Les attitudes des parents face aux soins de santé

Les attitudes des parents face aux soins de santé

 

VII.3.2 Les attitudes des parents face aux soins de santé

L’influence des croyances dans la relation intrafamiliale et avec les enfants, ainsi que le contexte de la situation de soins dentaires en parallèle forment un ensemble qui nous a apporté des éléments très intéressants et assez curieux.

Certes, l’association des attitudes des parents face à la santé et de leurs croyances avec les comportements des enfants dans ce domaine est un sujet où peu de conclusions sont disponibles : des études montrent une faible association (DIELMAN, LEECH, BECKER, ROSENSTOCK, HORVARTH et RADIUS, 1982) et d’autres des corrélations significatives, surtout en ce qui concerne l’influence des mères dans le régime alimentaire des enfants (BECKER, NATHANSON, DRACHMAN et KIRSCHT, 1977).

Nous notons un manque au niveau des caractéristiques culturelles, sociales et démographiques.

Chen (1986) a développé à ce sujet une recherche qui s’approche un peu de ce point étudié dans la nôtre et il a conclu que, malgré la possible influence du milieu socio-économique, le comportement préventif des mères est le facteur le plus important qui soit susceptible d’influencer le comportement dentaire préventif chez l’enfant.

Il faut alors travailler en association avec les mères qu’il importe de cibler dans le travail de prévention avec l’enfant.

A partir de ce que nous avons pu extraire des entretiens, si nous nous interrogeons sur la raison de l’attachement des moins favorisés aux croyances, nous pourrions certainement donner deux réponses de base liées aux questions sociales et économiques :

. Education :

La population plus favorisée est formée par un système d’enseignement plus structuré et fondé sur la rationalité scientifique, d’origine européenne, qui écarte la rationalité traditionnelle trouvée chez les moins favorisés.

. Barrière économique :

L’accès difficile aux soins justifie également, chez les moins favorisés, le recours plus généralisée aux croyances, visites aux guérisseurs, médicaments traditionnels, prières, entre autres.

Ceci étant, nous proposons un schéma de la structure des réponses où les parents des enfants appartenant aux groupes 1 et 2 font face aux soins dans la logique des traditions et des croyances.

En outre, notre étude indique que les attitudes des parents dans le domaine des soins de santé dentaire ont un impact sur le comportement de l’enfant, ce qui nous met en accord avec Arnrup et alii. (2002b).

VII.3.2.1 Récapitulatif des attitudes des parents

Rappelons qu’à partir de l’entretien nous avons pu vérifier dans le groupe 1 que les aspects mentionnés ci-dessus peuvent être expliqués par l’éducation des parents, le manque d’accès à la santé« officielle » et l’influence des croyances, tout à fait prépondérante dans la logique de pensée des parents.

Ainsi, selon Gift, Corbin et Nowjack-Raymer (1994), les différences en matière d’éducation sont particulièrement évidentes dans les définitions individuelles des objectifs au plan des procédures de santé.

Il est intéressant de voir que d’autres auteurs brésiliens (CANO et BOTAZZO, 1986) dont nous partageons les conclusions, trouvent que, dans une population moins favorisée, l’intuition ou la connaissance populaire amènent les gens à ne pas fréquenter préventivement un dentiste ou un médecin.

Le traitement radical, avec l’élimination définitive du mal « par les racines », autrement dit l’extraction des dents est plus intéressante pour ces patients qui attendent le moment de les extraire.

Dans le groupe 2, nous constatons que l’attachement aux croyances a été beaucoup plus intense que chez les parents du groupe 1.

Ce qui peut être expliqué par le fait que la maladie a pu potentialiser leur conception traditionnelle, traduite surtout par les croyances autour de la situation de soins pendant et même après le cancer. Observation corroborée par la recherche de la guérison auprès des guérisseurs, à l’église, à travers des prières (individuelles ou en groupe), par l’intermédiaire de gris-gris, entre autres.

Au contraire, les entretiens menés dans le groupe 3 révèlent que les parents font ici face au traitement dentaire en se référant à une logique médicale.

Bien que 8 parents avouent avoir déjà conduit les enfants chez les bénisseuses. Mais cet attachement aux traditions passe dans ce cas par d’autres personnes de la famille (tantes et grand-mères).

Ces exemples peuvent nous montrer qu’au Brésil il existe un attachement aux croyances traditionnelles, même chez des personnes de milieu favorisé.

De toute façon, une bonne partie de ces parents n’accordent pas d’importance à ce type de soins.

Et nous considérons, pour notre part, que ce manque de « confiance » dans les pratiques traditionnelles de soins de la part des parents eux-mêmes a contribué à ce que les enfants ne soient pas influencés par ces croyances.

VII.3.2.2 Comparaison des attitudes des parents avec d’autres auteurs

Nous allons nous attacher aux résultats les plus significatifs et aux rapports les plus intéressants vu l’énorme quantité de données extraites des conversations avec les parents. Nous suivrons dans cette étude les quatre moments de l’entretien (Cf. Chapitre V-Méthodologie).

Premier moment de l’entretien

D’abord, parlons de la relation entre le comportement de l’enfant à la maison et son attitude chez le dentiste (Cf. Tableau 29 dans le chapitre VI- Résultats).

Dans le groupe 1, les parents considèrent que leur enfant a un comportement plutôt négatif aussi bien à la maison qu’au cabinet dentaire; dans le groupe 2, les enfants sont considérés comme plus sages au cabinet qu’à la maison –et dans le groupe 3, les parents attestent que leurs enfants sont calmes aussi bien à la maison que lors des soins dentaires.

Quand nous prenons les résultats des réactions des enfants (enregistrements vidéo et Frankl) lors des soins, nous pouvons vérifier une correspondance entre ces résultats et les récits des parents du groupe 3.

Nous avons constaté la difficulté d’accéder aux soins buccaux chez M. (restriction physique due à une mauvaise application de la radiothérapie) mais il est également vrai que l’enfant n’aide pas vraiment (il se contracte, il ferme la bouche volontairement et involontairement lorsqu’on la touche) et que la mère est fatiguée d’insister sur ce point.

Nous profitons de ce cas pour dire qu’il n’est pas toujours facile de jouer le rôle de « dentiste préventif » quand on travaille avec une population similaire et avec les difficultés primaires des parents, telles que le milieu où ils vivent, les conditions financières, les maladies des autres enfants… Il n’est pas possible d’ignorer ces aspects qui vont participer assez couramment de façon négative et dans une direction contraire à ce que nous cherchons dans le cabinet dentaire, au niveau du comportement et bien sûr dans le maintien de la santé du patient.

Pour toutes ces raisons, nous voudrions encore, dans l’approche de ce sujet, renforcer positivement l’interaction des praticiens avec les parents.

Le rôle des aspects socio-économiques dans notre échantillon a pu être remarqué assez souvent lors de l’entretien avec les parents. Le motif des visites dentaires des enfants a été un des points de réflexion.

Or, même si nous avons un total de 19 enfants qui sont allés chez un dentiste pour la première fois à titre préventif, il ne faut pas oublier que le groupe 2 englobe déjà 10 enfants dont les premières visites ont fait suite à un traitement oncologique.

Par rapport à la visite dentaire associée à la recherche, 11 parents du groupe 1 nous donnent les réponses suivantes : 5 ont amené leur enfant au cabinet pour une extraction de dents; 3 parents disent que l’enfant a des dents trouées et 3 ne savent pas vraiment ce qu’ils font chez le dentiste (« Il va au dispensaire, il y va que quand il est malade! Quand il n’est pas malade, il y va pas…. »).

Cela semble indiquer le manque de connaissances préventives sur la santé buccale, caractéristique de la région d’où provient la population de ce groupe. La carence du système de santé insuffisamment effectif et/ou opérant est assez évidente.

Si bien que, mis à part le problème du transport ou la difficulté d’accès à des centres de soins suffisamment proches, nous devons considérer les croyances et les autres alternatives de soins auxquelles le milieu recourt.

L’influence des aspects socio-économiques sur le comportement ou les attitudes sanitaires des patients est un point de divergence dans la littérature. Pour certains auteurs, cet aspect n’a pas de rapport avec le comportement en matière de santé ou n’est pas assez significatif.

Toutefois, et nous partageons en cela l’avis de Cohen (1978) et Selikowitz (1996), il semble que, surtout dans un pays en développement, les facteurs tels que le montant des ressources, l’éducation, l’accessibilité des services et la perception des besoins sont relativement importants et exercent une influence dans l’utilisation des services dentaires.

Deuxième moment de l’entretien

Il est intéressant de voir que les résultats du groupe 2 ne s’éloignent pas beaucoup de ce que nous venons de montrer pour le groupe 1 et la raison la plus évidente tient toujours à ces mêmes facteurs.

La plupart (10) des parents avoue que la première consultation a eu lieu lors du traitement oncologique et, même après le traitement, certains d’entre eux (six parents) n’y accordent pas d’importance ou ne voient pas de relation entre la bouche et le corps : les visites régulières n’existant que pour le médecin oncologue.

Le groupe 3 se différencie par une pensée plus préventive, en phase avec la première consultation des enfants. Pendant cette recherche, le motif de la visite, chez la plupart des parents interrogés, était encore la prévention.

Un autre point de discussion est représenté par la peur du dentiste ou de la situation de soins.

Au total, 27 enfants ont peur, d’après les parents (G1 : 10; G2 : 9; G3 : 8; Cf. Tableau 30). Toujours selon eux , chez le dentiste, 3 enfants du groupe 1 ne se comportent pas bien lors des soins; 4 dans le groupe 2 et 3 dans le groupe 3.

Or, si à partir des autres résultats nous avons un résultat très proche de ce dernier (vidéo : G1 et G2 plus expressifs, mais tendent au comportement positif; résultats négatifs selon Frankl- G1 : 2; G2 : 4 et G3 : 1), nous pouvons conclure que, au total, tous les enfants « peureux » n’ont pas présenté un comportement négatif ou non-collaborateur.

Bien que nos résultats montrent une tendance au comportement positif et collaborateur chez la plupart des patients, nous avons également signalé que les enfants ont présenté beaucoup de réactions négatives, parfois très intenses.

De toute façon, Nathan (2001) nous rappelle que le succès dans la maîtrise du comportement chez l’enfant ne peut pas être simplement mesuré par la conclusion d’un traitement dentaire, mais par l’enregistrement de la fréquence des comportements collaborateurs que l’enfant présente.

Des auteurs (COSTA JUNIOR, 2002) nous parlent de l’acquisition de la peur dentaire à partir d’aspects simples à analyser : d’abord certains types de soins, susceptibles d’engendrer de la douleur.

Dans ce cas, indépendamment du comportement du patient, la situation de soins dentaires suscite une répugnance, ce qui engendre une des conséquences suivantes : réduction de la probabilité d’occurrence de comportements coopérants ou de compliance (d’acceptation du traitement); augmentation de la probabilité d’occurrence de comportements non-collaborateurs empêchant la continuité du traitement; augmentation de la probabilité d’absences; le patient ne vient plus régulièrement aux visites après la fin du traitement.

Nos résultats ont montré que, pour les parents, l’origine de la peur et de l’anxiété dentaire des enfants se situait au niveau de la douleur, dans les trois groupes.

Ce qui veut dire que la peur des enfants est centrée sur la douleur, qu’il s’agisse de ceux qui sont habitués aux soins dentaires ou de ceux qui ne sont jamais allés chez le dentiste.

Chez le dentiste, la douleur et l’anxiété semblent liées.

Cet ensemble constitue le motif de recherche de plusieurs auteurs : quelle est la nature, la raison de ce lien, « l’influence réciproque que ces deux émotions peuvent avoir sur le comportement individuel », voilà quelques questions posées sur le sujet (SANSOY, SAINT-MAURICE et SAINT-MAURICE, 1983). Le rôle de la peur et de l’anxiété dans la perception de la douleur est un sujet très étudié.

Bourassa (1998, p. 70) ajoute que la peur de l’inconnu et de la douleur expliquent « en grande partie pour certaines personnes la rareté des visites chez le dentiste, et ce, même quand les soins sont gratuits ».

Il semble que la sensibilité à la douleur soit en relation directe avec l’anxiété et qu’ainsi les facteurs contribuant à l’augmentation de l’anxiété accroissent également la perception de la douleur, l’inverse étant également vrai (CAMPARIS et CARDOSO JUNIOR, 2000).

La douleur est un facteur important qui ne peut pas être minimisé par le praticien. Nous sommes en accord avec Debesse (1966), pour qui la douleur dentaire doit être perçue à partir d’une « pédagogie » préventive, relationnelle et sécurisante. Selon l’auteur, le plus important est de pouvoir générer chez l’enfant une confiance en soi et dans les autres.

Dans le groupe 2, nous voyons dans le tableau 30 (Cf. Chapitre VI -Résultats) que l’anxiété apparaît lorsque les éléments rappelant le traitement oncologique sont réactivés pendant les soins : la douleur en rapport aux lésions muqueuses précédentes, les piqûres et les ponctions, la couleur blanche des vêtements et l’hôpital oncologique.

L’expérience médicale antérieure a ainsi un effet sur le comportement de l’enfant, aspect rencontré aussi par Wright (2000).

Réfléchissons donc sur la question de la douleur dentaire chez les patients de ce groupe de recherche. Ici, la douleur est en rapport avec l’évolution d’une maladie mortelle à « plus ou moins brève échéance ».

Selon Sansoy et alii. (1983), l’anxiété du patient participe à la difficulté d’accepter l’échéance et pourrions-nous dire, la peur de la rechute s’insère dans ce contexte. Tous ces éléments de « rappel » du cancer peuvent être présents dans un traitement dentaire.

L’angle de la douleur prend son importance chez ces patients et nous amène à être en accord avec Rose et alii. (1992) dans leur étude sur la douleur chronique.

Les auteurs suggèrent que la peur de la douleur et la tendance à l’éviter est déterminée par le contexte psychosocial dans lequel la douleur initiale a lieu.

Ainsi, les facteurs d’influence psychosociale cités par les auteurs seraient les événements journaliers stressants; l’historique personnel de la douleur; les stratégies de coping et les caractéristiques personnelles du patient.

Néanmoins, il apparaît clairement que la pertinence des aspects psychologiques ne semble pas être encore prise au sérieux par la médecine générale.

Nous avons cherché dans quelques œuvres médicales récentes et spécifiques des articles sur la douleur due au cancer (« cancer pain »), mais nous n’avons pas trouvé beaucoup de références.

On parle d’une « origine hétérogène » de la douleur chez l’enfant (COLLINS et BERDE, 2003), cependant, dans ce cas , il apparaît que le sujet est encore traité au plan de l’analgésie par l’allopathie et que les facteurs psychologiques sont plutôt et seulement liés aux stratégies non-pharmacologiques de contrôle de la douleur.

Il ne faut d’ailleurs pas oublier que dans le groupe 1, neuf enfants n’ont jamais rencontré un dentiste, dont 4 manifestaient leur peur de la situation de soins, selon les parents.

Il convient par conséquent de remarquer les raisons principales pour lesquelles les enfants déclarent avoir peur du dentiste alors qu’ils n’ont jamais connu une salle de soins et n’ont jamais été examinés par un dentiste.

Car le comportement de crainte qui amène à décaler la visite dentaire à cause de peur de la douleur est d’autant plus dommageable à la santé qu’il y a établissement de la situation de « renforcement positif » de sa propre croyance (COSTA JUNIOR, 2002).

Une maladie bucco-dentaire peut être engendrée et les conditions de travail seront plus complexes (soins invasifs, plus coûteux…).

Toujours selon l’auteur, les soins dentaires réalisés dans ces conditions peuvent être déterminants dans la naissance et la persistance de la peur, ainsi que dans le développement de comportements typiques d’évasion et d’esquive vis à vis du dentiste et du cabinet dentaire.

Nous développons donc un tant soit peu le facteur important mentionné ci-dessus qui peut jouer un rôle dans l’origine ou l’augmentation de l’anxiété : l’influence parentale.

Selon Klingberg et Berggren (1992), les problèmes de comportement des enfants ayant des parents anxieux apparaissent dans 45% des cas et ont un rapport avec cette anxiété. Il est observé chez ces enfants, une grande absence de visites dentaires et, en retour, un mauvais état de leur santé bucco-dentaire.

Mais dans notre travail, nous ne voyons qu’un cas répondant à ce modèle, une fille du groupe 2 à qui la mère transfère évidemment ses angoisses (peur d’une rechute de la maladie de sa fille, angoisse des allers-retours à l’hôpital) et frustrations (manque d’emploi, perte du mari) avec, bien sûr , sa peur de la maladie :

« (…) c’est peut-être une erreur, mais je lui dis: voilà, tu n’as pas nettoyé tes dents, voilà ce qui est arrivé, maintenant ils vont… (Elle ne finit pas cette phrase, mais elle parle sur un ton de menace) de toute façon c’est une honte, tu as 6 ans! ».

Mme Antônia, mère

La participation de la mère au processus d’anxiété des enfants est largement étudiée et généralement il est constaté que leur anxiété est transférée aux enfants. Ainsi, déjà en 1898128, on recommande l’exclusion de la mère lors des soins afin d’éviter un manque de collaboration des patients (WRIGHT et alii, 1973a).

Il est à noter également que cette absence, néanmoins, a un rapport considérable avec l’âge de l’enfant : plus il est jeune, plus la présence de la mère semble avoir une influence dans le contexte des soins sur le comportement de l’enfant (WRIGHT et alii, 1973a; FRANKL et alii., 1962).

Ce n’est pas là le sujet de notre étude, mais nous voudrions rajouter cependant un aspect observé : notre tranche d’âge pourrait minimiser l’importance de cette variable, c’est pourquoi nous ne l’avons pas prise en considération.

En outre, l’âge des enfants nous permettait de décider de façon plus simplifiée de la présence ou non du parent. Ainsi chez les patients du groupe 1, seules 4 mères étaient présentes lors des soins.

Dans le groupe 2, il n’y a pas eu d’exigences de cette sorte, mais les mères des 16 enfants étaient avec les enfants au moins au début de la consultation. Après, selon le type de soins et chez les moins collaborateurs, leur présence a été demandée.

Parallèlement, dans le groupe 3, les parents des 16 enfants les ont accompagnés, mais leur présence était demandée quand il convenait. Les observations nous ont montré que cette présence n’a pas eu de rapport significatif pour le total du groupe d’enfants.

 

Troisième moment de l’entretien

Evidemment, le moment de l’entretien le plus riche en détails est celui qui concerne les croyances. D’abord, nous avons eu un total de 42 parents (G1 : 16, G2 : 13, G3 : 10) utilisant d’autres alternatives de soins avant de consulter un médecin (Cf. Tableau 31).

Parmi ces choix de traitement, l’automédication occupe la première place et les médications les plus acceptées sont les médicaments anti-inflammatoires (surtout la Dipirone, médicament peu cher) combinés avec des tisanes et des brossages.

Nous voudrions également citer ici les « techniques d’urgence » utilisées, comme le comprimé râpé directement sur la dent et la « cachaça » combinée aux médicaments.

Le pouvoir créatif des gens suit évidemment une logique de pensée gouvernée par les traditions et les tisanes à base de plantes considérées comme médicinales ou, au moins, passibles de guérir, sont un choix de traitement palliatif partout dans le monde.

La différence ici serait peut-être la diversité des plantes et les combinaisons existantes. Les brossages des dents lors des douleurs et les « pansements » avec du dentifrice et/ou du parfum mis dans le « trou » de la dent sont également choisis comme alternative de soins avant la visite au cabinet dentaire.

Les récits (Cf. Chapitre VI -Résultats) à propos de ces choix nous rappellent un peu la théorie des « vers des dents » (Cf. Chapitre II) et tous les outils utilisés afin de les « tuer ».

Selon Gorelick et Gwinnett (1987), le développement de cette pensée est lié à une perception rationnelle et à un environnement agricole ou rural.

Mais nous faisons ici une association et constatons le maintien d’une partie de cette théorie chez une population moins favorisée qui a gardé quelques aspects de la théorie des « vers » en raison d’un manque d’éducation formelle ajouté aux croyances traditionnelles et superstitions.

128 BELCHER, D. (1898) cité par Wright et alii., 1973a.

Les patients du groupe 1 et 2 sont ceux qui ont le plus recours aux choix alternatifs, soit à cause de la distance des centres de soins, soit par tradition familiale et sociale. Il n’est pas possible dans la région de nier ces types de soins et nous comprenons que le professionnel de santé devra adapter son système de soins à la réalité culturelle et socio-économique du patient.

Dans le groupe 2, tous les patients passent par une phase plus ou moins longue d’autotraitement. Pouvons-nous parler d’une sous-utilisation des systèmes de soins ou d’une automédication, associée ou non à une négligence du symptôme nouvellement apparu, mais, dans ce milieu, l’aspect des croyances surtout joue un rôle primordial.

De nombreux aspects familiaux interagissent avec la décision du recours au système de soins officiel et déterminent le délai précédant la première consultation.

Il s’agit notamment de la perception qu’ont les membres de la famille de la maladie, du monde médical et de son pouvoir, de leur utilisation de mécanismes tels que le déni ou l’évitement, du rôle tenu jusque-là par le membre malade et du degré de rigidité des limites qui séparent la cellule familiale du le monde extérieur.

Il faut alors mentionner que, dans le groupe 2, nous avons un grand nombre de parents (13) qui suivent d’autres choix de traitement que les traitements médicaux (Cf. Tableau 31).

Nous ne voulons pas dire que le soin médical serait le plus indiqué, mais nous voulons montrer combien compte l’aspect des croyances et des conditions économiques dans ce groupe. A cause de la peur d’une mauvaise réponse organique chez l’enfant, par exemple, nous pourrions penser qu’il serait difficile de suivre d’autres règles que les règles médicales.

Pourtant, même si les enfants de ce groupe sont passés par un lourd traitement médical, les résultats montrent que les parents croient dans la guérison du cancer et ont une réadaptation tranquille, sur ce point. Il est clair que ce soutien familial est un aspect fondamental du processus de résilience de l’enfant.

Willumsen (2004) montre une perspective analogue dans une étude sur la peur dentaire chez des enfants ayant connu un traumatisme, par exemple un abus sexuel.

Nous pouvons utiliser quelques-unes de ses considérations conclusives et les rapporter au sujet du cancer : l’auteur nous confirme que les enfants vivant dans une ambiance stable et jouissant du soutien de la famille sont plus enclins à acquérir une plus grande résilience en terme de développement psychologique et social.

En outre, ils sont moins enclins à développer des problèmes psychologiques dans l’avenir.

L’aspect temporel semble jouer un rôle positif dans la résilience et le fait d’avoir eu le cancer dans l’enfance semble avoir son importance pour l’individu qui arrive à considérer la maladie comme faisant partie « du cours de sa vie » (LAZARUS et FOLKMAN, 1984 cités par BOWMAN et alii, 2003).

Evidemment, les conditions socio-économiques peuvent s’imposer et des problèmes courants (difficulté d’accès aux soins , manque d’aide à la maison pour garder les autres enfants, etc.) l’emportent sur le fait que l’enfant a été soumis à un lourd traitement médical et qu’il doit, impérativement, aller à l’hôpital : une fois l’enfant guéri, on peut essayer les soins à la maison, avec les traditions et la foi.

Dans le groupe 3, avant d’aller chez le médecin, 8 parents avouent donner des médicaments à la maison afin de minimiser la douleur ou un malaise chez l’enfant.

Ils ne sont pas accoutumés aux tisanes.

Toujours à propos du soulagement de la douleur, on a demandé aux parents s’ils avaient l’habitude de prier afin d’atteindre ce but.

Mais, dans les trois groupes, seules deux personnes du groupe 1 ont avoué prier pour soulager les maux de dents. A vrai dire, il semble que les dents sont oubliées, on les néglige… Prenons le récit d’une mère du groupe 1 et remarquons cet aspect dans son discours.

Elle a déjà entendu parler de gens qui prient pour que les dents se cassent et qu’ainsi ils en finissent avec le mal, la douleur. Pour sa part, elle ne prie pas, mais elle a du respect pour la croyance car elle vient de la province :

« (…) j’avais une amie qui disait que si elle priait pour un mal aux dents, la dent cassait.

Elle disait ça. Elle a dit que c’était une douleur, mais une douleur… elle a dit qu’elle casse la dent. Elle dit que la dent sort vraiment. (…) elle le faisait : prière pour le mal aux dents. Mais, j’ai jamais vu ça, mais le peuple vous savez, hein, que là-bas, dans la province le peuple sait. »

Mme Ivone, mère de F., 6 ans, groupe 1

Cette confiance dans la connaissance populaire maintient la vivacité des croyances et nous notons que dans ce milieu cela peut tout à fait coexister, «vivre» avec les connaissances scientifiques des médecins.

D’où une nécessaire malléabilité, surtout de la part du professionnel de santé qui doit chercher à comprendre les croyances qui font partie de l’établissement des concepts de santé du patient et voir jusqu’où elles pourront être vraiment compatibles avec son état de santé.

Le sujet de la foi est encore abordé quand nous posons une question sur la religion.

La majorité des parents est catholique (G1 : 10, G2 : 10 et G3 : 11; cf. Tableau 32), seuls cinq parents n’ont pas de religion et un seul ne sait pas. Cette prédominance catholique montre que la principale religion au Brésil, la religion catholique (Cf. Tableau 38), a encore un certain pouvoir dans le choix religieux des gens.

Selon les réponses des parents, il apparaît que, s’il faut choisir, on choisit la religion catholique, parce que c’est « correct ». Nous tirons cette conclusion des affirmations étonnées des parents lorsque la question a été posée.

Une mère, appartenant au groupe 1, a répondu que sa religion était « la normale, la catholique », comme s’il ne pouvait pas y avoir d’autres religions…

Religions%
Catholique73,3
Evangélique (protestant)15,5
Spirite (kardéciste)1,4
Umbanda et candomblé0,3
Judaïsme0,1
Religions Orientales0,3
Autres1,3
Non determinée0,2
Sans religion7,3

Tableau 38: Distribution des religions dans la population brésilienne (CI ADA ESCO LA, 2006b)

Nous avons aussi remarqué que le choix de la religion est un fait lié à un bien-être individuel. Chacun a une raison propre de suivre ou non une religion et il est intéressant de voir que dans une même famille les gens peuvent avoir des religions différentes, pour des raisons aussi diverses.

Nous n’avons pas vérifié seulement un attachement à des religions spécifiques, mais aux croyances en général. Fait qui peut donc être associé à des situations et expériences de vie particulières.

Le groupe 2 montre que les perspectives religieuses sur la foi peuvent, lors d’un cancer, aider le praticien à mieux guider les patients dans leurs choix, comme le considère Astrow et alii. (2005).

A l’intérieur de ce topique de la religion et des soins alternatifs à la maison, on a posé la question des visites aux guérisseurs.

Les groupes 1 et 2 ont une bonne quantité de parents qui l’ont fait (G1 : 13; G2, 10), mais le groupe 3 ne s’éloigne pas beaucoup de ce total avec 8 parents apportant une réponse positive à propos de ces visites (Cf. Tableau 33).

Pour nous, il s’agit là d’un élément intéressant de la recherche, parce que nous revenons à un des points de départ de l’étude : le contexte culturel de la population. Et nous constatons qu’au Brésil il existe un attachement aux croyances traditionnelles même chez une partie des habitants de milieu favorisé.

Précisons cependant que la plupart de ces parents dédaignent ce type de soins et que, à notre avis, ce manque de « confiance » dans les pratiques de soins alternatives de la part des parents eux-mêmes a contribué à ce que les enfants de ce groupe ne soient pas influencés par ces croyances.

Le total des parents qui ont déjà amené leur enfant chez un guérisseur a été de 31 et, évidemment, il fallait s’enquérir des objectifs de ces visites. Dans le groupe 1, les 13 mères qui avaient déjà conduit leur enfant chez un guérisseur l’avaient fait pour guérir un mauvais-œil.

C’était là la raison principale car, la vie du bébé étant menacée, il fallait enlever le danger par le biais des prières ou d’un remède spécifique trouvé surtout avec l’aide des guérisseurs ou des bénisseurs de la région.

Notons que, dans ce groupe, nous avons eu la présence d’une mère qui priait, elle-même et se présentait comme bénisseuse (Cf. Chapitre VI- Résultats).

Le groupe 2 nous montre 10 mères qui ont déjà eu recours à l’aide d’un guérisseur ou d’un bénisseur. Avec, pour raisons principales, le cancer des enfants (6 mères) et le mauvais-œil (3 mères).

Même si nous observons ici une moindre quantité de parents adeptes de ces soins que dans le groupe 1, nous constatons que l’attachement aux croyances a été beaucoup plus intense.

En fait, la maladie a dû potentialiser leur conception traditionnelle, traduite surtout par les croyances associées à la situation de soins.

Parmi les 10 mères qui sont déjà allées chez le guérisseur, sept avaient l’habitude de s’y rendre, (guérisseurs et/ou bénisseurs,) et d’y amener leurs enfants avant la maladie, même ceux qui n’étaient pas malades, ce qui peut renforcer l’influence des croyances dans le milieu.

Dans le groupe 3, la moitié des parents (8) ont déjà conduit leurs enfants chez un bénisseur principalement pour enlever le mauvais-œil. De plus, quatre parents avouent que les bénisseuses appartiennent à leur propre famille (ce sont des grand-mères, des tantes…).

Autrement dit, ces exemples renforcent pour nous le fait que les gens gardent leurs croyances et, même si certains les dédaignent et s’il existe un rejet évident du fait, ils se rendent chez le guérisseur parce qu’on en a gardé la tradition quelque part et qu’il vaut mieux ne pas s’en débarrasser.

Ce résultat de la recherche nous amène à penser à la signification des croyances et/ou de la santé et de la maladie dans le groupe le plus favorisé.

Nous empruntons encore l’idée d’Abdelmalek et Gérard (1995) sur la maîtrise de l’imprévisible de la vie, la maîtrise de l’inconnu, pour arriver ainsi à l’essai de compréhension de la maladie par l’individu…

Ce désir de contrôle montre que l’individu est toujours à la recherche du sens et que ce désir veut également englober les croyances des sujets chercheurs d’un entendement.

Or, dans le cas de la maladie, nous voyons que l’aspect classe sociale rajoute des éléments relationnels aux croyances, dans la relation santé-maladie.

Luc Boltanski (1969) fait une belle association entre la « médecine savante » et la « médecine populaire » en expliquant que l’origine de plusieurs préjugés populaires se situe dans les croyances passées de la médecine savante.

En fait, l’auteur souligne que, dans les techniques d’éducation, à partir du moment qu’on parle de « classe populaire », on détermine « deux corps de savoirs » distincts, « deux médecines parallèles », la médecine savante- guide des membres des « classes supérieures » et la médecine populaire, en relation avec le comportement des membres des « basses classes ».

C’est bien ce que l’on fait implicitement lorsque, en les nommant « populaires » on suppose une origine elle aussi « populaire » aux remèdes et aux techniques du corps que l’on recueille de la bouche des membres des basses classes.

Pourtant, les remèdes qu’appliquent souvent aujourd’hui, au mépris de la médecine légitime, les membres des classes populaires, et les règles qu’ils suivent dans les soins donnés à leurs nourrissons, n’ont pas été de tout temps étrangèrs à la médecine :

« (…) C’est donc bien, semble-t-il, dans la médecine savante des siècles passés qu’il faut aller chercher l’origine de nombreux préjugés populaires.

Mais la médecine est oublieuse d’elle-même : luttant contre les préjugés populaires, la médecine lutte souvent, sans toujours le savoir, contre son propre passé » (BOLTANSKI, 1969, p.57) »

Pour la question spécifique demandant si les parents croient aux bénisseurs et/ou guérisseurs, nous avons eu un total de 28 parents répondant par l’affirmation. Ce résultat correspond assez aux 31 parents qui ont déjà rendu visite à un guérisseur.

Dans le groupe 1, 12 mères disent y croire, mais cela ne correspond pas aux mères qui ont déjà amené leurs enfants chez le guérisseur : certaines mères se montrent dédaigneuses et disent que c’est plutôt le résultat de l’influence de la grand-mère de l’enfant.

Dans la mesure où existe dans ce groupe un balancement par rapport à l’attachement aux croyances, nous pensons que le lien du thème au groupe 2 est plus fort. Certes, ce lien sera potentialisé par les caractéristiques de ce dernier groupe.

Dans le groupe 2, nous avons 11 mères qui croient aux bénisseurs et guérisseurs; l’une d’elles se dit très catholique et très croyante et n’a jamais fait de visite de ce genre car ce type de soins n’existait pas là où elle habitait avant.

Une mère hésitante raconte qu’elle préfère prier au lieu de croire à « ce type de choses », mais il ne faut pas penser que celles qui hésitent sur cet aspect n’ont pas de foi.

Par rapport au rituel fait par ces guérisseurs et bénisseurs, les prières sont citées dans tous les groupes. Pourtant, il existe une grande variété d’approches attribuées aux guérisseurs et il est difficile de les classer de façon exclusive.

Nous convenons avec Lewis, Rudolph Mistry et alii (2004) que leurs approches peuvent avoir influencé leur méthode de guérison (herbalisme, spiritualisme). Leurs, perceptions sur l’étiologie de la maladie sont complexes et également sujet d’une recherche plus approfondie.

Les rituels plus communs sont les sessions de prières (G1 : 7, G2 : 5, G3 : 2; pour les détails, Cf. Chapitre VI- Résultats et tableau 33) et, parallèlement, les sessions de prières faites avec des plantes sont aussi très recherchées dans le groupe 1, où 4 parents les ont décrites.

Les parents du groupe 3 préfèrent chercher les bénissements (4 parents sur les 8 qui sont allés chez le guérisseur/bénisseur).

Parmi les parents qui le font, la nécessité d’avoir recours à ce soin alternatif semble s’arrêter avec le développement de l’enfant.

Ainsi, à partir d’un certain âge (entre 3 et 5 ans, c’est très variable), les parents du groupe 1 ne les emmènent plus; ceux du groupe 2 (cinq parents) admettent s’adresser à l’église (bénissements) et dans le groupe 3, deux parents également profitent des prières pour bénir leurs enfants après un certain âge.

Cela peut nous renvoyer à la question du rôle du médecin et du guérisseur et du moment où il faut lâcher les soins traditionnels : les parents interrogés agissent différemment et ce sont les mères qui déterminent ce moment.

Les parents, eux mêmes, n’ont pas l’habitude de se faire soigner par les guérisseurs, et nous avons un total de 3 parents qui le font, soit un parent par groupe.

Il convient de souligner que les mères séparent bien ce que le médecin doit guérir et ce que le guérisseur/bénisseur doit enlever.

Ce qui veut dire que les fonctions sont bien déterminées par les parents (Cf. Extraits des entretiens dans le chapitre des Résultats).

Quatrième moment de l’entretien

Profitant de cette « distribution des rôles », nous avons demandé l’avis des parents sur le système de santé trouvé à Brasilia et dans les alentours. Les parents qui profitent du système public ont plus de réclamations : dans le groupe 1, dix parents trouvent le système pénible.

Les raisons données révèlent un triple manque : il n’y a pas d’hôpital; il n’existe pas un nombre suffisant de dispensaires et il y a un grave manque de médecins et/ou de dentistes dans cette région. Les autres parents du groupe trouvent que le système est moyen (cinq), voire bon (un seul).

Dans le groupe 2, les mères sont habituées à se rendre dans un hôpital public, pourtant cela ne veut pas dire que cette nécessité puisse leur plaire: 11 mères racontent la difficulté de partir à la recherche d’un bon médecin ou d’un bon dentiste dans les dispensaires proches de leur demeure; il faut aller loin et/ou dans le centre de Brasilia.

Les cinq autres mères trouvent le système moyen lorsqu’elles aiment les dispensaires et à leur avis, dans un cas plus grave, il n’y a qu’à partir à Brasilia.

Ces évaluations subjectives des parents sur la qualité des soins nous mettent en accord avec Nations et Nuto, 2002 à propos de cette relative concordance présente ici chez 6 parents du groupe 1 et 4 du groupe 2: le fait de ne pas fréquenter un dentiste en privé ou un centre mieux équipé met les patients moins favorisés dans une place où ils n’ont pas de base comparative permettant de juger la qualité des soins reçus.

Ce manque de repères les rend satisfaits, non nécessairement de la qualité, mais de l’accessibilité, quel que soit le type de soins.

Le groupe 3 montre une satisfaction liée aux bénéfices de la mutuelle et ceux qui payent un médecin privé disent que les soins sont justifiés par le prix qu’ils payent; donc le système est bon pour 15 parents.

Néanmoins, un des parents rapporte encore une certaine difficulté à trouver un bon pédiatre pour son fils, affirmant un mécontentement lié à un caractère plus critique du système.

Le rapport praticien-patient se présente de telle sorte qu’au total, 38 parents évoquent une bonne relation avec leur médecin et/ou dentiste.

Le groupe 1 est le seul où nous avons rencontré des parents qui n’ont pas toujours une bonne interaction (6) et deux parents n’osent même pas parler pendant une consultation.

Nous insistons sur cet aspect, surtout quand on prend en considération notre population de recherche.

Les parents des groupes moins favorisés sont habitués à une relation de soumission, ils sont enclins à accepter sans questionner les recommandations des praticiens, tandis que, dans le groupe plus favorisé, nous notons une contestation plus présente, même si le résultat des réponses « oui » et « non » est différent.

Or, nous avons trouvé dans le travail de Selikowitz (1996) un appui au sujet de la minimisation des différences dans la relation thérapeutique : une interprétation trop différente entre patient et dentiste peut avoir des conséquences sérieuses pour l’éducation en matière de santé et la compliance du patient.

Le jeu du corps du praticien renvoie à la communication existant dans la relation thérapeutique et la présence d’un médecin au sein d’une population moins favorisée économiquement peut sembler quelquefois un fait extraordinaire et béni.

Déjà le respect marqué au professionnel de santé, principalement le médecin, celui qui « donne la vie », « une autorité », nous renvoie à l’expérience d’une population pauvre : on a, pour le chirurgien-dentiste, une sorte de respect préalable à la présentation du praticien, sans que soient dits les noms ou prénoms.

En réfléchissant, nous pouvons nous demander si les expressions de respect et d’attention étaient suscitées par le fait d’avoir le professionnel chez soi , ainsi « on lui doit un peu de respect… »; Ou bien était-ce la peur que cette personne, le dentiste, puisse leur faire quelque sorte de « mal » ?

Dans les communautés moins favorisées, le dialogue est plus accepté néanmoins, surtout chez les plus pauvres, l’ordonnance médicale leur est indispensable, car c’est par le biais des médicaments qu’ils peuvent croire aux soins de santé : ils sont la preuve matérielle que le docteur a mis en pratique la médecine officielle.

Pour le chirurgien-dentiste, cette preuve peut être symbolisée par le besoin qu’ont les personnes d’avoir une dent arrachée, une prothèse mise en place ou tout simplement un « trou bien rempli » lors d’une consultation. Le travail de prévention étant ainsi difficile à comprendre.

Évidemment l’attention manifestée par le dentiste au patient joue également un rôle dans l’amélioration de son activité professionnelle : il est face à une analyse de son travail, de ce que son travail signifie pour les personnes, pour lui-même et aussi devant une perception des difficultés du patient.

Et c’est dans ce sens que le praticien doit dépasser ou au moins équilibrer l’objectivité scientifique, la base de sa théorie professionnelle.

Quand le professionnel n’atteint pas les « désirs » subjectifs du patient, le malade peut demeurer avec un sentiment de menace, à propos de laquelle il n’a pas eu d’information ni n’a obtenu de remède. La protection s’est transformée en insécurité.

D’autre part, croire au fait que « les médecins annulent tout ce qui est de l’ordre de l’affect, de l’émotion, de l’archaïque, tout ce qu’ils ne peuvent pas dominer »129 serait peu utile, car on met ainsi en évidence une façon unilatérale de voir la pratique médicale.

Nous ne pouvons pas être d’accord avec cette manière de voir, même si nous considérons que la médecine officielle peut parfois ignorer les croyances des gens.

Evidemment, le processus de guérison initié par cette médecine ne peut plus ignorer les pensées subjectives, les sentiments et les croyances, mais nous ne pouvons pas culpabiliser la médecine officielle en lui reprochant d’annuler la subjectivité d’un peuple, car il n’est pas difficile de trouver des personnes qui préservent leur foi et leur confiance au médecin.

Assez souvent, nous observons de la gratitude et un sentiment de plus grande sécurité par rapport à sa propre santé et à celle de sa famille, grâce à la simple présence d’un médecin dans un lieu éloigné des centres de soins : cela réconforte, apaise les chagrins (Cf. Chapitre VI-Résultats- Extraits).

Dans les réponses des parents, deux facteurs, le comportement chez le dentiste et les concepts de la maladie, sont à la base de la plupart des divergences dans les résultats.

Ainsi, la question posée sur la cause des caries ou des maladies buccales mérite d’être citée vu que les parents ont, en général, une idée assez raisonnable de cette étiologie puisque 39 sur 48 rendent responsable le sucre et le manque de brossage (isolés ou associés; cf. Tableau 36).

Cependant, l’état de santé buccale et l’importance attribuée à la santé bucco-dentaire sont contradictoires au vu de ce dernier résultat, en raison de la présence de négligence- forme d’un manque d’éducation, associée aux conditions économiques.

Cette contradiction peut être également démontrée par le manque d’intérêt pour les consultations préventives mais, en même temps, les parents savent où ils peuvent trouver de l’aide à proximité.

Il faut donc retenir le fait que, même si les responsables connaissent le risque que représente le sucre dans le régime alimentaire de l’enfant, il est difficile de se délier d’une habitude qui apparemment a toujours bien fonctionné dans la famille :les aliments sucrés sont vus comme des apaisants et aussi des récompenses pour l’enfant qui se porte bien.

129 MAFFESOLI, M. cité par Ghiorzi, 2002, p. 107

Il peut arriver qu’au moment d’une consultation, devant une situation de précarité de l’état buccal et de négligence de l’hygiène générale de l’enfant, le professionnel juge nécessaire d’interroger le responsable (la mère, le père ou l’accompagnant) et il est courant que celui-ci se mette en dehors de la situation, et prétende n’avoir aucune relation avec le problème ou bien donne des raisons basées sur ses croyances.

« Docteur, je pense que quelque chose de mal, vous savez, une sorte de malédiction existe dans la bouche de ce gamin… Je vous dis ça parce que lui, il n’a aucune dent saine.

Pourtant son frère, le petit, vous pouvez bien regarder, il a de belles dents! » Un témoignage tel que celui-ci nous montre clairement que cette mère a ses propres croyances sur l’étiologie du problème, et dans certains cas, cela peut rendre difficiles les démarches d’éducation en matière de santé.

Ce fait doit être pris en considération et on doit lui accorder de l’importance car « les messages reçus dans l’enfance sont enregistrés dans l’imaginaire de telle manière qu’ils peuvent créer des interdits, des blocages au niveau des impressions et des idées sur l’avenir et même dans les relations avec les autres.130

Si cette mère a accès aux informations pertinentes dans le domaine de la santé, elle ne profite pas bien de ce qu’elle reçoit. En fait, elle croit ou bien elle préfère croire en « quelque chose » qu’il n’est pas possible de maîtriser.

Cette pensée devient, de son côté, compréhensible, quand la précarité des conditions de santé, éducation et emploi sont éminentes et, souvent, les familles ne pensent pas qu’il faille dépenser de l’argent en achetant des brosses à dents, par exemple, étant donné qu’en réalité l’argent manque pour acheter l’alimentation dont la famille –nombreuse- a besoin.

C’est faire une observation très pertinente sur les Brésiliens, en général, que d’admettre que les gens ont de la souplesse pour contourner l’adversité, se servir de l’astuce, du silence, de l’humour dans un quotidien souvent difficile (GHIORZI, 2002).

Les attitudes des parents face aux soins de santé

Questions spécifiques pour les parents des enfants du groupe 3

Considérons à partir de maintenant les questions posées spécifiquement aux parents des enfants ayant déjà connu le traitement oncologique.

L’expérience médicale précédente chez l’enfant joue ici son rôle et nous sommes en accord avec Bailey et alii (1973) que les problèmes de comportement rencontrés lors des soins peuvent être des manifestations directes de cette expérience.

130 Au sein de la famille on construit aussi la confiance et la conception des pratiques de santé.

« Quand la famille n’arrive pas à résoudre son problème de santé, c’est dans le réseau social qu’elle cherchera le soutien qu’elle juge nécessaire : les voisins, les amis, l’église, les guérisseurs et les professionnels de santé .» (…)

« Le quotidien d’une famille est marqué par des mythes, des rites, des valeurs, des héros, des secrets, des non—dits qui constitueront aussi la mémoire familiale » (…)

« Parfois l’histoire dans la famille est si traumatisante que l’individu a besoin d’un peu de magie pour lui donner un sens dans la vie » GHIORZI, 2002, p.126

Tout d’abord, ce qui joue un rôle important dans le contexte du cancer et le rapport avec les soins dentaires, c’est l’aspect esthétique.

Les effets à court et long terme du traitement oncologique (chimiothérapie et/ou radiothérapie) peuvent être néfastes pour la structure bucco-dentaire.

Nous avons déjà parlé dans la théorie de la recherche de l’image du patient et des effets psychosociaux du cancer, mais il faut illustrer maintenant ce point avec les récits des parents sur cette question.

Si l’ensemble du schéma corporel se structure à partir de quelques zones de plaisir, tel que le décrit Bass (1999), on peut considérer que l’image du corps se construit à partir des expériences variées que donne la dimension du contact avec le monde environnant.

Chez l’enfant, la bouche est une importante zone de plaisir et un lieu stratégique dans la conception de notre auto-image. Pendant un traitement oncologique, plusieurs modifications de la perception de soi interviennent.

Le cancer chez l’enfant touche à cette image et la représentation du corps va se trouver modifiée, ce qui affecte également l’entourage du patient : la perte des cheveux, une radiothérapie mal appliquée, la modification du sourire sont les exemples les plus cités par les parents dans notre recherche.

Nous comprendrons donc que l’apparence de l’enfant n’est pas jugée que par l’enfant lui-même, mais aussi par les proches et la famille (Cf. Chapitre VI- Résultats- Extraits).

Le corps est le point de rencontre de la maladie. Pour que la sortie du cancer soit bien réussie psychologiquement, il faut également que le patient soit en relation positive avec son corps, il faut qu’il se reconnaisse dans sa peau, il faut que son image ne lui soit pas étrangère.

Il semble que, pour les parents, il en va de même : il faut que la mère reconnaisse dans son fils l’image du bébé « gros et beau, qu’il était avant la maladie ». Car l’image du corps n’est pas que l’image de soi et tout ce qui touche à l’esthétique touche à une sorte de beauté subjective.

Ainsi, nous sommes d’accord avec Razavi et Delvaux (2002) qui estiment que l’aspect de ce que les autres voient pourra impliquer encore plus de séquelles psychologiques car le sentiment d’identité, déjà bouleversé chez le patient, ne peut pas toujours être retrouvé ailleurs, dans le regard d’autrui.

Au pire, il sent que la recherche de conformité avec la modification corporelle est présente dans le regard des autres et non seulement dans le sien.

Nous pensons que, selon l’avis des parents, l’intervention psychologique risque cependant de ne pas toujours restaurer l’image et la perception du corps.

Les mères font des investissements en kinésithérapie, cachent la perte définitive des cheveux, essayent de trouver une image plus gaie pour l’enfant par le biais de vêtements, entre autres artifices, afin de transformer ou restaurer l’image corporelle de son enfant. Pourtant, la thérapeutique psychologique reste un peu oubliée.

Seuls les enfants en contact plus fréquent avec l’hôpital ou ayant un comportement plus inquiet rendent visite au psychologue.

Il semble que le plus important pour les parents, la famille et l’enfant soit le rétablissement de l’image corporelle. L’acceptation de la guérison du cancer commence par la reconstruction de l’image. Et c’est ainsi qu’elle doit être réparée, telle qu’elle a été souhaitée et/ou idéalisée.

Nous convenons également que la manière dont les parents eux-mêmes pourront supporter la traversée de cette épreuve permettra à ces enfants de se sentir portés ou, au contraire, « d’être seuls face à leurs souffrances » (BASS, 1999).

Dans ce sens, il nous semble intéressant de noter que les gestes médicaux liés au cancer (nous incluons ici les soins dentaires, surtout les plus invasifs) « modifient les relations de plaisir/déplaisir qu’il entretient avec son propre corps » et, pareillement, cela aura des séquelles sur sa vie affective et intellectuelle. Ainsi, un accompagnement de qualité procuré par les parents et son entourage est primordial (BASS, 1999).

Le temps joue un rôle majeur pendant cette adaptation du processus du cancer. Les acteurs de la maladie prennent leur place. Chacun à son tour, tous à la fois, soudainement ou avec retard.

Le cancer est une maladie imprévisible et cette confrontation à la souffrance psychique et physique et à la mort induit « la tentation de se raccrocher à un passé mythique, des moments dépressifs ou la quête d’un idéal de soin ou de recherche : mouvements de fuite hors du présent et de sa réalité » (OPPENHEIM, 1996, p. 72).

Observons que ces aspects sont tous liés au temps et tout cela peut encore se poursuivre après le traitement et la guérison.

C’est ainsi que les parents ne se conforment pas toujours à la situation actuelle, ce qui fait qu’ils se fixent parfois dans la situation qui était celle de la famille avant l’arrivée de la maladie.

L’étiologie précise du cancer est un sujet complexe, vaste et encore à développer.

Chez les parents, ces doutes se manifestent surtout par une variété et une confusion de concepts : 5 parents ne savent pas (les doutes tournent autour d’une raison génétique, cellulaire, liée à la volonté de Dieu, virale…(Cf. Tableau 37 et Extraits dans le chapitre VI- Résultats); 4 parents savent que le problème était dans les cellules sanguines; 3 parents croient que c’est un problème génétique; 3 que c’est lié à la volonté de Dieu (épreuves, « Dieu sait ce qu’il fait ») et une mère croit que le cancer de son fils est dû à une forte dose de radiation venant d’un micro-onde qui a explosé près d’elle lors de sa grossesse.

Comme le rappelle Donadieu (1999), le praticien dentiste et le médecin en charge de l’enfant cancéreux sont également dans une situation difficile : l’absence de réponses sûres sur l’étiologie de la maladie fait que le professionnel ne peut qu’enregistrer la détresse du patient et de la famille, car il ne peut pas donner de réponse.

Selon 11 parents, le comportement des enfants a été modifié après le traitement et l’enfant est devenu « terrible ».

Le comportement de l’enfant à l’école, cité ci-dessu montre parfois un manque de satisfaction de la part des parents sur le comportement de l’enfant.

Sachant que l’école est un des moyens plus importants de réintégration sociale de l’enfant après le traitement oncologique et guérison du cancer, les parents attendent que la réadaptation scolaire soit ainsi sans problème.

Ainsi, à partir des mots de Bouteyre (2004), nous pensons que la qualité du vécu scolaire est en correspondance avec le processus de résilience de certains enfants.

Nous accordons avec Bouteyre (2004) que faire preuve d’une réussite scolaire peut être « le garant d’une bonne santé mentale » et dans le cas particulier de ce groupe de notre travail, cela s’applique également, ce que nous fait apprendre par l’auteur qu’il peut exister de nouveaux facteurs de réussite qui se montrent plus marquants dans le champ de la résilience.

La modification du comportement décrite par les parents est caractérisée par des enfants plus fermés et tristes.

Dans le sein de la famille, la plupart des mères (11) relatent une détérioration des rapports familiaux, avec surtout des problèmes avec le père (8 mères), des divorces (2) et une structure familiale déjà problématique qui ne fait qu’empirer.

Nous pensons avec Razavi et alii. (2002a) que diverses réactions familiales sont observées face au milieu soignant qui vont d’une acceptation totale des interventions proposées à une discussion à propos de chaque projet thérapeutique.

Lorsque le dentiste peut ne pas être au courant de tous les aspects concernant la situation familiale de l’enfant, une réaction peut être mal comprise.

Les discordances dans le couple à propos des décisions à prendre dans la poursuite du traitement de l’enfant peuvent entraîner une disposition ambivalente à l’égard des soignants.

C’est ce qui nous amène à partager l’avis de Razavi et alii. (2002a) qui pense que, dans ce cas, l’enfant se trouve peut être placé dans le cadre d’une relation délicate où les proches ont peut être focalisé leur attention sur leurs propres émotions, mettant l’enfant à distance ou adoptant des comportements critiques (soit envers l’enfant, soit entre eux).

On en vient souvent à de nombreux conflits où dominent les sentiments de déception, de colère et les reproches.

Or, selon Waldman (1997), le degré du traumatisme émotionnel auquel l’enfant doit faire face pendant ou après le divorce des parents est en rapport avec quelques aspects parmi lesquels nous citerons: la personnalité des parents; la qualité de leur rapport avec l’enfant et la résilience de l’enfant.

Comme l’auteur le mentionne, ces aspects additionnés à des variables comme l’âge, l’environnement de l’enfant après le divorce, entre autres, pourront faire renaître chez l’enfant des émotions qui, lors des soins dentaires, seront montrées par des signes d’anxiété, dépression, non-compliance ou aggression.

Mais, indépendamment de la situation de soins (type de soin ou une quelconque condition associée), il faut considérer les conditions de développement de l’enfant.

La relation praticien-enfant a été également discutée avec les parents des enfants ayant été soignés pour un cancer. Or, le fait de nier un diagnostic ou bien de laisser le temps passer afin d’avoir « le courage » d’en parler avec le père ou la mère est un sujet de tourment pour les parents.

Nous pensons avec Merino et Sánchez (2005) que l’absence d’une relation cohérente entre professionnel et parent trouble la communication et les malentendus peuvent apparaître plus fréquemment.

Selon Razavi et alii. (2002a), les proches témoignent d’une forte satisfaction lorsque les soignants les ont impliqués dans la situation en les informant sur la maladie et les traitements.

En fait, pour la famille, s’informer auprès des médecins et des infirmières peut être une démarche difficile car souvent, elle croit déranger des soignants perçus comme trop occupés. De plus, les échanges avec les soignants souffrent de l’absence d’espace propice à ceux-ci en milieu hospitalier.

La famille peut également craindre les réponses des soignants et, dès lors, ne rien demander. En effet, le degré de technicité et de spécialisation du domaine médical rend parfois difficile la formulation d’une information claire et cohérente de la part des soignants, ce qui peut alors accroître l’anxiété et le sentiment d’impuissance des membres de la famille.

Les questions ici portent également sur l’avis des parents et des enfants à propos des fréquents aller-retours à l’hôpital pour les plus divers examens de routine, des consultations périodiques ou bien une urgence.

La longue durée du traitement et la continuelle situation de menace sont associées aux sentiments d’exhaustion et de dépression lorsque les parents et/ou l’enfant peuvent ne pas arriver à percevoir une fin de la souffrance.

Selon les résultats, 10 enfants ne semblent pas être particulièrement gênés et aiment aller à l’hôpital (là- bas ils jouent, ils ne sont pas à l’école, ils sont habitués, ils grignotent…); les 6 autres n’aiment pas s’y rendre car ils associent toujours l’hôpital aux réminiscences de leur souffrance pendant le traitement oncologique.

De leur côté, les parents n’aiment pas toujours l’ambiance hospitalière : 16 disent ne pas l’aimer (6 déclarent que l’obligation d’y aller ne leur fait pas de bien; 6 parents ont peur de la rechute ou des mauvais souvenirs; 3 sont fatigués et 1 a peur des médecins).

Or, selon Huizinga et alii. (2003), le manque de contrôle de la situation par l’enfant est noté surtout par la restriction de liberté (incapacité d’aller à l’école, de jouer), ce qui peut évoquer des sentiments de frustration.

Dans ce cas, l’évaluation de la situation est fortement dépendante de la vitesse de déplacement des niveaux de développement et, ainsi, de la durée de la situation.

Nous considérons, donc, que chez les enfants de la recherche, lorsque cette restriction est surmontée physiquement, ils parviennent à profiter de la situation en tant qu’enfants, avec leur imagination ludique. Cet aspect devient ainsi important dans le développement de leur résilience.

D’un autre côté, chez les parents cette incertitude est montrée surtout par les effets à long terme du traitement et les possibilités de récidive.

Le manque de contrôle signifiera des sentiments tels que l’impuissance; l’enfant et les parents n’arrivant pas et ne pouvant pas avoir beaucoup d’influence directe sur le processus du traitement médical.

Néanmoins, les recherches sur ce sujet sont principalement américaines et britanniques et offrent très peu de renseignements pratiques, car les enfants appartenant à d’autres cultures peuvent réagir différemment.

Ainsi, dans une étude de Huizinga et alii. (2003) sur les réactions de l’enfant lors du cancer de leurs parents, on explique que, dans un groupe américain, les enfants ont eu significativement plus de problèmes émotionnels et comportementaux que dans un groupe d’origine hollandaise.

Précisons que, aux Pays-Bas, le système de soins organisé pour le patient cancéreux (et sa famille) est différent de celui des autres pays, car la totalité de la population a droit à la sécurité sociale et les inquiétudes sur les dépenses médicales n’existent pas.

De telles variations dans les systèmes de santé publique peuvent occasionner des différences dans la façon dont les enfants font face à la maladie de leurs parents (HUIZINGA et alii., 2003).

Dans ce processus de guérison et de retour à l’hôpital, il faut relever un autre point important, la relation qui a été établie avec l’équipe professionnelle lors du traitement oncologique.

Les patients et la famille maintiennent un lien très fort avec les praticiens et cela aide dans la compliance et la résilience. Il faut insister sur cet attachement précis aux soignants, surtout de la part des parents.

D’un autre côté, les résultats nous montrent alors un fait spécifique propre à la situation de soins dentaires : la limitation de la relation thérapeutique aux procédures techniques.

Les parents évoquent la « convenance médicale » à propos des prises de décision (moment de révéler le diagnostic, avenir du patient, séquelles…).

Et dans ce cas, nous partageons l’analyse de Galinie (1981) qui résume la situation de soins en la limitant à deux possibilités extrêmes, deux attitudes limites :

. La première limite est celle du praticien dentiste aux gestes « strictement techniques » qui s’appuie sur la situation clinique et laisse de côté le patient, alors transformé en « objet de réparation » qui trouve dans l’attitude régressive une solution de refuge.

. La deuxième limite montre le praticien comme le détenteur de la fonction magique de soigner, où tout est « geste, rite, cérémonial » (GALINIE, 1981).

Par la suite, ces limites nous rappellent les facteurs qui interviennent dans la situation de soins, aspects appliqués surtout en fonction des besoins du patient.

Pourtant, la gestion de ces besoins ne devient évidente qu’à partir du moment où le traitement comprenant toutes les interventions d’un praticien de santé (incluant les instructions et les mesures préventives) qui auront pour effet d’altérer la condition d’un patient, est bien entendu.

Une fois celles-ci correctement identifiées, la gestion de chaque cas peut comprendre l’absence de traitement; l’observation; le traitement par le dentiste; le traitement par le dentiste après consultation avec un autre professionnel de santé; le renvoi du patient à un autre professionnel de santé pour la prise en charge de besoins spécifiques et le suivi de tout autre traitement prodigué.

Conclusion :

Notre étude s’était donné pour but d’analyser les réactions d’enfants brésiliens venus de milieux favorisés et non favorisés lors des soins dentaires ainsi que les attitudes des parents à l’égard de la situation de soins et de la souffrance de l’enfant. Avec l’espoir d’avancer, à travers ces observations, dans la compréhension des aspects psychologiques des patients confrontés à la clinique dentaire.

Le fait de mettre en place les aspects psychologiques du patient qui jouent un rôle important dans un milieu chargé d’objectivité et de technicité a suscité beaucoup de réflexions pendant la recherche.

Nous avons adopté deux approches de travail relativement essentielles: une voie clinique, avec l’observation du comportement lors des soins dentaires et une voie que nous qualifierons de quasi anthropologique, qui passe par le biais des entretiens de recherche.

Etant donné que les conclusions d’une étude sont déterminées en grande partie par le choix méthodologique, nous avons adopté un ensemble de méthodes incluant l’observation, l’enregistrement des soins et l’entretien de recherche.

Cela nous a aidée à acquérir une connaissance plus forte du contexte social des patients et à vérifier ainsi son influence sur les attitudes des parents et les réactions de l’enfant.

Cet ensemble d’approches nous a permis de parvenir à quelques conclusions et, à partir du repère théorique et des données recueillies, nous avons pu formuler certaines réponses.

Nous observons en effet l’influence des croyances sur les attitudes des parents appartenant aux groupes 1, 2 et 3, avec une pertinence signifiante dans les groupes 1 et 2. Les réactions des enfants montrent un comportement plutôt collaborateur et positif.

Quelques considérations sur les comportements observés doivent être ici rappelées. Ainsi, dans la population d’enfants du groupe 1, les réactions négatives plus marquées ont une explication : d’une part, la peur de l’inconnu chez les enfants et d’autre part, le transfert des croyances des parents sur la situation de soins.

Parallèlement, il nous semble que les réactions positives plus nettes d’un côté, s’expliquent par la curiosité des enfants envers le dentiste, le cabinet et la situation de soins et de l’autre, reflètent l’obéissance aux demandes des parents en quête d’une attitude coopérative lors des soins.

Cette aspiration des parents est, quant à elle, motivée par l’intention de participer au système officiel de santé, d’autant plus que la visite dentaire est une opportunité très rare dans leur milieu.

Dans le groupe 2, une partie significative des enfants a présenté un comportement plutôt positif. Cependant, chez les enfants où a été observé un comportement négatif, les réactions ont été beaucoup plus exacerbées que dans les autres groupes.

Même chez les enfants dont les réactions étaient plutôt positives, lorsque des réactions négatives sont apparues, elles ont été plus exacerbées que chez les enfants des groupes 1 et 3.

Ce que nous expliquons par l’expérience de la souffrance vécue lors du traitement oncologique, que la situation de soins dentaires ne fait que rappeler.

Nous identifions des réactions presque totalement positives chez les enfants du groupe 3, résultat qui contraste avec les groupes 1 et 2.

Pour nous, ce comportement est dû d’abord à l’habitude des enfants, qui expérimentent la situation de soins dentaires depuis longtemps. Ensuite, nous pensons que les parents ont transmis leur logique « rationnelle » à leurs enfants.

Les attitudes des parents en matière de santé nous montrent que, pour les parents du groupe 1, il y a eu, dans tous les cas, un attachement aux croyances, explicable, tout d’abord par le manque d’accès au système de santé « officiel », ensuite par le faible niveau de formation et d’éducation des parents à qui manque l’expérience scolaire, et enfin, par la grande influence des traditions sur leur logique de pensée.

Chez les parents du groupe 2, nous remarquons que l’attachement aux croyances a été beaucoup plus intense que chez les parents du groupe 1.

Nous y voyons l’influence de la maladie qui a dû potentialiser leur conception traditionnelle, traduite surtout par les croyances associées à la situation de soins.

Dans le groupe 3, les attitudes en matière de soins de santé, rencontrées chez la plupart des parents ne sont pas nécessairement conduites par les croyances.

Pourtant, il est à noter que presque la moitié des parents de ce groupe croit aux pratiques traditionnelles et que certains ont amené leurs enfants chez les bénisseurs, suivant en cela le conseil de membres plus âgés de leur famille.

Ce qui révèle, au Brésil, un attachement aux croyances traditionnelles même chez des personnes venant d’un milieu favorisé. De toute façon, un bon nombre de ces parents dédaignent ce type de soins.

Nous considérons que le manque de « confiance » des parents eux-mêmes dans les pratiques de soins traditionnelles a contribué à ce que les enfants ne soient pas influencés par ces croyances.

L’ambition de ce travail était plurielle.

Nous avions pour but de mieux comprendre les comportements et les différentes réactions des enfants lors d’une situation de soins dentaires de même que les attitudes des parents vis à vis de la santé.

C’est pourquoi, nous n’avons pas pu écarter l’importance du rapport praticien-patient dans ce contexte de soins particulier.

A la lecture des résultats obtenus, il semble que d’autres alternatives en terme d’approche peuvent apparaître, ajoutant des éléments positifs dans la constitution de cette relation.

Il s’agit, par exemple, de repenser la possibilité de suivre un protocole de soins et de développer avec les patients, surtout les moins favorisés un système de soins préventifs plus interactif.

L’évolution des études en dentisterie comportementale nous apprend également à distinguer les comportements plus aversifs et/ou pathologiques.

L’identification de ce qui peut en être l’origine demande du professionnel qu’il soit sensibilisé à la psychologie appliquée à la pratique dentaire.

Nous soulignons dans ce contexte que le fait d’observer une situation de soins montre déjà un désir de « dépasser la seule description de la maladie » (ABDELMALEK et GERARD, 1995, p.107).

Si les dernières années ont connu un essor des outils à même d’apporter une amélioration des rapports entre patient et praticien, leur prise en compte par la communauté scientifique peut encore prendre un certain temps.

L’ensemble des activités multi-disciplinaires dans ce milieu pourra montrer que les efforts en terme de prévention de la santé buccale, ajoutés au développement de la technologie en dentisterie aideront à minimiser, voire à supprimer les phobies, les peurs et les troubles du comportement liés aux soins dentaires.

La littérature montre également que les croyances liées à l’odontologie sont associées à la peur ou bien à ce qu’on ne connaît pas, l’inconnu. Il est difficile de se sentir et de se maintenir en totale sécurité lorsque l’on n’a plus les moyens de gérer le corps dans son ensemble.

Il en est ainsi dans la médecine en général. Le patient se sent vulnérable. Vulnérable à cause de sa douleur, de ses sentiments, vulnérable à cause de l’inconnu…

Toutefois, les professionnels travaillent à mettre en rapport des qualités techniques et des critères de pratiques scientifiques plus importants car, à l’université, l’approche des aspects subjectifs (comportements des patients, psychologie, facteurs socio-économiques) n’est pas encore assez prise en considération non plus d’ailleurs que son importance pour la profession.

Effectivement, la mise en place de programmes de compétences sociales destinés aux chirurgiens-dentistes et aux professionnels de santé, en général, serait plus efficace que le fait d’attendre uniquement les changements d’attitudes des patients, par rapport à leurs croyances et au traitement de santé; aussi soulignons-nous, une fois de plus, le caractère essentiel que revêt l’apprentissage de la manière d’interagir avec autrui qui, dans ce cas, n’est autre que le patient.

Certes, quelques-unes de ces considérations et découvertes nous renvoient à des concepts et conclusions déjà acceptés dans le milieu académique, sur les représentations de la santé et de la maladie et sur l’influence du milieu socio-économique.

Cependant, même si nous sommes habitués à faire référence à la santé comme à un phénomène non seulement physique, mais comportant aussi des éléments psychiques et sociaux (SARTORI, 2002), nous observons fréquemment des actions plus intensément concentrées sur le physique.

Ainsi, dans notre recherche, la question de l’auto-critique a toujours été prise en considération.

Le travail nous a amenée à réfléchir à la façon dont nous avons pu agir face au patient et aux choix à opérer dans l’avenir.

Désormais, la position du praticien face aux questionnements déclenchés par cette recherche ne s’arrêtera pas aux conclusions et aux réponses fournies par ce travail.

Bien au contraire, les considérations acquises requièrent un déploiement et un perfectionnement clinique plus grand qui prendra le patient comme l’autre « moitié » de l’ensemble de la situation de soins dont le dentiste n’est pas le seul protagoniste.

Ces éclaircissements sont une aide dans la recherche de la place que nous occupons, en tant que praticien dentiste, dans le système de soins comme dans celle de nos propres représentations de la santé et de la maladie.

Peut être pourrons-nous, à partir de ce questionnement de nos propres représentations du soin qui, le plus souvent, se limitent à une référence exclusive aux sciences dites exactes, atteindre et comprendre les repères du patient, ses besoins psychologiques et les moyens d’intervenir sur son comportement afin de créer une vraie relation d’aide, dans un contexte thérapeutique.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les facteurs psychologiques impliqués lors des soins dentaires aux enfants brésiliens
Université 🏫: Université PARIS 8- VINCENNES-SAINT-DENIS
Auteur·trice·s 🎓:

PAULA DE LIMA SOARES
Année de soutenance 📅: Thèse de doctorat en psychopathologie et psychologie clinique – Ecole Doctorale Cognition, Langage, Interaction
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