Le droit de rétractation : les fondements et la mise en œuvre

Section III – Le droit de rétractation

L’application du droit de rétractation aux contrats électroniques se déduit de l’article 10 de la directive commerce électronique187, qui renvoie aux autres exigences en matière d’information prévues par le droit communautaire. Et il convient de rappeler que la mention de l’existence ou non d’un droit de rétractation et des modalités de son exercice fait partie des informations précontractuelles exigées pour la validité de l’offre électronique188.

Ce droit de rétractation, issu du droit de la consommation, a récemment vu ses fondements évoluer (§1), sans que cela n’affecte sa mise en œuvre (§2). Mais l’application de ce droit de rétractation aux contrats électroniques amène à s’interroger sur ses conséquences sur la formation du contrat (§3).

184 VERBIEST (T.), Projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique : analyse critique, Com. com. électr., févr. 2003, p. 9.

185 GRYNBAUM (L.), Projet de loi « pour la confiance dans l’économie numérique » : encore un petit effort de rigueur juridique pour un « contrat électronique » fiable, D. aff. 2003, n° 11, p. 747 ; Projet de loi « pour la confiance dans l’économie numérique » : après la société de l’information, retour vers le commerce électronique, Com. com. électr., avr. 2003, p. 25.

186 Art. 11. 3.

§1 : L’évolution des fondements du droit de rétractation

Le droit français, relayé par le droit communautaire, ont institué un droit de rétractation pour certains contrats de consommation dans le but de protéger le consommateur (A.). Mais l’élargissement récent du champ d’application du droit de rétractation en a modifié le sens (B.).

A. La protection du consommateur contre le professionnel

C’est le droit français de la consommation qui a institué en premier un délai de rétractation alors appelé droit de retour, pour assurer la protection des consommateurs face à certaines techniques de vente. Ce droit a d’abord été prévu pour le démarchage à domicile189, technique de vente jugée particulièrement agressive puis très vite pour le crédit à la consommation et pour les contrats de vente à distance. Ce droit de rétractation permet au consommateur de disposer d’un délai de sept jours francs à compter de la livraison du bien pour faire retour du produit au vendeur pour échange ou remboursement, sans avoir à donner de motif et sans pénalité à l’exception des frais de retour190.

Le fondement du droit de rétractation réside dans l’idée que le consommateur n’est pas en mesure, au vu d’images ou de descriptions souvent flatteuses, d’apprécier véritablement le produit ou le service avant de se décider et d’exprimer son consentement par l’emploi d’une technique de communication à distance. En outre, tenter d’annuler un contrat par le biais d’une procédure peut dans certains cas être irréaliste, notamment au regard du faible enjeu financier du contrat.

189 Art. L. 121-25 et L. 121-6 c.consom.

190 Art. L. 121-16 c. consom.

Le droit de rétractation permet au consommateur de revenir facilement sur son engagement, de se repentir. Ce droit est générateur de confiance, indispensable pour le développement du commerce électronique. En effet, peu importe que le destinataire d’une marchandise conteste l’avoir commandée puisqu’il dispose de toute façon de la possibilité de la rendre.

L’article 6 de la directive de 1997191 est venu poser un principe général de droit de rétractation pour les contrats à distance. Cette extension a obligé le législateur français à modifier le droit, mais il a surtout donné une nouvelle signification au droit de rétractation en le banalisant.

B. Vers un droit ordinaire

Le domaine d’application de la directive de 1997 est plus large car il vise les contrats conclus à distances, c’est-à-dire les contrats de vente et les contrats de fourniture de service. L’ordonnance de transposition du 23 août 2001192 a donc étendu le droit de rétractation aux contrats de services conclus à distance en modifiant l’article L. 121-16 du code de la consommation qui définit les contrats conclus à distance comme « toute vente d’un bien ou toute fourniture d’une prestation de service, conclue sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrats, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ». Désormais tous les contrats électroniques sont concernés par le droit de rétractation.

Cela crée une discrimination par rapport aux contrats de service conclus avec un consommateur sans l’utilisation d’une technique de communication à distance, pour lesquels aucun droit de rétractation n’est prévu.

De plus, au regard de l’objectif de protection du consommateur contre le professionnel, cette extension ne se justifie pas. En effet, le droit de rétractation s’applique alors même que le contrat de service n’a pas encore commencé, donc il n’est plus justifié ni par les pressions du professionnel, ni par la déception du consommateur.

Monsieur CALAIS-AULOY193, auteur de référence en droit de la consommation, estime qu’il s’agit d’une fausse symétrie par rapport aux contrats portant sur les biens car on comprend moins que le consommateur, après avoir conclu un contrat de service à distance, puisse se rétracter car il ne connaîtra pas mieux ce service. Il ne le connaît mieux que si l’exécution a commencé mais paradoxalement le droit de rétractation est exclu dans ce cas.

193 CALAIS-AULOY (J.), Actualité de la protection du consommateur dans l’espace européen, Rapport de synthèse, Dr. et patrimoine, oct. 2002, p. 93.

Cette extension ne correspond plus à la volonté de protection du consommateur contre le professionnel, on recherche plus à protéger le consommateur contre lui-même en lui accordant un temps de réflexion sur le contrat qu’il vient de conclure. Désormais, le droit de rétractation ne sera plus seulement exerçé en réaction au comportement du professionnel ou au mécontentement du consommateur mais il tend à devenir un droit ordinaire194.

Toutefois, cette extension du champ d’application du droit de rétractation n’a pas affecté sa mise en œuvre.

§2 : La mise en œuvre du droit de rétractation

Le cyberconsommateur dispose d’un délai de sept jours ouvrables pour se rétracter. La détermination du point de départ de ce délai paraît complexe. Lorsqu’il y a eu confirmation écrite des informations, le délai court pour les biens à compter du jour de leur réception par le consommateur et pour les services à compter du jour de la conclusion du contrat. S’il n’y a pas eu confirmation écrite des informations, le professionnel se voit sanctionné par un allongement du délai de rétractation qui est porté à trois mois, mais le professionnel bénéficie alors d’un droit de repentir.

Ce délai est de 14 jours pour les contrats à distance de services financiers195, la directive apporte une précision importante en indiquant que le consommateur peut notifier son intention de se rétracter par courrier électronique.

Les auteurs196 sont contre l’exception posée par la directive de 1997197 qui autorise le consommateur à accepter l’exécution d’un contrat de service avant la fin du délai de rétractation. Ils préconisaient que la loi de transposition limite ou exclut la possibilité pour le consommateur de donner son accord à l’exécution du contrat avant l’expiration du délai de rétractation et exclut la possibilité de renonciation du consommateur au droit de rétractation à moins que cette renonciation soit faite de façon expresse. L’ordonnance de 2001 n’a pas répondu à ces attentes.

194 ROCHFELD (J.), Le contrat ?… Si je veux !, RTD civ. 2001, p. 969.

196 En ce sens, TROCHU (M.), Protection des consommateurs en matière de contrats à distance : directive n° 97/7 CE du 20 mai 1997, D. 1999, chron. p. 179 ; GATSI (J.), La protection des consommateurs en matière de contrats à distance dans la directive du 20 mai 1997, D. aff. 1997, p. 1378.

197 Art. 6.3.

Le droit de rétractation constitue pour le cyberconsommateur comme pour tous les consommateurs une faculté discrétionnaire. Seuls les frais de retour pourront être mis à sa charge. Par conséquent la théorie de l’abus de droit ne pourra pas être invoquée à l’encontre du cyberconsommateur.

Ce droit a pour conséquence d’anéantir le contrat, si le professionnel a commencé à exécuter le contrat, le cyberconsommateur est obligé de restituer le bien livré dans les sept jours, et réciproquement le professionnel qui a reçu une somme d’argent doit la restituer, ce remboursement doit intervenir dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours qui suivent la réception de la commande198.

Le droit de rétractation crée une insécurité temporaire des conventions car il influe sur le contrat mais la doctrine diverge sur la nature de ces conséquences.

§3 : Les conséquences du droit de rétractation sur le contrat électronique

En apparence, ce droit porte atteinte à la force obligatoire des contrats qui veut qu’un contrat soit formé dès la rencontre des volontés. Plusieurs théories s’affrontent, pour une partie de la doctrine, ce droit touche à la formation du contrat199, ce dernier ne devient parfait qu’à l’expiration du délai de rétractation. En réalité, le contrat sera formé à l’expiration du délai de rétractation car c’est seulement à ce moment que la volonté du consommateur sera éclairée ou du moins sera censée l’être.

Le droit de rétractation ne déroge donc pas à la force obligatoire des contrats car lorsqu’il est exercé, le contrat n’est pas encore conclu. L’exercice du droit de rétractation retarde le moment de la conclusion du contrat et se rapproche ainsi d’un délai de réflexion, sauf que le consommateur n’a pas à réitérer son acceptation mais doit manifester son désaccord.

Pour d’autres auteurs200, le contrat est définitivement formé dès l’échange des consentements, le délai de rétractation ne fait que suspendre l’exécution des obligations du consommateur, mais il existe des divergences sur le fait de savoir si cette suspension repose sur une condition ou un terme.

198 Art. L. 121-20-1 c.consom.

199 CALAIS-AULOY (J.), STEINMETZ (F.), Droit de la consommation, Précis Dalloz, 5e éd., 2000 et LUBY (M.), J. Cl. concu.conso., fasc. 800.

200 CLORET (H.), J. Cl., App. art. 1109, fasc. 10

.Un auteur201 propose de distinguer la perfection du contrat et son efficacité. Le contrat serait ainsi parfait dès l’échange des consentements mais son efficacité serait suspendue pendant le délai de rétractation. En cas d’exercice de ce droit, le contrat deviendrait caduc.

201 CHRISTIANOS (V.), Délai de réflexion : théorie juridique et efficacité de la protection des consommateur, D. 1997, chron. p. 28.

Si la protection du cyberconsommateur a motivé le législateur à céder au formalisme pour la conclusion du contrat électronique, c’est en revanche la motivation du commerce électronique qui a contraint le législateur français à revoir son formalisme contractuel.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le contrat électronique : protection du cyberconsommateur
Université 🏫: Université de Lille 2 - Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Nathalie MOREAU

Nathalie MOREAU
Année de soutenance 📅: Mémoire DEA Droit des contrats - 2002/2003
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