Décryptage des mécanismes du marché des bureaux

Décryptage des mécanismes du marché des bureaux

d. Décryptage des mécanismes du marché des bureaux

i. Un marché fragmenté

Acteurs. Comme l’illustre le diagramme ci-dessous, la fragmentation des acteurs sur le cycle de vie du produit immobilier, particulièrement long, rend le sujet complexe. L’interaction entre les différents intervenants est limitéee durant ce cycle, et leurs motivations sont souvent contradictoires.

marché des bureaux

(Disciplines techniques) (Processus de livraison du bâtiment) (Fragmentation / Segmentation)

Ce rapport de l’UNEP souligne clairement le manque d’intérêt convergents ou d’incentives pour réduire la consommation énergétique des bâtiments durant ce cycle de vie. Imaginons l’effet de cette fragmentation sur une opération immobilière : un promoteur fait appel à un constructeur, qui lui-même utilise les services d’un architecte. Pour construire un bâtiment durable, il s’adjoint les services de plusieurs corps de métiers et d’un BET.

Une fois le bâtiment livré, et loué à un ou plusieurs utilisateurs, le promoteur vend son immeuble loué à un investisseur et choisit un property manager, et un facility manager pour gérer l’immeuble. La construction durable modifie la manière de construire, de gérer et d’occuper un immeuble. La bonne réussite d’une telle opération nécessite donc de l’ensemble des intervenants soient informés de ces nouvelles méthodes, soient formés correctement sur des nouveaux outils technologiques et que l’occupant soit parfaitement informé du nouveau mode d’emploi.

Produits

La seconde difficulté soulignée dans le même rapport est liée à la dispersion importante de la typologie d’immeubles.

Décryptage des mécanismes du marché des bureaux

Bien que le secteur immobilier représente le premier levier de réduction de consommation énergétique, cette opportunité repose sur des millions de bâtiments individuels, qui représentent chacun des spécificités et des interventions très différentes.

Le potentiel de réduction est bien plus important sur les unités les plus grandes. Contrairement à certains secteurs économiques, cette spécificité du marché immobilier rend plus limité et plus délicat l’effet d’une politique gouvernementale à grande échelle.

Conséquence de cette règle générique : les investisseurs et utilisateurs auront un défi à relever plus ou moins grand en fonction de la composition de leur patrimoine et de la taille de chaque actif.

ii. ‘Breaking the Vicious Circle of Blame’

Telle que notre industrie est structurée, la chaîne des responsabilités, attentes et initiatives est entravée par des intérêts divergents. Bien que les technologies et le savoir nécessaire pour construire des immeubles verts soient connus, chaque acteur tend à rejeter la responsabilité sur l’autre, et le schéma, désormais connu, du ‘Cercle Vicieux du Reproche’ résume bien les freins de l’immobilier durable

Le développement de l’immobilier durable

Le développement de l’immobilier durable passe donc par une sortie de ce cercle vicieux et par une meilleure compréhension des attentes de chaque acteur et des bénéfices qu’ils peuvent tirer du développement durable.

iii. Comprendre la position de chaque profession

Avant d’évaluer en détails les impacts positifs ou négatifs du développement durable pour les utilisateurs, il est important de comprendre les attentes de chaque catégorie d’acteurs.

Investisseurs

Les investisseurs sont concernés en premier lieu par la ‘révolution verte’, car il est de leur ressort de respecter les nouvelles normes de construction ou rénovation, et de maintenir un produit conforme aux attentes du marché. Comment le développement durable impacte t il leur stratégie ?

AttentesRisques liés au DDActions
o Retour sur investissement conforme aux prévisionso Limiter le CAPEX28 pour ne pas plomber la rentabilité.o .. tout en garantissant au locataire un immeuble, des aménagements et des prestations avec le niveau de qualité attendu.o Louer les immeubles pour conserver un taux d’occupation proche de

100%

o .. sur des échéances les plus longues possibles

o Investir dans un immeuble conforme aux dernières normes en vigueur

o Objectif bail triple net (ensemble des charges refacturées au locataire)

o Bâtiment non-conforme donc non commercialisableo Actif conforme mais obsolète ou trop coûteux en charges énergétiqueso Travaux de rénovation mettant en péril le plan d’investissemento Dévalorisation de l’actif par les experts, ou par le marché en cas de mise en vente

o Risque de vide locatif important

o Dégradation de l’image de l’entreprise au travers de l’obsolescence de son portefeuille

o Actif plus coûteux à développer

o Evaluation des performances énergétiques des actifso Estimation des coûts de rénovationo Intégrer la ‘Green Value’ dans les négociations d’acquisitions.o Anticiper la perte de valeur potentielle liée à l’obsolescence

o Disposer d’une cartographie des risques et opportunités liés au patrimoine

o Et Arbitrer son portefeuille en conséquence

Opportunités liées au développement durable

  • o Amélioration de la rentabilité de l’actif sur le long terme en proposant un actif de meilleure qualité avec des charges énergétiques réduites.
  • o Valorisation de l’identité de l’entreprise
  • o Profiter des subventions afin de réduire les coûts de rénovation (ex. Certificats d’Economie d’Energie)
  • o Valorisation du patrimoine
  • o Développement d’une politique d’acquisitions concentrée sur des actifs verts
  • o Profiter de la crise pour rénover des actifs en vue d’une livraison en phase de demande croissante
  • o Etablir un lien privilégie avec les locataires sur la durée, et conserver le locataire sur une durée d’engagement plus longue.

Tous les investisseurs n’ont pas la même approche du développement durable. Les portefeuilles sont très divers, tout comme les stratégies d’investissement. Certains ont saisi l’opportunité de valoriser leur image assez tôt, d’autres attendent les obligations légales pour agir. La nécessité de rénovation énergétique va les impacter de manière très hétérogène.

A l’heure actuelle, la plupart des investisseurs affichent des ambitions vertueuses difficiles à vérifier dans la réalité. A travers son ‘baromètre 2009 sur l’éco-performance des bâtiments’, le site Novethic.fr tente d’établir un palmarès à partir de l’information fournie par les investisseurs, promoteurs, asset managers, et souligne une transparence des performances énergétiques encore limitée.

Ce baromètre souligne des progrès par rapport à la version 2008 et classe les promoteurs devant les foncières et les asset managers. Espérons qu’un jour les utilisateurs pourront disposer d’un palmarès à partir des consommations réelles, comme l’Ademe le propose déjà pour les voitures.

Emergence du concept de ‘Green Value’

La notion de ‘Green Value’ est apparue avec l’émergence croissante du développement durable, et est appliquée aux actifs mais également dans d’autres secteurs. De nombreux articles sont parus sur le sujet.

Dans un rapport dédié à la ‘valeur verte immobilière’ publié par la revue de l’IEIF29, la valeur verte, appliquée à des actifs est définie comme « la valorisation supplémentaire apportée par le biais d’un actif grâce la simple relation qui le lie à des facteurs de développement durable ». Plusieurs études, américaines en particulier, ont tenté avec plus ou moins de succès de chiffrer ce potentiel de valorisation supplémentaire.

Cependant, compte tenu des spécificités géographiques de chaque actif et de contextes de marché très changeants, la neutralisation de ces paramètres de marché n’est pas chose facile. Nous détaillerons ce point dans le chapitre consacré aux impacts financiers pour l’utilisateur.

Dans un article, le groupe de travail ‘Valeur verte en pratique’30 élargit le concept à trois éléments clés composant la ‘Effective Green Value’.

Green Value : turning concept into practise

Source : « Green Value : turning concept into practise » – 2009

La ‘valeur verte’, dans une définition plus large, repose donc sur 3 éléments clés : la qualité intrinsèque du bâtiment selon des normes environnementales, la capacité du gestionnaire à exploiter efficacement l’immeuble et également sur le comportement ‘environnemental’ de l’utilisateur. La plupart des personnes interviewées s’accordent sur l’importance de ces trois facteurs indissociables pour l’atteinte des objectifs de consommation énergétique.

Nous détaillerons les impacts financiers dans la partie suivante.

De nouvelles méthodes pour les promoteurs et constructeurs

Contrairement à l’investisseur, le promoteur a généralement une vision court-terme car il construit l’immeuble pour le vendre après sa livraison. Dans la plupart des cas, il n’a pas vocation à rester propriétaire.

Le principal sujet pour le promoteur est la rentabilité de l’opération. Dans le cadre des nouvelles normes, labels et certifications, il doit désormais intégrer ces nouveaux paramètres afin de satisfaire les attentes de l’investisseur et du client final.

Pour le constructeur, il faut également s’appuyer sur des bureaux d’étude spécialisés dans les bâtiments durables, afin de s’assurer que le bâtiment sera conforme à ces nouvelles normes.

Conséquence de ces nouvelles méthodes, constructeurs et promoteurs doivent anticiper l’utilisation de l’immeuble avec plus de détails qu’auparavant. Si un bâtiment affiche une consommation supérieure aux prévisions, au moins un an après sa livraison, l’investisseur pourrait se retourner contre le promoteur. Néanmoins, comme nous l’avons vu, la qualité intrinsèque du bâtiment n’est qu’un des trois composants de la valeur verte.

Avec le nombre croissant de livraisons d’immeubles certifiés HQE ou LEED, le risque de voir apparaître des procédures judiciaires pour non respect des consommations prévues, n’est pas négligeable. Encore faudra t il démontrer la responsabilité pleine et entière du constructeur ou du promoteur… Afin de limiter ce risque, le constructeur aura tout intérêt à rédiger un cahier de bonnes pratiques environnementales, destiné au futur utilisateur.

Un impact direct sur le rôle de l’Architecte

Les nouvelles règlementations imposent des contraintes supplémentaires aux architectes, d’autant que les délais liés à un projet s’étalent sur une durée de 3 ans au moins. Cela leur impose une approche dite ‘évolutive’ et également d’être accompagné par des BET qualifiés ou d’intégrer ces qualifications en interne.

L’apparence des bâtiments va-t-elle changer ? Probablement. La problématique de l’isolation influence l’apparence des façades. Le vitrage toute hauteur coûte plus cher et nécessite un renfort de climatisation, à moins qu’on ne conçoive une ‘double peau’ destinée à isoler la façade.

Certains craignent que les nouveaux immeubles durables soient marqués par une grande sobriété, une construction a minima et la fin du ‘geste architectural’. Les architectes réunis par DTZ autour de la rédaction du Livre Blanc rappelaient que le concours de la Défense réunissait des immeubles verts et que les résultats présentés ne manquaient pas d’originalité. En résumé, il faudra intégrer de nouvelles contraintes mais cela n’empêchera pas le ‘geste architectural’.

Le même groupe de travail notait que certains éléments doivent être repensés en liaison avec l’immobilier durable : l’escalier à revaloriser pour inviter les utilisateurs à l’emprunter, les profondeurs de plateaux à réduire pour optimiser le gain en lumière naturelle, retour à un régionalisme architectural prenant en compte les spécificités locales oubliées par souci de standardisation.

Le Facility Manager voit son rôle revalorisé

L’émergence de l’immobilier durable remet la gestion énergétique de l’immeuble au cœur des débats, et le rôle du facility manager avec, dès lors que sa contribution active est indispensable à l’atteinte d’objectifs de performance énergétique ambitieux.

Le contrat passé entre le facility manager et le propriétaire du bâtiment pourra inclure une partie ‘incentive’ basé sur l’atteinte de ces objectifs, et l’impact pourra être significative sur le niveau de charges facturé au locataire. La réussite d’une opération passera par une transmission d’information rigoureuse et complète entre celui qui a construit ou rénové le bâtiment et celui qui va le gérer.

Figurant dans la directive européenne 2006/32/CE31 puis dans la loi Grenelle 1, le Contrat de Performance Energétique entend établir les bases d’une relation sur la durée entre le prestataire et le propriétaire.

La directive européenne définit le CPE comme ‘un accord contractuel entre les bénéficiaires et les fournisseurs autour d’une mesure visant à améliorer l’efficacité énergétique, selon lequel des investissements dans cette mesure seront consentis afin de parvenir à un niveau d’amélioration d’efficacité énergétique contractuellement défini’.

Ce principe est adapté aux projets de grande taille et cible en particulier les bâtiments publics. Avec les municipalités, la durée de contrat est généralement comprise entre 7 et 15 ans. L’intérêt pour le propriétaire est donc de bénéficier d’une Garantie de Performance Energétique sur plusieurs années, de la part du prestataire.

Les commercialisateurs et sociétés de conseil doivent acquérir de nouveaux savoirs et identifient de nouvelles opportunités

De par son rôle de conseil et d’intermédiaire entre le bailleur et le preneur, le commercialisateur voit sa fonction évoluer. Il doit assimiler de comprendre les nouvelles normes environnementales, qui évoluent très rapidement, afin de les expliquer clairement à des utilisateurs perturbés par les nouveaux acronymes HQE LEED etc..

Dans une interview accordée à Expertise Pierre, Maurice GAUCHOT, PDG de CBRE France, résume bien la situation : « Nous naviguons dans un brouillard de nouveautés (..) Nous devons l’intégrer dans l’ensemble de notre offre de services.

La plupart des cabinets ont recruté des spécialistes, qui partagent leurs connaissances en interne afin de créer un réseau de ‘sachants’. (…) Le délai d’adaptation de la profession devrait se situer entre deux et cinq ans ».

Les nouveaux enjeux du développement durable pourraient également inciter les utilisateurs à transférer leur siège dans un bâtiment plus vert de manière anticipés, même si la surface actuelle leur convient selon les critères de loyer et/ou de surface.

Pour les sociétés de conseils ‘utilisateurs’ spécialisées dans la défense exclusive des intérêts des locataires, comme Mobilitis ou AOS Studley32, il faut non seulement acquérir ces nouveaux savoirs mais aussi alerter les utilisateurs sur les risques et opportunités inhérents à ces nouvelles normes.

Last but not least, la nécessaire rénovation du parc existant devrait générer des mouvements d’utilisateurs. La réhabilitation énergétique d’un immeuble peut-elle se faire en site occupé ? Tout dépend de l’état de l’immeuble et de l’envergure des travaux requis.

Thierry LABORDERIE, Directeur du Pôle Utilisateurs chez DTZ attirait notre attention sur cette problématique. Les propriétaires auront l’obligation de rénover leurs immeubles mais devront trouver une alternative à leur client (idéalement au sein de leur patrimoine) ou les laisser partir.

Pour des utilisateurs dont les attentes évoluent

Quelles sont les attentes de l’utilisateur vis-à-vis de son ‘outil immobilier’ ? Quelles sont ses priorités ? Le dernier sondage réalisé par CBRE à l’occasion de son Forum 2010 fournit des réponses intéressantes.

A la question, « Quels sont les 4 critères déterminants d’une nouvelle implantation ? », le panel répondait ainsi :

Quels sont les 4 critères déterminants d’une nouvelle implantation ?

Le critère environnemental n’est pas encore dans les 4 premiers mais il progresse fortement. Toutefois, si l’immeuble vert démontre sa capacité à réduire le niveau de charges, les préoccupations économique et environnementale convergent.

La localisation et l’accessibilité restent 2 facteurs essentiels. Cela souligne un point important relatif à la prise en compte des transports dans la performance énergétique d’un bâtiment. Si un bâtiment vert est construit loin de tout transport public, la consommation énergétique liée au transport viendra annihiler les efforts liés à la consommation du bâtiment.

Au travers de son outil immobilier, l’utilisateur vise plusieurs objectifs :

  1. 1. une maîtrise de son coût global immobilier
  2. 2. une surface efficace, adapté à ses besoins en personnel et une capacité à évoluer avec son développement
  3. 3. un immeuble avec une image en rapport avec son positionnement33
  4. 4. un lieu de bien-être pour les collaborateurs (et d’attractivité pour les futurs collaborateurs), et un espace de travail efficace et productif34
  5. 5. une position géographique stratégique (par rapport à ses clients, fournisseurs, partenaires, concurrents)
  6. 6. une conformité aux règlementations (hygiène, code du travail..) et/ou une absence de risque.

28 Capital Expenditure : dépenses d’investissement en capital.

29 IEIF Réflexions Immobilières n°52 – «Chiffrer la Green Value : une étude de cas» par Aurélien CHAZEL

30 Groupe informel constitué de Gilles BOUTELOUP (AXA REIM), Jean CARASSUS (Immobilier Durable Conseil), Adrien BULLIER (groupe ICF), David ERNEST (FACEO), Lionel PANCRAZIO (LB-P Asset Management) et de Thomas SANCHEZ (Caisse des Dépôts).

31 Voir également la directive européenne 2010/31/UE du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte). Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:153:0013:0035:FR:PDF

32 Il existe un certain flou sur le terme ‘conseil en immobilier d’entreprise’ qui désigne autant un rôle de simple intermédiaire ou de courtier (broker) que celui de conseil au sens traditionnel du terme. Particularité du marché immobilier français, il est fréquent de voir un agent représenter les intérêts du preneur et du bailleur, et de se faire rémunéré par chaque partie. Dans les pays anglo-saxons, cette pratique est plus rare voire proscrite. Afin d’éviter le risque de conflit d’intérêt dénoncé par certains locataires, des sociétés comme AOS Studley ou Mobilitis se sont développées sur ce credo de la défense exclusive des intérêts des utilisateurs. Elles ne sont titulaires d’aucun mandat de commercialisation d’immeubles et, par souci d’indépendance, refusent toute rémunération de la part des propriétaires. Les grandes sociétés de conseil comme Jones Lang LaSalle ou CBRE ont également créé des équipes dites ‘Corporate’ qui affichent les mêmes ambitions, afin d’accompagner leurs clients dans la mise en œuvre de leur stratégie immobilière à l’international.

33 Selon un sondage TNS Sofres – Foncières des Régions oublié en décembre à l’occasion du SIMI, 96% des salariés, et 90% des entreprises interrogées considèrent que les locaux d’une entreprise jouent un rôle important dans son image et sa réputation.

Les attentes des utilisateurs sont donc nombreuses, et à en croire un autre sondage, réalisé cette fois par BNP Paribas Immobilier – ESSEC35 réalisé en 2010 (auprès de décideurs immobiliers), la situation immobilière ne donne pas entière satisfaction. 73% des utilisateurs interrogés considéraient que leur situation immobilière n’était pas optimale, et citaient comme raisons principales, la superficie et le loyer.

Interrogé sur le sujet, Grégoire de la Ferté, Directeur du Pôle Bureaux chez BNP Paribas Real Estate précisait : ‘De manière générale, nos clients n’incluent pas encore la dimension environnementale dans les critères de recherche, mais ils la prennent en compte dans les critères de sélection’.

Autrement formulé, le critère durable n’est pas pris en compte au début de la recherche mais il peut fait pencher la décision au moment du choix final. Il confirme également que les grands utilisateurs sont bien plus regardants que les petits utilisateurs qui ciblent avant tout le coût global de la solution choisie.

Je soulevais ce point auprès d’un ami commercialisateur. « Tes clients sont-ils soucieux de ce critère ? Plus qu’avant ? » Réponse : « Dans le contexte actuel de crise économique, la majorité des entreprises cherchent avant tout à déménager pour réduire leur coût immobilier global de façon très importante et le critère environnemental n’est pas une priorité. Par ailleurs, beaucoup attendent de connaître les nouveaux décrets du Grenelle 2 pour se positionner ». A défaut d’être moteur, la crise peut aussi repousser le critère énergétique sur le bas-côté de la route.

Les attentes des utilisateurs sont variées et dépendent fortement de la situation propre à chaque entreprise. L’émergence du développement durable vient s’ajouter de façon croissante à ces exigences, en modifiant des paramètres de coût, de confort et de réglementation.

Utilisateur (décideur) et occupant

Sous le terme utilisateur, nous entendons un terme générique désignant le ‘décideur immobilier’ mais il ne faudrait pas oublier les attentes des occupants, des salariés dont l’avis est à prendre en compte. Et les attentes ne sont pas forcément convergentes.

Les occupants ont une vision plus restreinte de la problématique immobilière, axée sur les critères habituels de décision mais aussi sur l’environnement de leur poste de travail. Alors que la direction s’attachera à vouloir regrouper les salariés et sera attentive à la notion de coût global du poste de travail. Dans le cas d’un centre d’affaires, les critères de choix sont dictés par les attentes du client mais aussi par des critères de rentabilité d’un business model.

En termes de type de bâtiment, le souhait des salariés semble aller dans une direction opposée aux tendances actuelles. En effet, si la tendance est la rationalisation des surfaces et au regroupement dans des immeubles toujours plus grands36, et à la généralisation des surfaces en open-space, le même sondage TNS Sofres – Foncière des Régions décrit l’immeuble idéal du salarié comme un immeuble de petite taille avec des bureaux privatifs.

Il y a donc encore du chemin à faire pour convaincre les salariés des bénéfices des nouveaux regroupements constatés sur le marché parisien. Les points mitigés ou négatifs sont liés aux aménagements ou aux services personnalisés.

Au final, 70% des salariés interrogés se disaient ‘de manière générale satisfaits de leur bureau actuel’, et globalement l’étude conclue que salariés et entreprises partagent la même vision du bureau.

Le point de vue du salarié et du décideur immobilier peuvent donc aller dans des directions opposées, et ce n’est pas anormal dans le monde de l’entreprise. Afin de concilier les deux points de vue, les organisations syndicales sont souvent impliquées dans les décisions de transfert, en particulier dans les grands groupes. Dans le cas contraire, cela peut donner lieu à un bras de fer dont l’issue dépendra de la force des syndicats au sein de l’entreprise.

A titre d’exemple, les syndicats du Groupe ATOS ORIGIN s’étaient opposés au regroupement sur le site ‘River Ouest’ à Bezons en 2009. Malgré la qualité de l’immeuble HQE et des prestations offertes, l’éloignement du site et le manque d’infrastructures en transport faisait craindre un allongement de la durée des transports.37 La signature fut confirmée malgré cette opposition forte.

iv. Objectif : obtenir un cercle vertueux

A la lecture des différentes attentes de chaque acteur, l’objectif est donc de voir le ‘Cercle vicieux’ se transformer en ‘Cercle Vertueux’. Pour obtenir cette mutation, il est important que tous les acteurs de la chaîne aient pleinement conscience des bénéfices qu’ils peuvent tirer de cette évolution. Les autres métiers connexes doivent également comprendre ces mutations et les avantages : assureurs, banquiers, experts, organismes de certification.

Cercle vicieux

Source : David Cadman

Quels sont donc les freins qui empêchent le développement de l’immobilier durable à l’heure actuelle ? Une étude européenne publiée par Cushman & Wakefield38 pose directement la question aux propriétaires et aux locataires :

Réponse n°PropriétairesLocataires
1Choix insuffisant de bâtimentsChoix insuffisant de bâtiments
2Le loyer est trop élevéLe loyer est trop élevé
3Le retour sur investissement est trop longLe retour sur investissement est trop long
4Manque de preuves de résultats énergétiquesNous sommes engagés pour longtemps dans le bail existant
5Nous manquons d’informations sur les certificationsManque de preuves de rénovation énergétique
6Le développement durable ne fait pas partie des priorités de l’entrepriseNous manquons d’informations sur les certifications
7Nous sommes engagés pour longtemps dans le bail existantLe développement durable ne fait pas partie des priorités de l’entreprise

v. Quel contexte de marché et quel impact ?

Dans quel contexte l’immobilier durable se développe-t-il ? Un contexte de crise économique et immobilière. Le marché des bureaux étant directement lié à l’activité économique du pays et au niveau de l’emploi, il n’a échappé à une sévère correction depuis 2008. Le PIB a chuté depuis 2008, et l’emploi tertiaire également, ce qui a réduit les besoins en surfaces supplémentaires.

Les principaux indicateurs immobiliers donnent la mesure de cette situation :

  •  Chute de la demande placée (nombre de m² loués) en France comme en Europe
  •  Progression de l’offre existante, en particulier sur l’offre de seconde main
  •  Recul du nombre de mises en chantier
  •  Baisse du niveau des loyers

Prenons en exemple la situation en Ile de France : le diagramme ci-dessous représente bien l’évolution de la demande, de l’offre et des mises en chantiers, de 1990 à 2010. Avec un niveau de transactions en baisse, et une offre qui explose, en particulier sur des immeubles de seconde main, les mises en chantiers diminuent. Les promoteurs et investisseurs ne lancent pas d’immeubles en blanc par crainte de ne pas pouvoir les louer, dans le cas d’un phénomène de suroffre.

BNP Paribas

Source BNP Paribas

o Si l’on regarde l’évolution de l’absorption nette en bureaux (indicateur correspondant à la consommation de bureaux, en tenant compte des surfaces libérées), celle-ci diminue fortement entre 2007 et 2009, mais reste positive à 277 000m². Comme le souligne l’IEIF 39dans son analyse : ‘l’année 2009 se conclut sur un niveau d’absorption honorable compte tenu du contexte’.

o Selon les dernières études, la reprise est constatée mais elle reste timide. A en croire les prévisions des analystes, le niveau de transactions pour 2010 devrait toutefois être supérieur à celui de 2009.

o Les loyers faciaux ont baissé mais ne reflètent pas nécessairement la réalité dès lors que les bailleurs préfèrent accentuer les mesures d’accompagnement (mois de franchise, travaux) afin de conserver un loyer facial en ligne avec leur stratégie d’acquisition.

Evolution de la demande placée en IDF (source KEOPS)

mécanismes du marché des bureaux

Conséquence en matière d’immobilier durable :

– Le ralentissement des mises en chantiers a freiné le développement d’immeubles verts, donc limité l’offre potentielle pour les utilisateurs. A l’occasion d’une présentation de marché, en septembre 2009, le cabinet DTZ soulignait en conséquence le ralentissement du nombre d’immeubles certifiés.

Certification HQE de bureaux en Ile-de-France

mécanismes du marché des bureaux

Source : DTZ Research à partir des données Certivea

– Compte tenu de la forte augmentation de l’offre, en particulier en seconde main, il est devenu indispensable pour les investisseurs de se différentier sur le marché, ce qui les a encouragé à entamer des rénovations énergétiques sur leur parc existant.

Pour certains, mieux vaut entamer une rénovation en période creuse (et limiter la vacance locative), pour livrer un bâtiment conformes aux normes du marché lorsque celui-ci reprendra en 2011 ou 2012.

A contrario, l’augmentation de l’offre de seconde main va accélérer l’obsolescence de certains immeubles anciens énergivores considérés comme des ‘poubelles thermiques’. Un contexte de pénurie de locaux n’inciterait pas le propriétaire à rénover son bâtiment dès lors qu’il pourra le louer beaucoup plus facilement.

Le graphique ci-dessous publié par Jones Lang LaSalle et Certivéa40 montre des résultats de pré-commercialisation bien plus encourageants pour les immeubles HQE que les non-HQE (pour des immeubles de plus de 5000m²).

Part des m² pré-commercialisés sur les immeubles > 5000m² livrés depuis 2008 et les projets > 5000m² mis en chantier livrables à horizon 2010.

mécanismes du marché des bureaux

Etude Jones Lang LaSalle – Certivéa publiée en octobre 2009

Depuis 2008, l’écart va grandissant. Dans certains segments de marché comme celui de l’Etoile, la certification (alliée à une excellente localisation) a permis aux propriétaires de bénéficier d’un effet ‘pénurie’ et de conserver un loyer facial élevé. Citons par exemple les signatures récentes des immeubles ‘Origami’41 (avenue de Friedland) de GECINA, ou le 52, avenue Hoche d’EUROSIC, à des valeurs ‘prime’ dépassant les 750€/m². En comparaiosn, d’autres immeubles voisins, plus anciens, peinent à se louer.

  • o La rareté des immeubles verts sur le marché du neuf a donc permis aux quelques immeubles vertueux disponibles de trouver preneur rapidement.
  • o Compte tenu de la baisse des loyers faciaux, l’effet ‘premium’ a été limité pour que l’immeuble reste compétitif.
  • o L’offre importante donne plus de choix aux utilisateurs, et leur permet également de faire pression sur le bailleur pour qu’il accélère la rénovation énergétique de l’immeuble, sous peine d’aller voir ailleurs.

Par conséquent, la plupart des acteurs interviewés s’accordent à affirmer que la crise actuelle a joué un rôle d’accélérateur dans la rénovation des immeubles. Pour Philippe PELLETIER « La crise immobilière et financière, présentée comme un obstacle, est aussi un moteur ». A l’occasion de leurs points marché annuels, les commercialisateurs n’ont pas manqué d’encourager les investisseurs à se lancer dans de vastes programmes de rénovation afin de coller aux nouvelles exigences du marché.

34 Dans le même sondage, le ‘bien-être des salariés’ arrive en tête des critères de choix d’implantation, avant la qualité environnementale des locaux et la politique de développement durable des services généraux.

35 Publié dans le magazine Business Immo juillet-août 2010. Dossier spécial ‘Ce que veulent les utilisateurs’.

36 Citons comme exemples récents : le transfert de GDF Suez sur la Tour T1 à la Défense, ou du groupe BNP Paribas sur les Grands Moulins de Pantin, de Microsoft sur EOS (Issy-les-Moulineaux), Crédit Agricole à Montrouge ou encore de la Société Générale à la Défense. La plupart de ces utilisateurs louaient des surfaces ou des immeubles éparpillés dans Paris. En général, ces mouvements ont été motivés par un souhait de rassembler les salariés en un même lieu, de rationnaliser les surfaces et de diminuer le loyer global en sortant de Paris.

37 Le Parisien – édition du 24 octobre 2009 ( http://www.leparisien.fr/bezons-95870/les-syndicats-d-atos-origin-refusent-de-venir-24-10-2009-686295.php)

38 Cushman & Wakefield, European Landlord and Tenant Survey 2009

39 IEIF : Institut de l’Epargne Foncière et Immobilière. Voir également le graphique d’absorption figurant dans les annexes. www.ieif.fr

40 « On point.– L’antisèche de l’immobilier durable » Jones Lang Lasalle Novembre 2009

41 Immeuble ‘ORIGAMI’ : 5 255m² de bureaux situés au 34-36, avenue de Friedland, certifié HQE, loué pour une durée ferme de 9 ans à Barclays Capital.

Après avoir défini le développement durable, rappelé les grandes lignes du Grenelle de l’Environnement appliqué au secteur du bâtiment, et analysé les interfaces qui lient les acteurs du marché, nous allons maintenant tenter d’analyser les différents impacts du développement durable pour l’utilisateur de bureaux.

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