Analyse de l’évolution des régimes de politique monétaire en RDC

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🏫 UNIVERSITE DE LUBUMBASHI - FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION - DEPARTEMENT D’ECONOMIE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d’études approfondies en sciences économiques - 2018-2019
🎓 Auteur·trice·s
KAOMBA MUTUMBA Jean Bosco
KAOMBA MUTUMBA Jean Bosco

L’évolution de la politique monétaire RDC révèle des mutations structurelles significatives depuis 2001, marquées par l’abandon des instruments directs. Cette étude met en lumière les déterminants de l’efficacité de cette politique, soulignant un impact limité sur l’économie réelle à travers les canaux du taux d’intérêt, du taux de change et du crédit.


EVOLUTION, ANALYSE ET PERFORMANCE DES REGIMES DE POLITIQUE MONETAIRE DE LA RDC

Une certaine évolution a été notée dans le régime de politique monétaire en RDC. Nous présentons ci-après l‟évolution récente qui part de l‟abandon de l‟usage des instruments directs effectué en 2001.

I. ABANDON DES INSTRUMENTS DIRECTS DE LA POLITIQUE MONETAIRE

La politique monétaire de la Banque Centrale du Congo a connu des mutations structurelles importantes visant l‟amélioration de l‟efficacité depuis l‟année 2001. Ces réformes ont concerné principalement les cadres conceptuel et opérationnel ainsi que le dispositif de surveillance de la politique monétaire.

Avant 2001, la Banque Centrale du Congo utilisait plusieurs instruments d‟encadrement direct tels que les plafonds de taux d‟intérêt ainsi que les restrictions quantitatives sur le crédit bancaire (plafond de refinancement, capacité de refinancement).

Ces instruments ont étouffé le développement du crédit au moment même où le pays avait besoin des capitaux pour financer la reconstruction nationale et l‟activité économique. Par ailleurs, dans un contexte d‟absence de discipline budgétaire, la capacité desdits instruments à réguler la liquidité était extrêmement limitée.

C‟est ainsi qu‟un diagnostic du cadre général de la politique monétaire et de change, un processus de restructuration du cadre de la politique monétaire a été enclenché après un prélude constitué essentiellement du démantèlement des plafonds des taux d‟intérêt bancaires en 1998.

II. ADOPTION DU REGIME DE CHANGE FLOTTANT

Avec la chute des réserves de change du pays suite notamment à la guerre qui a paralysé le pays en 1996, la Banque Centrale était devenue incapable de soutenir son taux de change. En conséquence, il s‟est développé un marché de change parallèle dont le cours s‟écartait énormément du marché officiel.

Afin d‟éliminer ces distorsions, lesquelles amplifiaient le rythme de dépréciation monétaire, le régime de change flottant a été adopté et la détention des devises a été libéralisée en 20011. Ces mesures, soutenues par une réforme de la politique budgétaire, ont permis de réduire considérablement le rythme de dépréciation monétaire.

L‟unification du marché de change a sensiblement diminué l‟écart entre le cours de change parallèle et le cours indicatif. Cet écart est presque nul à l‟heure actuelle alors qu‟il était supérieur à 350 % en 2000.

III. DEFINITION CLAIRE DE L’OBJECTIF PRINCIPAL DE LA POLITIQUE MONETAIRE

Avant 2002, il y avait une absence de clarté dans les attributions de la Banque Centrale du Congo notamment en matière de politique monétaire. Sa mission allait jusqu‟au développement économique, mission dont la banque centrale ne saurait atteindre. Cela s‟explique par faute d‟instruments monétaires appropriés.

Avec la promulgation de la loi n°005/2002 du 07 mai 2002 sur la Banque Centrale en 2002, un contenu clair a été donné à la mission principale de la BCC, en son article 3, qui stipulait que la mission première de l‟Institut d‟Emission est de définir et de mettre en œuvre la politique monétaire du pays dont l‟objectif principal est la stabilité du niveau général des prix. En conséquence, des indicateurs précis ont été établis pour mesurer les performances de l‟action de la BCC au regard de la loi.

IV. CONSECRATION DE L’AUTONOMIE ET DE L’INDEPENDANCE DE LA BANQUE CENTRALE

La même loi sus évoquée, renforcée plus tard par la Constitution de la République de 2006 (article 176) va consacrer l‟autonomie et l‟indépendance de la Banque Centrale du Congo. Jusqu‟en 2002, la Banque Centrale était certes autonome, mais le Gouvernement détenait des larges pouvoirs sur l‟orientation de la politique monétaire et des activités de la Banque. Des membres du Gouvernement siégeaient au Conseil d‟Administration de la Banque.

A cet effet, les membres du Gouvernement ne pouvaient plus siéger dans les instances dirigeantes de la Banque Centrale et une interdiction a été faite à la Banque Centrale d‟accorder des crédits à l‟Etat2 pour mettre fin à la dominance budgétaire. Par ailleurs, un processus de recapitalisation de la Banque a été enclenché pour renforcer son assise financière.

V. PRECISION DES OBJECTIFS INTERMEDIAIRE ET OPERATOIRE

A partir de 2005, grâce à une bonne compréhension des mécanismes de transmission de la politique monétaire, la base monétaire et la masse monétaire ont été choisies respectivement comme objectifs opérationnel et intermédiaire. Compte tenu du poids de la dollarisation de l‟économie, une attention particulière a été accordée au canal du taux de change dans le cadre analytique.

Par ailleurs, un dispositif des prévisions des facteurs autonomes de la liquidité a été mis en place en 2008 pour orienter les interventions de la Banque sur le marché monétaire.

VI. COORDINATION DES POLITIQUES MACROECONOMIQUES

Dans le cadre du renforcement de la coordination entre les politiques macroéconomiques, la BCC a d‟abord réorganisé, en 2009, sa structure interne et de décision en vue de faciliter en premier lieu la coordination de la politique monétaire et celle de change. Dans ce contexte, une Direction Générale de la Politique Monétaire et Opérations Bancaires a été créée et les interventions sur les marchés monétaires et de change sont désormais conduites par une seule Direction des Opérations Bancaires et des Marchés.

La BCC et le ministère des finances se sont employés à rechercher la coordination des politiques monétaire et de change avec la politique budgétaire. Un cadre de coopération interinstitutionnelle a été créé à cet effet, regroupant les ministères des finances et du budget ainsi que la BCC.

Ce cadre permet, non seulement une meilleure circulation d‟informations, mais aussi des concertations régulières en vue de l‟harmonisation des décisions en matière des politiques macroéconomiques.

Aussi, au plus haut niveau, d‟autres concertations avec le chef du Gouvernement ont permis le renforcement de la coordination entre la politique monétaire et les politiques structuro sectorielles. Les fruits de l‟amélioration de la coordination ont été notamment l‟obtention des bons résultats en matière de stabilité du cadre macroéconomique lesquels ont facilité l‟atteinte du point d‟achèvement de l‟Initiative PPTE en juin 2010.

VII. AMELIORATION DE L’EFFICACITE DES INSTRUMENTS INDIRECTS

Instrument bon BCC

L‟instrument Bon de la Banque Centrale du Congo (bon BCC) avait été introduit en décembre 2002. A cette occasion, les liquidités excédentaires des banques pouvaient être placées à la banque centrale. A partir de 2008, les opérations sur ce titre sont soumises au processus d‟adjudication et dont le volume à ponctionner est déterminé par la Banque Centrale après une analyse des prévisions de la liquidité.

En 2013, les tiers (ménages et entreprises commerciales) sont exclus de la souscription. Le titre étant entièrement réservé aux banques commerciales en tant que canal de transmission des impulsions de la politique monétaire.

Coefficient de la réserve obligatoire

Jusqu‟en 2013, le coefficient de la réserve obligatoire s‟appliquait indistinctement sur les dépôts de la clientèle de banques. Sur le plan de l‟échéance, les dépôts à vue représentent 76,6 % et les dépôts à terme 23,4 %. Par contre, sur le plan de la monnaie de constitution, les dépôts en monnaies étrangères s‟établissent à 85,8 % et ceux en monnaie nationale se situent à 14,2.

C‟est ainsi que pour permettre aux banques de mobiliser davantage les dépôts à terme susceptibles de financer l‟économie et en même temps faire de reculer la dollarisation, des discriminations ont été introduites dans la constitution de la réserve obligatoire. Ainsi, le coefficient de la réserve obligatoire est désormais plus élevé pour les dépôts à vue qu‟à terme et également pour les dépôts en devises par rapport à ceux en monnaie nationale.

« La banque centrale d‟un pays est une institution chargée par l‟Etat de décider d‟appliquer la politique monétaire » (3). Elle joue tout ou en partie des trois rôles suivants :

  • Assurer l‟émission de la monnaie fiduciaire et contribuer à la fixation des taux d‟intérêts ;
  • Superviser le fonctionnement des marchés financiers, assurer le respect des règlementations par les institutions financières ;
  • Jouer le rôle de banquier en dernier ressort en cas de crise systémique.

Les statuts actuels des banques centrales hiérarchisent les missions de ces institutions avec un « mandat clair axé sur la stabilité des prix plutôt sur la croissance économique qui était auparavant primordial ». 4En effet, l‟instabilité des prix est une source d‟incertitude, fausse le processus de décision économique et peut se définir comme étant une « hausse persistante des prix généralement exprimée par l‟indice des prix à la consommation, étant entendu que cet indice mesure la variation du coût d‟un panier des biens et services, y compris le logement, l‟électricité, l‟alimentation et les transports ».5

Les banques centrales peuvent chercher à atteindre l‟objectif de stabilité des prix au moyen de plusieurs instruments, qui lui permettent de faire varier la masse monétaire en circulation dans le pays et le coût des crédits accordés aux particuliers et entreprises. Le principal instrument est la fixation des taux directeurs. Elles peuvent aussi utiliser la fixation des niveaux de réserves obligatoires, les opérations d‟open-market (achat et vente d‟effets publics) pour atteindre un objectif de taux d‟intérêt à court terme ou fixer directement le taux d‟escompte (taux auquel la banque centrale prête aux banques commerciales). Les interventions sur les marchés de change sont également un des instruments parmi tant d‟autres.

Lorsque les banques centrales vendent (c’est-à-dire lorsque les particuliers achètent, par exemple, des bons de trésor), l‟offre de monnaie dans l‟économie diminue et les taux d‟intérêt augmentent. Une hausse d‟intérêt réduit la demande (surtout de logement, de biens de consommation durables et de biens d‟équipement) et, en principe, l‟inflation. La modification du taux directeur est le principal moyen d‟une banque centrale pour agir sur l‟économie.

Dans cette perspective, la banque Centrale du Congo (BCC) joue ce rôle essentiel sur le plan monétaire avec comme toile de fond la recherche de la prospérité nationale.

« La loi n° 005/2012 du 07 mai 2012 relative à la constitution, à l‟organisation et au fonctionnement de la banque Centrale du Congo. »6Précise élargit la mission de la Banque en lui donnant l‟indépendance et les moyens juridique appropriés. Cette indépendance se situe spécialement dans la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire. Elle est assez limitée dans ses fonctions de caissier de l‟Etat.

« La BCC a cinq missions principales à savoir : la garde des fonds publics, la sauvegarde et la stabilité monétaire, la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire, le contrôle de l‟ensemble de l‟activité bancaire. Elle est le conseil économique et financier du gouvernement. »7

La sauvegarde et la stabilité monétaire sont le résultat de la politique monétaire et de change qui sont les moyens utilisés par la banque Centrale du Congo pour préserver la valeur interne et externe de la monnaie nationale le « Franc Congolais » (CDF). La politique monétaire vise la stabilité du niveau général des prix et celle de change vise à préserver la valeur de la monnaie nationale face aux monnaies étrangères dans un contexte de libéralisation de changes.

La banque Centrale du Congo a aussi pour mission la garde des fonds de l‟Etat. Elle assure par ce fait les fonctions de caissier de l‟Etat. Elle reçoit, et conserve dans ses locaux les fonds constituant le Trésor Public.

Dans ce cas, son indépendance est assez restreinte car la banque ne peut engager une dépense sans une décision du gouvernement, visée par le Ministère du budget et ordonnancée par le Ministère des finances.

Pour des questions de transparence, la loi de 2012 prescrit la transmission des rapports des Commissionnaires aux comptes au gouvernement. Elle ordonne aussi la publication annuelle des comptes certifiés de la BCC au journal Officiel.

« Dans le contrôle de l‟activité bancaire, la Banque élabore des lois et des instructions applicables aux banques, aux coopératives d‟épargne et de crédit, aux établissements de crédit, et autres intermédiaires financiers exerçant leurs activités sur le territoire Congolais. » 8 Elle a en son sein une direction de surveillance des intermédiaires financiers pour un meilleur suivi de leurs activités bancaires.

« Par ailleurs, la loi de 2012 met en place trois organes de direction et précise la procédure de désignation des animateurs de ces derniers. Ces organes sont le conseil de la banque, le Gouverneur et le collège des commissaires aux comptes. » 9 Ils sont nommés par le président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois pour le Gouvernement, quatre ans renouvelable une fois pour le vice-gouverneur, et de trois ans renouvelable pour les autres membres.

Pour atteindre les objectifs de la politique monétaire, il faut contrôler la base monétaire pour cela, l‟émission monétaire et la circulation financière sont des variables déterminantes dans l‟évolution des prix et du niveau de change. La BCC agit en surveillant la quantité de monnaie en circulation, et ce, par la mise en œuvre des politiques monétaires et de change.

D‟où l‟intérêt de savoir comment la BCC s‟est comporté dans la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire ces dernières années. Quels en ont été les instruments et leur incidence sur la vie économique ? Quel a été le taux d‟inflation enregistré durant ces périodes.

Au regard de toutes les crises qu‟a connues la RDC, comment la BCC en tant qu‟institut d‟émission et organe de définition et mise en œuvre de la politique monétaire, a su évoluer et faire face à cela, comment cette banque arrive-t-elle à fonctionner malgré le climat politique instable du pays.

Ainsi ce chapitre est subdivisé en six sections. La première section est une analyse des fondements juridiques du cadre macroéconomique de la BCC, la deuxième traite des interventions dans la maîtrise de la liquidité monétaire, la troisième parle de la mise au point annuel sur la politique monétaire de 2012, et analyse de la thèse sur l‟échec des politiques monétaires en RDC, la quatrième parle sur le pouvoir de la Banque Centrale sur l‟émission monétaire et enfin la cinquième sur la politique monétaire congolaise : face aux anticipations des agents économiques.

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1 Règlementation de change en République Démocratique du Congo, articles 1à 3.

2 Loi n°005/2002 susévoquée, article 157.

3 La politique monétaire est l‟action par laquelle l‟autorité monétaire, en général à la banque centrale, agit sur l‟offre de la monnaie dans le but de remplir son objectif de stabilité des prix. Elle tâche également d‟atteindre les autres objectifs de la politique économique (la croissance, le plein emploi, l‟équilibre extérieur).

4 CARTENS A et JACOME L. I. H., « le domptage du monstre », in finances et développement, décembre 2005, p. 26.

5 CARARE A, STONE M., « Pourquoi cibler l‟inflation ? », in Finances et développement, Juin 2004, p. 24.

6 Loi n°005/2002 du 07 mai 2002 relative à la constitution, à l‟organisation et au fonctionnement de la banque du Congo, in J.O., N°spécial, 20 Janvier 2010.

7 Article 176 de la constitution du 18 Février 2006.

8 Les instructions figurent sur le recueil des textes législatifs et réglementaires en matière de monnaie, de change et de crédit de surveillance des intermédiaires financiers, de lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, in J.O., n° spécial, 20 janvier 2010.

9 Le conseil de la banque constitue l‟organe suprême d‟administration et le gouvernement l‟organe de gestion.

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