Comment les souvenirs façonnent-ils l’identité culturelle ?

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🏫 Université 8 mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de la Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2023/2024
🎓 Auteur·trice·s
FERGANI Nesrine BENALI Zahra
FERGANI Nesrine BENALI Zahra

Les mémoires et identité culturelle s’entrelacent de manière fascinante dans le roman ‘La Nuit des Origines’ de Nourredine Saadi. Comment les souvenirs façonnent-ils l’appartenance des personnages Abla et Alain face aux défis de l’exil ? Cette étude révèle des insights cruciaux sur la quête identitaire contemporaine.


Utilisation des Souvenirs pour Façonner l’Identité et Définir l’Appartenance :

Le roman met en lumière le rôle crucial que les souvenirs jouent dans la construction de l’identité et la définition de l’appartenance des personnages principaux, Abla et Alain. À travers leurs interactions avec le passé, chacun des personnages explore comment la mémoire peut être à la fois un outil de réconfort et une source de conflit.

Souvenirs identitaires :

Les souvenirs jouent un rôle fondamental dans la construction identitaire d’Abla et d’Alain. Ils ne sont pas simplement des réminiscences du passé, mais des éléments constitutifs de leur présent et de leur manière d’appréhender le monde. Chaque personnage utilise ses souvenirs pour définir qui il est, mais de manière différente.

Pour Abla, les souvenirs sont profondément liés à son enfance à Constantine et à son passé familial. Ces souvenirs jouent un rôle central dans la formation de son identité personnelle et culturelle. Elle utilise le rituel de lecture et de psalmodie comme un moyen de maintenir un lien avec ses origines. Ce rituel lui permet de conserver une connexion avec sa culture et ses ancêtres malgré son exil.

« Elle se tourna vers lui, hésitante, et murmura comme à elle-même : A Constantine, en haut d’un rocher. Il doit être encore adossé à une fenêtre au-dessus de l’abîme, mimant de ses mains un envol d’oiseau. »1

Ici, Abla se connecte à son passé à travers des images précises et émotionnelles liées à sa ville natale. Le lit, symbole de son foyer familial, devient un vecteur de souvenirs d’enfance qui ancrent son identité. Cette connexion avec Constantine montre comment ses souvenirs d’enfance influencent sa perception du monde et sa propre identité, même lorsqu’elle est physiquement éloignée de son lieu d’origine.

Son lien profond avec Constantine, sa ville natale, est incarné par des objets comme le manuscrit précieux qu’elle conserve précieusement. « Elle sortit son manuscrit de sa gaine de velours et s’assit sur le canapé usé. »1 Ce manuscrit, enveloppé dans une gaine de velours, est bien plus qu’un simple artefact ; il est le témoin silencieux de son histoire familiale et culturelle.

En poursuivant ses rituels religieux, comme la lecture de prières anciennes, Abla cherche à maintenir un lien avec ses racines, même si elle est éloignée de son pays d’origine. Ses souvenirs de Constantine sont empreints à la fois de chaleur et de douleur. La ville, marquée par des expériences traumatiques, devient un symbole de son exil et de ses conflits intérieurs.

Les éléments comme le pont suspendu et le vieux rocher moisi évoquent les aspects négatifs de son passé, illustrant comment ses souvenirs continuent de façonner son identité malgré ses efforts pour se réinventer ailleurs.

Abla utilise ses souvenirs de mariage et de traditions culturelles pour façonner son identité. Le récit détaillé de sa cérémonie de mariage, des habits traditionnels et des rites reflète son attachement à ses racines culturelles. Ces souvenirs lui permettent de se situer dans un cadre culturel précis et de maintenir un lien avec ses ancêtres et sa communauté. Cependant, cette connexion culturelle est aussi une source de conflit intérieur, car elle révèle un fossé entre ses désirs personnels et les attentes traditionnelles.

En contraste, Alain utilise ses souvenirs de manière différente pour façonner son identité. Le marché des Puces de Saint-Ouen, où il travaille, devient un réservoir de mémoire collective. Les objets qu’il manipule et restaure portent les traces de vies passées, enrichissant ainsi sa propre histoire personnelle.

« Alain remonta lentement la foule, se frayant un passage entre les travées, les stands, les passages, s’incarnant, se confondant avec les Puces, son monde qui, chaque jour »2

Pour Alain, le marché des Puces est un espace où la mémoire des objets qu’il rencontre devient une extension de sa propre identité. Il associe chaque objet à une histoire personnelle, ce qui enrichit sa propre vie de souvenirs divers. Cet environnement contribue à façonner son identité en lui offrant un lien tangible avec le passé, ainsi qu’une connexion avec une histoire collective plus large.

Les cartes postales anciennes de Constantine, découvertes par Alain, symbolisent un lien avec son propre passé et renforcent son sentiment d’appartenance à un lieu spécifique. Alain s’identifie non seulement à travers les souvenirs qu’il recueille mais aussi par son engagement dans la vie du marché.

Ses interactions sociales, ses rituels quotidiens et ses réflexions politiques sont tous influencés par ses expériences passées et son désir de relier son passé au présent. Ainsi, le marché des Puces et les objets qu’il traite deviennent des extensions de sa propre identité, lui permettant de naviguer dans ses aspirations personnelles et professionnelles.

Alain, quant à lui, est un personnage dont l’identité est également façonnée par ses souvenirs, mais ces souvenirs sont souvent en conflit avec la réalité contemporaine. Alain, le jeune intellectuel, a grandi pendant l’époque coloniale et porte en lui les souvenirs de cette période, qui a profondément marqué son identité. Pour Alain, les souvenirs du colonialisme ne sont pas simplement des réminiscences, mais des points de référence qui influencent sa vision du monde.

Contrairement à Abla, qui se réfugie dans les souvenirs d’un passé glorieux, Alain lutte avec les réminiscences d’un système oppressif. Ses souvenirs du colonialisme sont teintés d’ambivalence – d’un côté, ils sont le symbole de l’oppression, mais de l’autre, ils représentent aussi une époque de structure et d’ordre, que la nouvelle indépendance peine à instaurer.

Alain se retrouve donc tiraillé entre deux mondes : celui de ses souvenirs, qui lui fournissent une base identitaire solide, et celui de la réalité présente, où il cherche à trouver sa place. Son appartenance devient floue car les souvenirs de l’époque coloniale ne correspondent plus à la nouvelle réalité indépendante, mais ils continuent néanmoins de façonner son identité de manière profonde.

La mémoire, pour Abla et Alain, devient un pilier fondamental dans la définition de leur identité. Abla utilise ses souvenirs personnels et culturels pour maintenir un lien avec son passé malgré l’exil, tandis qu’Alain intègre les souvenirs collectifs et les objets du passé pour enrichir sa propre identité et ses engagements sociaux.

À travers leurs expériences, le roman montre comment la mémoire est non seulement une collection de réminiscences mais aussi un outil puissant pour comprendre qui l’on est et comment on se connecte au monde.

En somme, le roman illustre la manière dont la mémoire influence profondément la construction de soi et le sentiment d’appartenance. Pour Abla, elle est une ancre culturelle, et pour Alain, une richesse de souvenirs collectifs et personnels. Leur parcours respectif révèle le rôle essentiel que jouent les souvenirs dans la navigation entre le passé et le présent, et dans la définition de l’identité.

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1 Saadi, La Nuit des Origines, op. cit.p. 22

2 Saadi, La Nuit des Origines, op. cit.p. 120


Questions Fréquemment Posées

Comment les souvenirs influencent-ils l’identité d’Abla dans La Nuit des Origines ?

Les souvenirs d’Abla sont profondément liés à son enfance à Constantine et à son passé familial, jouant un rôle central dans la formation de son identité personnelle et culturelle.

Quel est le rôle du marché des Puces pour le personnage d’Alain ?

Pour Alain, le marché des Puces de Saint-Ouen devient un réservoir de mémoire collective, où chaque objet qu’il manipule et restaure porte des traces de vies passées, enrichissant ainsi sa propre histoire personnelle.

Comment les rituels culturels aident-ils Abla à maintenir son identité ?

Abla utilise des rituels religieux, comme la lecture de prières anciennes, pour maintenir un lien avec ses racines, même éloignée de son pays d’origine, ce qui lui permet de conserver une connexion avec sa culture et ses ancêtres.

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