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Analyse de cas : Sécurisation des paiements en ligne au Bénin

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🏫 UNIVERSITÉ D’ABOMEY-CALAVI - CHAIR UNESCO DES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE LA DÉMOCRATIE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MASTER RECHERCHE - 2020-2021
🎓 Auteur·trice·s
DOSSOU Hippolyte Kuêmahô Sonagnon
DOSSOU Hippolyte Kuêmahô Sonagnon

Section II : La sécurisation des paiements en ligne

« Dans le langage courant, le terme paiement désigne l’action de verser une somme d’argent qui est due. Le lexique des termes juridiques donne le sens suivant au paiement, exécution volontaire d’une obligation, quel qu’en soit l’objet (versement d’une somme d’argent, livraison de marchandises…) libérant le débiteur et éteignant la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier »1.

Le paiement en ligne quant à lui, est tout simplement un échange d’argent par les systèmes de paiements électroniques, soit à travers l’internet ou des réseaux de télécommunications2. Ainsi, plusieurs alternatives ont été instaurées pour permettre au consommateur d’effectuer le paiement en toute sécurité (Paragraphe I). Mais malgré ces différentes solutions sécuritaires, le système de paiement en ligne n’inspire pas encore une totale confiance chez le consommateur (Paragraphe II).

Paragraphe I : Une sécurisation instaurée

L’exécution du contrat électronique suppose que le cyberconsommateur respecte son obligation de paiement en ligne. Afin qu’il réalise à bien cette obligation, les cybermarchands mettent tout en œuvre pour assurer la sécurisation des paiements en ligne3 (A). Cette obligation de garantie sécuritaire du paiement en ligne doit être en mesure d’éviter au consommateur une responsabilité excessive (B).

A- La prise de mesure raisonnable par le professionnel

« Le paiement électronique existe depuis de nombreuses années dans le monde dit matériel, par opposition au monde virtuel. Que ce soit par carte bancaire, par virement, l’argent virtuel est bien entré dans les processus d’achat, de vente, de prêt, etc. Pourtant le monde virtuel de l’internet, en particulier, se trouve à la recherche permanente des moyens de paiement simples, sécurisés et efficaces »4. Pour la doctrine, l’acte de paiement constitue un acte juridique analysé comme une convention entre le créancier qui accepte que le débiteur soit déchargé de l’obligation qu’il avait envers lui, en exécutant sa prestation5, ou comme un acte unilatéral puisque la libération du débiteur ne dépend pas de la volonté du créancier6. La résolution 70/186 du 22 décembre 2015 de l’AG de l’ONU adoptée lors de sa soixante-dixième session a fait du principe de traitement juste et équitable, l’un des principes généraux pour la protection du consommateur.

En vertu du devoir de loyauté et d’honnêteté, le professionnel est obligé de prendre les mesures qu’il faut pour assurer au consommateur un paiement fiable et sans difficultés. La dématérialisation des paiements est une réalité au Bénin, qui a vu une forte augmentation des paiements mobiles au cours des dernières années7 : la valeur totale des transactions via les paiements mobiles a été multipliée par 11 entre 2015 et 2018 et le nombre de comptes actifs, par 6,6.

Le commerce électronique reste cependant essentiellement informel et s’effectue par le biais des réseaux sociaux (services de messagerie de WhatsApp ou Facebook). Les paiements sont majoritairement effectués à la livraison, en espèces ou via les paiements mobiles, le recours aux paiements en ligne de type VISA, Mastercard etc. restant limité. Cela s’explique d’une part par la faible bancarisation de l’économie, d’autre part par le manque de confiance tant des consommateurs que des producteurs. Enfin, les utilisateurs préfèrent échapper à la fiscalité et rester dans l’informel, au détriment du développement de leur activité et des recettes fiscales de l’État béninois.

En droit béninois, même si le code du numérique n’a pas instauré une consécration formelle digne du nom en matière de la sécurisation des paiements en ligne, il convient de relever qu’en ce qui concerne les informations précontractuelles imposées au professionnel, ce dernier est tenu de fournir au consommateur les informations sur les modalités et conditions de paiement en ligne8.

La mise en confiance du consommateur lors de son achat sur internet est indispensable. En effet, les relations contractuelles nées en ligne présentent un danger majeur, car les cocontractants ne se connaissent pas et ils ne sont pas toujours certains de l’existence réelle, de l’identité véritable, de la crédibilité et du sérieux de leur partenaire d’affaires encore moins sûr de l’aboutissement effectif de leur contrat, sinon de son exécution c’est-à-dire du bien pour lequel ils auraient payé9.

En droit communautaire, la question de la sécurisation des paiements en ligne a également fait l’objet de réflexions. Ces réflexions ont abouti à l’adoption au sein de l’UEMOA du Règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l’UEMOA10. Ce texte a été complété au plan interne par la loi n°2012-26 du 07 août 2012 portant répression des infractions en matière de chèque, de carte bancaire et d’autres instruments et procédés électroniques de paiement. La régulation des moyens de paiement électronique au Bénin est également régie par l’instruction n°008-05-2015 définissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les États membres de l’UEMOA.

Précisons que les Etats ont un rôle important a joué dans la sécurisation des paiements en ligne en particulier et dans celle du commerce électronique en générale. La résolution ci-dessus évoquée met à la charge des Etats d’adopter des politiques nationales pouvant permettre l’établissement de mécanismes de paiement sécurisés. De même, elle impose aux États de s’employer à renforcer la confiance des consommateurs dans le commerce électronique en continuant à élaborer des politiques transparentes qui assurent aux consommateurs une protection aussi efficace que dans d’autres formes de commerce et s’il y a lieu11. La prise des mesures nécessaires par le professionnel pour garantir au consommateur un paiement efficace implique de sa part le devoir de ne pas soumettre le consommateur à une responsabilité excessive.

B- La protection contre une responsabilité excessive lors du paiement

Pour assurer le développement du commerce électronique, il est indispensable de mettre en place un système de sécurisation des paiements. Cela a un double enjeu, cette sécurisation doit permettre de garantir les montants prélevés et la confidentialité des informations bancaires transmises et pour le cybermarchand elle doit garantir l’effectivité du paiement12.

L’exécution du contrat de vente par internet obéit aux règles générales du droit commun de la vente et du droit particulier de la vente au consommateur. Ces règles ne subissent que des adaptations pratiques du fait de la nature particulière du paiement en ligne. En effet les obligations de l’acheteur ne sont pas nombreuses.

La principale obligation du cyberconsommateur est de payer le prix. La protection du consommateur en matière de paiements pose un certain nombre de problèmes ou questions d’ordre général dont les débits non autorisés13. Le consommateur n’est pas à l’abri d’un vol, d’une perte de sa carte bancaire. Cela pourrait permettre une utilisation frauduleuse de son moyen de paiement sur Internet14.

Il faut donc entendre par responsabilité excessive lors du paiement en ligne, les pratiques frauduleuses aboutissant à effectuer des retraits sur le compte du consommateur sans que ce dernier soit le donneur d’ordre desdits retraits. La fraude porte préjudice au développement des activités commerciales dans son ensemble en raison, d’une part, des répercussions en termes d’image et de confiance auprès des utilisateurs et, d’autre part, de la crainte des professionnels de voir leur activité fragilisée en cas d’attaque organisée et de compromission massive de données de paiement. Dans ce contexte, la sécurité des moyens de paiement est une exigence essentielle à la confiance que l’utilisateur porte dans les moyens de paiement.

L’adoption d’un moyen de paiement par les consommateurs relève donc d’un équilibre subtil entre le coût du moyen de paiement et sa facilité d’utilisation, d’une part, et les investissements devant être consentis par les prestataires de services de paiement pour en assurer la sécurité, d’autre part. Ainsi, l’utilisateur se détournera d’un moyen de paiement présentant des failles de sécurité qu’il juge excessives, mais il préférera également s’abstenir si les méthodes utilisées pour sécuriser le moyen de paiement se traduisent par une trop grande complexité d’utilisation ou par un coût de transaction trop élevé, ce qui laisse une marge de manœuvre relativement limitée pour le développement de techniques avancées de sécurisation. S’agissant des paiements mobiles, d’aucuns ont demandé le renforcement de la protection des consommateurs contre les débits non autorisés. Alors que les cas de vol et de débits non autorisés sont fréquents, dans un certain nombre de pays, c’est le consommateur qui, la plupart du temps, supporte la responsabilité des éventuelles pertes financières.

En vertu des cadres mis en place dans la grande majorité des pays, si un consommateur effectue un paiement mobile à distance avec une carte de crédit ou de débit, il a droit aux protections associées à celle-ci. Lorsque l’opérateur de téléphonie mobile a demandé au consommateur d’effectuer un dépôt pour couvrir ses achats ultérieurs, le consommateur risque de ne bénéficier d’aucune protection15.

Face à ces fléaux qui minent le paiement en ligne, il est évident que ce système n’assure pas encore une sécurité totale et présente des insuffisances qu’il faut impérativement combler.

Paragraphe II : Une sécurisation perfectible

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1 EDDEROUASSI (M.), op. cit., p. 338.

2 Ibid, p. 339.

3 GESLAK (V.), op. cit,. p. 82.

4 Ibid, p. 336.

5 MALAURIE (P.), AYNES (L.), STOFFEL-MUNCK (P.), « Les obligations », 3ème éd., 2007, Defrénois, n° 1075. In EDDEROUASSI (M.), p. 339.

6 BENABENT (A.), « Les obligations », 11ème éd., 2007, Montchrestien, n°783.

7 La dématérialisation des paiements est largement diffusée au Bénin, en dépit du faible taux de bancarisation, via la diffusion extensive des paiements mobiles. Les réponses aux questionnaires des acteurs du service privé révèlent que les paiements réalisés dans le cadre du commerce électronique/mobile se font pour l’essentiel en liquide à la livraison (75% sur 28 répondants) et/ou sous forme de paiement mobile (72%). Seuls 43% des répondants ont recours à des services de paiement en ligne traditionnels de type Visa ou Mastercard et 25% à Paypal, ce qui reflète le faible taux de bancarisation. Les services financiers mobiles sont fournis par MTN Mobile Money et Etisalat Bénin SA (Moov Money) pour un nombre d’abonnés actifs au service financier de mobile de 2,7 millions au 31 décembre 2018, en augmentation de 54,7% par rapport à 2017 (ARCEP 2018).

8 V. les tirets 4 & 5 de l’art 340 du C. num.

9 GESLAK (V.), op. cit., p. 84.

10 Les arts 133 et 134 dudit règlement imposent au professionnel une obligation générale de sécurité dans la transmission des données au moment de l’émission de l’ordre de paiement.

11 Cf. Point I de la résolution 70/186 du 22 décembre 2015 de l’AG de l’ONU.

12 EDDEROUASSI (M.), ibid.

13 Rapport sur la protection des consommateurs dans les paiements en ligne et mobiles, OCDE, 26 Juin 2012, p. 21, consulté sur le site https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/5k948kg5ftq5, le 17 novembre 2021 à 13h 15 min.

14 GESLAK (V.), op. cit., p. 86.

15 Rapport sur la protection des consommateurs dans les paiements en ligne et mobiles, OCDE, ibid, p. 23.

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