Le contrat de licence GPL : l’exclusion du contrat de vente

Le contrat de licence GPL : l’exclusion du contrat de vente

S. Sect 2 Qualification du contrat de licence GPL

En supposant que la licence GPL est avant tout une convention ayant pour objet d’organiser la diffusion d’un logiciel; nous essayerons d’abord de rattacher à certains contrats nommés aux quels elle s’apparente (P1) avant de proposer le cas échéant une qualification qui lui est propre (P2)

P1 : L’exclusion du contrat de vente

La vente est aux termes du code civil art 1582 ‘une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer’ 3 éléments sont importants à relever. La vente concerne une chose, elle se passe entre un vendeur et un acheteur qui lui paye un prix.

Parlant de la notion de chose, un logiciel fût-il libre peut-il être considérer comme une chose ? Si d’emblée cette question paraît anodine, en pratique elle présente un intérêt certain notamment dans l’appréciation de la contrefaçon ou du vol. En effet le problème ne se serait pas posé si l’on considérait le logiciel d’après l’imagerie populaire c’est à dire comme un CD ROM, disquette…sur lequel sont inscrits des programmes.

Cet amalgame a même été constaté dans des décisions de justice qui considéraient que l’information sur le CD ne peut exister sans ce support et donc que ce contenu et ce contenant constituent une seule et même chose. Le logiciel libre existe essentiellement sous forme immatérielle. Il se trouve sur Internet et l’on l’acquiert généralement par téléchargement sans donc avoir besoin de support. Toutefois la véritable difficulté de qualification de vente vient de la contrepartie financière. En effet, on ne pourrait concevoir une vente sans prix qui est l’élément le plus caractéristique qui la diffère d’autre contrats tels la donation l’échange, le commodat…

Le logiciel libre n’est pas un logiciel gratuit et la GPL permet expressément la distribution des copies à titre onéreux et même la possibilité de développer une activité professionnelle lucrative. Seulement ce prix que l’on va percevoir peut-il être considérer comme la contrepartie de la cession du logiciel et emporter la qualification de vente ? La réponse est négative car le prix dans le logiciel libre n’est pas obligatoire et l’on peut tout à fait envisager une cession sans contre partie financière.

Le concessionnaire peut facturer l’acte physique de transfert d’un exemplaire traduction de la section2 ‘You may charge a fee for the physical act of transferring a copy’ Dès lors il serait possible de distinguer entre les logiciels libres distribués gratuitement et ceux distribués à titre onéreux.

En effet la vente est un contrat translatif de propriété. L’acquéreur dispose sur l’objet acheté de l’usus, le fructus et l’abusus. Essayons d’analyser les droits des utilisateurs de logiciel libre soumis à la GPL à l’aune des attributs de la propriété.

Nous avons vu que celui ci a le droit d’utiliser le logiciel. Il s’agit bien d’une utilisation comparable à l’usus en ce sens que l’utilisateur fait usage du produit de la même manière que le propriétaire d’une voiture par exemple, il s’en sert à sa guise pour assumer ses besoins. Seulement cet usage n’est pas total comme le voudrait le droit de propriété. En effet la GPL autorise les restrictions notamment géographiques qui serait justifiées dans un souci de respect des droits d’auteur et des droits de la concurrence. .

Sect 8 ‘If the distribution and/or use of the Program is restricted in certain countries either by patents or by copyrighted interfaces, the original copyright holder who places the Program under this License may add an explicit geographical distribution limitation excluding those countries, so that distribution is permitted only in or among countries not thus excluded. In such case, this License incorporates the limitation as if written in the body of this License’.

En français, cela reviendrait à dire que si la distribution et ou l’utilisation du programme est restreinte dans certains pays, sous l’effet des brevets ou d’interfaces présentant un droit d’auteur, le titulaire du droit d’auteur sur l’œuvre d’origine qui soumet le programme aux dispositions de la présente licence, pourra ajouter une limitation expresse de distribution géographique excluant ces pays, de façon que la distribution ne soit autorisée que dans les pays ou parmi les pays qui ne sont pas ainsi exclus.

Dans ce cas, la limitation fait partie intégrante de la présente licence, comme si elle était écrite dans le corps de la présente licence Cette restriction du droit d’usage ne permet pas de retenir la qualification de l’usus qui lui est perpétuel et absolu.

Quant au fructus, il permet au propriétaire de pouvoir bénéficier des fruits de son bien au cas où il ne l’utilisait pas. Ainsi le propriétaire peut louer le bien, le prêter, peut le donner en nantissement…Ceci est tout à fait envisageable dans le cas d’utilisation du logiciel sous GPL. La licence ne l’ayant pas spécialement prévue, on pourrait en déduire de l’autorisation accordée aux utilisateurs de distribuer les copies gratuitement ou à titre onéreux; ce qui est aussi comparable à l’abusus dans le droit de propriété qui lui permet de pouvoir disposer de la chose comme il entend.

Le propriétaire a une certaine puissance due à sa souveraineté absolue sur son bien, ce qui s’accommode mal avec l’idée de copyleft qui ‘interdit d’interdire’. L’auteur ou l’utilisateur d’un logiciel sous GPL ne peuvent pas conclure une sous-licence, il leur est interdit de passer de la GPL à une licence notamment propriétaire. C’est donc dire que l’utilisateur dans le cas de la GPL n’est en effet investi d’aucun droit exclusif, absolu et discrétionnaire.

Il n’est pas le seul à exploiter le logiciel et n’a pas une liberté sans limite puisqu’il doit se conformer aux modalités prévues dans le contrat. Il n’est pas propriétaire et le fait de distribuer des copies de logiciel gracieusement ou à titre onéreux ne lui permet pas de transférer le droit de propriété; en vertu de l’adage nul ne peut transmettre plus de droit qu’il n’en a. S’il n’y a pas transfert de propriété, on ne peut parler de vente; ce qui est conforme à l’esprit même de la GPL qui est le partage, la solidarité dans la communauté.

Aussi s’il faut chercher le véritable propriétaire de l’œuvre dans la GPL, on pourrait dire qu’il ne s’agit de personne en particulier mais de la communauté toute entière représentée par la FSF

Toutefois il convient de préciser que la mise en œuvre de la LEN rendra plus difficile la qualification de vente. L’art 6 élargit le champ du commerce électronique en y incluant la fourniture de service en ligne dès l’ors qu’il s’agit d’une activité économique. « Article 6

Le commerce électronique est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ». L’on devra donc distinguer entre les logiciels libres fournis à titre onéreux dont l’opération peut être considérée comme une activité économique et les logiciels libres transmis gracieusement qui ne rentre pas dans le champ de l’art 6. Si l’idée de vente se conçoit mal dans une communauté, peut on envisager le concept de louage pour expliquer les transferts

P2 L’inadaptation du concept de louage

Aux termes de l’art 1709 ‘le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouire l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer’. Dans cette définition il ressort d’eux éléments essentiels : la jouissance de la chose qui induit un droit personnel et le paiement d’un loyer.

Le preneur à bail peut percevoir les fruits, produits et substance et doit restituer la chose à la fin du contrat. C’est en cela que le bail se distingue de la vente, du dépôt…malgré le débat opposant les tenants du caractère réel du droit du preneur à ceux du caractère personnel. Aussi il y’a le paiement d’un loyer qui est de l’essence même du louage des choses et le distingue du commodat.

Dans la GPL, l’utilisateur jouit du logiciel en l’état. Il est expressément prévu une clause élusive de responsabilité qui protège la FSF et l’auteur du logiciel contre toute forme d’attaque La section 11 stipule : ‘ BECAUSE THE PROGRAM IS LICENSED FREE OF CHARGE, THERE IS NO WARRANTY FOR THE PROGRAM, TO THE EXTENT PERMITTED BY APPLICABLE LAW.

EXCEPT WHEN OTHERWISE STATED IN WRITING THE COPYRIGHT HOLDERS AND/OR OTHER PARTIES PROVIDE THE PROGRAM «AS IS» WITHOUT WARRANTY OF ANY KIND, EITHER EXPRESSED OR IMPLIED, INCLUDING, BUT NOT LIMITED TO, THE IMPLIED WARRANTIES OF MERCHANTABILITY AND FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE. THE ENTIRE RISK AS TO THE QUALITY AND PERFORMANCE OF THE PROGRAM IS WITH YOU.

SHOULD THE PROGRAM PROVE DEFECTIVE, YOU ASSUME THE COST OF ALL NECESSARY SERVICING, REPAIR OR CORRECTION’ L’on pourrait partir de cette clause pour estimer que ni la FSF, ni l’auteur du logiciel ne sont tenus d’un quelconque droit fut-il de créance ou personnel. L’utilisateur aurait donc en fait des droits qui ne sont garantis par personne, il se trouverait sans secours ni recours en cas de difficultés.

Ceci nous paraît important de relever quoique la majeure partie de la doctrine semble s’accorder à considérer qu’une mise à disposition du logiciel à titre onéreux sans transfert de droits correspond à un louage de chose incorporelle.

Si le logiciel propriétaire paraît répondre parfaitement à cette analyse, le cas du logiciel libre sous GPL nous semble plus que douteux. Peut-on estimer qu’il y’ a louage en l’absence de droit personnel ou de droit réel du donneur à bail ? nous pensons que non, car le louage est un contrat synallagmatique. Chaque partie à des droits et des devoirs. Le preneur à bail paye un loyer et on peut estimer que la jouissance ou plutôt la garantie de jouissance due au donneur à bail est la contre partie du loyer.

Aussi considérer qu’il n’y a pas d’obligation à la charge du donneur à bail reviendrait à ôter au contrat son objet . Cela fragiliserait d’avantage la GPL et contribuerait à une agrandir le sentiment d’insécurité juridiques que beaucoup ressentent

Par ailleurs en matière de logiciel libre, le prix n’est pas une obligation. Une certaine jurisprudence écarte la qualification de louage de choses à défaut de loyer véritable; même si l’opération présente un caractère intéressé : Cass Soc 16 Juin1951 RTD CIV1952. Il paraît à notre sens discutable de considérer le contrat de GPL comme un contrat de louage de chose incorporelle, d’une part en raison de l’absence de véritable droit de créance ou droit personnel assortie d’obligation pour l’utilisateur et d’autre part du fait de l’inexistence d’un loyer véritable. Qu’en est-il du contrat de prêt ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La révocabilité des licences de logiciels libres : Cas de la GPL
Université 🏫: Université Paris-I PANTHÉON SORBONNE - U.F.R. 01 Droit Administration Et Secteurs Publics - DESS Droit de l’internet administration-entreprises
Auteur·trice·s 🎓:
ALEXIS NGOUNOU

ALEXIS NGOUNOU
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 2003-2004
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