Tamagotchi humanitaire…communication des associations

Tamagotchi humanitaire

6. Tamagotchi humanitaire…

Sponsoriser un enfant, et obtenir jour après jour par le net des informations sur sa scolarité, son devenir… jusqu’à se sentir titulaire de « droits » sur sa vie, son avenir… « Ce n’est qu’un début », déplore Steven Hearn, directeur-adjoint de Caractères, une agence de communication spécialisée dans le secteur associatif.

« On peut imaginer que des associations spécialisées dans le parrainage d’enfants du tiers-monde installent des webcams pour permettre aux parrains occidentaux de suivre leur filleul au quotidien. Et le voient sourire quand ils cliquent pour lui donner 100F » …

Certains sites américains n’en sont d’ailleurs pas très loin, comme celui de la Wesley Mission, œuvre d’entraide chrétienne américaine qui a mis sur pied un programme de camps de vacances pour les enfants défavorisés, baptisé « Operation Hope ».

Sur le site de l’association, les internautes sont invités à voir les photos et lire les parcours douloureux d’enfants qui ont bénéficié de ce programme, et à donner en ligne pour envoyer de nouveaux enfants en vacances. Le formulaire de don, assez cynique, demande « combien de jours de vacances voulez-vous offrir à un enfant défavorisé », et calcule le montant de votre don en fonction de cette réponse…

Le site de l’association chrétienne Compassion International65 invite l’internaute fortuné à parrainer un enfant des antipodes en cliquant sur sa photo pour obtenir une fiche signalétique, donner de l’argent destiné à « favoriser son développement », et échanger avec lui lettres et photos…

Save The Children66, propose également de parrainer en ligne des enfants, pour « seulement 24$ par mois, soit à peine 79 cents par jour ». On choisit son enfant sur catalogue… (garçon ou fille, pays, âge…) au bout d’une procédure assez longue au cours de laquelle l’internaute doit fournir toutes ses coordonnées, et bien sûr son numéro de carte bancaire !

Certes, ces catalogues d’enfants existaient déjà sous une forme imprimée, mais la réactivité et la sensation d’immédiateté qu’offre l’Internet décuplent le phénomène de «marchandisation» des êtres vivants. Elles donnent le sentiment d’une «vraie» communication établie sur la seule base de la volonté des généreux «parrains».

Or, comme le souligne Dominique Wolton67, il faut « reconnaître que toute communication est un rapport de force. L’horizon indépassable de toute communication étant le rapport à l’autre, elle n’est jamais assurée de réussir »…

7. Vers une charité « tribale »

A force de personnalisation, on peut, par ailleurs, enserrer l’internaute dans un monde virtuel qui lui ressemble étrangement, puisque conçu sur la base de ses propres préférences, exprimées au fil de questionnaires, ou simplement déduites de sa navigation sur le web, soigneusement notée et étudiée…

Lorsqu’on sait que l’Internet est devenu la principale si ce n’est la seule source d’information pour des millions d’occidentaux, et que par ailleurs ces informations sont de plus en plus finement calibrées en fonction de leur cible, on ne peut que redouter que l’information humanitaire se fasse désormais sur un mode communautaire, quasi « tribal » .

Le fantastique essor des sites de communauté ouvre la voie : déjà, le site DoughNet conçu pour les adolescents américains, leur propose non seulement de dépenser en ligne l’argent de poche offert par leurs parents (dans la limite d’un plafond fixé par ceux-ci…), mais également d’en donner une part à des associations philanthropiques ou d’œuvrer bénévolement pour le bien public au travers d’association qui acceptent de jeunes recrues…

Cette initiation précoce, intimement lié au consumérisme et à la récupération marchande de « communautés » virtuelles s’affirme dans la présentation qu’en fait le site : « Même si vous ne pouvez voter, faire des lois ou avoir votre nom sur une chaussure de basket, vous pouvez tout de même façonner le monde »…

Lorsque tout devient échangeable, bonne conscience contre bol de riz, on peut se poser la question de la valeur d’usage de ce qui est réellement échangé, et du sens que cela a pour les deux parties concernées. Et quelle prétendue « communauté » cela créée : unité de volontés réfléchies, ou agrégat d’individualités mêmement compatissantes… ? Les donateurs passent ainsi du statut de citoyens à celui de consommateurs de leur propre générosité.

F

Avec Internet, on voit apparaître de nouveaux risques de dérives. En réalité, ces dérives sont, pour la plupart, les mêmes que celles identifiés pour les médias classiques (en chapitre 2) à des niveaux plus importants.

Si nous reprenons chacune de ces dérives, nous remarquons que :

– L’illusion du don gratuit et sans effort fait écho aux produits-partage développés en partenariat par les associations et les entreprises.

– L’instrumentalisation des donateurs, consistant à collecter un maximum d’informations sur ceux-ci en leur proposant de l’information en échange, ramène aux questions de respect de la vie privée régulièrement abordées lors d’opérations de marketing direct.

– Le leurre de la simplicité (par l’utilisation de chiffres-choc en regard du faible coût pour y remédier) et le symbolisme qui en découle est accru par l’interactivité (proximité physique et temporelle du problème et de sa solution).

– L’écart entre la complexité des vrais enjeux et la simplicité, voire le burlesque, des solutions proposées fait écho, sur Internet, à la simplification, voire à l’occultation, de l’information sur les contextes d’intervention de l’association. Celle-ci peut en effet juger qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer les causes réelles d’un mal pour récolter des fonds et se contente donc bien souvent de décrire les souffrances des populations secourues.

– La charité proche du jeu et le tamagotchi humanitaire, rappellent les dérives relatives à l’image et à la notion de proximité et d’immédiateté véhiculée par l’utilisation de celle-ci. Avec Internet, une personne peut, par exemple, choisir d’aider l’enfant qu’il a vu dans le répertoire des personnes à aider.

Ces dérives ne sont donc pas nouvelles et une charte de déontologie réalisée pour les opérations de communication et de marketing pourra facilement être adaptée aux opérations menées sur Internet.

Conclusion

Chapitre 3

Le chapitre 3 nous a permis de prendre connaissance du profil des internautes engagés sur le web, et notamment des éléments suivants :

– Les internautes engagés sont plus jeunes que la cible traditionnelle des associations humanitaires et correspondent au profil des « nouveaux » donateurs.

– Internet est identifié par les internautes comme un outil de communication et d’information et la possibilité de faire un don en ligne n’est pas évoquée spontanément.

Concernant la collecte de fonds, nous avons appris que celle-ci représente aujourd’hui une part infime dans l’ensemble des dons privés collectés.

Le don moyen sur Internet est nettement supérieur au don obtenu par marketing postal, mais cet écart tendrait à se réduire à mesure de la démocratisation de l’accès à Internet.

La collecte de fonds sur Internet semble connaître un succès beaucoup plus important dans le cas d’actions spécifiques et fortement relayées par les médias et/ou par d’autres sites.

Avec Internet, on voit apparaître de nouveaux risques de dérives. En réalité, ces dérives sont, pour la plupart, les mêmes que celles identifiés pour les médias classiques à des niveaux plus importants.

Si nous reprenons chacune de ces dérives, nous remarquons que :

– L’illusion du don gratuit et sans effort fait écho aux produits-partage développés en partenariat par les associations et les entreprises.

– L’instrumentalisation des donateurs, consistant à collecter un maximum d’informations sur ceux-ci en leur proposant de l’information en échange, ramène aux questions de respect de la vie privée régulièrement abordées lors d’opérations de marketing direct.

– Le leurre de la simplicité (par l’utilisation de chiffres-choc en regard du faible coût pour y remédier) et le symbolisme qui en découle est accru par l’interactivité (proximité physique et temporelle du problème et de sa solution).

– L’écart entre la complexité des vrais enjeux et la simplicité, voire le burlesque, des solutions proposées fait écho, sur Internet, à la simplification, voire à l’occultation, de l’information sur les contextes d’intervention de l’association. Celle-ci peut en effet juger qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer les causes réelles d’un mal pour récolter des fonds et se contente donc bien souvent de décrire les souffrances des populations secourues.

– La charité proche du jeu et le tamagotchi humanitaire, rappellent les dérives relatives à l’image et à la notion de proximité et d’immédiateté véhiculée par l’utilisation de celle-ci. Avec Internet, une personne peut, par exemple, choisir d’aider l’enfant qu’il a vu dans le répertoire des personnes à aider.

Ces dérives ne sont donc pas nouvelles et une charte de déontologie réalisée pour les opérations de communication et de marketing pourra facilement être adaptée aux opérations menées sur Internet.

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