1. Les technologies dans la société
Depuis l’invention de la roue comme l’évoque B. Devauchelle (1999), mais certainement bien avant, dès les premières tentatives d’élaboration du langage, les êtres humains ont toujours cherché à améliorer leur communication pour assurer leur survie, en développant des outils (matériels ou culturels) qui leur permette de se comprendre et de réduire le temps nécessaire à leurs échanges.
D’importantes inventions techniques telles que l’écriture et l’imprimerie sont à l’origine des grandes étapes de civilisation de l’Antiquité et du Moyen Age et il en serait de même actuellement (Cartier, 1997)2.
1- la civilisation de l’écriture (code alphabétique),
2- la civilisation de l’imprimerie (code typographique),
3- la civilisation du numérique, des TIC (code médiatique).
Chaque étape technologique engendre un nouveau mode de communication entre les individus et provoque une augmentation non seulement quantitative mais aussi qualitative des informations disponibles, alliant les aspects de rapidité de transfert, de quantité d’utilisateurs et de capacité d’archivage.
L’impact de ces innovations sur les connaissances transmises aux jeunes générations est évidemment important et nous constatons actuellement sur notre système scolaire les effets de la troisième étape décrite, celle du développement des technologies informatiques. Aujourd’hui plus que jamais il est vain de vouloir maîtriser toutes les connaissances sur un sujet, mais de nouvelles compétences sont à développer. L’information est accessible en tout temps et en tous lieux et les points de vue les plus divers s’expriment sur le Web, les élèves eux-mêmes peuvent contribuer à la création et à la diffusion de nouvelles informations visibles sur l’ensemble de la planète !
L’importance de l’outil et de l’activité
La relation entre l’être humain et les objets de son environnement (dont font partie ses pairs) est médiatisée par des outils et des signes, qui correspondent à des moyens culturels. Cette relation, et tout le développement qu’elle a suscité, est abondamment décrit par les psychologues russes du XXème siècle avec les concepts d’artifact-mediated and object-oriented action (Vygotsky, 1978) et de théorie de l’activité (Leontiev, 1975), concepts particulièrement utiles pour comprendre l’apport des technologies dans l’apprentissage.
La théorie de l’activité, qui connaît actuellement un développement international et multidisciplinaire (Engeström, 1999), prend son origine dans la description du rapport hiérarchique entre l’activité, les actions et les opérations, notions développées par Leontiev, et mettant en évidence l’importance des outils dans le développement de la conscience humaine.
Activité, Actions, Opérations
Les interactions humaines avec le monde environnant sont composées d’activités sociales médiatisées, organisées hiérarchiquement en actions et opérations, et orientées selon des objets.

Niveau :Orienté vers…Porté par…
ACTIVITEobjet / motif / motivationcommunauté
ACTIONbutindividu ou groupe
OPERATIONconditions instrumentalesroutine humaine ou machine

Quelques éléments descriptifs des concepts d’activité, action et opération :
o L’activité en tant que structure collective complexe est réalisée au moyen d’actions, qui elles- mêmes sont composées d’un certain nombre d’opérations faites par des êtres humains ou des machines.
o Les systèmes d’activités évoluent sur de longues périodes, alors que les actions sont plus courtes, avec un début et une fin précis. Le temps d’une opération peut être minuscule.
o Une activité collective est composée d’objectifs et de motivations dont les sujets individuels ne sont par forcément conscients. Les actions individuelles correspondent généralement à un but conscient pour les acteurs concernés. Une opération peut être utilisée dans n’importe quel but.
o Une chose ou un phénomène devient un objet d’activité dès qu’il rencontre un besoin humain et gagne une force de motivation qui donne une intensité et une direction à l’activité.
o L’objet de l’activité détermine les buts des actions possibles composées d’opérations qui dépendantes des conditions dans lesquelles les actions sont réalisées.
o Les actions s’effectuent au moyen d’opérations, de procédures compilées et inconscientes.
o Les actions et opérations ont une relation dynamique : une action peut se transformer en opération avec la répétition et l’intériorisation qui en découle. Les actions devenant des opérations routinières, le sujet peut se concentrer sur des actions plus complexes.
o Le temps de l’activité est récurrent et cyclique. Il diffère du temps de l’action qui est principalement linéaire et anticipe une fin.
L’usage des TIC dans l’enseignement/apprentissage peut être analysé à l’éclairage de ces trois concepts d’activité, action et opération. L’ordinateur permet d’automatiser un grand nombre d’opérations (calculs, traitement de texte, recherche dans bases de données, stockage d’informations etc.) qui requiert néanmoins certaines opérations de l’individu. A noter que comme dans toute acquisition de savoir-faire, la personne doit au début se concentrer fortement pour effectuer certains gestes qui, avec la pratique, se font de plus en plus machinalement, voir même inconsciemment et passent du statut d’activité à celui d’opération. Grâce à cette intériorisation l’utilisateur peut de se concentrer sur des actions plus complexes, relevant plutôt de la réflexion, de l’analyse, de la compréhension, de la production… qui font partie d’une activité globale qui serait l’apprentissage, l’acquisition de savoirs, savoir-faire, savoir-être multiples, au sein d’une communauté d’acteurs partageant le même objet.
Théorie de l’activité
Le développement de l’activité humaine3, depuis son origine au niveau des activités animales collectives visant à la survie de l’espèce peut être décrit en trois étapes :
La première étape situe simplement les relations entre l’individu, les membres de son espèce et son environnement naturel.
General structure of the animal form of activity, Engeström, 1987, p.74
(Figure 1 : General structure of the animal form of activity, Engeström, 1987, p.74)
La deuxième étape représente l’évolution des relations créée par de nouveaux développements entre chaque pôle du triangle :
– la survie individuelle donne naissance à l’utilisation d’outils,
– dans la vie sociale apparaissent des traditions collectives, des rituels et des règles,
– la survie collective s’élabore autour de la division du travail, influencée par les pratiques d’élevage, l’éducation et l’accouplement.
Structure of activity in transition from animal to human, Engeström, 1987, p. 76
(Figure 2 : Structure of activity in transition from animal to human, Engeström, 1987, p. 76)
La troisième étape décrit l’activité spécifiquement humaine qui se transforme en situation concrète de consommation, subordonnée aux trois domaines : la production, la distribution et l’échange (ou communication).
La communauté se définit comme l’ensemble des individus qui partagent le même objet le même motif.
The structure of human activity, Engeström, 1987, p. 78
(Figure 3 : The structure of human activity, Engeström, 1987, p. 78)
Ce modèle de l’activité rend possible l’analyse d’une multitude de relations, sans perdre de vue l’ensemble de la situation ainsi que les mouvements qui y sont associés, tels que décrits dans le schéma suivant.
Four levels of contradictions in a network of human activity systems, Engeström, 1987, p. 78
(Figure 4 : Four levels of contradictions in a network of human activity systems, Engeström, 1987, p. 78)
Un système d’activité étant toujours hétérogène, les mouvements sont constants entre les nœuds de l’activité et impliquent des constructions et re-négociations permanentes.
Un système d’activité n’étant pas isolé, il interagit avec d’autres systèmes d’activité. Pourtant les influences extérieures ne peuvent pas faire intrusion et créer des changements, tant que le système d’activité ne les a pas transformées en facteur interne, en se les appropriant.
Un système d’activité étant constamment travaillé par des contradictions internes, les turbulences et les conflits sont permanents et justifient, comme solution, de nouvelles formes qualitatives : des changements et des innovations qui sont le moteur de son évolution.
Si je me suis attardée sur la description de ce modèle de l’activité, c’est qu’il me paraît éclairer de manière particulièrement intéressante la démarche que j’ai effectuée auprès d’enseignants utilisant les TIC avec leurs élèves et qu’il permet de comprendre les incidences de ces pratiques sur l’apprentissage ainsi que sur l’environnement scolaire en général.
Lire le mémoire complet ==> (Les apports des TIC à l’apprentissage)
Mémoire de Diplôme d’Etude Supérieure Spécialisée TECFA
Université de Genève – Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education

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