La transparence budgétaire au Sénégal est essentielle pour garantir une gestion démocratique des finances publiques. Cet article analyse les acteurs et les procédures de préparation de la loi de finances, mettant en lumière les réformes récentes visant à renforcer cette transparence et l’efficacité budgétaire.
Paragraphe 2 : Les autorités parlementaires
L’association du parlement à l’élaboration du projet de loi de finances date des années 90. Elle s’inscrit dans une logique de recherche de transparence dans la gestion des finances publiques. Un objectif politique qui signifie qu’il n’y a pas de vraie démocratie si les citoyens ne comprennent pas comment est utilisé l’argent public.
C’est dire qu’il y a un lien fondamental entre la démocratie et le droit budgétaire. L’objectif de transparence suppose que la présentation, l’élaboration et l’exécution soit lisibles pour les citoyens. Le parlement doit être informé des grandes priorités de la politique budgétaire.1 Le débat d’orientation budgétaire constitue un premier rendez-vous entre le gouvernement et le parlement dans le cadre de la préparation de la loi de finances et donne l’occasion aux parlementaires de faire entendre leur point de vue sur les orientations de la politique gouvernementale.2 Il leur permet donc d’être informé assez tôt de la stratégie gouvernementale d’une part et d’autre part d’en discuter afin de formuler des suggestions à l’exécutif. Ainsi, le gouvernement doit désormais présenter un rapport sur l’évolution de l’économie nationale.
Il faut dire que la première expérience a été faite en France avec les budgets des collectivités territoriales avant d’être élargie au budget de l’Etat avec le gouvernement Jospin en 1998. Sous la forme d’un débat d’orientation des finances publiques (DOFP), cette initiative permet au gouvernement d’informer le parlement de l’évolution de l’économie nationale et des orientations majeurs des finances publiques. Ce débat est prévu à l’article 48 de la loi organique portant loi de finances du 1er août 2001. Le Professeur Reymond MUZELLEC parle de « correction parlementaire au monopole gouvernemental »3 sur l’élaboration du projet de loi de finances.
En France, le débat d’orientation budgétaire est préparé en amont avec la remise de deux rapports au Parlement. Le premier rapport émane de la Cour des comptes et porte sur la situation et les perspectives des finances publiques. Quant au second, il provient du Gouvernement qui le remet au Parlement, en principe avant le 30 juin, pour lui informer de l’évolution de l’économie nationale et des orientations des finances publiques.
Ce rapport inclut la liste des programmes et des indicateurs de performances qui leur sont associés, envisagés pour le projet de loi de finances de l’année suivante ; et depuis 2013, ce rapport comporte, en outre, un tiré à part présentant le montant des crédits par ministère. Dans ce rapport on trouve « une description des grandes orientations de la politique économique et budgétaire du gouvernement, une évaluation à moins terme des ressources de l’Etat ainsi que de ses charges ventilées par grandes fonctions et la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun de ces programmes, envisagés pour le projet de loi de finances de l’année suivante. » Copiée et formellement instaurée durant la transposition des directives de l’Uemoa4, cette pratique reste une initiative des finances publiques françaises5. Elle témoigne d’un revirement des exigences des finances publiques : une substitution d’exigences de moyens à une gestion axée sur les résultats ; ce qui correspond vraiment aux objectifs des finances post-modernes.
Au Sénégal, la tenue du DOB est prévue par le règlement intérieur de l’assemblée nationale. Aux termes de son article 3, « au cours de la première session ordinaire de l’année, il est organisé un débat d’orientation budgétaire selon la procédure prévue à l’article 19. Celui-ci doit avoir lieu dans les 3 mois suivants l’ouverture de la session. Une instruction générale du bureau en détermine les modalités. » Ce débat est réalisé sur la base du document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle6, accompagné éventuellement des documents de programmation pluriannuelle des dépenses7, du rapport définissant l’équilibre financier et économique ainsi qu’un plan de trésorerie prévisionnel et mensualisé de l’exécution du budget de l’Etat. Il est une occasion offerte aux parlementaires sénégalais de s’informer sur les choix budgétaires du gouvernement et de porter des observations sur les orientations établies.
Sur ce point, Moustapha Niasse8, dans un discours sur le débat d’orientation budgétaire qui s’apprêtait à se tenir le 20 juin 2014, disait que la session d’orientation budgétaire « devrait permettre aux députés d’exercer cette double prérogative liée au contrôle de l’action du gouvernement mais également au dialogue entre l’exécutif et le législatif planification stratégique. » Pour se préparer à accueillir ce débat, la commission des finances de l’Assemblée nationale procède à l’audition du Premier président de la Cour des comptes, qui vient présenter le rapport de celle-ci sur la situation et les perspectives des finances publiques. Elle publie également un rapport d’information préparatoire au débat d’orientation, sous la signature de son rapporteur général.
Cependant, il faut reconnaitre que le débat d’orientation reste un instrument sous-exploité tant sur la forme que sur le fond. D’abord sur la forme, la durée de ce débat reste très courte, généralement quelques heures. Les temps de parole sont strictement encadrés (en dehors de ceux des ministres), courts, et généralement monopolisés par la majorité.
Le débat souffre également d’un calendrier parlementaire très chargé en fin de session. Il n’est donc pas rare que le débat ait lieu en session extraordinaire et devant un nombre de parlementaires parfois assez réduit. En plus, sur le fond, le débat peine à s’imposer comme un moment fort du cycle budgétaire.
Loin de devenir un outil permettant d’associer le Parlement à la préparation du budget, le DOB reste un débat politique, voire politicien, durant lequel majorité et opposition se « disputent » pour savoir qui gère le plus mal les finances publiques, qui a causé cette situation financière dégradée ou encore pour se donner des leçons en matière budgétaire.
Généralement, le débat ne fait pratiquement aucunement référence à la construction des programmes ou des objectifs que se fixe le gouvernement ; la LOLF est elle-même rarement évoquée. Ainsi, le débat d’orientation budgétaire n’a toujours pas le rôle voulu par le législateur et ne permet pas au Parlement d’imposer ni même de proposer ces choix en matière budgétaire, et ce, alors même qu’il apparaît comme le moment privilégié pour discuter des politiques et programmes ; donc des grandes orientations budgétaires. De surcroit, la tenue de ce débat n’est pas une obligation et ne donne pas non plus lieu à un vote. On pourrait même être tenté de dire que c’est la raison pour laquelle le débat d’orientation budgétaire n’est pas chose fréquente au Sénégal car depuis son avènement on n’en décompte qu’un nombre infime.
L’ensemble de ces acteurs, politiques et administratifs s’occupent de la préparation du projet de loi de finances ; chacun d’entre eux étant circonscrit dans un cadre déterminé dans lequel il exerce les fonctions qui lui sont assigné dans ce processus. Ils entretiennent ainsi des rapports de subordination et d’interaction tout au long de la procédure.
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1 Docteur Salif SANE, Cours de Politiques budgétaires Communautaires, 2019-2020. ↑
2 Moussa ZAKI : « La LOLF, Instrument de Rénovation de la Gouvernance de l’Etat », in La LOLF dans tous ses états, Actes de Colloque National des 13 et 14 février 2015, Page 369. ↑
3 Raymond MUZELLEC, Finances Publiques, 14ème édition, septembre 2006, P.238. ↑
4 Article 52 de la directive n°06/2009/CM/UEMOA portant lois de finances. ↑
5 Introduit dans les finances publiques françaises sous le gouvernement Rocard en 1990 puis reproduit sous Alain Juppé, il est devenu obligatoire. C’était une occasion saisie pour consulter le parlement sur les éventuelles modifications qu’il ne pourra plus réclamer lors de la discussion de la loi de finances. ↑
6 Article 52 de la loi Organique 2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances. ↑
7 Article 56 de la loi Organique relative aux Lois de Finances du 26 février 2020. ↑
8 Président en exercice de l’Assemblée Nationale du Sénégal. ↑