Euromed’S Cup : Structure organisatrice, Caractéristiques et limites

Euromed’S Cup : Structure organisatrice, Caractéristiques et limites

Chapitre 3

Analyse de l’évènementiel sportif durable 

« Inscrire une manifestation sportive dans le développement durable n’est pas chose aisée », comme le dit Didier Pereira (2006)49, car c’est à la fois une histoire de conviction, mais aussi la mise en œuvre d’une démarche et d’un processus particuliers.

C’est ce que nous allons voir dans ce troisième chapitre qui va s’appuyer sur l’étude de quatre évènements sportifs à caractère développement durable qui se sont déroulés depuis le début 2007 en France. Il existe de plus en plus de ces évènements sportifs un peu spéciaux, mais pour mieux les analyser, nous avons choisi d’en étudier quatre.

Nous présenterons d’abord les modalités d’organisation de chacun des quatre évènements et l’étude des entretiens menés avec leurs organisateurs, pour ensuite proposer une analyse synthétique, et les conclusions de cette étude.

49 D. PEREIRA, Tout pour réussir une manifestation sportive durable, Publibook, 2006.

Section I

L’étude de cas de quatre « évènements sportifs durables »

On appellera ici « évènement sportif durable », une manifestation à caractère sportif qui inclut dans son processus d’organisation et de gestion, dans sa thématique d’animation, et/ou dans sa communication, un ou plusieurs des concepts et des idées du développement durable. L’adjectif « durable » que nous apposons à l’évènement sportif s’oppose en effet en apparence au concept d’évènement qui par nature est éphémère, comme le remarque Christophe Clivaz50, mais nous utiliserons néanmoins le terme « évènement sportif durable » comme un terme générique pour qualifier tous les évènements qui se rapportent au développement durable ou l’utilisent, même si certains ont des effets totalement différents sur les territoires à long terme.

Même si, comme nous le verrons, ils n’appliquent pas tous pareillement et parfaitement les fondamentaux du développement durable et s’il convient de faire une distinction entre plusieurs évènements sportifs durables, nous utiliserons cette expression pour désigner les quatre évènements dont nous allons parler maintenant.

50 C. CLIVAZ, Durabilité de l’évènementiel sportif. Quelles implications pour les collectivités territoriales ?, Actes de la conférence internationale sur les politiques d’accueil et d’organisation d’évènements sportifs, Lausanne, 2005.

A) L’Euromed’S Cup

L’Euromed’S Cup

1- Structure organisatrice : l’Ecole Euromed Marseille

Euromed Marseille est une « grande école » privée de management reconnue dans son domaine, en France et en Europe. Elle dit avoir une pédagogie plutôt dans l’action et l’expérimentation, la diversité et le pragmatisme et souhaite « enseigner le management comme un style de vie ». Elle est située au cœur d’une région économique riche, réunit 2500 étudiants dont 30% d’étrangers et 51 nationalités, une soixantaine de professeurs et cinq campus (Paris, Shangaï, Alger et deux à Marseille).

De nombreux enseignements de développement durable sont dispensés par des professionnels. L’école a été une des premières à s’engager dans la démarche Global Compact51, à adhérer à Campus « Responsables »52, au Comité 21, et est une des dix écoles et universités sélectionnées dans le projet Solar Generation53.

Beaucoup d’étudiants montent ainsi des projets responsables (humanitaire, microcrédit, débats de sensibilisation…) et environ quarante futurs managers font de la recherche sur ces domaines.

Une seule association parmi la quinzaine d’associations qui existent dans l’école est spécialisée dans les actions de développement durable : Unis-Terre, qui fait de l’humanitaire, avec laquelle travaille l’Euromed’S Cup, l’association qui s’occupe de l’évènement éponyme, et dont la présidente pour cette quatrième édition est Géraldine Augier, que j’ai interviewée au mois de mai.

En tant que présidente de l’association, ses rôles sont multiples, elle cumule des fonctions au niveau externe : partenariats, marketing, budget, recrutement, et au niveau interne : coordonner tous les pôles de travail : golf, voile, développement durable, étudiant, logistique et réceptif (accueil et logement des participants). A 22 ans, c’est la plus jeune et la seule femme des quatre interviewés.

51 Pacte Mondial des Nations Unies : concerne les droits de l’homme, du travail, l’environnement, et la corruption. Phase opérationnelle lancée en 2000.52 Démarche d’action pour un Campus se soumettant à de bonnes pratiques. www.campusreponsables.com

53 Classement des Campus Verts contre le réchauffement climatique, initiative de Greenpeace.

a) Concept de l’évènement

L’Euromed’S Cup a donc eu lieu à Marseille les 27, 28 et 29 Avril 2007. Cet évènement qui est organisé autour de trois pôles : le golf, la voile et le développement durable, a pour objectif de réunir et faire se rencontrer « les décideurs d’aujourd’hui » avec « les décideurs de demain »54.

Avec un débat, un challenge et quelques petites animations autour du développement durable, cet évènement semble souhaiter sensibiliser les étudiants et chefs d’entreprises qui participent aux problématiques du développement durable, quelles qu’elles soient.

La première journée était consacrée au développement durable. En premier lieu s’est déroulé le Challenge Durable : étudiants et chefs d’entreprises ont dû réfléchir ensemble à une stratégie de développement durable autour d’une étude de cas qu’on leur a proposée, et créer une affiche répondant au problème. Un débat-conférence plaçant l’humain au cœur des préoccupations – cette année autour du thème « Et si la croissance durable passait par la lutte contre les dépendances ? » (Pétrole, alcool, tabac, nourriture…) – aurait dû être mené ensuite, mais l’un des intervenants ayant fait défection, ils ont été dans l’obligation de l’annuler.

Les deux jours suivant se déroulaient parallèlement les compétitions de voile et de Golf. Pour le challenge voile, dans la rade de Marseille, les équipes étaient de quatre personnes, chefs d’entreprises et étudiants mélangés, les Bateaux Monotype utilisés étant chacun sponsorisés par une entreprise locale ou nationale. Le Challenge Golf impliquait les équipes inscrites sur les deux jours et proposait deux styles de jeu différents, sur deux golfs.

Les trois épreuves donnaient des points aux équipes faisant ensuite l’objet d’un classement.

b) Caractéristiques « durables » de l’évènement

L’Euromed’S Cup dit vouloir sensibiliser un public composé d’étudiants et de chefs d’entreprises aux problématiques du développement durable.

Pour cela, voici ce qui a été mis en place :

* Un challenge développement durable qui a pour objectif de faire travailler et réfléchir ensemble le public présent afin de créer une affiche répondant aux besoins en termes de « stratégie de développement durable » applicable à une entreprise (ici « Slowfood » qui prône la « bonne nourriture française »).

* Une conférence – débat sur les différentes addictions que subit l’être humain : « Dépendances et Développement Durable »

* Tout au long de la journée, les participants pouvaient découvrir des produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable : Artisans du Monde pour le jus d’orange par exemple ou les Cafés Malongo.

* Un petit magasine, « Ethique & Co » avec des articles sur le développement durable humain mis en place par des entreprises comme Adecco par exemple, ou concernant les pays du sud et leur développement économique.

* Une collaboration avec l’association Unis-Terre de l’école, pour monter une conférence sur l’eau avec quelques entreprises intéressées.

* Poubelles de recyclage, nettoyage du site.

54 Selon les propos de Géraldine Augier.

c) Quelques limites de l’Euromed’S Cup

Lorsqu’on analyse rapidement les choses qui sont mises en place sur l’évènement, avant même de s’attarder sur l’entretien, on remarque que certains points soulèvent des questions ou des problèmes.

Malheureusement, tout d’abord, le débat concernant les dépendances n’a pu avoir lieu donc nous n’avons pas de données sur ce qui aurait pu être dit, mais on peut néanmoins se poser la questions de savoir dans quelles mesures ce thème est en rapport avec le développement durable. Le côté humain est en effet visible, mais ce qui ressort surtout dans leurs explications relatives au choix du thème c’est le côté économique, la question de la croissance durable, freinée par ces addictions, ce qui nous donne un premier indice pour comprendre dans quel courant se situe cet évènement.

Ensuite, on peut noter que les étudiants participant à l’évènement viennent tous ou presque d’écoles de commerce et d’ingénieur, ce sont ceux que Géraldine appelle « les décideurs de demain ». Les universités et facultés ne sont que très peu ou pas du tout représentées. Est-ce le côté un peu élitiste de ces évènements organisés par des grandes écoles, pour les grandes écoles ?

De même, sur les trois journées, une seulement, celle du vendredi, est dédiée au développement durable, alors que c’est le thème principal mis en avant pour parler de l’évènement. Malgré les efforts de plus en plus nombreux du côté de l’organisation comme me l’a expliqué Géraldine (Animations, Associations, Tri des déchets), on peut dire que le sport est plutôt dissocié du développement durable dans cet évènement.

Les activités golf et voile qui ne sont pas parmi les sports les plus « propres », auraient pu par exemple servir de base pour parler un peu d’environnement au lieu de tout axer sur le côté « humain » qu’ils ont souhaité privilégier. Rappelons que parler de développement durable, c’est parler d’économie, d’humain mais aussi et c’est indissociable, d’environnement.

Concernant enfin l’organisation globale et la nature de l’engagement, très peu d’efforts semblent avoir été faits pour réfléchir à une conception de l’évènement plus en lien avec son thème, le développement durable.

En effet, le « grand dîner de gala au Sofitel Palm Beach » réunissant quelques acteurs du développement durable paraît assez éloigné des problématiques de terrain, la création et la distribution d’un journal ne prend pas en compte l’aspect écologique de la production de papier, le choix du golf paraît assez peu cohérent avec une volonté d’appuyer le développement durable.

Au final, on peut penser que cet évènement utilise le développement durable comme une vitrine, comme un outil de communication, pour parler et faire parler de l’évènement. Un début de sensibilisation est mis en place, mais les efforts ne sont faits qu’en surface, pour satisfaire un besoin de communication, un besoin de rentabilité de l’évènement.

Le développement durable semble être un prétexte pour parler de développement économique et de stratégies des entreprises avant tout, ce qui se comprend étant donné la nature de l’association organisatrice. Au niveau de l’école justement, on remarque une politique axée quand même sur des actions concrètes de développement durable (mécénat par exemple), mais elle reste globale, et peut-être trop globale et pas assez approfondie pour une école qui se dit en avance sur ses pratiques et ses enseignements sur les questions de développement durable.

On observe bien qu’au travers de l’association étudiante, c’est bien l’école qui organise cet évènement pour ses propres étudiants, mais aussi pour les futurs employeurs de ses étudiants.

2- Analyse de l’entretien avec Géraldine Augier

a) L’entreprise au cœur d’un développement durable ancré dans l’économie

Comme on le remarque tout au long de l’entretien mené avec Géraldine Augier, présidente de l’association étudiante organisant l’Euromed’S Cup, dans les citations ou les statistiques lexicales, le rôle de l’entreprise est capital dans la présentation de l’évènement et de ses objectifs.

Notons, comme le montre le tableau des champs et occurrences lexicales issu d’une analyse certes peu approfondie mais néanmoins révélatrice, que le mot « entreprise » revient une soixantaine de fois dans le discours (cf. Tableau 1 en fin de partie). Il est accompagné d’autres mots de la sphère marchande tels que « commerce, travail, décideurs, partenaires, économie » pour ne citer que ceux qui apparaissent une dizaine de fois.

Les thèmes des études (étudiants, école, rencontre) et de l’évènementiel (projet, évènement, nouveau, créer, organisation) sont très présents étant donné que de nombreuses questions portaient sur ces sujets. Le « développement durable », cité 85 fois est donc très souvent lié à l’entreprise et à l’économie, mais aussi au social et à l’humain (respectivement 24 et 17 citations). En revanche dans les réponses données, on ne le retrouve pas en opposition mais beaucoup moins associé aux thèmes de l’environnement ou du sport en général.

Sous une problématique que Géraldine Augier présente comme sociale, apparaissent en fait les problèmes économiques que vivent les entreprises au quotidien.

Par exemple, le thème des dépendances choisi pour la conférence, pose en fait les questions de la réaction que doit avoir l’entreprise face à ces personnes dépendantes, pour éviter d’être mise en danger : « Souvent le développement durable, on pense environnemental, or y a beaucoup, y a un aspect économique, y’a un aspect social. » « Donc oui le thème de la conférence qui devait avoir lieu c’était autour des dépendances […] les problématiques c’était comment l’entreprise peut-elle faire pour aider ses employés à justement éviter tout ce qui est dépendances, addictions, donc c’était tout ce qui était drogue, alcool, mais pas seulement […] le jeu, […] et la santé avec la dépendance au sport […] Comment faire quand y’a un sportif de haut niveau dans l’entreprise, qui pense qu’à ça et qui peut-être n’est pas à fond pour la société ? »

On remarque aussi l’importance d’une certaine obligation de rentabilité que l’association estudiantine s’est fixée. « Les différents packages […] ça c’était ce que j’ai mis en place, notamment avec le trésorier, pour que l’évènement soit rentable. » Cet évènement est plus proche du monde de l’entreprise que du monde associatif, car l’objectif premier est de former les élèves, futurs entrepreneurs, à monter et gérer un évènement marketing.

L’intérêt n’est alors pas public et général mais économique, comme pour une petite entreprise, il doit être viable financièrement, mais il peut aussi l’être en termes de communication : « le budget est légèrement plus élevé… mais je dirais qu’en termes d’image et surtout on va dire de volonté, de l’association si tu veux […] c’est vrai que c’est un petit peu plus cher, mais d’un autre côté c’est quelque chose qu’on a voulu. On y gagne pas financièrement, mais on y gagne nous même au niveau image et éthique. »

Ces deux points rappellent clairement le registre de justification de la cité industrielle dont parlent Boltanski et Thévenot (1991), un monde où l’efficacité et la performance dans l’organisation sont les principes supérieurs communs. La cité marchande est elle aussi présente à travers les thèmes de l’entreprise de la concurrence et de la rentabilité.

Un autre registre est aussi très souvent abordé dans cet entretien. L’image que donnent l’évènement, l’association et l’école, sur l’extérieur, semble être très importante aux yeux de l’étudiante : « Donc pendant un moment ils (les premiers organisateurs) se sont posé la question, ils se sont dit le développement durable, c’est pas très connu, peut-être que ça va plaire. » « Y’a toujours mieux à faire et c’est sûr qu’avec encore plus de partenaires, ça fait un évènement un peu plus grand, un petit peu plus connu forcément, parce que plus il est grand, plus il est connu… »

C’est un travail de séduction qui s’opère en direction des entreprises : « On leur disait : voilà, nous, on propose à la société untel d’être partenaire, d’être présent pendant les 3 jours, d’avoir un logement, d’avoir les dîners, d’avoir un bateau, d’avoir des équipes de golf, et donc voilà on leur proposait tout ça, on leur proposait tout, on leur proposait tout ce qui était marketing, communication. »

On se rend compte que l’un des objectifs majeurs de l’évènement est de faire connaître et reconnaître le professionnalisme et le sérieux de l’école et de ses élèves face aux entreprises, mais aussi face au grand public, aux instances politiques et aux médias, comme on peut le voir : « L’année dernière c’était sur la consommation […] et c’est vrai que d’avoir Michel Edouard Leclerc, qui était présent et qui pouvait en parler, c’était assez… c’est quand même un homme… un homme important… » « C’est vrai que nous on se devait d’avoir vraiment un certain professionnalisme parce que si tu veux, comme on est face à des entreprises, elles, étudiants ou non, pour elles, elles donnent de l’argent, donc ça doit être pro. » « Le plus important ça a été de… on va dire dans les partenariats, c’était d’arriver à construire une relation on va dire durable et efficace avec les entreprises […] c’était d’essayer de les rencontrer, plusieurs fois, de les intéresser au projet, de leur montrer les différents aspects du projet, à la fois sportifs et qu’ils pouvaient inviter des clients, qu’on était impliqués dans le développement durable. »

Par ailleurs, pour la présidente, ce qui est le plus important dans son travail est de faire accepter le projet aux entreprises et d’obtenir ainsi un maximum de partenaires et donc de visibilité pour Euromed Marseille, son école.

Elle ne mentionne presque aucune volonté d’améliorer l’impact de l’évènement au niveau développement durable et ne parle que peu de la sensibilisation. « Si j’avais à la refaire, j’essaierais d’avoir encore plus de partenaires […] on avait encore des bateaux disponibles en Méditerranée, et on peut toujours mettre des équipes en plus au golf. » La notion de « toujours plus » revient souvent, mais sous une forme quantitative (partenaires, finances) et pas qualitative (actions de développement durable).

Faire un évènement responsable paraît donc passer au second plan, bien qu’elle considère son évènement comme différent et innovant : «c’est vrai que essayer déjà de travailler avec des gens qui éthiquement sont corrects, comme Malongo , […] euh je trouve que c’est un plus éthiquement, entre guillemets, et c’est une certaine qualité, entre guillemets, enfin ç’est à dire que… on se place au dessus si tu veux… c’est une… vraiment une volonté de le faire. »

Ces différents points s’inscrivent sans aucun doute dans le registre de justification de la cité de la renommée et de l’opinion55, où le principe supérieur commun est l’opinion que se fait l’autre de l’évènement, et où les réactions de l’opinion publique conditionnent le succès.

Ainsi, le développement durable devient un instrument de rencontre au service de l’école et des entreprises « Nous, ce qu’on souhaite, c’est aussi que l’entreprise soit présente physiquement. Qu’elle soit là, qu’elle échange avec les étudiants. »

Malgré la tentative d’étendre le développement durable à tout l’évènement pour cette édition :

« Nous, on n’a pas apporté le développement durable, mais ce qu’on apporté c’était d’allier un petit peu plus développement durable, de plus mettre en avant le développement durable dans l’évènement. Parce qu’on se disait, voilà, à part le vendredi, on arrive pas trop à voir où est le développement durable. », il reste, dans les faits, nettement séparé des compétitions sportives du week-end, et ne semble avoir qu’une finalité, la rencontre entre plusieurs générations d’entrepreneurs : « Parce que notre – entre guillemets – slogan c’est : les décideurs d’aujourd’hui rencontrent les décideurs de demain.» « Le tout premier évènement du vendredi, en fait, c’était un forum entreprises […] Donc cette année on a voulu créer un challenge durable, et ce qui était intéressant c’était de voir les chefs d’entreprise et les étudiants qui débattaient sur un sujet qui est le développement durable ».

Le développement durable est aussi considéré comme le dernier outil indispensable aux entreprises pour suivre la tendance et survivre aux lois du marché « Pour moi, le développement durable, c’est un peu la nouvelle façon, et le nouveau – entre guillemets – must, que les entreprises doivent appliquer à tous les niveaux. Economique, social et environnemental. » « Une entreprise qui est investie là-dedans, dans le développement durable, de façon globale, que ce soit à n’importe quel niveau, pour moi, à l’avenir, elle ne peut être… elle ne peut que perdurer. »

55 L. BOLTANSKI et L. THEVENOT, De la justification- Les économies de la grandeur, Gallimard, Paris, 1987 et 1991.

On peut noter que la notion de développement durable est plutôt mal cernée par Géraldine Augier qui en donne une définition assez floue, minimaliste et toujours axée par rapport à son utilité pour l’entreprise.

Elle n’émet pas d’avis personnel sur le sujet puisqu’il n’y que a peu de temps qu’elle s’y intéresse, et ne comprend l’utilité du développement durable que lorsqu’une entreprise renommée le met en place, autrement dit il lui manque le regard critique sur les stratégies dites « durables » mais étant en réalité à but marketing, de certaines grandes entreprises: « Ce que je trouve intéressant c’est de pouvoir allier les trois.

D’avoir une politique dans l’entreprise, qui permette de respecter certaines règles, une certaine – entre guillemets – éthique environnementale, […] C’est des choses toute bêtes […] mais qui sont importantes. Tout ce qui est changement d’ampoules […] ou mettre à disposition des employés une salle zen comme le fait Carrefour, qui fait attention à son business […] Que eux mettent en place ce genre de truc, c’est qu’ aujourd’hui ça a vraiment sa place. »

L’organisation de cet évènement se situe dans le modèle socio libéral du développement durable, comme nous le montre l’importance de la logique de marché et des entreprises partenaires dans le bon déroulement de l’évènement.

La croissance économique reste la référence, même si un effort est fait pour évoquer le côté social du développement durable. Comme nous l’avons déjà vu, on n’observe pas de réel changement dans les habitudes de consommation et d’organisation de l’évènement, et beaucoup de superficialité dans la communication. On parle beaucoup plus de développement durable qu’on ne le met en place vraiment. Le but de l’évènement est finalement plus de permettre aux élèves de rencontrer des employeurs potentiels que de sensibiliser aux problématiques du développement durable.

On peut d’ailleurs souligner le peu de cohérence entre les paroles et les actes de l’organisation : cocktail avec feu d’artifice ou alliance naturelle pour eux d’une épreuve de golf à un évènement censé être durable : « Après, c’est vrai qu’on avait, donc, que ce soit des personnes de Malongo ou des personnes d’Artisans du monde, qui étaient invitées le samedi soir… en fait y’avait un très grand dîner de gala qui était au Sofitel Palm Beach où y’avait 280 personnes » « C’était un feu d’artifice privé… ils ont aussi adoré parce qu’il était tiré de la mer. »

On peut en conclure que les connaissances de l’organisatrice et donc son degré d’appropriation du développement durable sont plutôt faibles. On peut d’ailleurs remarquer à plusieurs reprises l’utilisation de l’expression « entre guillemets » avant ou après un mot ou un sujet qu’elle ne maîtrise pas (éthiquement, éthique environnementale), ou à proximité d’une idée qui demande une certaine implication (citoyen, convaincre).

Derrière des valeurs élitistes, l’importance de la sphère publique et une logique entrepreneuriale dominante, ses valeurs personnelles axées sur le travail, le respect et le civisme lui permettent quand même une prise de conscience de quelques réalités.

Même si elle pense bien faire et se consacre totalement à son travail, elle reste peu impliquée au niveau personnel dans la mise en place du développement durable. « Je suis à pied ou en train ou voilà, je fais super attention à la lumière, ce genre de chose, c’est pas grand-chose après, le tri des papiers, les trucs, euh… je pense que, au niveau individuel, je fais – entre guillemets – le strict minimum que – entre guillemets – un citoyen doit faire. […] C’est pas non plus un acte de développement durable. »

b) Un habitus sans lien avec le développement durable

Géraldine Augier, 22 ans, a des parents directeurs d’hôpitaux et des grands parents commerçants (chapeliers et cafetiers). Enfant, elle déménage au gré des affectations de son père, d’abord dans l’Ain à Bourg en Bresse puis dans le Cher à Bourges.

Elle part ensuite un an en Australie grâce à une bourse du Rotary club, fait deux ans d’études à Lyon en classe préparatoire HEC, une année à Marseille puis une sur Cassis pour enfin être cette année à Monaco en stage marketing et commercial, avec un bac + 4. « Je suis en deuxième année d’école de commerce. Donc euh en gros c’est un HEC à Marseille, bon un peu en dessous… […] options qui sont plutôt finances parce que c’est ça qui nous intéresse et autre…soit c’est plutôt marketing, soit plutôt prendre des options management. »

On peut aisément comprendre que son environnement culturel, familial, et son cadre de vie n’ont pas entraîné un intérêt particulier pour l’environnement ou l’action sociale.

Ne faisant que très peu de sport au collège et au lycée et n’ayant presque aucune activité associative à côté des ses études, Géraldine Augier n’avait donc pas de prédestination au développement durable, ce qu’elle nous explique quand on lui demande si elle a une sensibilité personnelle au concept : « Euh moi non, c’est-à-dire que l’année dernière quand je suis rentrée dans l’association, le développement durable ça me plaisait, enfin j’y connaissais pas grand-chose, et c’est vrai qu’en deux ans ça a suffi à me convaincre, entre guillemets. »

« Au début j’étais pas forcément la plus développement durable. En fait ce qui m’a rassuré dans le développement durable, c’est qu’il n’y avait pas l’aspect que environnemental. Parce que c’est vrai que l’aspect un peu trop, enfin, je vais forcer le trait, mais les trucs Greenpeace à fond, enfin moi c’est pas mon truc. Et le fait de voir qu’y avait plusieurs dimensions, que c’était pas que ça, c’est vrai que ça m’a beaucoup intéressée. »

Sa stratégie de s’engager dans le développement durable n’a donc aucun lien avec son habitus (Bourdieu, 1980) mais s’inscrit dans une logique d’action professionnelle, puisqu’elle saisit avec cet évènement l’occasion de gagner de l’expérience et de se faire un réseau de relations pour son avenir professionnel, d’où l’importance de la logique entrepreneuriale au cœur de toute la réflexion autour de l’évènement. Il est bien possible que la majorité des étudiants qui travaillent sur ce genre de projets aient un profil (habitus et appropriation du développement durable) équivalent à celui de cette organisatrice.

Tableau 1, champs et occurrences lexicales dans l’entretien avec Géraldine Augier.

Champ lexicalVocabulaire employé (fréquence), dérivés inclus.Totaux
1- L’entrepriseet le commerceentreprise (60), commerce (15), partenaires (21), travail (17),consommation (7), décideurs (13), économie (8), employés (7), communication (5), dirigeants (6), marketing (4), prix (5), convaincre (6), demande (7), relations (5), investir (4), rentabilité (2)198
2- L’écoleannée (61), étudiants (28), travail (17), école (15), rencontres (10),ingénieur (4), classement (3)138
3- Le développementdurable globaldéveloppement durable (85), société / social (24), homme (17), respect (11), environnement (10), sensibiliser (4), éthique (6),équitable (3), écologique (1)161
4-L’évènementielProjet (32), évènement (30), nouveau (12), créer/développer (14),organisation (7)95
5- Le sportGolf (25), voile (20), sport (9), participants (13), compétition (6)73
AutresAssociation (16), monde (14), politique (2)32

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’évènementiel sportif, le sport et le développement durable
Université 🏫: Université PARIS X – NANTERRE - UFR Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études de Master 2 - 2006/2007
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