Maîtrise de la supply chain: Elément fondateur de la stratégie ECR

Maîtrise de la supply chain: Elément fondateur de la stratégie ECR

 

III. La maîtrise de la supply chain : Elément fondateur de la stratégie ECR

III.1.Les fondements et les contraintes logistiques de L’ECR

Pour comprendre la stratégie de collaboration d’ECR, il est primordial de comprendre quels sont les fondements techniques et les contraintes logistiques qui ont amenés à développer cette stratégie.

III.1.1.Théorème fondamental de la supply chain : « Bullwip Effect »

Le théorème fondamental de la supply chain est appelé plus souvent dans la littérature anglo-saxonne : « Le Bullwip effect. »

On peut l’exprimer ainsi : « Plus on s’éloigne vers l’amont du consommateur final d’un produit (détaillant, grossiste, fabricant, sous traitant…), plus la variabilité des besoins de ce produit est élevée. ».

Ceci revient à considérer que si l’on gère une cascade de stock, la gestion de chacun de ses stocks, accentue les variations de consommation initiales au lieu de réguler les besoins des stocks situés en amont.

Cette situation peut s’aggraver jusqu’à entraîner des fluctuations très importantes chez le fabricant, rendant sa gestion de production extrêmement difficile.

Le seul remède consiste à gérer chacun des stocks de la chaîne en tenant compte uniquement des variations de consommation de la demande finale et en ignorant les variations de consommation intermédiaires.

Il en résulte que les producteurs ont besoin pour réguler leur production de connaître la demande finale telle qu’elle apparaît aux caisses enregistreuses des distributeurs.

On arrive donc à une situation paradoxale où les producteurs ont besoin d’information détenues par les distributeurs et les distributeurs disposent d’une information coûteuse à recueillir et hésite à transmettre au fabricant.

III.1.2. Difficulté de la prévision

Le deuxième facteur de développement de l’ECR provient également des difficultés de prévision de plus en plus grandes provoquées par le raccourcissement de la durée de vie des produits et les conditions actuelles de leur commercialisation.

Comme nous l’avons vu auparavant, les ventes promotionnelles et les achats spéculatifs compliquent davantage le problème de la prévision.

Pourtant, il est fondamental d’avoir le maximum d’informations fiables sur les ventes, au plus près du consommateur, dans les délais très courts afin de réduire le phénomène du « Bullwip Effect ».

III.1.3. Développement de l’EDI et du SCM

Enfin la troisième cause de développement de l’ECR s’explique avec la généralisation de l’usage informatique pour traiter les opérations de la Supply Chain notamment avec l’EDI.

L’EDI permet de faciliter les transferts d’informations (fiche produits, proposition de prix, commandes, avis de réception de commande, avis d’expédition, ordre de transport, factures…) directement d’un ordinateur à un autre entre différentes entreprises.

Néanmoins, l’EDI suppose des standards, des systèmes informatiques et un accord entre tous les intervenants de la chaîne logistique globale pour fonctionner de manière optimal.

Durant la même période, les réalisateurs informatique de management de la supply chain ont commencé a jouer un rôle considérable dans le développement des systèmes d’informations entre les différents acteurs de la chaîne mais également dans le développement de la stratégie ECR.

III.2. Les éléments fondamentaux de l’ECR

Nous avons étudié auparavant la naissance, l’histoire et les principes de base de la stratégie ECR sans vraiment réfléchir sur ces véritables composantes et ces leviers d’applications.

L’ECR est souvent lié à différents concepts comme la supply chain, l’EDI, le Quick response, le supplier retailer cooperation, la VMI ou gestion partagée des approvisionnements, le trade marketing, le category management, l’EDLP, le cross docking, le CPFR …..C’est une expression utilisée à toutes les sauces par les professionnels de la logistique sans savoir précisément les dimensions et le cadre qu’elle recouvre.

Alors qu’en est il réellement de l’ECR ?

Néanmoins, il est important de reconnaître un point commun à tous ces concepts cités auparavant : Ils supposent une collaboration logistique et marketing étroite entre les distributeurs et les industriels.

Selon l’ECR France, cette stratégie porte sur quatre domaines d’applications principales et un certain nombre d’outils primordiaux permettant de la développer.

Les domaines de travail de l’ECR portent essentiellement leurs efforts sur les quatre chantiers suivants:

L’assortiment : Il s’agit de tenir compte de la spécificité de la demande exprimée dans chaque point de vente dans le but d’augmenter les ventes, la marge et la rotation des stocks.

Le réapprovisionnement : C’est optimiser en réduisant les délais, automatiser les commandes, penser la logistique dès la conception des produits, organiser le réapprovisionnement permanent à partir de la demande aval.

L’adaptation des promotions à la cible du point de vente : il s’agit d’organiser les flux et les stocks des articles en promotion et réduire leurs retours.

La valorisation des nouveaux produits. c’est à dire localiser dans le temps et choisir les lieux de lancement des nouveaux produits afin d’augmenter l’efficacité de la mise sur le marché en réagissant instantanément aux fluctuations de la demande.

De nombreux outils ont été développés aux cours des 10 dernières années pour pouvoir mener à bien ces différents projets.

Nous pouvons les regrouper en quatre rubriques principales et les analyser dans les paragraphes qui vont suivre : La gestion de la demande, la gestion de la chaîne d’approvisionnement, les supports technologiques, les intégrateurs.

III.2.1. Gestion de la demande

La gestion de la demande permet d’élaborer mettre en place les moyens nécessaire pour établir une stratégie de la demande efficace, d’établir une création conjointe de la valeur consommateur et d’optimiser les assortiments, les promotions et l’introduction des nouveaux produits.

Cette rubrique regroupe l’ensemble des activités optimisant la relation produit- consommateur. Elle est souvent réalisé à l’aide du « category management » (gestion par catégorie de produits) : L’acheteur et l’approvisionneur constitue une offre commune en se plaçant toujours du point de vue du client.

III.2.2. Gestion des approvisionnements

Cette partie réunit l’ensemble des activités améliorant la gestion des flux de produits dans la chaîne d’approvisionnement.

Elle permet d’établir un approvisionnement plus efficace, piloté exclusivement par la demande et d’être plus opérationnelle.

Concrètement, les acteurs ont développé de nouveaux outils de gestion d’approvisionnement tels que le cross docking et la GPA que nous allons détailler plus précisément.

Le cross docking :

Selon l’auteur Pierre Médan31, «Le cross docking est un schéma logistique dans lequel le fournisseur livre ses produits à la plate-forme du distributeur en ayant préalablement tenu compte des besoins spécifiques des différents points de vente, à la fois dans leur conditionnement et dans la signalisation de leur destination.

Le cross docking limite ainsi la manipulation des produits puisque la constitution de lots dès le départ des usines s’y substitue.

Comme la traduction le suggère, les marchandises ne font que traverser le quai : déchargés par palettes ou par cartons, identifiées par lecture optique, puis triées, elles sont ensuite réexpédiées vers le destinataire ultimes, les magasins commerciaux ».

En effet, le transfert se fait de quai à quai sans stockage intermédiaire. Il n’y a plus de stock et la mise à disposition des produits dans les points de ventes s’effectue plus rapidement.

Grâce au cross docking, le distributeur envoie à ses fournisseurs les informations en provenance des caisses enregistreuses et non plus les commandes de chaque plate-forme.

Le fournisseur est donc en mesure d’effectuer des prévisions par point de vente plus précise et de mieux pouvoir lisser sa charge de production.

Bien entendu, le cross docking peut devenir une charge supplémentaire pour le fournisseur qui supporter la préparation fine des commandes des différents points de ventes.

De plus les transports entre l’entrepôt du distributeur et la plate-forme risquent d’être plus onéreux puisque le risque de cette pratique est de se retrouver souvent avec des palettes incomplètes et un chargement moins performant.

Face à ce constat, il y aura donc souvent un déplacement d’une partie des coûts logistiques du distributeur au producteur.

Pour éviter tous risques de conflits, il devient donc fondamental pour les deux parties de négocier des intérêts gagnants – gagnants avec une compensation financière pour le fournisseur et une réduction des coûts logistiques pour le distributeur.

La GPA

La GPA permet de passer d’un flux poussé (usine-magasin) dans la chaîne d’approvisionnement, à un flux tiré (magasin-usine) par la demande consommateur.

C’est une méthode de réapprovisionnement qui diffère de la commande traditionnelle par le partage de la gestion des approvisionnements entre les deux partenaires.

A partir d’informations transmises par le distributeur (bien souvent par EDI), l’industriel calcule ses besoins de réapprovisionnement et lui transmet une proposition de commande qui est ensuite validée ou non par le distributeur.

On parle aussi souvent de la VMI (vendor managed inventory ) version avancée de la GPA, elle permet de supprimer l’étape de validation par le distributeur et le fournisseur est entièrement responsable de la gestion d’approvisionnement.

Cette dernière version se fait généralement uniquement par informatique et nécessite une totale confiance du distributeur envers son fournisseur.

La GPA/ VMI permet d’améliorer le taux de service par une meilleure connaissance de la demande se basant sur un principe de réapprovisionnement continu.

L’idée étant d’avoir un base de données plus fiable et régulière sur le niveau de stocks des différents points de ventes. Cet état de stock précise la situation des stocks, les encours, les manquants et les ventes des GMS et permet d’établir la meilleure proposition possible aux clients.

Elle permet d’accroître la réactivité des acteurs (délais de livraison plus courts…) D’ailleurs, la rapidité des flux rendu possible par la GPA est devient plus avantageuse pour la mise en rayon des produits frais.

En effet, la durée entre la production et la mise en rayon est réduite, afin de mieux satisfaire le consommateur.

Par ailleurs, la GPA/ VMI simplifie les procédures d’approvisionnements entre les deux acteurs, améliore la communication, réduit le niveau de stock par la mise en oeuvre de meilleures pratiques logistiques (lissage des flux), enfin, réduit les ruptures de stocks permettant au final d’être plus compétitif et de bénéficier d’un avantage concurrentiel.

Il faut préciser que la Gestion Partagée des Approvisionnements n’est pas utilisée de façon uniforme pour tous les produits.

Pour des produits à forte rotation ou à forte période de saisonnalité, qui ont une fréquence de réapprovisionnement supérieure à une fois par semaine, on choisira la GPA.

Alors que pour des produits qui ont une faible rotation, on privilégiera des achats en masse permettant de réaliser des économies d’échelles importantes.

Nous verrons plus tard dans ce mémoire, le cas de la GPA mutualisée ou multi – industriels. Ce type de GPA permet de mieux optimiser les coûts de systèmes d’informations et de transport mais aussi d’être plus cohérent avec les petites structures de fournisseurs.

III.2.3. Technologies de support

Les supports technologiques présentent les moyens techniques agissant en soutien des activités de gestion de la demande et des approvisionnements.

Ces supports doivent permettre des systèmes de standardisation commun et pouvoir synchroniser l’ensemble des données des acteurs.

Ils concernent principalement l’EDI et Internet pour faciliter et structurer la communication, les échanges d’informations et le traitement des informations en temps réel ( traçage des envois, positionnement- tracking, cheminement- tracing, suivi des stocks…)

Les logiciels de planification DRP (distribution ressource planning) sont également largement utilisés pour optimiser les prévisions sur l’ensemble de la supply chain.

En effet, le DRP est un outil de planification des ressources de distribution née aux Etats Unis vers la fin des années 80 permettant de déterminer de manière continue, produit par produit et point de vente par point de vente, les besoins d’approvisionnements des distributeurs.

III.2.4. Les intégrateurs (cpfr)

Les intégrateurs regroupent une approche beaucoup plus transversale et plus collaborative de la gestion de la demande et des approvisionnements. Il concrétise le summum de la collaboration dans une stratégie ECR ;

Il est principalement caractérisé par la mise en place d’une stratégie CPFR (Collaborative Planning Forecasting and Replenishment).

Le CPFR apporte à la GPA une prévision des ventes communes entre le producteur et le distributeur. Il prolonge les principes de la GPA en proposant de collaborer plus étroitement sur les étapes de planification.

Les intégrateurs (cpfr)

Le CFFR : Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment est une méthode collaborative qui est née dans les années 1990.

Il est construit sur la base des principes de la GPA, du JAT (juste à temps), du CR (continuous replenishment) et du Category management.

Selon E-3 Corporation, société spécialisé dans la gestion des approvisionnements, le CPFR est « un processus collaboratif de création de valeur dans la gestion globale de la Supply Chain combinant les problématiques de l’offre et la demande»

Il est élaboré en réalisant un « Business Plan communs » aux fournisseurs et aux distributeurs par catégories de produit (calendriers d’événements partagés et prévisions concertées) Il a pour objectif principal de réduire les ruptures en linéaires en effectuant des réapprovisionnements automatiques. (Voir schéma de fonctionnement figure III 9)

Concrètement, les objectifs principaux et la mise en œuvre32 du CPFR sont les suivantes:

o OBJECTIFS : L’intégration des stratégies commerciales des entreprises partenaires (plan commercial joint), la prise en considération des contraintes opérationnelles part et d’autre, l’automatisation des processus d’approvisionnement, Les échanges de données en temps réel, la résolution des questions liées à la prévision des ventes et des promotions.

o MISE EN ŒUVRE (comprend 9 étapes) La mise en place d’un contrat de coopération, l’élaboration d’un plan commercial joint, l’élaboration des prévisions de la demande, l’identification des exceptions ( de prévisions de la demande), la résolution en commun de ces exceptions, l’élaboration des prévisions de commande, l’identification des exceptions ( de prévisions de commande), la résolution en commun de ces exceptions, le lancement des commandes.

La particularité du CPFR, c’est le fait que cette méthode prend aussi bien en compte la gestion de l’offre que la gestion de la demande.

Il faut donc, que producteurs et distributeurs soient prêt à partager et communiquer de manière transparente des informations stratégiques et politiques ( plan, prévision, analyse de la valeur…) sans a priori et dans une perspective de partenariat « gagnant-gagnant.

En effet, si Carrefour communique toutes ses informations à son fournisseur Coca Cola, Carrefour doit aussi prendre en considération que ce dernier est également le fournisseur d’Auchan, Leclerc (…) qui sont ses propres concurrents directs.

Par conséquent, nous pouvons nous demander, jusqu’où peut aller la confiance entre le distributeur et le fournisseur dans le partage des informations?

Le directeur Supply Chain de Yoplait, Gérard Serres, nous présente dans cette interview la mise en place du CPFR avec ses partenaires et les contraintes de celui-ci […] Nous avons développé le CPFR avec nos clients pour suivre conjointement les promotions qui représentent environ 30 % de nos volumes.

Nous impliquons le commercial compte clé avec le marketing et la logistique de l’enseigne pour identifier ce qui marche mal et le corriger dans le cadre d’un protocole commun de communication.

Même si cela permet de maîtriser les volumes globaux d’une promotion, il subsiste des problèmes dans leur exécution avec les magasins : soit parce que l’information sur le besoin n’est pas remontée à temps ou correctement du magasin, soit n’est pas remontée du tout.

Pour améliorer le CPFR deux solutions d’offrent à nous : récupérer les informations sorties caisses, mais cette solution reste difficile à maîtriser techniquement, ou faire en sorte que les distributeurs remontent des bonnes informations et à temps sur la promotion.

Un autre impact de ce constat est le niveau élevé des ruptures en magasin, soit parce que la commande est mal passée (retard d’assortiment mal connu, quantité sous estimé…) alors que les produits sont en entrepôt, soit les produits n’ont pas été rempotés* (manque de place en linéaire, manque de temps) alors qu’ils sont en réserve.

De ce fait, on peut se demander quelquefois si les efforts que nous faisons pour atteindre et maintenir des niveaux de service de plus de 99% en entrepôt sont bien rentables en regard des taux de service en magasins. »

Extrait de la revue Stratégie Logistique octobre 2003, article « Rupture en linéaire »

Figure II9 Schéma de fonctionnement du CPFR

Schéma de fonctionnement du CPFR

Source : Groupement Achats et Logistique / Association des Centraliens« Le CPFR, mythe ou réalité » par Thierry Jouenne, CPIM

Pour illustrer nos propos précédents, il est intéressant de s’intéresser à deux cas d’entreprises lors de la mise en place de gestion de promotion avec Procter and Gamble et de l’intégration du CPFR chez Henkel dans le cadre d’une stratégie ECR.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Externalisation logistique, collaboration industriel_distributeur - Master 2 Sciences du Management
Auteur·trice·s 🎓:

Otto Marie - Odile
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’étude – Master 2 Sciences du Management - 27 avril 2007
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