Les accords Corée du Nord États-Unis de 1994 résultent d’une dynamique historique et politique unique, permettant un compromis viable, contrairement à l’impasse du conflit de 2006. L’article analyse les facteurs déterminants qui ont influencé ces résultats divergents dans le contexte des tensions persistantes depuis la Seconde Guerre mondiale.
Conflit 1994
Depuis les conflits de la seconde guerre mondiale, la guerre froide entre les deux Corées continue sans relâche. Elle se vit au quotidien, à travers les manuels scolaires, les medias, les films, et le service militaire qui découle de la nécessité du contexte… Elle est inlassablement dénoncée comme l’incarnation du mal, la cause de tous les maux en Corée du Sud.
Chacune des Corées encense celui que l’autre accable. En 1969 Kim Jong-tae, un militant au Sud, partisan du Nord, fut condamné à l’exécution sous le chef d’inculpation, d’atteinte à la sûreté de l’État. Kim Il-sung en fit un héro au Nord en donnant son nom à la principale usine de locomotives électriques.
La réponse de Séoul fut de faire de même à l’inverse. Séoul fit de Cho Man-sik, un disparu dans une des purges de Pyongyang, un modèle de courage civique et héro national. L’esprit de compétition ne s’arrêta pas là, on le retrouve au sein du divertissement. En 1962, le Nord produit le film « Pulgasari », histoire d’un « Godzilla » coréen qui prend fait et cause pour les paysans opprimés. Ce film eu un énorme succès au Nord comme au Sud. Alors Séoul en 1967 tourna aussi son film nommé « Yongari » mais il n’eut pas le même succès.
Cette guerre atteint également l’Architecture, Pyongyang la capitale de la Corée du Nord, symbole du juge triomphant, très endommagés par la guerre, fut rebâti avec des vastes boulevards rectilignes, bordés d’immeubles massifs d’habitations et de bureaux, débouchant sur des parcs imposants, ornés de mosaïques et de statues.
Le Nord a maîtrisé sa croissance qui passe de 600 000 en 1960 à 1 million et demi d’habitant en 1980. Pyongyang, devenu le centre névralgique et d’excellence, en une génération a vu son niveau sportif progresser de manière fulgurante, l’équipe de football nord coréenne a atteint les quarts de finales de la coupe du monde de 1966.
La Corée du Sud a bien tenté de faire de même afin de montrer sa suprématie dans chacun de ces domaines, mais sans le même succès.
Nonobstant le temps qui passe un début de dialogue entre les deux Corées en vue d’une réunification débutera qu’en 1972 avant d’être suspendu un an plus tard. Ultérieurement deux attentats à l’encontre de la Corée du Sud (1983,1987) ont été commis, et attribués à la Corée du Nord. En 1988, (un an après le dernier attentat) la Corée du Nord refuse de participer aux Jeux Olympiques organisés à Séoul.
Période d’ouverture entre les nations, dans la nuit du 9 Novembre 1989 a lieu la chute du mur de Berlin symbole de la guerre froide livrée entre l’Union soviétique et les États-Unis et dans le même temps, chute des régimes communistes en Europe, néanmoins la zone démilitarisée entre la Corée du Nord et du Sud reste. Toutefois, cela n’empêcha pas qu’en 1991 les deux Corées furent admises à l’ONU et signèrent un pacte de réconciliation et de non agression.
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Le 27 février 1993, Pyongyang rejette la demande de l’A.I.E.A (Agence internationale de l’énergie atomique) d’inspection spéciale sur deux sites militaires, qui selon Pyongyang n’ont rien à voir avec des activités nucléaires. Il menace alors de quitter le traité de non prolifération nucléaire.
Le jeudi 1 Avril l’A.I.E.A décide de saisir le Conseil de sécurité de l’O.N.U. Des menaces de sanctions économiques existent mais la Chine s’oppose à cette résolution. Le lendemain 2 Avril, le Japon et la Corée du Sud annoncent leurs intentions d’une démarche commune auprès de Pékin dans le but de persuader Pyongyang de renoncer à sortir du traité de non prolifération nucléaire.
Pyongyang rejette de nouveau la résolution de l’A.I.E.A (organisation créée en 1957 par et sous l’égide de O.N.U) en Octobre de cette même année. Il ne faut pas perdre de vue que pour la Corée du Nord les Nations Unis dont la paternité est américaines et l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique sous l’égide des Nations Unis sont perçus comme dirigés par le gouvernement américains.
En novembre 1993, l’O.N.U donnera tord à la Corée du Nord et leur demandera instamment de coopérer en vue de l’application de l’accord. Lors du mois de décembre 1993, la Corée du Nord annonce accepter que les champs d’inspection des sites nucléaires puissent être élargi, ainsi que la venue d’inspecteurs afin de réajuster et changer des caméras de surveillances dans ses sites d’installations. Dans le même mois la C.I.A estime que la Corée du Nord dispose de la bombe nucléaire.
Le conflit continue, un pas en avant, deux en arrière jusqu’en janvier 1994 où un accord est trouvé entre les Etats-Unis et la Corée du Nord afin de maintenir un contrôle permanent des installations nucléaires nord coréennes.
Le conflit entre l’A.I.E.A et Pyongyang s’aggrave à nouveau ; le 21 mars 1994, l’A.I.E.A décidant de confier l’affaire au Conseil de sécurité après avoir usé « de tous les moyens dont elle disposait pour convaincre Pyongyang de laisser inspecter entièrement tous ses sites nucléaires déclarés ». L’agence internationale de l’énergie atomique s’abstient cependant d’une requête pour sanction économique.
Le point de vue du conseil de sécurité de l’O.N.U, désigne comme fautif la Corée du Nord qui a aggravé la situation en refusant des inspections qu’ils estiment indispensables. Des inspecteurs ont pourtant pu séjourné du 3 au 15 mars pour opérer des tests dit cruciaux dans le laboratoire de Yongbyon, subodoré de créer du plutonium afin de fabriquer l’arme nucléaire.
Du point de vue Nord Coréen, l’A.I.E.A disposait de suffisamment d’éléments pour démontrer qu’aucune matière nucléaire n’avait été détournée à des fins militaire.
William J. Perry secrétaire d’État à la défense de Bill Clinton demande des frappes chirurgicales contre le réacteur nucléaire à Yongbyon en Corée du Nord à l’aide de missiles de croisières et d’avions furtifs, nom de l’opération Op Plan 5027. Des évaluations estiment à plusieurs centaines de milliers de personnes voir un million de mort si un conflit succède à l’intervention américaine. L’Op Plan 5027 est envisagé jusqu’au 15 juin 1994.
Une réunion en présence de William J. Perry, du général John Shalikashvili qui conduit les chefs d’États major de l’armée américaine, le Président Bill Clinton ainsi que divers responsables à la maison blanches et au Pentagone, se décidèrent pour un renforcement de 10 000 soldats complémentaire dans la péninsule déjà fort de 37 000 hommes, ainsi que d’envoyer des bombardiers et décréter l’évacuation des civils américains présents, lorsque le téléphone sonna. Ce fut Jimmy Carter (39ème président des Etats-Unis, 1977-1981) qui proposa une médiation de dernière minute après avoir rencontré Kim Il-Sung. Cela permit d’arrêter l’escalade, la Corée du nord accepta de geler son programme nucléaire en échange d’essence et de réacteurs militaires incapables de produire du plutonium.
Le 8 juillet 1994, mort du fondateur de la Corée du Nord Kim Il-sung, son fils, Kim Jong-il, lui succède.
Le lundi 28 novembre 1994, l’A.I.E.A annonça que son équipe technique a visité les sites nucléaires et constaté qu’ils ne fonctionnaient pas ou que leur construction était arrêtée.
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Comment peut-on expliquer une telle montée des tensions avant la résolution du conflit ?
Dans un premier temps il faut savoir qu’il existe 3 définitions de visions différentes de sécurité internationale :
1/ Pour des auteurs classiques comme Morgenthau, Aron ou bien encore Waltz, le titulaire et l’objet de la sécurité international c’est l’État, cela fait référence au traité de Westphalie (1648) et à la Charte des Nations Unis (1945).
2/ Le cherche Norvégien Galtung à une conception dit de sécurité positive : la paix comme besoin et désire. L’objet de sécurité dans cette notion de paix positive est l’individu et sa réalisation, avec une sécurité militaire mais aussi social ou encore de justice, permettant une tranquillité d’esprit de l’individu.
3/ La dernière notion est celle de « securitization » avec des auteurs telle que Buzan et Waever. C’est l’écart entre ce qu’on perçoit en sécurité et ce qu’elle est ; on peut citer l’exemple des attentats qui font moins de 100 morts par an, en comparaison avec les accidents de la route, les cancers, la pollution etc. qui tues bien plus. Pour que le sujet devienne un objet de « securitization » il doit être exprimer par des responsable politique, avoir un aspect d’exceptionnalisme, de problème urgent et doit avoir une perception de menace d’intérêt vitaux comme pour exemple, l’écologie.
On peut résumer ces trois définitions de sécurité international en trois points : la sécurité de l’État, de l’individu & sa réalisation, et la perception qu’une majorité a d’un problème.
Pour expliquer les raisons des conflits conduisant à une escalade ou désescalade de ce dernier lié à cette sécurité vue ci-dessus, il existe 5 modèles théoriques de penser en relations internationales :
I/ Le modèle de l’acteur rationnel réaliste : on fait la guerre pour des raisons de sécurité. Cela s’explique en 4points.
- Le dilemme de sécurité : la sécurité de l’un s’opposant à l’insécurité de l’autre. Cela faisant référence à une zone d’incertitude qui existe à chaque fois où frapper en premier est préférable qu’attendre une frappe adverse.
- Déséquilibre de pouvoir et guerre : Quand deux États ont une force équivalente faire la guerre devient très onéreuse, en temps et en coût, tout le monde sera perdant. La faiblesse de cet équilibre est l’évolution permanente du monde, l’équilibre des forces est difficile à trouver. Puis il y a aussi la question des alliés à défendre s’ils entrent dans le conflit.
- Une guerre pour l’hégémonie: l’États le plus fort a une force dissuasive sur le plus faible. Mais lorsqu’il y a abus du dominant cela peut conduire à un excès aboutissant à la guerre pour l’honneur du dominé ne pouvant tout accepter.
- Les raisons conjoncturelles : le manque de crédibilité de la dissuasion ou manque de retenu militaire. Cela fait référence aux comportements humains des acteurs en environnement international. Il y a 4 stratégies de dissuasion :
- la dissuasion classique avec l’armement, plus de perte que de gain (arme nucléaire);
- la dissuasion conventionnel, avec un rapport de force crédible (crédibilité de parole, communication, ligne rouge à ne pas franchir);
- la dissuasion élargie, un État protège un autre État et signifie à l’État agresseur que s’il frappe l’État allié alors il le frappera à son tour;
- la stratégie de «reassure» (rassurer, sécurisé), qui est une méthode de désescalade militaire, où il existe une communication, les manœuvres militaires sont notifiés afin de montrer qu’on a pas l’intention de frapper mais on peut si on le souhaite, les casques bleus font partis de cette stratégie de pacification des conflits.
Pour les acteurs rationnels le conflit de 1994 fut amener par un dilemme de sécurité. Kim Il- Sung refusa la demande de l’A.I.E.A du 27 février 1993 d’inspection spéciale sur deux sites militaires, mais acceptera la demande d’inspection élargie en décembre 1993, au moment où la C.I.A estimait que le régime nord coréen disposait de la bombe nucléaire ; la zone d’incertitude est créée. A contrario, par le biais de Jimmy Carter, il pu y avoir une stratégie de reassure et de dissuasion conventionnelle permettant la mise en place d’une communication entre Washington et Pyongyang ainsi qu’une désescalade des tensions.
II/ L’autre modèle de l’acteur rationnel libéral est la paix et la guerre pour le profit.
- Les raisons conjoncturelles : cela fait réfère aux compensations matérielles, aux restrictions économique. On évite la guerre afin de poursuivre une ascension économique.
- La guerre pour les intérêts des « élites ataviques »: des élites voulant se maintenir au pouvoir vont se servir des conflits, afin de créer un sentiment national et faire ainsi taire les minorités. Ceci est une politique de diversion.
Pour les libéraux, l’arrêt du conflit a été la compensation matérielle. Ce geste permit la désescalade, la Corée du Nord acceptant de geler son programme nucléaire en échange, elle reçus de l’essence et des réacteurs militaires incapables de produire du plutonium. Cela permit à la Corée du Nord de continuer son acensions économique et de rassuré la communauté internationale sur la possible possession, création de l’arme nucléaire par le gouvernement nord coréen.
Ce qui créa le conflit en sens inverse, serait donc l’intérêt du dirigeant Nord Coréen Kim Il- sung à continuer de montrer sa puissance au sein de son pays; ce dernier mourût le 8 juillet 1994.
III/ Le modèle de la rationalité limitée : la guerre « involontaire »:
- Les routines organisationnelles: les procédures sont standardisées, il n’y a plus d’étude au cas par cas. La réponse devient identique à une même situation, ce qui permet un gain de temps même si cela peut provoquer des situations d’injustice.
- Les perceptions faussées : l’exagération des intentions ennemies, l’écart entre la réalité et la perception. Cela amène à une simplification des positions adverses, des analogies historiques, des expériences passées ainsi que de s’intéresser au pire des possibles.
- Les raisons conjoncturelles : Le manque de contrôle du pouvoir civil sur le pouvoir militaire
Pour les acteurs rationnels limités, la cause du conflit viendrait de routines organisationnelles et d’une perception faussée. En effet en décembre 1993, la C.I.A a estimé que la Corée du Nord disposait de l’arme nucléaire, hors on apprendra ultérieurement qu’elle ne l’avait jamais eu. Elle pu la fabriquer qu’en 2006. Cela viendrait pour les rationnels limités de la bureaucratie, de la hiérarchie demandant de trouver des preuves et donc de la possible fabrication de preuves dû à la pression hiérarchique, qui conduira a une perception faussée des intentions coréennes.
IV/ La rationalité au pluriel, le constructivisme : la guerre pour l’affirmation identitaire, l’honneur et « virilité » nationale :
- Les raisons structurelles : les structures patriarcales et le culte de la souveraineté : les acteurs estiment que la survie symbolique prévaut sur la survie biologique, l’honneur prévaut sur la mort.
- Les raisons conjoncturelles : le manque de tact « diplomatique » : cela renvoi à l’acteur étatique renvoyant une image forte et virile qui serait plus sensible aux offenses. L’acteur étatique se doit d’avoir une image parfaite, il ne peut se tromper, il ne prendra pas en compte les réflexions différentes des siennes.
Pour un constructiviste, la raison du conflit de 1994, est l’image forte des États-Unis qui ne peuvent se tromper, avec une image virile, forte du pouvoir. Ils n’ont jamais appréciés avoir «perdu» la guerre de Corée et ont l’obligation pour eux de montrer leur puissance et leur supériorité face aux autorités du Nord. Cela ne permet pas une désescalade du conflit mais plutôt une escalade.
V/ La rationalité d’un récit, le constructivisme critique : la guerre comme prophétie auto- réalisatrice:
- La logique de la « géopolitique » : signifie maîtriser la carte, assigner une place, retracer les frontières, représenter l’ennemie sur une carte, ce qui revient à déshumaniser l’ennemie et peut conduire à l’obsession du récit de domination pour les militaire.
- Le récit scientiste: on peut maîtriser la réalité par la science, prévoir l’avenir en collectant des données ainsi que des tendances. Cela revient donc à faire une guerre préventive afin de conserver sa sécurité.
Pour les constructivistes critiques, le conflit est dû à une déshumanisation de l’ennemi, avec une logique de géopolitique très présente chez les militaires. On peut constater que durant une réunion de L’Op Plan 5027, les militaires sont très présent : William J. Perry secrétaire d’État à la défense, le général John Shalikashvili conduisant les chefs d’États major de l’armée américaine, le Président lui-même, des responsables de la maison blanche ainsi que le Pentagone.
Cela aurait conduit à une escalade du conflit sans l’appel de Jimmy Carter ; 39ème Président des États-Unis (1977-1981), qui fonda en 1982 la Fondation Carter qui se donna pour mission la résolution des conflits, la promotion de la démocratie ou encore l’aide au développement humanitaire. Il eu un rôle de médiateur durant ce conflit, permettant une désescalade.
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Dans ce cas nous pourrions dire que les types de politiques qui ont menés à l’escalade du conflit sont : la routine organisationnelle et la perception faussée qui ont mené à un dilemme de sécurité avec la création d’une zone d’incertitude, puis le manque de tact « diplomatique » avec l’image d’un pouvoir viril américain et sa logique géopolitique, ainsi qu’un possible intérêt atavique de Kim Il-sung.
A contrario les types de politiques qui ont menés à la désescalade sont : la stratégie de reassure et de dissuasion conventionnel, accompagnée d’une compensation économique et matérielle.