Le système financier en RDC joue un rôle crucial dans l’épargne, révélant des taux faibles par rapport à d’autres pays émergents. Cette étude macroéconomique de 1960 à 2020 explore les déterminants de l’épargne et leur influence sur l’investissement et la croissance économique.
2.2. ENVIRONNEMENT FINANCIER
L’analyse de l’environnement financier est importante parce qu’elle permet de voir dans quelle mesure les agents économiques épargnent. Cette épargne est dirigée dans le secteur financier formel, dans le secteur financier informel ou dans le secteur financier semi formel.
Nous commençons par présenter le secteur financier formel et informel congolais et analyser ensuite les différents indicateurs.
2.2.1. PRESENTATION DU SYSTEME FINANCIER
2.2.1.1. Système financier formel
Les banques sont le principal type d’établissements financiers du secteur formel engagé dans la mobilisation de l’épargne en Afrique1. En RDC, ces banques sont généralement concentrées dans les grandes agglomérations et il y a peu d’agences dans les zones rurales.
Le système bancaire congolais est demeuré embryonnaire avant et après l’accession du pays à l’indépendance. Depuis 2007, le nombre ne cesse d’augmenter avec le volume de leurs dépôts, portefeuille crédits et guichets pour atteindre aujourd’hui 15 banques agréées et reconnues par le gouvernement congolais2.
Le secteur financier formel ne mobilise pas une grande épargne à cause du seuil minimum élevé fixé pour les dépôts, du temps nécessaire pour effectuer les opérations et de la lourdeur de l’administration.
En outre, la plupart de ces banques se concentrent dans la ville province de Kinshasa et possèdent des succursales dans quelques grandes villes comme Lubumbashi, Bukavu, Goma, Kisangani, Beni, Butembo, Matadi, Likasi, Kasumbalesa, Fungurume, etc.
En outre, l’environnement financier de la RDC ne permet pas de mobiliser l’épargne des ruraux et semi-ruraux et pourtant ces derniers représentent 54% de la population totale de la RDC en 2021 comme présenté dans le rapport annuel de la banque mondiale de 2021.
Développer le système financier par l’atteinte de toutes les couches de la population s’avère indispensable pour mobiliser l’épargne en milieu rural et semi-rural et, donc, relever l’épargne nationale. C’est dans ce milieu rural et semi-rural que le système financier informel et semi-formel prend de l’ampleur.
2.2.1.2. Secteur de micro finance
Dans ce secteur, le seuil de dépôt est faible, et tourne au tour de 1000 francs congolais et permet de remédier au problème de parrainage des clients que pose le secteur financier formel.
En vue de mieux mobiliser l’épargne dans ce secteur, les institutions de micro finance ont adopté une stratégie porte à porte, fonctionnant sous forme de gardes fonds en vue de réduire la distance entre l’épargnant et la caisse d’épargne.
Le secteur de micro finance est spécialisé dans la fourniture des services aux ménages et aux petites entreprises qui n’ont pas accès aux services du secteur formel. La micro finance a notamment pour rôle de réduire la pauvreté3.
Les organismes de micro finance se protègent en partie contre les risques en recourant aux interlocuteurs et aux méthodes du secteur financier informel, par exemple, en utilisant le mécanisme du crédit collectif4.
Elle met les personnes non plus en face d’individu mais plutôt en face d’une institution. Parmi les institutions de micro finance, on peut citer les caisses d’épargne et de crédit.
2.2.1.3. Système financier informel
Le concept de finance informelle renvoie à des pratiques d’épargne et de crédit qui ne sont pas obligées de respecter un cadre ou un schéma fixe.
Le secteur financier informel offre un large éventail d’instruments d’épargne qui va de la simple collecte des dépôts jusqu’à d’importants groupements ou clubs d’épargne autogérés. On classe dans ce secteur le phénomène de « garde fonds » et les tontines.
A la différence du secteur de micro finance, dans ce secteur les relations entre les débiteurs et les créanciers sont des relations personnelles. Non seulement ils se connaissent, le plus souvent, mais les opérations financières qu’ils font ensemble ne sont pas simplement liées à leurs activités économiques, elles sont encastrées dans leurs relations sociales5.
2.2.1.3.1. Gardes fonds
Les habitants d’un quartier peuvent se décider de mettre leur argent en sécurité auprès d’une personne en qu’ils ont confiance. Cette personne s’engage à restituer ces versements à une date ultérieure convenue d’avance ou encore à la demande de l’épargnant.
Elle ne verse pas d’intérêt sur ces dépôts, et elle n’est pas rémunérée pour le service de sécurité qu’elle rend.
2.2.1.3.2. Tontiniers ou banquiers ambulants
Ici, les versements sont identiques, effectués d’une manière régulière et les épargnants sont remboursés en totalité à une date connue d’avance.
Le collecteur de l’épargne remet souvent à chacun de ses clients une carte établie à son nom, précisant son adresse et contenant autant de cases que de versements prévus.
A chaque versement, il signe jusqu’à l’échéance, normalement si toutes les cases sont remplies, le tontinier rembourse à ses clients les versements effectués diminués d’une case qu’il garde pour lui et qui est la rémunération du service de sécurité qu’il a rendu à chacun.
2.2.2. ANALYSE DES QUELQUES INDICATEURS FINANCIERS
Dans cette section, il est question d’analyser l’évolution des trois indicateurs financiers. Il s’agit du ratio M2/PIB, du taux d’intérêt et du taux d’épargne.
2.2.2.1. Ratio M2/PIB
Le M2 est un agrégat monétaire qui regroupe les moyens de paiements utilisables dans une économie(M1) et les placements à vue effectués sur livrets à taux réglementé6.
Le ratio M2/PIB permet de mesurer le poids du secteur financier congolais dans lequel évoluent les agents économiques.
En observation cet agrégat nous constatons que le secteur financier congolais est sous développé. En effet, le ratio M2/PIB est resté faible durant la période 1960 à 2010, il est généralement en dessous de 20%, sauf en 1983 et 1984 où il atteint respectivement 25,80% et 20,83%.
Dans les pays où le système financier est assez développé, ce ratio dépasse 50% et atteint parfois 100%.
Ainsi nous disons que plusieurs facteurs sont à la base du sous-développement du secteur financier en RDC, parmi lesquels on peut citer : les politiques de contrôle monétaire direct et l’instabilité macroéconomique.
2.2.2.2. Taux d’intérêt
Les taux d’intérêt sont demeurés très faibles, ceci pour permettre notamment à l’Etat de se financer au moindre coût. En outre, face à l’hyperinflation, il a été difficile de voir s’ajuster régulièrement les taux d’intérêt nominaux au niveau de celle-ci.
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Source : données tiré dans le rapport de la banque mondiale
Le graphique ci-dessus montre que le taux d’intérêt est resté relativement stable pendant la période 1964-1977. De 1979 à 1993 nous constatons une augmentation tendancielle avec une moyenne de 26.2%.
De 1994 à 2004 on assiste à des taux nominaux très élevés qui atteignent 238% en 1996 avec une moyenne de 88.091%.
Malgré le niveau relativement élevé des taux nominaux, ceux-ci restent largement en dessous des taux d’inflation. Les taux d’intérêts réels sont restés négatifs pendant toute la période 1986-2004 ; ce qui entraîne la désintermédiation financière et les intermédiaires ont travaillé à perte. C’est la répression financière.
2.2.2.3. Taux d’épargne
Le taux d’épargne national est le ratio de l’épargne nationale sur le produit intérieur brut.
La lecture du graphique ci-dessous montre que le taux d’épargne est très faible en RDC. Il était négatif en 1998 à cause probablement de la guerre qui a sévit dans le pays.
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Source : données tiré dans le rapport de la banque mondiale
Nous constatons que de 1960 à 1990 le taux d’épargne fluctue au tour de 11.11% du PIB. Entre 1990 et 1993, on assiste à une baisse du taux d’épargne, de 9.35% à 3.98% du PIB, en passant par un taux très bas de l’ordre de 1.83% du PIB en 1991.
Entre 1994 et 1996, on observe des taux d’épargne se situant au-dessus de 10%, le taux le plus élevé étant de 27.54% en 1996. Enfin, de 1997 à 2009, on constate un faible taux d’épargne, celui-ci fluctue autour de 5,75% du PIB.
Le taux d’épargne moyen est de l’ordre de 9,67% du PIB entre 1960 et 2009 avec un écart type de 5,49. Le taux d’épargne le plus élevé est atteint en 1996 avec un pourcentage de 27,54. Et le bas record est de -1% et 0,64% réalisés respectivement en 1998 et en 2006.
Cette situation peut être expliquée notamment par la guerre qu’a connue le pays en 1998 et par l’organisation des élections de 2006.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette faible mobilisation de l’épargne en RDC, parmi lesquels nous pouvons citer la répression financière dont nous venons de parler précédemment.
En effet, puisque les taux d’intérêts créditeurs ne permettent pas de se prémunir contre l’inflation. Celle-ci érode la valeur de l’épargne en monnaie nationale déposée auprès des intermédiaires financiers. Pour faire face à cette situation, la banque centrale a fini par autoriser l’ouverture des comptes d’épargne libellés en dollars.
Une autre cause de l’insuffisance d’épargne est la faiblesse des revenus des agents économiques qui ne permettent même pas de subvenir à leurs besoins existentiels.
Le seuil minimum fixé par les banques et le dualisme financier, c’est-à-dire la coexistence du secteur financier formel ou semi formel et le secteur financier informel peuvent également justifier cette faible mobilisation de l’épargne.
Dans ces conditions, l’offre de crédit ne peut être que faible et par conséquent le niveau de la production. Car c’est par le crédit que les entreprises financent le plus souvent leurs équipements et donc accroissent la capacité de production.
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1 Rapport de la CNUCED, 2007 ↑
2 La liste des banques agréées et acceptées par le gouvernement congolais tel que présenté dans le rapport annuel de 2020 et disponible sur la www.bcc.cd ↑
3 Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance [compte-rendu] dans la Revue Tiers Monde Année 2006 187 p. 673 ↑
4 Rapport de la CNUCED, 2007 ↑
5 Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance [compte-rendu] dans la Revue Tiers Monde Année 2006 ↑
6 Monnaie, banque et marchés financiers Frederic Mishkin 2010 ↑