La Commission Européenne et les marchés du carbone

La Commission Européenne et les marchés du carbone

c. Les récentes propositions de la Commission Européenne cherchent à renforcer les marchés

Au cours du mois de janvier 2008, la Commission Européenne a émis des propositions de modification de l’ETS européen, afin de rendre le système plus simple et transparent et d’inciter plus de pays et de régions à rejoindre le marché.

Ces idées sont synthétisées dans la « Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, publiée le 23 janvier dernier.

Les principales mesures proposées sont les suivantes : plafond unique d’émission revu à la baisse de façon linéaire à partir de 2013, proportion fortement accrue de quotas proposés aux enchères plutôt qu’attribués gratuitement, harmonisation des règles d’allocation (fin des PNAQ), transfert de droits de mise aux enchères des pays « riches » vers les Etats membres à faible revenu par tête afin d’y encourager l’investissement « vert », nouvelles industries concernées (production d’aluminium et d’ammoniaque).

Plus spécifiquement, le fait de fixer un plafond à l’échelle de l’Union Européenne et d’en prévoir la diminution linéaire doit permettre aux Etats mais aussi aux acteurs privés du marché d’acquérir une visibilité à long terme sur les efforts requis en matière de réduction des émissions de CO2, augmentant ainsi le degré d’information des parties, critère d’efficience important d’un marché d’échanges.

En outre, en faisant de la mise aux enchères « le principe de base pour les allocations afin d’éviter les fuites de carbone » (délocalisation d’activités à fort taux d’émissions de gaz à effet de serre vers des pays tiers), la Commission entend accroître « la transparence et la simplicité du système », là encore des critères majeurs de fonctionnement efficace d’un marché.

La proposition de directive avance ainsi le chiffre de deux tiers des quotas mis aux enchères en 2013. Un secteur sera plus particulièrement mis à contribution, celui de l’électricité : arguant de la capacité des producteurs « à répercuter les coûts d’opportunité » liés au prix de la tonne de CO2, la Commission déclare qu’ « il convient de faire de la mise aux enchères intégrale la règle pour le secteur de l’électricité, ainsi que pour le captage et le stockage du carbone », tandis que « pour les installations dans les autres secteurs, une transition progressive est appropriée ».

La Commission Européenne et les marchés du carbone

Ces dernières installations seront rejointes par les compagnies aériennes si les négociations entre Etats aboutissent sur ce point : l’élargissement du marché à un secteur fortement émetteur de CO2 devrait permettre d’accroître significativement sa liquidité.

La proposition de directive constate néanmoins les problèmes liés à la non-universalité du marché du CO2, mis en lumière par l’exemple de Shell cité plus haut, en soulignant que dans le cas où d’autres pays développés et pays fortement émetteurs de GES ne pourraient se mettre d’accord sur un accord international de réduction des émissions, « certains secteurs et sous-secteurs […] soumis à la concurrence internationale pourraient être exposés à des fuites de carbone ».

La recommandation de la directive est un engagement clair « auprès des industriels européens » pour prendre « les mesures appropriées ». Celles-ci pourraient prendre la forme d’une allocation gratuite de quotas aux industries menacées, et devront quoiqu’il en soit respecter les principes de la CNUCC et de l’OMC.

Prenant comme critère de sélection la capacité à transférer la charge supplémentaire, liée aux quotas carbone, au prix de vente sans céder de parts de marché, la Commission devra établir une liste des secteurs concernés.

On voit dès lors apparaître une contradiction entre le principe de rationalisation du marché par la mise aux enchères des quotas et l’aide publique à certaines structures, certes pénalisées par l’ETS, que constituerait une allocation gratuite de quotas.

Le sujet, qui concerne de grands groupes industriels comme on a pu le remarquer, semble faire l’objet d’une gestion plus politique que tournée vers l’efficacité économique et environnementale du marché.

Enfin, concernant les crédits résultant de projets de type MDP, en plus des propositions d’harmonisation des conditions d’utilisation et d’échange de ces crédits entre les différents pays de la Communauté afin d’éviter toute distorsion de concurrence, la Commission reconnaît le problème, soulevé plus haut, lié au caractère limité dans le temps de l’utilisation des CER, dans la perspective de projets à long terme.

Il devrait ainsi devenir obligatoire pour les Etats membres d’autoriser la transformation des crédits, reçus au titre de projets au cours de la phase II, en quotas valables pour la période post 2012.

Conclusion

L’étude du système européen d’échange de quotas carbone permet de mettre en lumière un certain nombre de problèmes inhérents au dispositif tel qu’il a été mis en place depuis 2005.

Comme de nombreux observateurs l’ont expliqué, la première de ces difficultés a été une allocation de quotas trop généreuse, qui a conduit le cours spot du CO2 vers des niveaux extrêmement bas.

La Commission Européenne s’est donné les moyens pour corriger cette tendance au cours de la phase II, sans que cela se fasse de manière très spectaculaire, comme nous avons pu le montrer en nous intéressant au cas des PNAQ français.

Notre analyse semble montrer que des marges de manœuvre importantes existent encore afin de créer une véritable « contrainte carbone » que les industriels seraient amenés à intégrer dans leur vision économique.

Peut-être l’influence de certains groupes, et la sensibilité politique des questions de croissance et d’investissement privé face à la problématique environnementale, empêche-t-elle aujourd’hui le système de se développer pleinement.

Si, comme on a pu l’observer avec l’étude des groupes producteurs d’électricité et le rapport sur les fonds d’investissement CO2, l’action privée connaît un véritable essor sur ces marchés, ceux-ci font face à de véritables défis en termes d’efficience : renforcer la transparence des transactions (notamment pour les CER), développer une autorité centrale de régulation des marchés, favoriser le régime de la mise aux enchères des quotas, étendre les marchés à l’international en les reliant aux systèmes en développement dans les autres pays industrialisés.

Un enjeu de taille est la pérennité de ce système au-delà de la période d’application du protocole de Kyoto, après 2012. Si comme on a pu le voir les différents acteurs voient l’avenir de l’ETS avec confiance, il semble essentiel pour développer encore l’activité privée sur ces marchés de les rendre à la fois plus clairs et plus liquides.

C’est au niveau de cette action des groupes privés que se situe sans doute le défi le plus important, celui de l’intégration de la donnée CO2 dans les calculs industriels, et notamment l’idée des quotas carbone comme outil de financement de l’investissement. Si les grands groupes européens concernés par l’ETS

commencent à communiquer sur leur utilisation des marchés du CO2, il semble aujourd’hui, à la lumière de notre étude des énergéticiens, que cela demeure, pour les industriels, du domaine de la « corporate responsibility », et que l’aspect financier ne soit pas encore totalement intégré.

Cette dernière analyse reposant essentiellement sur la communication externe des groupes, la question de la vision d’avenir des acteurs industriels concernés, sur le sujet des quotas carbone comme outil financier, pourrait faire l’objet d’un mémoire de recherche futur.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Etude du système européen d’échange de quotas carbon
Université 🏫: HEC Paris
Auteur·trice·s 🎓:
JESSEY Paul & LAMY Matthieu

JESSEY Paul & LAMY Matthieu
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche de fin d’études - Mai 2008
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