Les OPCI, ou l’histoire d’un virage assumé vers la liquidité

Les OPCI, ou l’histoire d’un virage assumé vers la liquidité

La réflexion qui a présidé à la conception des OPCI reflète ostensiblement le virage négocié par l’immobilier non coté en direction de la liquidité. On peut relayer à cet égard les propos de Philippe Marini66, qui a joué un rôle prépondérant dans l’essor de ce nouveau produit :

« […] nous avons tâché, avec les OPCI, de trouver un symétrique aux SIIC, afin de diversifier l’offre de pierre papier et tirer les leçons de l’illiquidité des instruments spécifiques qu’avaient été les SCPI durant la précédente crise. Les OPCI traduisent une approche plus ouverte et plus large, reflétant différentes configurations de politiques de gestion et d’investissement. » Cette refonte du paysage de l’épargne immobilière était souhaitée depuis longtemps.

Jusqu’à ce jour, les possibilités offertes aux institutionnels en matière d’investissement dans l’immobilier étaient peu nombreuses : il n’existait aucun véhicule de placement véritablement adapté à leur profil. Les foncières cotées relèvent du secteur boursier, tandis que les SCPI rencontraient toujours peu d’engouement, en raison de leur manque supposé de liquidité justement. L’essentiel de l’immobilier des investisseurs institutionnels est donc longtemps resté détenu en direct. « Aujourd’hui, les interrogations qui pèsent sur le marché de l’immobilier ne perturbent pas les institutionnels, qui savent adapter leur stratégie, explique Fréderic Bol, Vice-président de l’AF2I.67 Le vrai problème est celui de la valorisation et de la liquidité des actifs. Ce point préoccupe beaucoup les investisseurs. La crise (…) a laissé des traces, et les investisseurs souhaitent avant tout que les règles du jeu soient clarifiées. »

65 Autorité des Marchés Financiers

66 Sénateur de l’Oise, et rapporteur de la commission des finances, à l’origine de l’adoption des OPCI en Droit français

Au gré des heurts qui ont émaillé la trajectoire des produits d’épargne immobilière, la question de la liquidité a donc acquis une résonnance particulière. Plus personne ne veut entendre parler de blocage de l’épargne, ni de vente des parts à prix bradé. Investisseurs comme épargnants exigent désormais de l’immobilier indirect une liquidité supérieure, qui peut relever de la quadrature du cercle. A défaut de solution miraculeuse, le progrès passe par des schémas profilés pour faciliter les sorties.

La mise en œuvre des conditions d’une liquidité permanente demeure en cela le principal objectif poursuivi par les professionnels et les pouvoirs publics depuis l’origine : toute la dynamique du produit a donc été pensée pour répondre à cet objectif.

Le dispositif réglementaire relatif aux OPCI fut introduit en France par l’ordonnance du 13 octobre 2005. La particularité du produit réside essentiellement dans le décalage structurel existant entre la liquidité de l’actif et celle du passif : le gérant doit être en mesure d’honorer les rachats sur chaque valeur liquidative, alors même que le compartiment immobilier du fonds ne présente pas systématiquement la liquidité suffisante.

Lors de l’instruction des premiers dossiers de création d’OPCI destinés aux épargnants, l’AMF a alors demandé aux sociétés de gestion d’éprouver la résistance du dispositif de liquidité envisagé sur leurs OPCI, en s’appuyant sur des scenarii de stress- tests extrêmement sourcilleux. Selon l’institution, l’analyse de ces stress-tests n’a pas permis de conclure à la robustesse des solutions envisagées, chaque fois que la part d’immeubles serait supérieure au plancher minimal imposé par la loi. L’industrie s’est donc employée depuis à ajuster la mire, et affiner les aménagements de liquidité offerts aux investisseurs.

En préambule, les acteurs de la place se sont empressés de baliser le positionnement du produit, de façon à se prémunir contre les attentes excessives nées de son avènement. Une part non négligeable de l’effort destiné à prévenir les futures crises de liquidité intervient donc une fois de plus au stade de la commercialisation du produit. L’AF2I fixe clairement le cap : « Par définition, l’immobilier n’est pas un marché liquide. La liquidité peut s’organiser, mais elle ne saurait être mise en avant.

Pour cela, nous devons développer une certaine pédagogie, et accentuer la communication sur les produits. N’allons pas vers des montages qui dénatureraient totalement le produit en l’éloignant du sous-jacent immobilier. La financiarisation de l’immobilier est certes incontestable, mais il ne faut pas vendre l’immobilier pour de la finance.

Les OPCI représentent donc un instrument intéressant, à la condition que la politique de gestion soit clairement définie pour chacun d’entre eux en fonction de ses caractéristiques. » Donner à l’épargne un outil permettant de sortir en cas de besoin est utile, mais il faut se garder de vendre un tel produit en affirmant qu’il est possible d’entrer ou de sortir à tout moment.68 « Les OPCI ne sont pas des OPCVM immobiliers » proclamait une étude de l’Edhec, publiée en 2005. « En laissant croire aux épargnants qu’ils peuvent entrer et sortir facilement, on (…) amplifie les fluctuations du marché », résumait Noel Amenc, directeur de l’étude. Tout l’enjeu de l’immobilier non coté réside dans ce défi.

Dernier millésime d’une industrie en constante évolution, l’OPCI a vocation à demeurer liquide pour les investisseurs contraints de procéder à des arbitrages ; en aucun cas à offrir aux investisseurs un produit immobilier parfaitement liquide. La nuance parait insignifiante, mais détermine tout l’équilibre du produit. Il conviendra donc d’être extrêmement prudent dans la commercialisation de ces fonds immobiliers ouverts, la question de la liquidité demeurant particulièrement sensible.

67 Association Française des Investisseurs institutionnels.

L’OPCI fonctionne comme un régulateur : s’il n’y a pas d’acheteur, c’est lui qui assure la liquidité, avec une enveloppe de trésorerie minimale de 10%. Mais les biens immobiliers ne sont ni liquides ni fongibles, à la différence des actions.

La valeur liquidative qui sert de référence aux souscriptions et aux rachats ne repose pas sur la valeur objective des actifs immobiliers, mais sur des estimations, ce qui a souvent soulevé des critiques. « Offrir plus de liquidité oblige à pratiquer une gestion financière, et non immobilière ; l’OPCI n’est plus un fonds immobilier » conclut N. Amenc. Nous ne rentrerons pas dans la polémique sur la véritable nature immobilière ou non de l’OPCI, qui sort du cadre de notre réflexion. Nous tenterons simplement de voir si ces nouveaux fonds immobiliers sont en mesure de répondre au besoin de liquidité exprimé par les investisseurs.

A cette question, l’auteur susnommé répondait de façon définitive : « Non. Proposer aux investisseurs (et notamment au grand public) des fonds supposés être ouverts et liquides, alors qu’ils sont investis sur des sous-jacents non liquides, conduit à faire jouer à l’OPCI un rôle de “market maker”, dangereux et incompatible avec l’esprit d’un fonds ouvert.

Au mieux, pour assurer cette liquidité, l’OPCI sera fortement investi dans des actifs qui auront peu de liens avec le marché de l’immobilier (ndlr : jusqu’à 40 % du capital de l’OPCI peut être investi dans des actifs non immobiliers). Au pire, la liquidité sera effectuée par l’endettement du fonds, qui conduira les porteurs à se trouver surexposés au risque immobilier au plus mauvais moment : quand le marché sera fortement baissier et donc peu liquide.

Les investisseurs ou les sociétés de gestion qui essaieront de soutenir leurs fonds paieront le prix fort de la liquidité, comme ce fut le cas durant l’été 2007 avec les OPCVM monétaires dynamiques, ou encore fin 2005 en Allemagne, avec des supports d’investissement assez similaires aux OPCI. » Le réquisitoire semble imparable ; il omet69 pourtant de prendre en compte un certain nombre de caractéristiques essentielles de l’OPCI, dont la mécanique révèle une appréhension du problème de la liquidité autrement plus subtile.

68 Une fois encore, l’APPSCPI rappelle que le placement en pierre-papier «ne peut s’envisager que dans une optique de moyen ou long terme, et qu’il faut se défier des marchands d’illusions…»

69 Pour relativiser la portée de ce parti-pris, précisons qu’un certain nombre d’entre elles n’ont émergé que postérieurement à ces propos.

Ainsi, bon nombre de contempteurs de l’OPCI soulignent à l’envi les difficultés de liquidité rencontrées outre-Rhin par les GOEF, en se demandant s’il n’est pas en train de reproduire un modèle qui pourrait donner lieu à pareilles déconvenues.

A décharge, la fédération des gérants de fonds allemands publia l’an passé des recommandations70 qui semblent elles-mêmes directement inspirées du dispositif imaginé pour l’OPCI ! Il serait donc injuste, pour ne pas dire insidieux, d’utiliser la crise des fonds ouverts allemands contre l’OPCI. La crise des GOEF était liée pour l’essentiel à un problème d’évaluation comme on l’a vu, conjugué au retrait massif des institutionnels. Le cadre dans lequel sont réalisées les expertises en Allemagne, et la fréquence d’évaluation adoptée, ne permettent pas de traduire dans la valeur liquidative l’évolution de la réalité des prix sur le marché immobilier.

Autrement dit, ce à quoi les fonds immobiliers allemands ont été confrontés ressemble de près à ce que les SCPI avaient connu dans les années 90 : à savoir un décalage important entre les valeurs d’expertises retenues pour la valeur de revente des parts, et la valeur réelle des immeubles sur le marché immobilier.

En ce qui concerne le retrait massif enregistré sur ces fonds par ailleurs, nous imaginons difficilement la somme des petits épargnants responsables d’un «appel d’air» de plus de 700 millions d’euros en 24 heures ! La question sous-jacente pourrait alors être formulée en ces termes : la sortie des institutionnels était-elle suffisamment encadrée dans les fonds immobiliers allemands ?

Assurément, la réponse semble négative, puisque les mesures proposées par le BVI sur ce point sont aujourd’hui très proches de ce que les OPCI ont prévu en la matière. En l’espèce, la distinction entre investisseurs institutionnels et épargnants «lambda» pose les jalons des fonds immobiliers de demain. Ce développement nous offre l’occasion de rebondir sur un point essentiel du dispositif des OPCI : son système bicéphale. A chaque cible d’investisseurs, un système propre : le grand public pourra effectivement investir dans un nouvel outil d’investissement collectif à long terme, profilé à ses attentes, tandis que la clientèle institutionnelle bénéficiera de produits dédiés, regroupés sous le sigle d’OPCI RFA (à Règles de Fonctionnement Allégées).

70 Par exemple, élargir les actifs éligibles aux actions de REITs jusqu’ à 20 % du total de l’actif, augmenter la fréquence des expertises, publier la structure des investisseurs ou discerner ceux qui arborent un profil « significatif », etc.

Les OPCI RFA furent les premiers à recevoir l’agrément de l’AMF. Certains fonctionnent avec succès, prenant la forme de club deals le plus souvent, ou répondant à des besoins d’externalisation d’un patrimoine immobilier. Derrière ces deux types de produits destinés aux institutionnels, difficile d’apercevoir un soupçon de liquidité.

Et pour cause : dans l’OPCI RFA, la liquidité n’est pas une question en soi. En effet, ce sont les investisseurs qui choisissent délibérément de se lier pour une certaine période, autour d’un projet défini. L’OPCI RFA s’apparente donc à une sorte de Private Equity. Tout est organisé contractuellement. Très répandu dans les fonds immobiliers étrangers, la faculté de restreindre les modalités de liquidité est vite apparue incontournable aux yeux des professionnels du secteur, dans le souci de maintenir la compétitivité des OPCI RFA EL (à effet de levier) face à leurs homologues étrangers. Dès l’origine, les professionnels ont milité en faveur de l’instauration d’une faculté de liquidité restreinte. En l’espèce, au sujet des conditions de souscription ou rachat des parts d’OPCI, la loi renvoie au Règlement Général de l’AMF.

Les professionnels ont donc fait pression pour que le texte soit infléchi en ce sens : le but étant de permettre qu’un fonds RFA EL puisse déterminer un seuil maximum71, au delà duquel les rachats sont suspendus à titre provisoire. Les règles spécifiques de liquidité restreinte doivent donc être établies dès la création du véhicule, et énoncées clairement dans le prospectus. Elles autorisent les gérants à n’exécuter qu’une partie des demandes lors de chaque séance de rachat, correspondant à pourcentage de l’actif défini contractuellement. La société de gestion doit par ailleurs assurer le respect du principe d’égalité des porteurs dans la gestion des rachats.

Pour cela, elle est amenée à appliquer un certain nombre de mesures adéquates, telle que la réduction de tous les porteurs à due proportion, ou le paiement au premier euro jusqu’à épuisement du volume alloué à chaque valeur liquidative. Les conditions de la liquidité au sein des véhicules à règles de fonctionnement allégées sont donc strictement encadrées, et font l’objet d’un consensus entre les forces en présence. Dans ces conditions, il n’existe plus de défi de la liquidité à proprement parler au sein des véhicules institutionnels… La question de la liquidité se pose donc seulement pour le placement destiné à l’usage du grand public.

« Ce n’est pas un hasard si l’AMF a donné ses premiers agréments aux OPCI qui s’engagent contractuellement à assurer la liquidité des clients dans un délai de six mois, quitte à faire mieux. Ce qui a également facilité les premiers agréments, c’est le plafond de 65% retenu pour la poche immobilière. » Le propos est d’Yves Mansion, membre du collège de l’AMF, et traduit bien toute l’attention portée par le régulateur à la liquidité des nouveaux fonds immobiliers ouverts.

Le contexte s’y prêtait par ailleurs : l’OPCI constitue le premier produit financier sorti après la mise en application de la directive MIF 72, qui encadre strictement la distribution de produits financiers au grand public. Dans le même temps, les difficultés des fonds ouverts allemands rappelaient à toute l’industrie combien la question de la liquidité était cruciale. Confirmation d’un proche du dossier :

« [c’est] ce qui a conduit l’AMF, pour ce qui la concerne, à se montrer très attentive aux questions de liquidité et de valorisation. Pour les fonds RFA, le régulateur peut se permettre d’être moins pointilleux ; mais pour les fonds destinés au grand public, il est indispensable que l’argumentaire de vente ne trompe pas l’épargnant. Si l’on dit qu’un OPCI est solide comme la pierre et liquide comme une action cotée, c’est une double tromperie… ! Sur la Bourse des actions, la liquidité est quotidienne et la valeur connue quotidiennement. Mais dans un OPCI, il faut en moyenne six mois pour réaliser un actif, et on n’en connaît la valeur qu’après coup… C’est pourquoi le régulateur a insisté sur les précautions à respecter vis-à-vis des épargnants. »

71 hors cas de force majeure, et de demande de rachats émanant individuellement d’un porteur représentant à lui seul entre 20% et 99% des parts ou actions de l’OPCI.

72 pour «Marché des instruments financiers». Il s’agit d’une directive européenne de 2004, et transposée en Droit Français en 2007.

Quels critères l’AMF applique-t-elle alors, pour mesurer la liquidité ? Plusieurs points se dégagent. D’abord, et avant tout, c’est le volume et le contenu de la poche dite «liquide» qui cristallisent toute l’attention. De même, l’utilisation éventuelle de l’emprunt pour assurer cette liquidité apparait non négligeable. Enfin, le réalisme du délai nécessaire à la réalisation de la promesse de liquidité concentre les derniers scrupules.

Réuni en séance le 1er avril 2008, le Collège de l’AMF a considéré, de ce point de vue, que les seuls OPCI permettant de gérer la liquidité dans des conditions satisfaisantes étaient ceux qui présentaient une composition d’actif diversifiée, consacraient une part significative aux actifs financiers et se réservaient la possibilité d’utiliser un délai de règlement des demandes de rachat de 6 mois.

Le Collège s’est donc prononcé favorablement sur l’agrément des seuls OPCI 73 dont la composition cible d’actifs immobiliers non cotés était réduite à la portion congrue, faisant la part belle aux actifs liquides. Les deux premiers véhicules agréés avaient ainsi en commun d’avoir un maximum de 65 % de leur capital investi en immobilier (alors que la loi prévoyait à l’origine la possibilité de monter jusqu’à 90 %), et de garantir au souscripteur le rachat de ses parts dans un délai maximum de 6 mois.

Pour sortir de l’ornière les OPCI ne répondant pas aux critères énoncés ci-dessus, il a été proposé, sur demande des professionnels, de constituer un groupe de travail74 afin de définir les conditions de gestion de la liquidité de ces nouveaux produits d’épargne immobilière.75 Ce groupe de travail, présidé par Messieurs Hellebuyck et Adhémar, passa en revue une palette d’outils susceptibles d’être mis à la disposition des gérants, en vue d’optimiser la liquidité particulière de ces nouveaux fonds immobiliers. C’est l’occasion d’examiner ici de plus près les dispositions relatives à la liquidité des OPCI.

Le premier effort porte sur la détermination des valeurs de l’actif du fonds. Il est fondamental de tendre en toutes circonstances vers une évaluation des parts qui reflète le plus fidèlement possible le prix des immeubles. Si les valeurs d’expertises, de prime abord, apparaissent subjectives, elles gagnent en objectivité dès lors que les méthodes s’uniformisent (d’où le nécessaire effort d’homogénéisation des pratiques professionnelles).

La financiarisation de l’immobilier a d’ores et déjà introduit plus de transparence : pour preuve, les écarts très faibles que nous pouvons constater entre les valeurs d’expertises et les valeurs de reventes, à partir de bases de données développées par IPD 76 sur le marché immobilier français. Dans cette optique, l’OPCI peut compter sur un dispositif renforcé : on note la présence de deux évaluateurs agréés par l’AMF, agissant tout deux de manière indépendante, et tenus responsables des valeurs communiquées.77 Le rapport qu’ils établissent est communiqué à l’OPCI, ainsi qu’au dépositaire et au commissaire aux comptes, et même à tout porteur de parts qui en ferait la demande.

La procédure de valorisation des actifs est ainsi répétée au moins quatre fois par an78, comme le prévoient les textes ; dans les faits, les sociétés de gestion peuvent décider d’accentuer cette fréquence. Les valeurs publiées devraient donc gagner indiscutablement en sensibilité, diluant du même coup le risque lié à la brutalité des mouvements de marché. Dans la même veine, le souci de transparence déployé devrait dissiper le caractère nébuleux des expertises, dont de nombreux fonds immobiliers ouverts ont frais les frais par le passé – on pense en premier lieu aux GOEF bien entendu, qui ont concentré l’essentiel des critiques sur ce point.

Le management de l’OPCI est appelé ainsi à veiller à la parfaite information du souscripteur sur les mesures spécifiques envisagées pour réguler la liquidité en cas de crise. (Et ce, dès les documents d’information préalables à la souscription, puis au travers de l’information régulière communiquée dans les documents périodiques sur l’évolution du support, illustrant la politique de gestion et de liquidité suivie.) La plupart des OPCI semblent avoir fait le choix d’une valeur liquidative publiée tous les quinze jours. Cette fréquence devrait selon toute vraisemblance donner une bonne vision du marché. La réactivité des experts et celle des sociétés de gestion sur ce terrain constituera ainsi un premier pas en direction de la liquidité.

Le second impératif, destiné à prévenir toute situation d’illiquidité, concerne logiquement la capacité du réservoir de liquidités pures. Porté à 10% par l’ordonnance originelle, il semble voué à demeurer incompressible. Les fonds allemands ont montré que les crises les plus vives pouvaient en absorber l’intégralité, la mesure n’apparait donc pas superflue. Dès les premiers symptômes d’illiquidité, il appartient ensuite au gérant d’adapter la fréquence des valeurs liquidatives de l’OPCI en conséquence.

Plusieurs leviers existent à ce stade : l’espacement des valeurs elles-mêmes, ou encore l’allongement du préavis de sortie79 selon les catégories de porteurs (qui s’apparente à une «création artificielle» du délai nécessaire pour revendre les immeubles au prix du marché).

De même, le fonds peut opter pour un fractionnement des ordres sur plusieurs valeurs liquidatives, au-delà d’un seuil fixé préalablement (gating). Il convient pour cela de mettre en place un système de plafonnement des demandes de rachats par échéance, soit en volume de l’actif, soit en montant par porteur. Ce mécanisme permet tout particulièrement de favoriser la sortie immédiate des petits porteurs qui le souhaitent, en régulant le rythme de sortie des plus gros.

L’augmentation des délais de règlement constitue là une arme prodigieusement efficace pour les fonds immobiliers, eu égard au caractère très ponctuel des crises de liquidité. En toute hypothèse, il peut sembler judicieux d’assurer en toutes circonstances des possibilités de sorties immédiates, soit au travers d’un marché externe entre les deux valeurs liquidatives, soit par une prime de rachat dégressive dans le temps : le choix est ainsi laissé à chaque porteur entre une sortie immédiate mais assortie d’un coût, ou une sortie différée sans pénalité, à une valeur liquidative représentative du prix de marché. Le règlement de l’OPCI prévoit cette faculté, à travers la mise en place d’éventuelles primes de rachat.

73 Gérés par Ciloger, ils sont distribués par La Banque Postale et les Caisses d’Epargne

74 incluant notamment l’AFG et l’ASPIM, sous la bannière de l’AMF.

75 L’objectif de ce groupe de travail était de proposer au Collège de l’AMF des orientations pour l’agrément des OPCI ne répondant pas aux critères mentionnés plus haut, c’est à dire investis à plus de 65% en immobilier non coté et/ou ne souhaitant pas utiliser la possibilité de porter le délai de règlement des rachats à 6 mois.

76 Investment Property Databank, société spécialisée dans l’analyse des marchés immobiliers.

77 Il semble important d’une part que chacune d’entre elles soient réalisées dans le respect d’une charte, commune à l’ensemble de la profession, et que s’appliquent d’autre part les nouvelles normes comptables IFRS autour de la notion de «juste valeur»

78 une expertise annuelle, et trois actualisations trimestrielles.

79 Le projet de règlement général mis en consultation proposait à l’origine d’encadrer de façon détaillée les délais maximum en matière de préavis, de retrait comme de règlement. Pour mémoire, ils conduisaient à un délai global maximal de 23 jours entre la date limite de réception d’une demande de souscription et sa date d’exécution, pour une souscription sur un OPCI à périodicité de valeur liquidative inférieure à 1 mois* (Dont un délai dit « de préavis » de 10 jours entre la date limite de réception d’une demande de souscription et la date d’établissement de la valeur liquidative, 8 jours pour le calcul effectif de la valeur liquidative à la date arrêtée, 5 jours pour le règlement) Pour une souscription sur un OPCI à périodicité de valeur liquidative supérieure à 1 mois, le délai est porté à 48 jours, incluant un délai de préavis de 35 jours entre la date limite de réception d’une demande de rachat et la date d’établissement de la valeur liquidative.

Pour être complet, le projet fixait par ailleurs à 3 mois et 13 jours le délai compris entre la date limite de réception d’une demande de rachat et la date de règlement, pour un rachat sur un OPCI quelle que soit sa périodicité de VL (dont un délai de préavis de 3 mois, entre la date limite de réception d’une demande de rachat, et la date d’établissement de la valeur liquidative).

La segmentation des investisseurs cibles constitue encore une avancée importante. L’identification des gros porteurs (qualifiés ainsi selon un seuil de détention, soumis à obligation déclarative auprès de la société de gestion) peut alors donner lieu à des règles adaptées, telles que la limitation de 50% des sorties sur une échéance donnée. L’OPCI doit alors faire état dès l’origine du traitement réservé aux institutionnels qui représenteraient plus de 20% de son actif, par exemple.

Dans le même ordre d’idées, la mise en place de ratios supplémentaires de diversification de l’investissement immobilier des OPCI pourrait être explorée. Il conviendrait alors de jouer avec la cyclicité des actifs en portefeuille, en imposant de juris une rotation des immeubles arrivés à maturité par exemple…

Enfin, dans la grande tradition des fonds immobiliers ouverts européens, l’OPCI peut avoir recours au levier dans les limites autorisées80, s’inscrivant ainsi en rupture avec la pratique des SCPI. La capacité d’endettement en période de marché baissier est plus précisément encadrée, selon les règles imposées par le Code Monétaire et Financier. (Dans les conditions actuelles de taux, cette solution ne pénalise ni l’épargnant qui se désengage, ni celui qui reste.) Il est donc possible de «faire» des liquidités en empruntant ! A travers ces solutions multiples, l’OPCI détient les moyens de satisfaire l’objectif recherché, à savoir l’avènement d’un produit immobilier à liquidité intrinsèque performant en temps normal, et bénéficiant par ailleurs d’une liquidité renforcée en période de crise.

80 à hauteur de 40 % des actifs immobiliers et de 10 % des actifs financiers.

Concernant la politique de gestion de la liquidité proprement dite, la stratégie reste à la discrétion de la société de gestion. Au sein d’UFG REM par exemple, la Direction a décidé de distinguer deux périodes : une période de marché dite «normale», et une période «exceptionnelle».

Pendant la période de marché dite «normale», le management estime qu’il n’y a pas de mesures particulières à prendre, concernant la liquidité. L’OPCI dispose de la totalité des moyens nécessaires à sa gestion efficace. La principale mesure réside dans la bonne valorisation du produit : lorsque cette valorisation81 correspond à la valeur du marché et aux attentes des investisseurs, et qu’une certaine confiance est établie en conséquence, la liquidité du produit est généralement assurée sans difficulté.

En période de marché «anormale et exceptionnelle» en revanche82, d’autres prérogatives ont vocation à être actionnées. La première mesure visant à satisfaire le désir de liquidité se porte sur des considérations «intrinsèques» : elle revient à utiliser la poche de réserves liquides du produit, dont le réservoir permet de recueillir jusqu’à 10 % de l’actif net du fonds. La seconde alternative interne réside dans le pilotage de la proportion de valeurs mobilières domiciliées en son sein. Pour ce faire, les gérants devront simplement éviter, au préalable, de se positionner sur des actifs dont le cycle de développement s’inscrirait sur le long terme…

A ce stade, l’OPCI révèle un profil relativement semblable aux fonds ouverts allemands, misant sur la souplesse de leur allocation pour absorber l’essentiel du risque de liquidité. Les difficultés passées des véhicules immobiliers germaniques suscitent donc encore des interrogations légitimes ; en cas de crise, cette poche de trésorerie potentielle suffira-t-elle à satisfaire les demandes de sortie ? De toute évidence, la réponse théorique ne peut être que négative en cas de crise extrêmement grave, quelle qu’en soit l’origine – financière ou immobilière. Ceci dit, si l’on accroît trop «tôt» les liquidités, l’impact sur la performance pourrait devenir pénalisant, et détourner les investisseurs de la pierre-papier.

En somme, le bon fonctionnement de la liquidité dépendra en grande partie de l’efficience de la gestion. Même s’il est toujours facile de refaire l’histoire a posteriori, convenons qu’il était possible de s’apercevoir, à l’aube des années 90, que les prix immobiliers étaient entrés dans une phase de surchauffe.

En pareille situation, un gestionnaire avisé d’OPCI aurait pu décider de réduire l’allocation immobilière de son fonds, jusqu’au seuil minimum de 60% par exemple… Les 40% de valeurs liquides auraient alors permis de faire face aux demandes de retrait. (Pour prolonger le raisonnement hypothétique, un retour opportuniste sur l’immobilier entre 1995 et 1999 aurait même permis de profiter de conditions d’acquisition particulièrement favorables.)

Dans ces conditions, on imagine difficilement une crise systémique se révéler suffisamment aigue pour mettre à mal ce dispositif de liquidité des OPCI. Il faudrait dans l’absolu avoir absorbé 10% de liquidités, puis 30 % de valeurs mobilières, voire le surplus lié aux 40 % d’endettement potentiel… ! L’hypothèse ne se présenterait donc que si en quelques jours, 60 à 65 % des associés «sortaient» du fonds immobilier…

81 En l’espèce, le groupe compte sur l’expertise trimestrielle des immeubles par professionnels indépendants, comme le prévoit la loi.

82 Une crise de confiance, un doute sur la sincérité des valorisations qui servaient de base au calcul, un krach boursier ou une contraction des prix de l’immobilier seraient susceptibles de faire apparaître rapidement des difficultés de liquidité.

Ceci étant, par prudence, le régulateur a envisagé le scénario de manière prudentielle, et l’industrie l’a intégré à ses aménagements. Bien lui en a pris : la suite des évènements aller rapidement démontrer qu’une hypothèse aussi sombre n’avait pourtant rien de farfelue.

Le 16 février 2009, Santander Real Estate a demandé au régulateur espagnol la suspension, pendant deux années au moins, des remboursements de son fonds Santander Banif Inmobiliario.83 Les demandes de retrait des associés, au 13 février 2009, s’élevaient en effet à 2,617 milliards d’euros, soit 80% de la valeur liquidative du fonds ! L’APPSCPI, soucieuse des intérêts des porteurs de parts français, s’est empressée de pointer du doigt la parenté des fonds immobiliers espagnols avec la nouvelle structure ouverte apparue dans l’hexagone…En pareille circonstance, l’objectif défini par l’industrie française fut pourtant d’éviter à tout prix la suspension de la liquidité du fonds.

Sur ce point, la philosophie de l’OPCI se démarque nettement des convictions partagées Outre-Rhin, par exemple. Par voie de presse, L’UFG livrait alors sa conviction sur le sujet :

« Les textes actuels sur l’OPCI sont de nature à assurer la continuité du contrat moral qui lie les sociétés de gestion [d’épargne immobilière] à leurs associés. » Question de positionnement, donc : la pierre papier française repose sur un pacte tacite, dans lequel la liquidité ne saurait s’accoutumer d’une suspension arbitraire, sauf en tout dernier recours – et encore, la question de la liquidation pure et simple du fonds serait alors probablement posée. Il convient alors d’envisager des solutions alternatives.

La première méthode repose sur les délais de paiement. En cas de défaut de liquidité, le facteur temps est essentiel : un immeuble finit toujours par se vendre. De même, un produit investi sur des actifs immobiliers finit toujours par retrouver sa liquidité. Autrement dit, les mesures additionnelles qui pourraient être imaginées demeurent des solutions intermédiaires. L’allongement des délais paraît de fait la solution la plus naturelle.

C’est le principe du gating : s’il y a plus de x demandes de rachat84, le gestionnaire suspend la liquidité, prend le temps nécessaire à la réalisation des actifs, et sert les porteurs de parts de façon à ce que tout le monde soit préservé. Il est donc possible d’instaurer, sur la base d’éléments objectifs, un délai de remboursement qui peut s’échelonner entre zéro et six mois.

Cependant, dans le souci de ne pas faire «subir» le risque immobilier au porteur durant cette période, le client de l’OPCI sera payé à la valeur liquidative à laquelle son ordre sera traité, c’est-à-dire 15 jours après. Si l’on ajoute cette faculté à la poche de liquidité constante (laquelle ne constitue ni une garantie, ni un nantissement pour des préteurs éventuels), la potentialité d’être pris en défaut devient vraiment faible. Dans un souci d’exhaustivité, mentionnons enfin que le dispositif prévoit une faculté supplémentaire : la possibilité d’instaurer une commission de rachat.

Destinée au fonds, cette mesure permet d’éviter une inégalité de traitement entre les associés. En effet, si l’on fixe une valeur liquidative à laquelle il est obligatoire de rembourser un associé six mois avant de le payer, le marché pourrait avoir bougé dans l’intervalle ; il ne faudrait donc pas que le prix de l’immeuble sur la base duquel la valeur liquidative a été établie, se révèle nettement inférieur au prix qui a servi de référence à la valeur liquidative, une fois vendu.

Dans un tel cas de figure, les associés restants paieraient le prix de la liquidité de ceux qui partent… Il est donc nécessaire que la valeur liquidative puisse éventuellement être légèrement pénalisée, entre le moment où de sa fixation et celui où le client est payé. Des études menées par les sociétés de gestion ont révélé qu’historiquement, jamais l’immobilier d’entreprise n’avait baissé de plus de 6 % sur une période de six mois. L’UFG par exemple a donc envisagé une commission de rachat équivalente à 6 % maximum. Cette surveillance permanente de la liquidité permettra de traiter le problème avant que le mal n’arrive…

83 Rappelons que Santander «n’est pas un petit établissement bancaire exotique», pour reprendre les termes de l’APPSCPI : c’est la banque la plus profitable d’Europe en 2008, avec un bénéfice de 8,87 milliards d’euros.

84 valeur, en pourcentage de l’actif du fonds, déterminée par le prospectus lors de la constitution du véhicule.

Devant la diversité potentielle des OPCI (en termes de fréquence de valorisation, de composition d’actifs, mais aussi de la clientèle qui constitue leur cœur de cible ou la multiplicité des réseaux de distribution), il paraît opportun de laisser à chaque société de gestion le soin de définir pour chacun des ces fonds immobiliers les mesures complémentaires de liquidité qui leur sont adaptées. Le dispositif semble offrir la souplesse nécessaire. Jean-Marc Coly (Directeur Général, UFG REM) en résumait ainsi l’esprit : « L’idée forte étant que lorsque vous passez un ordre d’achat ou de vente, vous soyez globalement satisfait dans le mois, et que vous puissiez alors encaisser la valeur de l’immobilier ».

Dans un souci de maîtriser cette liquidité, la place parisienne s’est récemment dotée d’une palette d’outils juridiques adéquats, importés de l’univers de la gestion alternative, et dont la philosophie pourrait bénéficier tout particulièrement aux véhicules immobiliers.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La liquidité des fonds immobiliers non cotés
Université 🏫: Université Paris 1 – Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Emmanuel TARNAUD

Emmanuel TARNAUD
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Promotion 2008 – 2009
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