Quels sont les éléments constitutifs du mariage forcé en RDC ?

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🏫 Université de Kalemie - Faculté de Droit - Département de Droit Privé et Judiciaire
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BISHINDO WA KABILA Judith
BISHINDO WA KABILA Judith

Les éléments constitutifs du mariage forcé révèlent une réalité troublante : malgré des lois existantes, la répression demeure insuffisante. Cette étude met en lumière les implications socio-juridiques critiques de cette infraction, incitant à une réflexion urgente sur la protection des droits des femmes en milieu rural.


Section 2. Eléments constitutifs de l’infraction de mariage forcé

Même si le débat est un peu usé, il convient de signaler l’existence d’une querelle sur la notion d’éléments de l’infraction. Une première thèse, minoritaire et réductrice, voit dans l’infraction uniquement la transgression matérielle d’un interdit légal ou d’une obligation légale, ce qui conduit à voir dans l’infraction un acte matériel d’action ou d’omission et à rejeter dans la théorie du délinquant toutes les questions d’ordre psychologique, qu’il s’agisse de son état d’esprit (sa faute) ou des causes supprimant ou réduisant sa responsabilité (trouble mental, contrainte…).

Une seconde thèse, majoritaire et extensive, voit dans l’infraction une notion complexe, faite à la fois d’un comportement matériel et d’un état d’esprit, seules les causes affectant les responsabilités échappant à la notion d’infraction. Un peu partout cette thèse est préférée.93

Ceci nous renvoi à dire que l’infraction peut être présentée en quatre, trois ou deux éléments constitutifs dont, en dehors de l’élément légal qui doit nécessairement figurer conformément à la maxime « Nullumcrimen, nullapoena sine lege », d’une part, les éléments matériels et de l’autre part, l’élément psychologique. Il convient de scruter les possibles éléments qui composent l’infraction de mariage forcé.

Pour être établie, l’infraction de mariage forcé requiert l’existence et la réunion des éléments constitutifs. Ils sont faits de l’élément légal, des éléments matériels dont la qualité requise pour l’auteur, l’acte répréhensible, le défaut de consentement et de l’élément moral.

Paragraphe 1. Elément légal

Sans préjudice des analyses que nous avons faites ci-haut en ce qui concerne les bases légales de l’infraction de mariage forcé, celle-ci a pour élément légal, en dehors des instruments juridiques internationaux sus cités :

  • La loi n° 87-010 du 1ier août 1987 portant Code de la famille telle que modifiée et complétée par la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016, spécialement en ses articles 336 et 404 ;
  • Le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, particulièrement en son article 174 f ; et
  • La loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, spécialement en ses articles 48, 49 et 189.

93 PRADEL J., Droit pénal comparé, 4ième éd., Dalloz, Paris, 2016, p.99.

Paragraphe 2. Eléments matériels

Pour être punissable, une infraction doit d’abord être matériellement constituée, c’est- à-dire comporter un élément matériel. Cet élément matériel consiste dans un fait de violence ou de ruse, qui produit un résultat à la suite d’un processus plus ou moins long : l’itercriminisou « chemin du crime ».94

Pour l’hypothèse de l’infraction sous analyse, deux cas à révéler influent considérablement sa matérialisation ou ses éléments matériels. Il s’agit notamment du cas de mariage forcé commis à l’encontre d’une personne majeure d’âge et du cas de mariage forcé institué par la loi portant protection de l’enfant ou du mariage forcé perpétré au détriment d’un mineur.

Point 1. Cas du mariage forcé dont la victime est un adulte

Dans cette première hypothèse, la réalisation de l’incrimination de mariage forcé suppose la réunion des éléments matériels ci-après :

  • La qualité requise pour l’auteur ;
  • L’acte répréhensible ;
  • Le défaut de consentement.
La qualité requise pour l’auteur

D’emblée, il sied de signaler une divergence entre le code la famille et le code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, par rapport à la qualité des personnes susceptibles de commettre cette incrimination.

Pour le code de la famille, il doit s’agir de tout individu autre que le père, mère, tuteur, ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu. Peu importe l’âge (majeur ou mineur d’âge). Il peut s’agir d’un membre de famille, proche ou lointain, d’un ami ou d’une amie, d’un voisin ou d’une voisine, d’un pasteur, d’ « un frère ou sœur en christ », d’un chef de quartier ou d’avenue, etc.95

A l’opposé, aux termes du code pénal, il doit s’agir de toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire sur une personne mineure ou majeure, c’est-à-dire il doit s’agir du père, mère, tuteur, ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu. C’est comme pour dire que le code pénal limiterait le champ d’intervention de cette incrimination aux seuls pères, mères, tuteurs ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu ; tout en exonérant les personnes qui n’ont aucune autorité sur la victime. Or, pour le code de la famille, le père, la mère, le tuteur ou toute personne exerçant en droit l’autorité sur la victime en sont exonérés.

C’est pourquoi, il y aurait lieu là de nous plier aux prescrits du code la famille car étant modifié postérieurement au code pénal (soit le 15 Juillet 2016 pour le premier et le 20 Juillet 2006 pour le second). Cependant, cela n’est pont notre position car, selon, les dispositions du code pénal tel que modifié et complété sont plus limpides que celles du code de la famille.

Pour rappel, le tuteur doit, à en croire les dispositions de l’article 223 du code de la famille, être une personne capable, désignée, selon les cas, soit par le tribunal pour enfants, soit par le tribunal de paix. Il représente le mineur qui n’a point de parents.

Cependant, une notion cruciale mérite d’être soulevée dans ce point, c’est celle du défaut de pertinence de la qualité officielle de l’auteur de cette infraction.

Du défaut de pertinence de la qualité officielle et de l’ordre hiérarchique

La qualité officielle et le rang occupé par une personne peuvent la soustraire à la répression du fait des actes infractionnels qu’elle pourrait commettre pendant ses fonctions. Cependant, depuis la fin du XXièmesiècle, il a été opposé à cette cause d’impunité un courant de pensée qui considère que cette faveur ne devrait pas être reconnue aux personnes qui se rendent coupables d’un certain nombre de crimes graves, attentatoires à la conscience universelle de l’humanité tout entière : ceux qui sont qualifiés de « hostishumanis generis».96

Par conséquent, en Droit positif congolais, depuis la révision du code pénal en 2006, la qualité officielle de l’auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles ne peut en aucun cas l’exonérer de la responsabilité pénale ni constituer une cause de diminution de la peine.97 En d’autres termes, il n’y a point d’immunités (parlementaires, diplomatiques, etc.) en cas des poursuites diligentées contre un auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles.

Pire encore, l’ordre hiérarchique ou le commandement d’une Autorité légitime civile ou militaire n’exonère nullement l’auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles de sa responsabilité.98 C’est-à-dire que l’ordre d’une autorité légitime qui pouvait constituer une cause objective de non-responsabilité, est dépourvu de toute pertinence lorsqu’il s’agit de poursuivre quelqu’un qui aurait commis un crime de ce genre car l’ordre est considéré par le législateur de 2006 comme manifestement illégal.

C’est pourquoi, le mariage forcé étant une infraction de la catégorie des violences sexuelles, il va de soi que les immunités et l’ordre d’une autorité légitime sont dépourvus de toute pertinence lorsqu’il s’agit de poursuivre pénalement l’auteur ou les auteurs présumés de cette incrimination.

________________________

93 PRADEL J., Droit pénal comparé, 4ième éd., Dalloz, Paris, 2016, p.99.

94 XAVIER PIN, Droit pénal général, 10ième éd., Dalloz, Paris, 2018, p.98.

95 CIZUNGU B., op. cit., p.384.

96 LUZOLO BAMBI LESSA E.-J. et BAYONA Ba MEYA N.-A., Manuel de procédure pénale, PUC, Kinshasa, 2011, p.190.

97Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, Article 42 (bis).

98 Idem, article 42 (ter).


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les éléments constitutifs du mariage forcé en RDC ?

Pour être établie, l’infraction de mariage forcé requiert l’existence et la réunion des éléments constitutifs, qui sont l’élément légal, les éléments matériels, et l’élément moral.

Quelle est la base légale du mariage forcé en droit congolais ?

L’élément légal du mariage forcé est constitué par la loi n° 87-010 du 1ier août 1987 portant Code de la famille, le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, et la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.

Quels sont les éléments matériels du mariage forcé ?

Les éléments matériels du mariage forcé comprennent la qualité requise pour l’auteur, l’acte répréhensible, et le défaut de consentement.

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