Le programme Erasmus : la réciprocité des échanges en question

Le programme Erasmus : la réciprocité des échanges en question

1.2.3 Le programme Erasmus : la réciprocité des échanges en question

Une des premières études statistiques exhaustives relative à la mobilité étudiante à l’intérieur des pays de l’Union Européenne a été réalisée par Jallade (JP), Gordon (J) et Lebeau (N)43. Parmi les participants à la mobilité organisée par les programmes ERASMUS et LINGUA 2 en 1994-95, trois Etats membres se distinguent : Royaume-Uni, Irlande et France, comme accueillant plus d’étudiants qu’ils n’en envoient. L’Espagne avait aussi à ces dates, une balance rentrant/sortant légèrement positive.

Le déséquilibre observé en France et au Royaume-Uni ne se retrouve que très légèrement réduit si on le rapproche de la mobilité spontanée. Même si le programme ERASMUS est basé sur un principe d’échange réciproque d’étudiants, les divergences encore aujourd’hui visibles et leurs évolutions (voir les tableaux 1 et 2 et le graphique 1 suivant), notamment liées à des facteurs linguistiques, ne disparaissent pas complètement.

Le programme Erasmus : la réciprocité des échanges en question

43 JALLADE (JP) GORDON (J) LEBEAU (N), Student mobility within the European Union : A statistical analysis, rapport publié par la commission européenne, European Institute of Education And Social Policy, mai 1996

ETUDIANTS SORTANTSETUDIANTS ENTRANTS
effectifs% de l’Ensemble des pays% de  l’ensemble

des effectifs de l’enseignement supérieur

effectifs% de l’Ensemble des 24 pays
France20 98115,41,020 27515,0
Italie16 82912,40,812 7439,4
UK7 5395,60,316 62712,3
Allemagne

Espagne

Finlande

….

20 68815,30,916 87412,4
20 034

3951

14,8

2,9

1,1

1,3

24 075

4 932

.

17,8

3,6

.

TOTAL des

pays

135 5861001,3135 586100

Tableau 1: La mobilité étudiante – Programme ERASMUS- en 2003-2004

Source : http://ec.europa.eu/education/programmes/socrates/erasmus/stat_fr.html

Le tableau se lit ainsi : 15,4% des étudiants Erasmus européens sont de nationalité française. Parmi les étudiants français, on compte 1% d’étudiants Erasmus. 15% des étudiants Erasmus européens ont choisi la France comme destination.

Certains pays, comme l’Angleterre, se distinguent comme étant essentiellement « importateurs ». L’Angleterre accueillait 16 627 étudiants Erasmus en 2003-2004, mais seulement 7539 étudiants britanniques participaient aux échanges Erasmus.

Même si en Italie le nombre d’étudiants entrants augmente (on l’observe en comparant le tableau 1 ci- dessus avec le tableau 2 ci-dessous), ce pays se caractérise comme un pays essentiellement « exportateur », puisqu’il envoyait 16 829 étudiants à l’étranger en 2003-2004, mais n’en recevait que 12 743 sur son territoire. La France, quant à elle, semble réussir à maintenir un certain équilibre, même si depuis quelques années, elle « exporte » légèrement plus qu’elle « n’importe ».

Elle se caractérise surtout par un des plus forts taux de participation, seconde après l’Allemagne et proche de l’Espagne. Suivant les suprématies langagières dans le monde où l’anglais, l’espagnol et le français sont parmi les plus parlés, ces pays sont aussi ceux qui attirent le plus d’étudiants Erasmus. L’Espagne voit depuis quelques années son déséquilibre entre étudiants sortants et entrants se creuser et devient également un pays essentiellement « importateur ».

Les films et diverses informations diffusés par les médias sur le dynamisme de ce pays et son hospitalité (pas toujours très objectifs, ni fondés) ont sans aucun doute joué un rôle. Mais au-delà du phénomène de mode, s’intéresser aux destinations majoritaires choisies par les étudiants Erasmus, nous informe sur la permanence de certaines logiques sociales et économiques dans les choix opérés.

Tableau 2: La mobilité étudiante- Programme ERASMUS- en 2004-2005

ETUDIANTS SORTANTSETUDIANTS ENTRANTS
effectifs% de l’Ensemble des

pays

effectifs% de l’Ensemble

des 24 pays

France21 56114,920 51914,2
Italie16 44011,413 3709,3
UK7214516 26611,3
Allemagne

Espagne

Finlande

….

22 427

20 819

3932

15,5

14,4

2,7

17 273

25 511

5351

12

17,7

3,7

TOTAL des pays144 037100144 037100

Le tableau se lit ainsi : 14,9% des étudiants Erasmus européens sont de nationalité française.14,2% des étudiants Erasmus européens ont choisi la France comme destination.

Source : http://ec.europa.eu/education/programmes/socrates/erasmus/stat_fr.html

En ce qui concerne plus particulièrement la France comme « exportateur », il est à noter qu’en 1994-95, 46% des étudiants français « mobiles » choisissaient de se rendre au Royaume-Uni, 17% en Allemagne et 14% en Espagne. Si nous additionnons à cela les 5% qui partaient en Irlande, on pouvait voir se dessiner une nette préférence pour les pays anglophones. Ceci s’observait depuis la naissance du programme Erasmus, mais en 1997-98, ils n’étaient déjà plus que 40% à se rendre au Royaume-Uni.

Depuis, la chute est continue pour atteindre en 2004-2005 à peine plus de 20%. Parallèlement cependant, la part de ceux séjournant dans un des pays scandinaves participants est en hausse constante (entre 2003-2004 et 2004-2005, on enregistre ainsi un accroissement de 11,7% pour ces derniers). En 1997-1998, moins de 3% des étudiants Erasmus français sortants se rendaient en Suède contre plus de 5% en 2003-2004 (cf. tableaux 3 et 4 suivant). Les départs des étudiants français sont, par ailleurs, beaucoup moins diversifiés et plus concentrés, géographiquement parlant, que les accueils d’individus en provenance d’autres pays de l’UE.

Tableau 3 : Répartition des étudiants Erasmus Français sortants par destination -programme Erasmus – 2003-2004

Pays d’accueilEffectifs
Espagne5115
Grande Bretagne4652
Allemagne2804
Italie1550
Irlande1081
suède1062
Pays-Bas891
Finlande727
Belgique420
Autriche361
Pologne314
Portugal288
Norvège246
Grèce218
République tchèque206
Danemark136
Total des 14 pays restants1010
TOTAL20 981

Tableau 4 : Répartition des étudiants français sortants par destination – programme ERASMUS- en 1997/1998

Pays d’accueilEffectifs
GB6148
Espagne2653
Allemagne2426
Italie809
Irlande806
Pays-Bas566
Suède414
Finlande277
Belgique240
Autriche239
Portugal216
Danemark196
Grèce158
Norvège108
Islande4
Luxembourg3
TOTAL15263

Source : Agence Socrates France

Quant à l’Italie, l’Espagne a toujours été le pays de prédilection des étudiants Erasmus sortants (environ 30% des effectifs). Les contrats bilatéraux reposant sur des réseaux de connaissances préalablement constitués par les enseignants-chercheurs des universités, les mouvements d’étudiants sont aussi le fruit de représentations et canaux d’informations hérités de la « culture latine ».

Les principales autres destinations des étudiants italiens sont les mêmes que celles des diplômés italiens émigrant depuis plusieurs décennies pour des raisons professionnelles : la France (en second poste), l’Allemagne et le Royaume-Uni, comme le montre le tableau 5 suivant. De même que pour la France, les échanges avec l’Irlande et les pays Scandinaves (où les enseignements sont dispensés en grande partie en anglais) vont croissant, alors que ceux en partenariat avec l’Angleterre diminuent.

Tableau 5 : Répartition des étudiants

Erasmus Italiens sortants par destination 2003-2004

Pays d’accueilEffectifs
Espagne5 688
France2 859
Allemagne1 994
Royaume uni1 511
Portugal766
Belgique633
Pays bas607
Suède399
Finlande367
Danemark357
Autriche339
Irlande230
Grèce180
Pologne174
Norvège156
Roumanie129
Total des 14 pays restant440
Total16 829

Tableau 6 : Répartition des étudiants

Erasmus Italiens entrants par destination – 2003-2004

Pays de provenanceEffectifs
Espagne4 250
Allemagne1 755
France1 550
Royaume uni7 40
Portugal713
Pologne481
Belgique467
Autriche461
Roumanie448
Pays bas256
Grèce248
Hongrie227
Finlande190
République tchèque180
Suède137
Danemark111
Irlande109
Norvège85
Lituanie67
Slovaquie58
Malta52
Bulgarie39
Estonie et Lettonie35
Autres28
Total12 743

Source : Agence Socrates Italie

Cette baisse tendancielle de la mobilité vers les Iles Britanniques est loin d’être impulsée par les institutions des pays d’origine, mais semble davantage la conséquence d’une politique des universités britanniques, dont la « survie » dépend en partie des frais d’inscription payés par les étudiants. Or les étudiants Erasmus s’acquittent de ces frais dans leurs universités d’origine. Par conséquent, ils utilisent les divers services des universités britanniques sans contribuer à leur financement.

Inversement pour les étudiants sortants, qui contribuent et se rendent quelquefois dans des universités qui ne leur donnent qu’un accès extrêmement limité à un certain nombre de supports pédagogiques. Ce déséquilibre sortants/entrants a donc un coût pour le Royaume-Uni, qui accueille beaucoup d’étudiants de divers pays européens.

En outre, les universités britanniques sont beaucoup plus sélectives que leurs consœurs italiennes et françaises quant au nombre et au choix de leurs partenaires. L’essentiel des étudiants sortants se dirigent vers les institutions de quatre pays, dont la France et L’Espagne en première et seconde positions (cf. tableau 7 suivant), confirmant ainsi la prédominance langagière de certaines langues européennes.

Tableau 7 : Répartition des étudiants Erasmus britanniques sortants par destination -2003-2004-

Pays d’accueilEffectifs
France2303
Espagne1636
Allemagne1127
Italie740
Pays Bas365
Suède238
Finlande233
Autriche143
Danemark136
Belgique117
Total des 20 pays restant501
Total7 539

Source : Agence Socrates UK

De plus, en terme d’effectifs, les universités britanniques ne participent aux échanges que d’une manière relativement modeste, comparé aux autres grandes universités européennes. A partir des données du le tableau 1 précédent, nous avons calculé que 5,6% des étudiants Erasmus étaient britanniques en 2003-2004, alors qu’ils étaient plus de 15% à être français ou allemands à cette même date. Ainsi le « déséquilibre » peine à se résorber et la réciprocité semble être un principe difficilement atteignable.

Dans le tableau 8 ci-dessous, nous trouvons les principales destinations des étudiants sortants des universités choisies pour l’étude de cas (en 2004-2005). Ces données locales reflètent bien les phénomènes que nous avons mis en évidence au niveau national, à savoir la sélectivité des universités britanniques, la préférence pour les pays anglo-saxons et hispanophones des étudiants français et italiens et une ouverture vers l’Est d’autant plus limitée que l’on monte vers le nord de l’Europe.

Il semblerait par conséquent que ce programme se heurte à des divergences d’intérêts socio-économiques d’institutions, ne serait-ce qu’en raison de la place des universités au sein de l’enseignement supérieur et vis-à-vis des instances décisionnelles d’Etat. En effet, nous allons voir qu’aux universités ne sont pas assignées les mêmes fonctions (sélective, productive et intégrative) d’un pays à l’autre.

Tableau 8 : Répartition des étudiants Erasmus sortants par destination des universités de Bristol, de Provence et de Turin – 2004-2005-

Université de

BRISTOL

Université de

PROVENCE

Université de

TURIN

UK_100 (96)47
France107_169
Espagne5161 (94)257
Italie3545 (43)_
Allemagne2941 (69)63
Autriche10_4
Suède3_ (1)28
Hollande2_18
Danemark2_ (2)15
Portugal2_ (4)46
Suisse1__
Irlande118 (22)5
Belgique_1 (7)27
Pologne_1 (1)6
Finlande_1 (1)20
Répu.Tchèque__ (1)2
Chypre_1 (2)_
Hongrie__ (1)1
Estonie__2
Grèce__6
Lituanie__1
Lettonie__4
Norvège__4
Roumanie__7
TOTAL243269 (344)*733

*Pour l’université de Provence en italique entre parenthèses, il s’agit des données de l’année académique 2001-2002. Lors de notre enquête en 2004, se sont accumulés un certain nombre de problèmes au Service des Relations Internationales, liés à l’organisation du service, avec départ de non-titulaires et arrivée de nouvelles personnes dans des conditions difficiles et conflictuelles, qui ont perturbé le recueil et la construction des données statistiques qu’opérait ce service auparavant.

Il nous a été fourni un tableau de données brutes pour l’année académique 2004-2005 qui portait sur 277 sortants (que nous avons traité par SAS) pour les programmes ERASMUS(235), LEA Eu1 (26) et TUB-AIX(7). Un autre tableau du SRI, construit plus tard, reporte qu’il y a eu en 2004-2005, 272 étudiants Erasmus sortants (second séjour Européen et TUB-Aix non compris). Nous avons dans ce tableau conservé les données de l’année 2000-2001 qui nous avaient été fournies avant la réorganisation du service.

La baisse que nous observons entre la donnée de 2000-2001 et 2004-2005, est en partie due à un découpage et un comptage différents des étudiants Erasmus. Avant 2002 un étudiant Erasmus qui partait pour un deuxième séjour était comptabilisé avec les étudiants en premier séjour. A partir de 2002 pour éviter la polarisation des places, a été introduite une distinction entre séjour Erasmus et second séjour d’études en Europe.

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