La licence globale et la copie des œuvres musicales sur l’internet

La licence globale et la copie des œuvres musicales sur l’internet

C. L’échec de la licence globale

L’idée d’une licence globale était fondée sur le constat suivant : il est impossible de stopper la copie et l’échange sur l’internet. Les appareils de lecture à grande capacité et les réseaux créent une facilité sans précédent de la circulation et de la copie.

De ce point de vue, et sans jugement de valeur, la logique de reconstruction d’un magasin de disques en ligne va à contresens de la nature même des technologies auxquelles nous avons à faire. En effet, la distribution en ligne des œuvres musicales ne peut suivre le modèle économique actuel basé sur la vente de supports physiques.

Rappelons également que ces échanges et ces copies prennent de multiples formes et que le peer to peer n’en représente qu’une. Beaucoup d’échanges se font effectivement dans le cadre de correspondances privées, au travers des courriels ou de conversations téléphoniques par l’internet. A prendre en compte également le développement des fichiers Torrent1.

Lors de la préparation de la loi Dadvsi, la Société civile pour l’administration des droits des artistes et des musiciens interprètes (ADAMI), favorable à l’instauration d’une licence globale, estimait donc que la répression serait impuissante à arrêter ces échanges, compte tenu de leurs multiples formes.

Les propositions d’une licence globale et d’un prélèvement sur les abonnements présentées par l’ADAMI et la Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes Interprètes Musique et Danse (SPEDIDAM) ont été reprises à leur compte par les quinze organisations membres de l’Alliance Public-Artistes, qui regroupe, d’un côté, des représentants d’artistes interprètes (sociétés de gestions collective, associations et syndicats de certaines catégories d’auteurs) et de l’autre, les consommateurs.

La proposition de l’Alliance reposait sur le postulat qu’il serait impossible de mettre un terme aux pratiques existantes quand bien même celles-ci seraient considérées comme illégales.

A l’échelle des pratiques massives et incontrôlables d’échanges de fichiers entre particuliers, l’exercice individuel du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire serait en effet impossible, s’agissant de traiter des actes de mises à disposition effectués par des millions d’individus entre eux, non seulement via les réseaux de peer to peer, mais aussi, de plus en plus, par messageries et courriels.

Elle proposait de légaliser cette pratique et d’instaurer, à l’égard des droits qu’elle met en cause, un régime de gestion collective obligatoire, à l’instar des solutions d’ores et déjà consacrées dans trois domaines : la câblodistribution simultanée, le prêt (le législateur a récemment opté pour un système de licence légale en matière de droit de prêt en bibliothèque) et la reprographie.

1 Les fichiers Torrent sont des fichiers de données disponibles sur internet. Ils contiennent les informations sur le fichier source à télécharger sur le réseau Peer to Peer Bit Torrent. Ces Torrent peuvent être enregistrés localement afin de reprendre un téléchargement de fichier par la suite sans avoir à retrouver l’URL de celui-ci. Ces fichiers ont pour extension : .torrent

Ce système présentait par ailleurs l’avantage de responsabiliser l’internaute en lui délivrant un message clair : il sait que s’il procède à des échanges sans avoir choisi et payé l’option qui l’y autorise, il commet un acte de contrefaçon et sa mauvaise foi sera établie. L’état du droit en sera simplifié et clarifié pour tous, ce qui évitera les hésitations jurisprudentielles. Juridiquement, la licence globale reposait sur deux fondements.

La rémunération pour copie privée (pour les actes de téléchargement) et une redevance au titre du droit exclusif de mise à la disposition du public (pour les actes de partage). L’internaute aurait conservé néanmoins la possibilité d’accepter ou de refuser le bénéfice du droit de mise à la disposition du public. En cas de refus de ce contrat, il n’aurait pu procéder au partage d’œuvres protégées sur l’internet sans risquer de se retrouver en situation de contrefaçon.

La priorité était de placer des millions d’internautes (8,5 millions de personnes, dont 750 000 utilisateurs réguliers d’après le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie (Credoc1) en 2005) dans un cadre légal.

Aujourd’hui, sont menées des campagnes d’information particulièrement impopulaires qui présentent tout utilisateur des réseaux de peer to peer comme délinquant. La situation n’est pas tenable à long terme. Il semble en effet inconcevable qu’une nouvelle technologie, celle des réseaux de peer to peer, en constante évolution, puisse être condamnée en soi, alors même que cette technologie pourrait être un moteur pour le développement des industries culturelles.

Par ailleurs, du point de vue des utilisateurs, l’idée d’une licence globale était plutôt bien accueillie : un sondage Médiamétrie, commandé par le ministère de la culture, en juin 2005, faisait apparaître que 75% des internautes déclaraient être prêts à payer la licence globale. 75 % d’entre eux, également, signalaient que cette pratique ne changerait pas leurs habitudes de consommation et d’achats de DVD2 ou de CD.

L’Alliance faisait valoir que la gestion collective obligatoire était l’outil le mieux adapté aux phénomènes de masse. A titre d’exemple, lorsque la musique est diffusée massivement dans plus de 400 000 lieux sonorisés accueillant du public, la SACEM signe avec leurs gérants des contrats sans savoir précisément quelles œuvres seront diffusées, car il est impossible pour les ayants droits d’exercer individuellement leur droit exclusif.

Au terme de débats passionnés, le concept de licence globale n’a finalement pas été retenu dans le texte final. Selon le Gouvernement, la licence globale était incompatible avec le droit européen et international car elle constitue une licence légale qui rendait obligatoire les accords autorisant l’utilisation des œuvres par les ayants droits, comme c’est le cas pour la radio. La licence globale a été jugée préjudiciable tant aux créateurs qu’aux consommateurs du fait de l’augmentation de l’abonnement à l’internet.

Elle ne permettrait aucun modèle économique viable pour les artistes, les industries culturelles et les fournisseurs d’accès. Par ailleurs, il est vrai que la licence globale n’aurait pas permis une répartition performante des rémunérations pour chaque ayants droits.

Il faut cependant remarquer que les plateformes de musiques en ligne proposent aux consommateurs des abonnements permettant, pour un montant forfaitaire, un nombre illimité de téléchargements.

A titre d’exemple, le site Napster, après avoir du fermer son site d’échanges gratuits de MP3 en 2001, propose désormais, légalement, des abonnements mensuels permettant autant de téléchargements que l’on souhaite. L’idée semble assez proche de la licence globale, dans son principe.

De la même façon, et encore plus proche du concept de licence globale, Neuf Cegetel a élaboré une offre de téléchargement de musique illimité greffée directement à l’abonnement ADSL3 à 29,90 euros/mois. Cette offre nommée Neuf Music et réservée aux nouveaux abonnés seulement, devrait être officialisée dans le courant du mois de septembre.

Il s’agit d’une première puisqu’à ce jour, aucun fournisseur d’accès à l’internet ne propose un tel forfait avec téléchargement de musique illimité. Une telle offre serait également en cours de préparation chez France Telecom. Il demeure que l’offre de Neuf Cegetel est limitée puisque les fichiers musicaux téléchargés ne seront plus disponibles après la résiliation de l’abonnement. De plus, la diffusion se fera dans

le cadre du DRMS de Windows, donc en format WMA.

1 (http://www.credoc.fr/)

2 Digital Video Disc, « disque vidéo numérique »

3 Asymmetric Digital Subscriber Line, « Ligne d’abonné numérique à débit asymétrique »

Afin de comprendre plus précisément les intérêts qui ont impulsé l’entrée des mesures techniques et DRMS dans les cadres juridiques internationaux, européens et nationaux, il convient d’accorder, à ce stade, une place aux mécanismes de gestion exclusive des ayants droits.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Diffusion en ligne des œuvres musicales : protection technique ou contractuelle ?
Université 🏫: Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Simon BRIAND

Simon BRIAND
Année de soutenance 📅: Master 2 Droit de l’internet - 2006 – 2007
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