée. Pour y répondre, l’on peut avoir un avis affirmatif car si la garantie d’éviction est sensée procurer au consommateur une jouissance paisible du bien acquis auprès du professionnel, dans le cas des biens immatériels ou des contenus téléchargeables sur des sites de streaming, cette jouissance est temporaire et par conséquent, la prescription n’aura plus sa raison d’être si le consommateur ne jouis plus dudit bien.
Les garanties offertes au consommateur lors de l’exécution parfaite du contrat électronique ne sont pas uniquement relatives à la prestation à lui fournir par le professionnel. Elles concernent également la sécurité du consommateur lui-même.
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1 Cf. lexique des termes juridiques, D., 2016-2017, p. 477. ↑
2 V. l’art 370 du C. num. ↑
3 BOURDOISEAU (J.), « Contrat de vente, Contrats spéciaux, Droit des contrats spéciaux », consulté sur le site https://aurelienbamde.com/2020/10/07/la-vente-la-garantie-deviction-de-lacheteur/ le 16 novembre 2021 à 23h 08min. ↑
4 Ibid. ↑
5 Ibid. ↑
6 Consulté sur le site https://achat-immobilier.ooreka.fr/astuce/voir/481233/garantie-d-eviction, le 16 novembre 2021 à 23h 30min. ↑
7 Le trouble émanant du tiers doit être un trouble de droit. L’acquéreur ne peut se prévaloir de voies de faits pour appeler la garantie du vendeur (par exemple, un tiers occupe le bien sans prétendre avoir aucun droit dessus). ↑
8 V. l’art 372 du C. num. ↑
9 Cf. art 373 du code précité. ↑
10 Cf. art 374 du même code. ↑
11 Au sujet de l’éviction partielle, l’art 375 du code ci-dessus cité précise que « si l’acquéreur n’est évincé que d’une partie du bien qui relativement au tout, soit d’une importance telle que l’acquéreur n’eût pas acquis le bien dans son ensemble sans la partie dont il a été évincé, il peut demander la résolution de la vente ». ↑
12 Civ. 3e, 21 mars 2001, n° 99-16.706, Bull. civ. III, 37. ↑
13 BOURDOISEAU (J.), ibid. ↑
14 Cf. lexique des termes juridiques, D., 2016-2017, p. 837. ↑
15 V. art 1640 du code civil. ↑
16 Le droit de propriété se caractérise par trois attributs : l’usus, le fructus et l’abusus. Usus : L’usus (du latin « usage ») correspond au droit, pour le propriétaire, d’utiliser son bien comme il l’entend ; c’est-à-dire qu’il peut choisir d’en faire usage ou bien décider de ne pas s’en servir. Fructus : Le fructus (du latin « fruit ») correspond au droit, pour le propriétaire, d’accéder à ce qui est produit par son bien. Il s’agit en réalité ici du droit d’exploiter son bien. En effet, l’art 547 du code civil dispose que le titulaire d’un tel droit peut récolter les « fruits naturels ou industriels de la terre » ainsi que « les fruits civils » par droit d’accession. Ainsi, chaque propriétaire détient également les fruits provenant de son bien tels que les récoltes, les loyers d’un appartement loué ou les dividendes d’actions de société. Abusus : L’abusus (du latin « utilisation complète ») correspond au droit, pour le propriétaire, de disposer de son bien comme il l’entend, c’est-à-dire le conserver, le vendre, le donner et même le détruire. Consulté sur le site https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F000774#:~:text=Le%20droit%20de%20propri%C3%A9t%C3%A9%20se,le%20fructus%20et%20l’abusus, le 22 novembre 2021 à 12h 42min. ↑
17 Aux termes des dispositions de l’art 1582 du code civil, on peut entendre par vente, « une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». ↑