L’efficacité productive au Cameroun a connu une transformation notable suite à la privatisation des entreprises publiques. Cette étude révèle des améliorations significatives de la rentabilité, soulignant l’importance cruciale de ces changements pour le développement économique national.
2.1.3.3 La notion de productivité et sa mesure
2.1.3.3.1 La notion de productivité
La productivité peut être considérée globalement comme une mesure qui permet de saisir la relation entre output et input et plus précisément une relation d’efficience ou d’économie des ressources qui existe entre des résultats et les moyens mis en œuvre pour atteindre ces résultats (Arena, Benzoni, De Brandt et Romani, 1991). La productivité de l’entreprise apparaît clairement comme le rapport entre une production valorisée, les extrants et l’ensemble des facteurs mis en œuvre qui sont les intrants (Coulaud, Croce et Dervaux, 1986).
Ainsi, selon Leray (1983), la productivité, contrairement à la rentabilité qui est une mesure exogène de l’efficience, est une mesure endogène au processus de production. Mais, il est possible de donner une dimension plus opératoire au concept. En fait, la productivité pourrait aussi se définir comme le taux d’accroissement de l’output moins la moyenne pondérée des taux de croissance de différents input, ou les pondérations représentent la part de chaque input dans le coût total (Selon Hartely, Parker et Martin, 1991).
Soulignons d’ores et déjà que le but recherché dans l’étude de la productivité d’une firme est, de façon implicite de saisir le degré d’efficacité de celle-ci. D’où la nécessité de s’appesantir sur la notion d’efficacité productive.
- L’efficacité productive
Une fonction de production donne le montant maximum d’output que nous pouvons obtenir à partir d’un vecteur d’inputs, étant donné une certaine technologie de production (Agnier, Lovell et Schmidt, 1977). Cette fonction constitue une frontière. La comparaison du vecteur outputs-inputs d’une firme avec sa frontière de production nous informe sur sa productivité (Farell, 1957 ; Sadoulet et De Janvry, 1995). Dans les deux paragraphes qui suivent, nous allons faire ce type de comparaison selon deux cas de production différente.
- Cas mono-output (y) mono-input (x)
Il s’agit du cas où la production d’un type d’output nécessite un seul type d’input. La fonction de production f(x) est représentée sur le graphique ci-dessous.
Figure 2.3 : Fonction de production mono-output/mono-input
[4_efficacite-productive-au-cameroun-strategies-innovantes_2]
Source : FARELL, 1957
Les points sous les courbes (tels que D et C) correspondent à des états réalisables, mais qui pourraient être améliorés. En effet, avec une plus faible quantité d’input, il est possible de produire la même quantité d’outputs. En revanche, les points au-dessus de la courbe (tel que E) ne peuvent pas être atteints. Ces états ne sont pas réalisables avec la technologie de production existante.
La distance entre le niveau d’input réalisable et la frontière de production donne une mesure de l’inefficacité de la firme étudiée. Cette quantité, tout simplement qualifiée de distance d’input, sera utilisée par la suite.
Le passage de l’état D à l’état B signifie un accroissement d’efficacité dans l’utilisation des inputs avec la technologie existante. En revanche, le passage à l’état E nécessite un changement dans la technologie de production.
- Cas mono-output multi-inputs
Désormais, nous étudions le cas où la production de l’output unique se fait à partir de plusieurs inputs. Nous illustrerons par souci de simplification la configuration dans laquelle Y= f (X1, X2), c’est-à-dire celle où l’output s’obtient à travers la combinaison de deux inputs X1 et X2.
L’efficacité économique est le fruit de la combinaison de l’efficacité technique et de l’efficacité allocative (Farell, 1957), comme l’illustre la figure ci-dessous.
Figure 2.4 : Fonction de production mono-output/multi-inputs
Input X2
[4_efficacite-productive-au-cameroun-strategies-innovantes_3]
Input X1
Source: Farrell, M. J., p. 254
Sur le graphique ci-dessus, l’ensemble des points techniquement efficaces correspond à l’isoquant TT’. Ainsi, tous les points au-dessus de l’isoquant TT’ sont techniquement inefficaces à l’exemple du point P. Au point P, l’inefficacité technique est représentée par le segment QP. Il est possible de produire le même niveau d’output avec une diminution de tous les inputs dans la proportion QP/OP. Ainsi, Farrell (1957) a proposé de mesurer le degré d’efficacité technique (ET) par le rapport OQ/OP, qui varie entre zéro et l’unité.
Bien qu’ils soient techniquement efficaces, tous les points sur l’isoquant ne le sont pas allocativement. Une combinaison de facteurs est dite allocativement efficace si le taux marginal de substitution est égal au rapport des prix des facteurs. Ainsi, le point Q’, déterminé par la tangente de l’isocoût AA’ à l’isoquant TT’, est allocativement efficace.
L’efficacité allocative (EA) ou l’efficacité prix des points P ou Q est mesurée par le rapport OR/OQ. La distance RQ représente la réduction de coût si la production correspondait au point Q’. Ce dernier est efficient du point de vue allocatif, puisqu’il est déterminé par la tangente de l’isocoût AA’ à l’isoquant TT’.
Le produit des efficacités techniques et allocatives est appelé efficacité totale (ETT) ou économique.
ETT = (OR/OP) = (OQ/OP) x (OR/OQ) = ET x EA
Après avoir étudié le sens du terme productivité, nous allons désormais voir comment l’évaluer.
2.1.3.3.2 Mesure de la productivité
Il existe différentes méthodes de mesure de la productivité. Celles qui peuvent être fondées sur les indices de productivité (Arena et al. 1991), celles fondées sur le calcul de différents ratios (Megginson et al. 1994) et celles économétriques (Rouabah, 2001).
- Les méthodes fondées sur les indices de productivité
Plus récemment, la littérature sur la productivité a développé des approches non paramétriques qui utilisent comme indicateurs de performance des indices calculés directement à partir des données discrètes sur les inputs et les outputs (Raffarin, 1999). La productivité consiste alors en un rapport d’un indice des outputs sur un indice des inputs. Nous allons nous intéresser à la distinction qui existe entre ces deux grandes catégories de mesures de la productivité.
La première est qualifiée de mesure partielle de la productivité. Elle met en rapport la croissance de l’output avec le volume d’un seul input (Single Factor Productivity : SFP). Cependant, cette croissance peut également être comparée avec le volume d’une partie des inputs, l’autre partie n’étant pas prise en compte. Toutefois, la productivité partielle soulève un certain nombre de difficultés dont le fait qu’elle ne tient compte que d’un seul input ou d’une partie d’inputs alors que la firme peut améliorer la productivité d’un input aux dépens d’un autre ; mais aussi le fait que la nature hétérogène des inputs est négligée car en effet, concernant la main-d’œuvre par exemple, certains travailleurs peuvent être plus productifs que d’autres.
La seconde est qualifiée de mesure totale de la productivité. Sadoulet et De Janvry (1995) la présentent comme la quantité totale d’output agrégée obtenue à partir d’une unité d’input total agrégé (Total Factor Productivity : TFP). Le problème posé par l’existence de plusieurs facteurs de production et (ou) d’output est résolu par l’usage d’indices agrégés, pondérés par la part des différents inputs et outputs respectivement dans le coût total et la recette totale.
Cette méthode permet de parer au fait que plusieurs outputs sont produits à partir de plusieurs inputs. Un autre avantage par rapport à la mesure partielle est que cette mesure peut répondre aux questions soulevées quand on s’intéresse à la productivité : elle évalue les différences de productivités entre les entreprises et elle mesure la croissance de la productivité au cours du temps.
Le tableau suivant présente un aperçu de quelques formules d’indices de productivité.
Tableau 2: Typologie et mesure de la productivité
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Source : Extrait du tableau 1 p.517 d’Arena et al. (1991)
A côté des méthodes fondées sur les indices de productivité, on retrouve les méthodes comptables.
- La méthode fondée sur le calcul de différents ratios de productivité
Cette approche qui se base sur les mesures comptables, évalue la productivité à l’aide du calcul d’une batterie de ratios mentionnés dans le tableau suivant :
Tableau 3: Les ratios de productivité (Productivity ratios)
1. SPE : Sales Per Employee ou productivité commerciale (= Ventes Réelles / Nombre d’Employés) 2. IPE : Income Per Employee ou bénéfice par employé (= Bénéfice net / Nombre d’employés) 3. APE : Assets Per Employee ou productivité des actifs (= Actif total /Nombre d’employés) |
Source: M.Albouy et H. Obeid, 2007
- Les méthodes économétriques
La productivité s’évalue à travers des changements techniques que connaît le système de production de la firme considérée. Ces modifications peuvent porter aussi bien sur la fonction de production que sur celle des coûts. Cependant, ces deux fonctions ne sont pas données et doivent de facto être estimées à l’aide de paramètres. On parle alors d’approche paramétrique (Lovell, 1993).
De façon concrète, une estimation de la fonction de production est faite à différents instants. On peut ainsi savoir s’il y a eu modification des paramètres de la fonction. Un déplacement de la fonction de production vers le haut caractérise une augmentation de la productivité, dans la mesure où les gains de productivité sont le fruit d’une amélioration de la technique de production. De la même manière, l’on estimera à divers instants une fonction de coût. Une amélioration de la productivité se traduira par un déplacement de la fonction de coût vers le bas, puisque la firme est d’autant plus productive que ses coûts sont bas.
Ainsi présenté les contours de la notion de privatisation et de performance, il serait temps de nous appesantir sur les théories supportant la thèse de la supériorité de la forme privée de propriété.
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la productivité dans le contexte des entreprises publiques au Cameroun?
La productivité peut être considérée comme une mesure qui saisit la relation entre output et input, représentant l’efficience ou l’économie des ressources entre les résultats et les moyens mis en œuvre pour les atteindre.
Comment la privatisation affecte-t-elle la performance des entreprises publiques au Cameroun?
Les résultats montrent une amélioration significative de la rentabilité et de la productivité pour la majorité des entreprises étudiées après leur privatisation.
Quelle est la différence entre productivité et rentabilité?
La productivité est une mesure endogène au processus de production, tandis que la rentabilité est une mesure exogène de l’efficience.