La composition pénale et le contrat d’adhésion " pénal "

La composition pénale et le contrat d’adhésion " pénal "

Section II : Le rapprochement avec des formes de justice négociée

Etant donné que nous nous sommes aperçus que la composition pénale emprunte beaucoup au contrat d’adhésion en ce qui concerne le consentement, il serait intéressant de voir si le législateur ne s’est pas inspiré également du modèle contractuel pour imaginer l’ensemble de la mesure (sous-section I).

Alors que jusqu’ici nous avons limité notre recherche à la seule étape du consentement, concernant l’existence ou pas d’une « justice négociée » en matière de composition pénale, il nous faut désormais s’intéresser à l’ensemble de la mesure pour vérifier si une négociation entre le mis en cause et le procureur de la République existe.

Cette comparaison avec la négociation nous amènera à un rapprochement avec une autre forme de justice négociée, la transaction (sous-section II).

Sous-section I – La composition pénale et le contrat

Nous savons désormais que, comme dans le contrat qui ne peut exister sans un échange de volontés, le Ministère public ne peut mettre en mouvement la composition pénale sans le consentement du mis en cause.

Cependant, comme nous allons le constater, l’approche contractuelle de la composition pénale ne s’arrête pas là.

Encore une fois le souhait de notre démarche, et l’on peut dire son but, est d’être le plus précis sur les termes employés pour qualifier et définir la composition pénale.

C’est en gardant cette ligne de conduite que nous démontrerons que les parlementaires n’ont pas créé le premier type de « contrat pénal » avec la composition pénale.

1 – Les similitudes avec le contrat

Il peut apparaître surprenant de chercher un modèle pour la composition pénale dans des mesures appartenant au droit civil des obligations tant la finalité et les procédés sont différents.

En effet, sans aller dans les détails tant le sujet est vaste, au risque de faire des généralités, le droit des obligations met en relation des personnes qui s’obligent elles-mêmes à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose (article 1126 du code civil).

En d’autres termes, les parties ont mesuré les conséquences de leur acte et c’est ce qui les a poussées à contracter. Alors qu’en matière pénale, quand le délinquant commet une infraction, quand bien même elle est volontaire et qu’il a conscience de violer la loi, il souhaite rarement les suites judiciaires.

L’auteur des faits espère généralement échapper à la police et aux magistrats, et lorsqu’il se retrouve face à eux ce n’est plus sur un pied d’égalité comme ça l’est le plus souvent dans les relations contractuelles, mais dans une situation de soumission aux autorités judiciaire et de police.

Pourtant, des points communs entre la composition pénale et le contrat peuvent être relevés.

L’article 1109 du code civil qui dispose qu’ « il n’y a pas de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol » rappelle certaines dispositions de l’article R 15-33-40 du Code de procédure pénale, déjà cité.

En effet, cet article, relatif au contenu du procès- verbal, rappelle que ce dernier doit indiquer « que la personne a été informée de son droit de se faire assister d’un avocat avant de donner son accord (…) et de son droit de demander à bénéficier d’un délai de dix jours avant de faire connaître sa réponse », puis également « que la personne a été informée que la proposition de composition pénale va être adressée pour validation au président du tribunal de grande instance ou au juge d’instance ».

Ainsi, cet article, qui insiste sur le fait que le mis en cause doit toujours être tenu informé de la procédure et des conséquences de ses actes, sans jamais cependant être forcé de donner son accord, rappelle l’exigence d’un consentement libre et éclairé de l’article 1109.

L’exigence d’un consentement libre et éclairé dans la composition pénale ayant été déjà largement traité dans notre recherche, il convient de s’intéresser plutôt, ici, au rapprochement avec la notion de capacité contractuelle.

L’article 1123 du code civil dispose que « toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi », sachant que selon l’article 1124 de ce même code « sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi », les mineurs non émancipés et les majeurs protégés.

La composition pénale et le contrat d’adhésion

Si l’article 41-2 du Code de procédure pénale est silencieux concernant les incapables majeurs, tel n’est pas le cas pour les mineurs.

En effet, l’article prévoit expressément, aux termes de son avant-dernier alinéa, que la composition pénale ne peut pas être proposée aux mineurs de dix-huit ans.

Evidemment, une procédure pénale spéciale est prévue pour les moins de dix-huit ans avec l’ordonnance du 2 février 1945 notamment, mais le fait que la composition pénale ne la leur soit pas applicable nous fait tout de même nous poser des questions quant à la nature profonde de la mesure.

La composition pénale est-elle aussi avantageuse qu’elle ne paraît ?

A regarder la liste des similitudes avec le contrat, certes très importantes, mais bien trop minces, nous ne pouvons sincèrement prétendre à une nature contractuelle de la composition pénale.

D’ailleurs, les différences avec le contrat, tout aussi importantes, restent quantitativement supérieures.

2 – Les différences essentielles avec le contrat

La plupart des grands principes contractuels que connaît notre droit ne se retrouvent pas dans la composition pénale. Nous pouvons dire fort heureusement pour certains sinon, comme nous allons le voir, le délinquant serait sur un pied d’égalité avec son magistrat et la réponse pénale n’aurait plus aucune efficacité ni utilité.

Pour commencer par le plus illustre d’entre eux, que nous retrouvons au premier alinéa de l’article 1134 du code civil et qui consiste à ce que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », il est clair que le législateur ne s’en est pas inspiré pour la composition pénale.

En effet, ce principe a pour conséquence de permettre à la partie lésée de faire exécuter le contrat de force, ce qui n’est pas le cas avec la composition pénale.

Dans la situation où le délinquant n’honore volontairement pas les mesures, le procureur de la République ne peut pas forcer l’exécution. Aucune solution n’est laissée au Ministère public, sinon de mettre fin au traitement judiciaire de l’individu par la composition pénale et de le poursuivre.

Un autre principe contractuel qui ne se retrouve pas dans la composition pénale est celui du deuxième alinéa de l’article 1134 du code civil, à savoir que les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties.

Effectivement, dans la composition pénale il n’est pas question de mettre fin à la mesure par un accord entre le délinquant et le parquet.

Soit le mis en cause exécute les mesures et l’action publique est éteinte, soit il ne les exécute pas et le procureur de la République met en mouvement la procédure classique dans laquelle l’individu comparaît devant l’autorité de jugement.

A la différence du le contrat qui continue d’exister malgré une absence ou une mauvaise exécution, lorsque la composition pénale n’est pas intégralement exécutée la mesure cesse pour donner place à un autre traitement judiciaire.

Enfin, et même si celui-ci est plus une protection à laquelle veillent les juges lorsqu’ils ont à examiner l’affaire qu’un véritable principe contractuel, la nécessité d’un équilibre entre les parties lors de la formation du contrat n’a aucun sens dans la composition pénale puisque le droit pénal repose justement sur la soumission du délinquant aux décisions de l’autorité judiciaire.

Laissons nous aller à un raisonnement par l’absurde afin de mieux comprendre l’étendue du désastre que provoquerait le calquage de ce « principe » sur la composition pénale, les décisions du délinquant auraient alors le même poids que celles du procureur de la République : le parquet, ne souhaitant pas laisser l’infraction sans réponse, serait confronté à un individu ne voyant pas d’autre issue que le classement sans suite de l’affaire.

Une réponse pénale émergerait-elle ? Oui, le parquet pourra toujours poursuivre l’individu mais il devra renoncer à voir une infraction traitée par le biais de la composition pénale, un accord n’étant jamais possible.

C’est donc logiquement que le droit pénal repose sur un rapport de forces inégales et que la composition pénale n’y fait pas exception. C’est le droit de la contrainte.

Nous l’avons dit, et nous l’avons démontré, la composition pénale n’est pas de nature contractuelle, elle a seulement quelques points communs avec le contrat.

Pour autant, nous ne pouvons pas en conclure que nous ne sommes pas en présence d’une « justice négociée », il faut encore vérifier que la composition pénale n’est pas construite sur le modèle d’autres formes de ce type de justice.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le Caractère Hybride De La Composition Pénale
Université 🏫: Lille 2, Université droit et santé - Faculté des sciences juridiques politiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Emilie Deschot

Emilie Deschot
Année de soutenance 📅: Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et sociale (n°74) - 2005/2006
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