Comment la répression du mariage forcé en RDC révèle des enjeux cruciaux ?

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🏫 Université de Kalemie - Faculté de Droit - Département de Droit Privé et Judiciaire
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BISHINDO WA KABILA Judith
BISHINDO WA KABILA Judith

La répression du mariage forcé en RDC révèle une réalité alarmante : malgré des lois en place, les autorités judiciaires négligent cette infraction au profit d’autres crimes sexuels. Cette étude met en lumière les conséquences socio-juridiques de cette insuffisance, appelant à une action urgente pour protéger les droits des femmes.


Paragraphe 2. Bases légales

Le mariage forcé ou le mariage d’enfant ou encore le mariage précoce n’est pas sanctionné pénalement seulement en Droit interne, il l’est aussi en Droit international.

Point 1. Sources internes

Le mariage forcé ne fait pas l’objet d’une disposition pénale spéciale uniquement. Le code pénal congolais tel que complété et modifié par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 est sous-tendu par d’autres textes juridiques nationaux dont notamment l’article 336 du code la famille dont il relève, ainsi que l’article 189 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.

Pour ce qui est de l’article 336 du code de la famille qui dispose : « est puni d’une servitude principale pénale d’un à trois mois et d’une amende de 150.000 (cent cinquante milles) à

600.000 (six cent milles) francs congolais ou de l’une de ces peines seulement, tout individu autre que le père, mère, ou tuteur qui aura contraint une personne à se marier contre son gré ou qui, de mauvaise foi, aura empêché la conclusion d’un mariage remplissant toutes les conditions légales. Toutefois, en cas des contraintes exercées par les parents, le tuteur ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu, ce dernier peut saisir le conseil de famille, lequel statue. En cas de désaccord, le tribunal de paix en sera saisi ».

Il sied de préciser ici que cette disposition du code de la famille, sans toutefois préciser les termes ‘’mariage forcé’’, se contente de sanctionner deux incriminations au même moment. Il s’agit notamment de l’incrimination sous analyse et de l’empêchement au mariage. Pour nous, il importe donc d’affirmer sans peur d’en être contredite que le mariage forcé relève non pas du code pénal mais du Droit pénal de la famille car étant prévu par le code civil de la famille.

Par ailleurs, il convient de retenir, ab ovo, que les dispositions de l’article 336 du code sus évoqué ont été complétées par celles des articles 402 à 405 du même code.

Concernant le code pénal tel que complété et modifié par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, son article 174 f dispose : « sans préjudice de l’article 336 du Code de la famille, sera punie d’une peine de un à douze ans de servitude pénale et d’une amende ne pouvant être inférieur à cent mille Francs congolais constants, toute personne qui, exerçant l’autorité parentale ou tutélaire sur une personne mineure ou majeure, l’aura donnée en mariage, ou en vue de celui-ci, ou l’aura contrainte à se marier. Le minimum de la peine prévu à l’aliéna 1er est doublé lorsqu’il s’agit d’une personne âgée de moins de 18 ans. »

L’aspect qui mérite bien d’être soulevé dans cette disposition en est que la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le code pénal congolais ne fait aucune distinction entre le mariage forcé commis à l’encontre d’un majeur avec le mariage forcé commis au détriment d’un mineur. Elle considère cette dernière hypothèse comme une circonstance aggravante de la première.

Bien plus, et sans intention par nous de faire anticipativement une analyse des peines prévues tant dans le cadre du code de la famille que du code pénal tel que modifié et complété à ce jour, un autre aspect mérite bien d’être soulevé sous cette section. C’est celui de la contradiction entre les sanctions prévues par ces deux textes. Certes, les deux dispositions légales prévoient une même incrimination, mais, hélas, les peines prévues dans le cadre du code pénal congolais sont-elles plus supérieures qu’aux celles prévues dans le cadre du code de la famille.

En sus, nous retiendrons sur ce point que l’incrimination de mariage forcé entre dans la catégorie des violences sexuelles car étant prévue par la loi de 2006 relative aux violences sexuelles.

En ce qui concerne maintenant la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, son article 189 dispose ce qui suit : « Toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire sur un enfant, le donne en mariage ou en vue de celui-ci, ou le contraint à se marier est puni d’une peine de cinq à douze ans de servitude pénale principale et d’une amende de huit cents mille à un million de francs congolais ».

Cet article est venu s’inscrire résolument dans la logique protectrice du mariage d’enfants tel que proscrit aux termes des articles 48 et 49 de la même loi qui en disposent de ce qui suit : « les fiançailles et le mariage d’enfants sont interdits ». « Les pratiques, traditions et coutumes qui portent atteinte au développement, à la santé, voire à la vie de l’enfant sont interdites.

Contrairement aux instruments juridiques par nous sus examinés et surtout, au code pénal congolais tel que complété et modifié par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 qui a amèrement considéré le mariage forcé consommé au détriment d’un mineur comme une circonstance aggravante de l’incrimination de mariage forcé, la loi portant protection de l’enfant considère notablement le mariage forcé commis à l’encontre d’un mineur comme une infraction sui generis ou comme une infraction à part entière. Et elle la punit plus sévèrement par une peine

fort supérieure à celles prévues dans le code de la famille et par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.

Au demeurant, il conviendrait de retenir que le mariage forcé dont la victime est majeure d’âge est prévu et puni par les dispositions de la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais ainsi que du code de la famille telle que modifiée et complétée par la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016. Et le mariage forcé dont la victime est mineure d’âge est prévu et puni par les dispositions de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.

Point 2. Sources internationales

Divers accords et instruments internationaux régulièrement ratifiés par la République Démocratique du Congo conformément aux articles 214 et 215 de sa constitution92 abordent la question du mariage d’enfants et du mariage précoce ou forcé.

En clair, la pratique dite de mariage forcé n’est pas mentionnée en tant que telle dans la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, qui contient toutefois une disposition exigeant des gouvernements qu’ils abolissent « les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants » et invitant les gouvernements à protéger l’enfant contre « toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle ».

En outre, cette pratique est liée à d’autres droits de l’enfant, notamment le droit à donner librement son avis ainsi que le droit à être protégé de tout type d’abus et de pratiques traditionnelles préjudiciables. Le Comité des droits de l’enfant a régulièrement abordé la question du mariage d’enfants et du consentement au mariage dans les « Observations finales » qu’il destine aux gouvernements ayant ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant.

L’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) mentionne le droit à la protection contre le mariage des enfants : Les traités régionaux ont été pris en considération, mais pas inclus dans le rapport. « Les fiançailles et les mariages d’enfants n’ont pas d’effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, sont prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage ».

La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît le droit au « libre et plein » consentement au mariage et stipule que le consentement ne saurait être considéré comme libre

92 L’article 214 de la constitution du 18 février 2006 tel que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 dispose : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances publiques, ceux qui modifient les dispositions législatives, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes,

ceux qui comportent échange et adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais consulté par voie de référendum. » Et pour l’article 215 d’en ajouter : « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie.

»

et plein lorsque l’un des époux n’est pas d’âge suffisamment mûr pour choisir en connaissance de cause un conjoint.

Enfin, la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages contient des dispositions détaillées portant sur l’âge minimum pour donner son consentement, le consentement des parents et les procédures d’enregistrement sur les registres officiels.

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92 L’article 214 de la constitution du 18 février 2006 tel que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 dispose : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances publiques, ceux qui modifient les dispositions législatives, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent échange et adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais consulté par voie de référendum. » Et pour l’article 215 d’en ajouter : « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les bases légales du mariage forcé en RDC?

Le mariage forcé est sanctionné par le code pénal congolais et le code de la famille, notamment par l’article 336 du code de la famille et l’article 174 f du code pénal.

Quelles sanctions sont prévues pour le mariage forcé en RDC?

Les sanctions pour mariage forcé varient de un à douze ans de servitude pénale et d’amendes, avec des peines plus sévères pour les mariages forcés impliquant des mineurs.

Pourquoi le mariage forcé est-il considéré comme une violence sexuelle en RDC?

Le mariage forcé est classé parmi les violences sexuelles car il est prévu par la loi de 2006 relative aux violences sexuelles.

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