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Le contrôle constitutionnel de la loi de finances au Sénégal

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🏫 UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINS-LOUIS - UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MASTER II - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BABACAR CISS
BABACAR CISS

Paragraphe 2 : Contrôle et promulgation de la loi de finances

L’adoption définitive d’une loi donne suite à sa promulgation sous réserve, si nécessaire, de son contrôle par le Conseil constitutionnel. Bien qu’étant d’une importance capitale, les lois de finances restent des lois ordinaires soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, comme n’importe quelle autre loi. La demande peut provenir soit du Président de la République dans les six jours francs qui suivent la transmission qui lui est faite de la loi définitivement adoptée, soit encore d’un nombre de députés au moins égal au dixième des membres de l’Assemblée nationale, et ceci dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive.1

Cet examen constitutionnel se fait d’abord à l’aune de la Constitution elle-même, y compris son préambule et les différents textes fondamentaux auxquels celui-ci renvoie. Ensuite, le texte est vérifié pour s’assurer de sa conformité à la Loi organique relative aux lois de finances.2 L’autre point qui doit attirer notre attention est relatif à la portée du contrôle opéré par le juge constitutionnel.

Celle-ci peut s’apprécier tant au regard des degrés de son contrôle, dans la mesure où celui-ci varie selon la catégorie de lois de finances en cause, que de la sanction encourue par la loi de finances en cas de grief avéré d’inconstitutionnalité, puisque les décisions de la haute juridiction peuvent aller de la censure de quelques articles à l’annulation de la loi de finances dans son ensemble.3

Le juge constitutionnel apprécie la conformité des lois de finances à des normes, tant substantielles que procédurales, qui découlent soit de la Constitution, soit de la LOLF, certaines normes pouvant être issues de l’une et de l’autre, comme les grands principes budgétaires inscrits dans la LOLF, mais faisant aussi partie des principes à valeur constitutionnelle dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Notons aussi que, dans l’hypothèse où il existerait une contrariété entre ces deux normes, la Haute juridiction devrait opérer une conciliation entre elles. C’est d’abord dans le texte même de la Constitution que le Conseil constitutionnel puise les règles qu’il utilise. Mais, il a aussi recours aux différents textes fondateurs auxquels fait référence son préambule.

En matière budgétaire, c’est de la Déclaration de 1789 que viennent les principes les plus intéressants, qu’il s’agisse du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt posé par son article 13, ou de celui de la légalité de l’impôt prévue par l’article 14 du même texte. Ensuite, les articles 34 et 47 de la Constitution prévoient que les lois de finances sont adoptées dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique : originellement, il s’agissait de l’ordonnance du 2 Janvier 1959, aujourd’hui il s’agit de la LOLF. Dès lors, une disposition d’une loi de finances qui ne seraient pas conforme à la LOLF serait censurée par le juge constitutionnel.

L’une des règles de la LOLF les plus sensibles est celle qui interdit les cavaliers budgétaires, c’est-à-dire les dispositions qui n’ont pas de rapport avec l’objet des lois de finances, tel qu’il est défini strictement par ladite ordonnance. Notons qu’à la différence du Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel peut aller au-delà des griefs invoqués par les parlementaires en soulevant d’office certains moyens. La seule exception concerne les irrecevabilités de l’article 40 de la Constitution et de l’article 47 de la LOLF qui ne peuvent être invoqués par le Conseil, ni d’ailleurs par les parlementaires auteurs de la saisine, si elles n’ont pas été préalablement soulevées au cours de la procédure budgétaire.

Le contrôle du juge constitutionnel sur les lois de finances varie en fonction de la catégorie de loi de finances concernée. Concrètement, il est plus étendu sur les lois de finances initiales et rectificatives que sur les lois de règlement. En effet, la Haute juridiction se montre, s’agissant des premières, particulièrement plus exigeant sur le respect des règles budgétaires, tant substantielles que procédurales.

A l’inverse, en ce qui concerne les lois de règlement, le Conseil est moins exigeant. Par exemple, il écarte l’application de la plupart des règles relatives aux délais, dans la mesure où, ici, il n’est nullement question d’adopter en temps utile les mesures financières indispensables à la vie de la Nation.

Dans le même sens, la Haute juridiction considère que les irrégularités pouvant affecter les opérations d’exécution du budget sont sans influence sur la conformité à la Constitution des dispositions de la loi de règlement qui prennent en compte les opérations en cause. Le Conseil peut déclarer la loi conforme ou inconstitutionnelle ; ce qui n’est jusque-là pas constaté au Sénégal.

En cas de contrariété avec la Constitution d’un ou plusieurs articles de la loi de finances, le Conseil constitutionnel a le choix entre deux alternatives. S’il considère que les articles litigieux sont séparables de l’ensemble du texte, seuls ces articles seront censurés : concrètement, la loi de finances pourra être promulguée par le président de la République, mais amputée desdits articles. C’est le cas le plus fréquent.

En revanche, dans l’hypothèse inverse, c’est l’ensemble de la loi de finances qui sera censurée. Cette situation ne s’est jamais encore présentée. Certes, la loi de finances pour 1980 a été annulée dans son intégralité, mais la décision du Conseil constitutionnel était basée sur un motif de procédure, plus précisément l’exigence du vote de la première partie de la loi de finances avant la mise en discussion de la seconde, et non pas sur un grief d’inconstitutionnalité affectant l’un des articles qui aurait rejailli sur l’ensemble du texte.4

Dans le cas contraire, c’est-à-dire, lorsqu’elle est déclarée conforme à la constitution et aux lois organiques, sa mise en vigueur devient de droit. Conformément à la Constitution, la prérogative de mise en vigueur des lois, y compris les lois de finances, appartient au Président de la République. Sur ce, après son adoption parlementaire à la majorité absolue des suffrages exprimés, le projet de loi de finances est, tout comme les autres lois ordinaires, transmise sans délais au Président de la République pour promulgation dans les huit jours francs qui suivent l’expiration des délais de recours.5

La promulgation est en droit constitutionnel, la déclaration officielle intervenant après l’élaboration d’une loi qui préside à l’insertion de cet acte dans l’ordre juridique et conditionne son entrée en vigueur sous réserve de la publication à intervenir.6 C’est donc un acte par lequel le chef de l’État constate que la procédure d’élaboration de la loi a été régulièrement accomplie et qui rend exécutoire, comme loi de l’État, le texte ainsi adopté par le Parlement.

Le Président de la République, sans tarder, prend un décret de promulgation qui va signer l’entrée en vigueur de la loi de finances. A la suite de cette promulgation le document est publié dans le Journal Officiel de la République pour être opposable aux destinataires. Cependant il est possible que des difficultés surviennent et rendent impossible le vote de la loi de finances ou sa promulgation dans les délais imparties.

Ainsi, des mesures palliatives relatives à des procédures exceptionnelles de mise en vigueur sont envisagées par la Constitution, la directive n°6-2009 de l’UEMOA et la loi organique relative aux lois de finances.

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1 Article 74 de la Constitution Sénégalaise du 22 janvier 2001.

2 C’est les articles 34 et 47 de la Constitution française et l’article 68 de la Constitution du Sénégal qui prévoient que les lois de finances sont adoptées dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

3 Contrôle de Constitutionnalité des lois de finances, Cours, www.fallaitpasfairedudroit.fr.

4 Contrôle de Constitutionnalité des lois de finances, Cours, www.fallaitpasfairedudroit.fr.

5 Constitution du Sénégal de 2001, articles 71 et 72 et 73.

6 Vocabulaire Juridique, éd. PUF, sous la direction de Gerard CORNU, 5ème édition 1996, page 641.

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