D) L’évolution de la relation Homme / Ordinateur
Il semble ici nécessaire de faire un retour sur l’évolution de nos rapports avec les machines depuis que les ordinateurs sont apparus pour bien expliciter l’évolution même du Web. Nous reviendrons ensuite plus précisément sur les impacts des technologies 2.0 sur la situation de recrutement en elle-même.
Il est dès lors impératif de faire la distinction entre le Web (qui est un sous ensemble d’Internet) et Internet en lui-même. Le Web, initialement « World Wide Web » et littéralement
« Toile d’araignée mondiale », est la partie la plus populaire de l’Internet, notamment grâce à sa convivialité d’utilisation. Cette interactivité est permise surtout par l’hypertexte (ensemble de données interconnectées les unes aux autres dont on obtient la visualisation sur l’écran d’un ordinateur en cliquant sur un mot ou une icône). Le Web est ainsi un système hypermédia (hypertexte et multimédia) d’accès aux informations disponibles sur Internet, par un système de liens. Internet est quant à lui, un réseau informatique mondial fondé sur l’alliance de l’informatique et des télécommunications. Il a trois fonctions principales : le courrier électronique, le transfert de fichier et la connexion à distance44.
L’évolution de la relation Homme/ Ordinateur se décompose globalement en trois périodes, comme autant de jalons dans la navigation à travers l’écosystème45 Internet :
▫ Période 1 : Le composant électronique coûte cher. Les ordinateurs sont par conséquent rares, contrôlés par un nombre réduit d’acteurs, et partagés entre de nombreux utilisateurs. C’est l’époque de l’ordinateur central : un ordinateur pour plusieurs utilisateurs. L’Homme n’était alors qu’un utilisateur, son moyen d’accès s’appelait un Terminal. Il ne pouvait que très peu altérer le comportement de la machine. Les ressources informatiques étaient tellement chères qu’il était plus avantageux de construire des réseaux pour en partager les capacités.
▫ Période 2 : Le composant électronique est plus abordable. Il devient possible de construire un plus grand nombre d’ordinateurs, pratiquement un par personne (ou par foyer). C’est l’époque de l’ordinateur personnel (PC) : un ordinateur pour un utilisateur. Avec l’avènement du PC (de son vrai nom, Personal Computer), la capacité de traitement a été donnée à l’Homme. Chacun devenait une cellule de production plus ou moins autonome. L’Utilisateur avait désormais plus de pouvoir. Il pouvait effectuer les tâches qu’il souhaitait, installer des progiciels et les paramétrer pour un usage beaucoup moins contraint qu’en mode Terminal. Toutefois, son action restait limitée à sa seule machine. Internet a connu l’essor que nous connaissons avec la banalisation de l’usage du PC.

44 Paragraphe tiré du Dossier « Nouvelles Technologies : Mythes et Réalités ». In Sciences Humaines, mars 1996, n°59, p.14-19.
45 En écologie, un écosystème désigne l’ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants et son environnement géologique, pédologique et atmosphérique (le biotope). Les éléments constituant un écosystème développent un réseau d’interdépendances permettant le maintien et le développement de la vie.

▫ Période 3 : le composant électronique coûte un prix dérisoire, n’importe quel objet peut en contenir un et devenir plus ou moins une machine « intelligente », c’est-à-dire un ordinateur. C’est l’époque des objets intelligents : plusieurs ordinateurs pour un seul utilisateur.
Nous sommes aujourd’hui à l’orée de la troisième période. Le nombre d’objets disposant de capacités de calcul, de logiciels, de données, devient de plus en plus en plus important : téléphones portables aux fonctions multiples, assistants personnels, appareils photo ou baladeurs numériques, ordinateurs embarqués de voiture, systèmes audiovisuels, jouets etc. L’utilisateur est entouré d’objets dotés des caractéristiques d’un ordinateur. Ce canevas schématique de l’évolution de l’informatique et de l’électronique, mais aussi de la relation de l’homme à la machine, permet de structurer l’observation d’un certain nombre de tendances :
Dans les premiers temps de l’Internet, la connexion de l’utilisateur se faisait à travers un modem analogique sur une ligne téléphonique ordinaire. L’Utilisateur se connectait à l’Internet. Pendant la durée de cette connexion il effectuait l’ensemble des tâches à faire sur le réseau puis il retournait à son mode déconnecté. Avec le développement des liaisons louées dans les entreprises, puis de l’ADSL et du câble chez les particuliers, sont apparues les connexions permanentes. Désormais, l’Utilisateur ne se connecte plus, il est connecté. Le réseau, la connectivité sont des prolongements naturels de l’Utilisateur et de ses équipements. Ils en étendent les capacités et les données. L’Utilisateur passe indifféremment de données qui se trouvent localement à d’autres, qui sont lointaines, et il devient inconcevable de travailler sans avoir une connexion au réseau. C’est la véritable naissance de l’Homme en Réseau, celui qui n’est plus un touriste sur l’Internet mais qui en est un résident.
Il s’est en effet produit à la fin des années 90, une véritable révolution avec le « peer to peer ». Il faut avant tout y voir la possibilité pour chaque individu d’être à la fois un offreur et un demandeur de contenu. C’est là le début d’un Internet « post-webique » au contenu désormais non centralisé, dispersé. Chacun y est client et serveur. En termes de pouvoir, il marque l’avènement de la communauté des utilisateurs comme acteur à part entière de l’écosystème: un très grand nombre d’unités aux ressources très limitées collaborent ensemble en réseau et peuvent devenir beaucoup plus puissantes que de grandes unités ayant beaucoup de ressources. C’est l’avènement du Web 2.0.
En parallèle, on a pu observer une tendance vers le personnel et le permanent qui est beaucoup plus structurante que la dichotomie sédentaire/mobile. Une adresse e-mail reste permanente et personnelle indépendamment de l’endroit d’où on la consulte, il en va de même de son téléphone portable sur lequel on peut être joint où que l’on soit. Le phénomène le plus intéressant de ces dernières années est celui apporté par le Wi-Fi.
L’irrésistible tendance à la prise de pouvoir de l’Utilisateur (« empowerment ») démarre avec le PC. Aujourd’hui, n’importe qui, avec très peu de moyens et relativement peu de savoir-faire, peut construire un réseau. Il est de plus en plus facile pour des entreprises de tailles diverses, des collectivités, des groupes d’individus de construire leur propre réseau, leur « Personal Networks ». Il est inéluctable que nous entrons dans une ère où chacun d’entre nous est entouré d’un ensemble d’objets intelligents. Il nous faut donc considérer ces appareils non pas comme autant d’unités discrètes, mais comme une communauté nous rendant conjointement des services. Nous devons les penser comme un réseau (ou une extension de l’Internet) qui permettrait d’embrasser l’ensemble des objets isolés, qui les tisserait dans une même toile à laquelle l’utilisateur ne se connectera plus, mais dans laquelle il sera immergé. C’est ce réseau que nous pouvons appeler réseau pervasif 46.
Le réseau pervasif est ainsi le réseau de la continuité et se doit d’être présent partout, tout le temps, et ce sans rupture : plus de distinction intérieur/extérieur (ma voiture est par exemple un des éléments essentiels de mon réseau d’objets), géographique (ex : mon appareil photo numérique doit pouvoir stocker ses images directement sur mon serveur depuis l’étranger) ou de contexte d’usage (un email, reste un email qu’on le lise debout ou assis). C’est alors la déconnexion volontaire du réseau (totale ou partielle) qui devient un acte exceptionnel et non pas la connexion.
En résumé, on peut dire qu’aujourd’hui « les internautes vont sur Internet ; on le consulte par l’intermédiaire d’un objet : l’ordinateur » et que demain, « les internautes n’iront plus sur Internet mais seront dans Internet, parce qu’Internet est un écosystème informationnel, fait de nœuds (Intervenants ou Utilisateurs), de liens, de relations ». Internet n’est plus considéré comme un outil d’information et de communication mais devient « une technologie de la relation »47.

46 Tiré de l’article « De l’inéluctabilité du réseau pervasif » , écrit par Rafi Haladjian, fondateur d’Ozone, fournisseur de connexion Wi-Fi.
47 Paragraphe inspiré d’une Interview « L’évolution d’Internet, jusqu’au web 4.0 » de Joël DE ROSNAY, Docteur ès Sciences et auteur de « La révolte du pronétariat ». Interview « publiée » sur Dailymotion.

Ainsi, on peut schématiser comme suit les différentes évolutions du Web, en lien avec l’évolution de la relation Homme / Ordinateur :
▫ Le Web 1.0 est le Web descendant, qui nous envoie de l’info sur des sites de contenus.
▫ Le Web 2.0 est celui des contenus générés par l’utilisateur, les acteurs d’Internet, avec des logiciels puissants, capables de créer des contenus photos, vidéos, musicaux.
▫ Le Web 3.0 est le Web intuitif, tout juste en train d’émerger. On l’appelle aussi Web sémantique, car il permet des interrelations transversales entre des Web services. Concrètement, le Web sémantique consiste en un système capable de donner une réponse raisonnable et complète à une question du type : « Je recherche un endroit chaud pour les vacances. J’ai un budget de 3 000 dollars. Ah, et nous avons un enfant de 11 ans. ». Répondre à une telle question aujourd’hui peut exiger des heures de tri dans des listes distinctes de vols, hôtels et locations de voitures, qui proposent des options souvent contradictoires. Avec le Web 3.0, la requête appellerait une réponse cohérente, aussi méticuleusement assemblée que si elle l’avait été par un agent de voyage humain.
Lire le mémoire complet ==> (Dans quelle mesure les supports Web 2.0 participent-ils à la promotion de soi lors de la situation de e-recrutement ?)
Master 2 – Mémoire de recherche – Spécialité : Psychologie Sociale
Université Catholique de l’Ouest – Institut de Psychologie et de Sociologie Appliquées
 

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