La presse, à l’origine de l’actualité en ligne

1 La presse, à l’origine de l’actualité en ligne
Les titres de presse possèdent aujourd’hui, en France, les principaux sites INTERNET d’actualité. La figure ci-dessous montre qu’hormis les sites des fournisseurs d’accès et des moteurs de recherche, la presse capte une vaste majorité des visiteurs en quête d’actualité. Ces chiffres montrent que sur l’audience cumulée des 21 principaux sites français, la presse possède une part de marché de 47,4%, contre 39,5% pour les pages d’actualité des fournisseurs d’accès et des moteurs de recherche et 11,4% seulement pour les sites de télévision.
L’analyse des mécanismes ayant abouti à cet état de fait permettra de déterminer la solidité de la position acquise par les journaux sur Internet.
L'audience des sites d'actualité
Figure 4. L’audience des sites d’actualité. Source: Médiamétrie//NetRatings, novembre 2006.
L’étude des stratégies développées par les groupes de presse au démarrage de leurs opérations en ligne (1) ainsi que les réactions des différents acteurs de ces organisations face à l’émergence d’un nouveau média (2) permettent d’établir un modèle économique pour la presse en ligne (3).

1.1 Aux origines des investissements en ligne

Les premiers sites internet de presse sont arrivés en France en 1995, puis se sont rapidement généralisés. Aujourd’hui, seuls quelques quotidiens régionaux ne diffusent pas de contenus d’actualité en ligne, tous les autres utilisant ainsi un second canal de distribution.
Une certaine vision d’internet comme d’un média complémentaire du papier a pu pousser les éditeurs à adopter la diffusion sur internet (1). Néanmoins, l’inconsistance des premiers pas effectués sur le web laisse plutôt penser à une ruée qu’à une stratégie préétablie, les nouveaux médias étaient alors perçus par le management comme un moyen de redresser facilement des entreprises de presse en difficulté (2).

1.1.1 Un média complémentaire du papier

L’une des modélisations possibles du marché des journaux se propose d’expliquer la circulation et la profitabilité d’un titre par l’influence sociétale qu’il exerce (Meyer, 2004 ; Meyer, 2005). La figure ci-dessous reprend le schéma de Hal Jurgensmeyer, ancien cadre du groupe américain Knight-Ridder.
Le modèle de l'influence selon Jurgensmeyer
Figure 5. Le modèle de l’influence selon Jurgensmeyer. Adapté de Meyer (2004).
Dans ce modèle, la qualité et la crédibilité d’un titre participent à l’augmentation de son influence, permettant ainsi d’élargir la diffusion d’une part, mais aussi d’augmenter les prix de la publicité et donc la profitabilité, dans un cercle vertueux démontré par Philip Meyer dans son ouvrage The Vanishing Newspaper (2005). Ces mécanismes stratégiques de long-terme seraient ainsi utilisés par les journaux, qui favorisent l’influence au détriment de la profitabilité immédiate. Le comportement inverse revient pour Meyer à « moissonner » un titre, puisqu’une marque qui verrait son influence diminuer perdrait son rôle et son lectorat.
L’arrivée d’internet dans le paysage médiatique a brusquement agrandi les champs sur lesquels il était possible d’étendre son influence. De par sa nature internationale, ce nouveau média permettait, par exemple, de toucher les Français de l’étranger, déjà plus d’1,4 millions en 1995, et donc d’augmenter l’influence du titre auprès de lecteurs temporairement inaccessibles par les supports traditionnels des contenus. C’est en effet la raison principale mise en avant dans l’article du Monde annonçant la création de leur site internet (Colonna d’Istria, 1995). De même, Libération était certain, en 1995, lors du lancement de son site, que les contenus diffusés sur internet n’intéressaient que les expatriés, puisque leur premier serveurs étaient hébergés exclusivement en Amérique du Nord, territoire qui rassemblait d’ailleurs 40% de leurs visiteurs (Libération, 1995).
D’une manière générale, les journaux ont vu les opportunités que pouvait leur offrir le web en termes de diffusion, d’autant plus qu’il leur suffisait à l’époque de connecter leurs serveurs au réseau pour bénéficier d’une place prépondérante auprès des internautes. Les débits étaient en effet près de cent fois plus lents qu’aujourd’hui, si bien que seuls les textes étaient susceptibles de pouvoir être diffusés, éloignant du coup les producteurs de contenus vidéo et audio. La majeure partie des groupes de presse avait en outre déjà effectué sa transition vers le numérique au début des années 1990, si bien que les articles étaient déjà numérisés et organisés dans des bases de données similaires à celles dont a besoin un site internet. De plus, le concept et le terme de page web ont fait penser aux éditeurs que les opérations de rédaction et de maquette sur internet seraient semblables à celles développées sur papier.
Seuls sur le marché de l’actualité en ligne, les groupes de presse ont ainsi voulu voir le web comme une extension naturelle de leur activité qui allait leur procurer une rente et permettre de combler les déficits des éditions papier.

1.1.2 Une ruée vers le web

Comme l’explique Antoine de Tarlé, directeur général adjoint de OuestFrance, les journaux pensaient que la transition à internet serait « particulièrement aisée en raison de l’expérience acquise dans la télématique mais surtout grâce à la généralisation de la numérisation » (2006). A partir de 1995 en effet, les principaux titres de presse ont créés des sites internet, suivant ainsi la vague d’enthousiasme suscité par la bulle de la « nouvelle économie » d’alors.
Evolution de la croissance du marché publicitaire global en France entre 1995 et 2003
Figure 6. Evolution de la croissance du marché publicitaire global en France entre 1995 et 2003. Source: IREP
Le succès qui semblait s’offrir aux start-ups a poussé les éditeurs de quotidiens à se lancer dans l’aventure, d’autant plus que le modèle économique semblait solide. La croissance à deux chiffres du marché publicitaire français à la fin des années 1990, que montre la figure ci-contre, a incité les stratégies expansionnistes fondées sur les revenus publicitaires. Par ailleurs, la culture de la gratuité qui prévalait sur internet a contribué à la mise à disposition des contenus en libre accès, une stratégie rentable jusqu’au retournement de conjoncture, en 2001.
Cependant, plusieurs années après le lancement de ces sites, aucune stratégie n’avait encore émergé. A la fin des années 1990 au sein du journal Le Monde, personne ne savait à quoi allait servir la plateforme web, la direction du journal étant partagé entre une mission de rapidité, d’exhaustivité, avec la mise en ligne des dépêches et des archives, ou la vente de services connexes, sans pour autant s’être posé la question de la nouveauté du média (Patino & Fogel, 2005).
Par ailleurs, une étude menée sur les magazines allemands ayant lancé un site internet montre clairement que la stratégie principale a été l’imitation (Kaiser, 2006). On peut vraisemblablement supposer que les rédactions des quotidiens français ont effectué la même démarche, la déferlante des nouvelles technologies fonctionnant alors comme une mode.
Le manque de vision claire s’est fait ressentir lors du retournement de la conjoncture publicitaire, en 2001, les revenus publicitaires des versions papier déterminant en effet les politiques d’investissement sur le web. L’ambition de la presse sur internet s’est alors brusquement réduite. Dans la plupart des cas en effet, le management n’a pas considéré les opérations internet comme une priorité et les ont fait passer derrière les besoins des versions papier. Cette décision s’est traduite par un ralentissement sensible des investissements sur internet, comme ce fut le cas au Figaro, et par des suppressions de postes au sein des rédactions web.
Il a fallu attendre 2003 et le redémarrage du marché publicitaire, associé avec une montée en puissance irréversible de la pénétration d’internet, pour que le management s’intéresse à nouveau aux nouveaux médias. La taille de l’audience touchée par les sites d’actualité a permis à une partie d’entre eux d’atteindre l’équilibre en termes d’exploitation, levant ainsi les freins à l’investissement de la part des directions.
Lire le mémoire complet ==> (Quelle place pour la presse en ligne à l’heure du Web 2.0 ?)
Mémoire de fin d’études
Institut d’études politiques de Lille, section Economie et Finance

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