La croissance endogène en Algérie est analysée à travers l’impact des Investissements Directs Étrangers (IDE) sur l’économie nationale. Cet article met en évidence les obstacles institutionnels et propose des recommandations pour renforcer l’attractivité du pays en s’inspirant de modèles internationaux.
1.4. Théories modernes de Croissance : la croissance endogène, continuité ou rupture ?
C’est au début des années 1980 que les travaux de modélisation empirique (Romer (1986), Lucas (1988), Barro (1990), Mankiw-Romer-Weil (1992), Aghion et Howitt (1992) etc.), emboitent le pas à Solow en vulgarisant les problématiques de la théorie de la croissance économique. Leur mérite est par ailleurs d’avoir endogénisé la croissance à LT. Ce regain d’intérêt pour la dynamique de la croissance économique, au sein des économistes, vise, d’une part, à expliquer la croissance des PD et l’essor de la croissance voire l’émergence économique des pays du miracle asiatique dont le rôle de l’IDE et son apport en termes de
178 Le facteur progrès technique souvent considéré comme exogène dans l’explication de LT de la croissance, du fait que le progrès technique résulterait de progrès scientifique.
179Mankiw.G, Romer.P et D.Weil, « A contribution to the empirics of economic growth », 1992, Quarterly journal of economics, 107, p407-438.
180 L’ANGEVIN.C et N.LAIB « éducation et croissance en France et dans un panel de 21 pays de l’OCDE », INSEE, directions des études et de synthèses économiques, G2005/08, P16.
technologies est cruciale181 et d’autre part, ils essayent d’expliquer pourquoi certains pays sont si pauvres et sous-développés et éventuellement leur adapter ces modèles de croissance?
Ceci étant, le paradigme classique de la croissance économique par l’accumulation des facteurs physiques de la production a été étendu à l’accumulation du capital immatériel et des connaissances. Cette extension faite, comme nous l’avons déjà noté, au cours des années 1980, par les théoriciens de la croissance endogène correspondant à une réalité historique forte.
Dés lors, il conviendrait de préciser que la théorie de croissance endogène vient bouleverser l’analyse de Solow selon laquelle le progrès technique est exogène et la thèse selon laquelle le résidu inexpliqué de la croissance n’est dû qu’au progrès technique. En sus, des divergences de croissance et des croissances auto-entretenues qui ont été constatées entre les pays et ce nonobstant les crises qui ont été vécues et la quasi-absence des facteurs de production cités, a poussé à penser que la croissance n’est pas un phénomène naturel. La croissance semble n’être qu’un phénomène cumulatif.
En effet, la théorie endogène contrairement à Solow vient endogeniser le progrès technique en arguant que cette endogeneisation expliquait le caractère cumulatif de la croissance : la croissance provoque l’accumulation de progrès technique qui il-même provoquerait la croissance économique.182
La théorie de croissance endogène s’intéresse beaucoup plus aux externalités et s’inspirent des travaux et analyses de Schumpeter. Pour ce dernier, rappelons-nous, l’innovation étant un processus dynamique et qui en raison des goulets d’étranglements crées, des phénomènes d’imitation ainsi que la course acharnée aux superprofits semble expliquer la course au progrès technique qui elle-même expliquerait la croissance.
Ceci sous-tend que le progrès technique ne serait qu’un phénomène économique endogène. Le postulat de la théorie endogène est que les rendements de capital ne sont pas décroissants, mais au contraire sont constants. En clair, plus on investit, plus la croissance tendra à augmenter, et ce, par ce que l’efficacité de capital ne fléchit pas.
De façon globale, les auteurs de cette théorie prennent comme arguments que l’investissement devrait se constituer, en ignorant tout coté matériel; dans la formation, éducation, recherche et infrastructure. Mais, si nous partons de ces dernières hypothèses, une analyse séparée des apports des principaux précurseurs de la théorie endogène, nous s’avère plus qu’indispensable, pour comprendre leurs visions de LT de la croissance, et même celle de l’ensemble.
181 Voir chapitre III, partie II.
182 LUCAS.R (2002), cité dans, PRAGER. J. C et J.F. THISSE, « économie géographique de développement », la découverte, 2010, p66.
Initialement, il importe de rappeler que nous devons à Romer. P (1986), la formulation initiale de ce qu’on qualifie aujourd’hui de croissance endogène. Romer a proposé un premier modèle se reposant sur le phénomène des externalités entre les firmes. Son postulat est qu’alors que la firme investissant dans de nouveaux équipements se donne les moyens afin d’accroitre sa propre production en essuyant les plâtres, d’autres firmes concurrentes, soient ou non, pourraient en bénéficier sans rien faire.
Ceci s’expliquant par le fait que l’investissement en nouvelles technologiques et R&D comme un nouveau départ à de nouveaux apprentissage par la pratique, qui du ce fait va permettre d’agir forcément sur la croissance, qui elle-même indirectement sur le progrès technique183. Ce dernier, si on s’accorde avec Romer devra s’intensifier d’autant plus que les firmes innovatrices espéreront à en tirer un important profit184.
Par ailleurs, l’accumulation de capital humain serait un autre résultat classique de la théorie de la croissance endogène185. Mis en avant par R. Lucas(1988)186.Le capital humain est définit comme « la somme des capacités personnelles et des connaissances des individus. Le capital humain est accumulé grâce à l’éducation, l’expérience professionnelle, la formation continue, selon un processus cumulatif et en partie endogène »187. Autrement dit, c’est l’ensemble de connaissances dont sont porteurs les individus, et qui pourraient être utilisées et valorisées dans l’économie, un peu comme le patrimoine.
Lucas distinguait, très astucieusement et efficacement, entre le capital humain: ce qui est volontaire, ce qui est une accumulation brute de connaissance (la scolarisation) et celui d’une accumulation involontaire liée à l’apprentissage ou à l’expérience. Cette distinction recouvre la différence entre ce qui est appris à l’école et ce qui est appris tacitement par l’expérience. Et si on combine entre les deux, il peut être définit par la compétence au sens large, si non par la compétence professionnelle comme dans le cadre de l’entreprise.
183 M. MONTOUSSE, Op.cit, 2003, P69. Faut-il rappeler que l’analyse de Romer se fonde beaucoup plus sur la théorie de learning by doing qu’ayant été formulée par Arrow (1962).
184 Ce profit pourrait être en termes de droits de propriété et de rentes monopolistiques.
185 Notons dans le cadre de ce schéma que G.Becker a élaboré avant une théorie de capital humain qui en analysant le développement très important demande d’éducation à partir des années 1950, considérait que les individus investissent en eux-mêmes par l’acquisition des connaissances et les couts d’acquisition de ce capital humain pour eux seront plus tard compensés par de meilleures rémunérations, permettant ainsi une meilleure rentabilisation d’investissement. Mais, la détention d’un capital humain élevé par un individu, à défaut de l’existence de travail exigeant un capital élevé, la vulnérabilité au chômage n’est pas loin. Voir, M. Bialés et al, op.cit, 2000, p352.
186 Lucas. R (1988), « On the mechanics of economic developpement », journal of monetary economics,Vol. 22, P3-42.
187 PRAGER et THISSE, 2010, op.cit, p 66.
R.J.Barro(1990), a aussi mis en lumière le rôle important que peut jouer l’Etat et les collectivités locales moyennant, notamment, les dépenses publiques. En effet, les investissements publiques en infrastructures, l’ensemble de services fournies ainsi que les différents dépenses engagées par les pouvoirs publiques, sous formes de subventions à la recherche et efforts en faveur de l’éducation pourraient améliorer, de façon décisive, la productivité des entreprises, et du ce fait, directement ou indirectement, la croissance économique.
Ce que de nombreuses études ont tenté démontrer, mais ne saurait être de façon globale, ni exhaustive. Une étude a été ainsi menée sur les USA et pour la période s’étalant de 1949 à 1985 avait montré qu’une augmentation de 1% de capital publique188 améliorait de 0.4% la productivité de secteur privé.
Cependant, ces investissements publics ne concernaient pas tous189. Récapitulons-nous, les dépenses publiques en infrastructures contribuent à l’augmentation de la croissance qui elle-même augmenterait les recettes publiques. La dépense publique est donc un facteur de la croissance. Ceci témoignerait donc sur le caractère cumulatif de la croissance tant proclamé par ces théories.
Etant donné l’importance de ces approches, un bon nombre d’économistes ont en effet procédé à les développer à savoir Grossman et Helpman (1911), Aghion et Howitt(1992), Barro et Sala-Martin (1995) et autres190.
En définitive, comme nous l’avons vu, les premières théories de la croissance économique ont mis l’accent sur surl’importance de l’expansion quantitative des facteurs de base de la production à savoir : le capital, travail et la terre, le rôle de la croissance des marchés dans l’amelioration de la productivité de l’économie, et le rôle de la demande et les effets de l’augmentation de l’investissement et les exportations.
Par ailleurs, les modèles néoclassiques, tel que celui de Solow (1957) a changé le domaine de recherche, en accordant une grande importance au progrés technique et du rôle que peuvent jouer des éléments tel que l’amélioration de l’organisation de la production dans la croissance économique. Or, le principal défaut de ce modèle, est l’hypothèse des rendements décroissants du capital(donc y compris l’IDE), qui signifie que la croissance de l’output pourrait ne pas être attribuable à la croissance des inputs(Alaya.M, 2004, p06).
188En théorie, le capital public n’est qu’une forme de capital physique.
189 LORENZO. J .H et J.J. PAYON, « l’université mal traitée, pour sauver notre enseignement supérieur », Plon, 2003, p121 et 123.
190 Le progrès technique résulte aussi de l‘objectif fixé en R&D. Pour ne citer que Schumpeter le progrès technique est une activité récompensée par la détention d’une forme de pouvoir monopolistique ex-post. Ainsi, si l’ensemble des découvertes n’aient pas tendance à s’épuiser, le taux de croissance va certainement rester positif à LT. Ou bien d’un autre sens, le progrès technique peut infléchir le taux de croissance de CT à un taux de croissance de LT. Sans ignorer cependant la supposée intervention de l’Etat et le contexte de la concurrence imparfaite.
Ainsi, des modèles ont été développés, dans lesquels, les déterminants clés de la croissance de LT sont considérés comme endogènes. L’avènement de la théorie de la croissance endogène a encouragé la recherche sur les canaux, par le biais desquels, l’IDE pourrait promouvoir la croissance à LT. Puisque, dans le cadre des modèles de croissance néoclassique de type Solow, l’impact des IDE sur la croissance est limité, vu l’hypothèse des rendements décroissants.
Les IDE influencent seulement le niveau du revenu, le taux de croissance à long terme (LT) reste inchangé. Autrement dit, la principale limite des modèles néoclassiques, est que, la croissance à LT ne peut résulter que du progrès technologique et de la croissance de la population, de la force du travail, qui sont considérés comme exogènes.
L’IDE affecterait la croissance uniquement à CT, tandis qu’à LT, et en raison de la loi des rendements décroissants, l’économie convergerait vers un état stationnaire, comme si l’IDE n’avait jamais pris place dans celle-ci, n’affectant en aucune manière le taux de croissance à LT.
Mais pour fermer ce débat sur la théorie de croissance endogène, il serait important de souligner, d’après les développements faits, que cette théorie a certes parvenu à expliquer le cycle vertueux de croissance et de progrès technique, notamment leurs caractère endogène, néanmoins, le défaut principal de ces théories pour reprendre MONTOUSSE.M « c’est l’éclatement de ces modèles »191. En d’autres termes, il n’existe pas de modèle cohérent global qui tient compte de toutes les formes du progrès technique, qui sont sans doute complexe à élaborer, ce qui limiterait la portée de modèle puisque les interactions entre plusieurs formes existantes sont ignorées. Par ailleurs, nous pourrons mettre en avant que cette théorie s’inscrive dans une approche institutionnelle, où les mécanismes de marchés pour qu’ils soient efficaces, devrait y avoir une combinaison entre les différents formes d’organisation se basant sur la coopération volontaire sur des règles et d’interventions de l’Etat, notamment.
191MONTOUSSE. M, op.cit, P72.