La micro-assurance : un business à risques pour les assureurs ?

Groupe Ecole Nationale d’Assurances

Institut du Cnam

Mémoire présenté en vue d’obtenir le diplôme de l’Enass, Institut du Cnam

Cycle étudiant de l’Enass

La micro-assurance : un « business » à risques pour les assureurs ?

La micro-assurance : un « business » à risques pour les assureurs ?

Anne-Lise Caillat

Octobre 2007

Remerciements

Merci à toutes les personnes qui, directement ou indirectement, m’ont apporté leur soutien dans l’élaboration de ce mémoire.

Et tout particulièrement : Marc Nabeth, Marc Tomasz, Ian Robinson, Emmanuel Lorenzon et Richard Leftley.

Résumé

La micro-assurance est une forme d’assurance peu conventionnelle : elle a pour but d’assurer les populations les plus démunies ou exclues des circuits financiers traditionnels.

Les individus les plus pauvres sont confrontés à des risques particuliers et sont plus vulnérables du fait de leur pauvreté. Aujourd’hui près de quatre millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Dans les pays dits développés, ce sont les exclus des circuits financiers qui sont les plus vulnérables.

Les entreprises d’assurance ont donc « du pain sur la planche ». Les assureurs présents sur ce marché sont aussi bien de grands groupes internationaux comme Allianz ou AIG que des assureurs nationaux de taille plus modeste comme Delta Life au Bangladesh.

Il semble tout à fait légitime qu’ils interviennent puisque la complexité de la gestion du risque rend l’expertise des assureurs fondamentale. Les couvertures d’assurance informelle développées par les populations à faibles revenus sont bien souvent insuffisantes ou inadaptées.

Les Institutions de Microfinance, spécialisées dans le micro-crédit, ne disposent pas toujours des compétences nécessaires.

Mais si l’assureur est un expert de la gestion des risques, il est nécessaire qu’il innove en terme de distribution et noue des partenariats avec des acteurs locaux afin de mieux prendre en compte les spécificités des populations et du contexte.

Avant de s’engager dans un programme de micro-assurance, l’assureur doit faire le bilan des gains et des pertes potentiels. S’impliquer comporte en effet des risques de grande ampleur et la rentabilité est donc incertaine. Des conditions sont à réunir pour investir dans ce domaine.

Le soutien des autorités de contrôle et des réassureurs apparaît déterminant.

Les projets de micro-assurance sont à évaluer sur le long terme : à travers les perspectives de développement, l’impulsion donnée à l’innovation et l’ouverture de marchés potentiels.

Enfin la responsabilité sociale de l’entreprise peut constituer un enjeu important.

Introduction

AIG en Ouganda, Allianz en Indonésie, AXA en France, les grands assureurs internationaux s’intéressent de près à la micro-assurance. Les assureurs nationaux comme Delta Life au Bangladesh ou Gemini Life au Ghana sont aussi dans de la course.

Qu’est ce qui explique cet attrait pour un domaine d’assurance si particulier ?

La forte médiatisation des activités de microfinance lors de l’attribution du prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus, créateur de la 1ère banque pour les pauvres, y est sans doute pour quelque chose.

Pourtant les assureurs ne se précipitent pas sur ce marché et restent encore peu nombreux à proposer des produits de micro-assurance, laissant des acteurs peut être moins légitimes prendre leur place.

Les instigateurs des politiques de développement ont compris l’enjeu d’utiliser les micro-crédits, prêts de très faible montant, pour aider les plus pauvres à sortir de la ruine.

La micro-assurance ou assurance des personnes à faible revenu, est un outil qui les a séduits comme le pendant du micro-crédit pour la gestion des risques. Les Organisations Non Gouvernementales, les associations et les Institutions de Microfinance se sont donc mises à proposer des produits d’assurance.

Les assureurs sont des spécialistes de la gestion des risques. Ces entreprises savent créer un produit pour leurs assurés afin de les rendre moins vulnérables aux événements qui pourraient affecter leur tranquillité.

L’expertise de l’assureur provient de sa capacité à analyser et gérer les risques de sa clientèle.

Au quotidien, la tarification, la gestion, le marketing, la communication et la commercialisation des contrats sont autant de tâches dont il a l’expérience et qu’il sait organiser au sein d’un environnement juridique complexe.

Les spécialistes du risque sont donc capables de relever le défi d’assurer l’autre partie du monde, ces quatre milliards d’individus qui vivent avec moins de deux dollars par jour.

Bien souvent, ces personnes ne connaissent de l’assurance que les modes informels de gestion des risques ou les initiatives individuelles d’auto-assurance. Certaines études suggèrent que moins de dix millions ont couramment accès à l’assurance. Les entreprises d’assurance doivent donc trouver des solutions originales au challenge qui leur est lancé.

Mais la micro-assurance n’est pas simplement de l’assurance traditionnelle avec des primes plus faibles.

L’assureur n’a aucune expérience des risques liés à ces populations à très faible revenu et peu de données fiables lui permettant d’effectuer une quelconque tarification.

Comment dans ces conditions intervenir de manière compétente ?

Doit-il compter seulement sur sa propre expertise ?

Peut-il innover ?

Dans la mesure où l’assureur acquiert une certaine légitimité à opérer sur un marché, a-t-il vraiment intérêt à se lancer ?

Les assureurs commerciaux vont être intéressés par des objectifs de rentabilité.

Les études sur la profitabilité d’assurer les personnes à faible revenu ne sont-elles pas malvenues ?

Quels sont les points positifs qui pourraient amener un assureur qui a des objectifs de rentabilité à proposer des produits de micro-assurance ?

La clé de l’engagement des entreprises d’assurance se trouve dans les réponses à ces questions sur leur légitimité à intervenir dans des programmes de micro-assurance, couplées à leurs interrogations sur les avantages à participer à une telle aventure.

Ce mémoire s’intéresse à la micro-assurance comme un mécanisme global d’assurance des populations à faible revenu.

Il prendra donc en compte les populations des pays en développement qui n’ont généralement pas accès à des entreprises d’assurances ainsi que les populations des pays dits développés lorsqu’elles sont exclues des circuits financiers par leur pauvreté.

La question de savoir si la micro-assurance est un outil de développement vraiment efficace pour les populations concernées ne sera pas abordée dans ce mémoire. Nous expliciterons les enjeux de la micro-assurance du point de vue de l’assureur.

Le choix final de s’engager ou non pour une entreprise d’assurance reste une question politique et stratégique qui n’est pas l’objet des développements.

Il s’agit bien de comprendre pourquoi les assureurs peuvent intervenir, quel va être leur intérêt à s’investir et déterminer les conditions qui favorisent la viabilité des projets.

Nous présenterons, dans un premier temps, la micro-assurance et ses spécificités comparée à l’assurance traditionnelle. Les principes de l’assurance s’appliquent à une population à faible revenu qui a ses caractéristiques et ses risques propres.

Les entreprises d’assurance sont confrontées à des risques et un milieu qu’elles connaissent mal.

Dans un deuxième temps, nous analyserons quel espace a été laissé à l’assureur pour réaliser des activités de micro-assurance et comment il peut s’investir dans des projets auprès d’une population qu’il connaît peu. Nous verrons que l’assureur a toute sa place dans ces initiatives mais à certaines conditions.

Ne doit-il pas innover en terme de circuit de distribution ?

Ne doit-il pas s’associer avec des acteurs « du terrain » ?

Enfin, nous essaierons de comprendre, au-delà de son expertise, si l’assureur a intérêt à s’investir dans des programmes de micro-assurance.

Le choix des projets doit-il se faire comme dans tout business, par une évaluation des risques et des méthodes de mesure de la rentabilité ?

Des méthodes d’évaluation spécifiques aux activités de micro-assurance existent.

Ne faut-il pas plutôt s’attacher à une notion de viabilité, de « durabilité » de ces activités ? Selon les types d’entreprises d’assurance, commerciales, mutuelles, coopératives, la position idéologique sera peut-être une justification de l’engagement au-delà de la profitabilité immédiate des projets.

Sommaire

Introduction
Chapitre I Une assurance peu conventionnelle
A. Présentation de la micro-assurance
1. Définitions
2. La micro-assurance dans le mouvement de la microfinance
3. Les données clés de la micro-assurance
B. Une « cible » un peu particulière : micro-assurance et pauvreté
1. Pauvreté, exclusion, vulnérabilité : l’étendue d’un « marché » ?
2. Les risques
3. Le cercle vicieux de la pauvreté
C. Le choix des « segments » de population
1. Pauvres ou très pauvres ?
2. Pays en développement ou pays développés
3. Les femmes : une clientèle privilégiée
Chapitre II Quelle place pour l’assureur dans la micro-assurance ?
A. Des acteurs à la limite de leurs compétences
1. Le secteur informel
2. Les institutions de microfinance
B. La légitimité de l’assureur
1. Complexité de la gestion du risque : financiarisation, monétarisation, spéculation
2. La légitimité par l’expertise
C. Les formes d’engagement de l’assureur
1. Le modèle « partenaire-agent »/assureur
2. Le modèle de la vente directe
3. Les caisses de crédit et les coopératives/mutuelles d’assurance
4. Analyse comparée de ces modèles
Chapitre III Évaluation de la rentabilité et de la viabilité des projets
A. Une rentabilité incertaine
1. Des risques accrus
2. L’évaluation des programmes de micro-assurance
3. L’observation des expériences à travers quelques exemples
B. Des conditions nécessaires pour investir dans la micro-assurance
1. Le contrôle des activités d’assurance
2. Une présence souhaitable des réassureurs
C. Des projets à évaluer à long terme
1. Long terme, développement durable
2. Innovation par et dans la micro-assurance
3. Éduquer les populations pour ouvrir de nouveaux marchés
4. La responsabilité sociale des entreprises d’assurance
Conclusion

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