Le sens de la vitrine de mode, le montage de la vitrine

Le sens de la vitrine de mode, le montage de la vitrine

Le sens de la vitrine de mode

Ana Claudia Alves de Oliveira analyse une typologie des vitrines qu’elle considère comme une médiation « entre la rue et la boutique, entre extérieur et intérieur, entre privé et public mais aussi et surtout, médiation entre offre et demande. »226

Une approche de la vitrine qui privilégie la profondeur, c’est-à-dire qu’elle s’intéresse à la vision de l’extérieur vers l’intérieur. Pour Jean-Marie Floch, il faut aussi l’analyser en tant que plan.

Les vitrines seraient donc vues comme des « compositions » ; ce qui ne veut pas dire qu’il faille les considérer comme de véritables œuvres d’art.

Souvent présentées comme des agencements d’articles hétérogènes composés de couleurs, de formes et de volumes variés, les vitrines produisent des « effets de sens » dont il convient de comprendre.

Au-delà des effets stylistiques, il s’agit de comprendre les différentes façons de créer des structures par le biais de signes, « déjà-là, déjà signifiants… » Autrement dit, il faut comprendre ce mécanisme de bricolage.

« La vitrine parle d’une certaine façon des produits mis en vitrine. C’est d’ailleurs en s’intéressant à la vitrine comme plan que l’on se donne à l’analyser comme énoncé, et que l’on peut s’interroger en suite sur les différentes stratégies énonciatives auxquelles elle peut renvoyer.

Et, in fine, travailler sur la compétence et le vouloir des agenceurs et des commerçants. »227 Il va s’agir d’une analyse des agencements d’articles vestimentaires dans les vitrines, des procédures de description permettant de constituer la vitrine comme un texte.

Les vitrines ne sont pas uniquement là pour inviter le client à regarder.

« N’a-t-on pas plutôt affaire à un phénomène complexe qui met en jeu “un savoir-faire” programmé, placé au service d’un “faire-savoir”, lui- même capable de déclencher un “savoir-vouloir” qui, à son tour, déterminera le “vouloir-acquérir” (un “vouloir-avoir”) ? Comment le produit exposé est- il perçu ? Quels sont les mécanismes de persuasion de ce discours capable de motiver le passant à entrer dans la boutique et à se mettre en contact avec le produit. »228

Tout comme Ana Claudia Alves de Oliveira, on veut ici comprendre par quel mécanisme, un passant, un flâneur, un promeneur devient un acheteur, actuel ou potentiel.

L’élaboration du spectacle qu’offre les vitrines pour décrocher non seulement le regard mais aussi le l’imaginaire du passant ou du client nécessite un « savoir faire » quant à la manière dont l’œil perçoit les collections.

Laquelle perception transcende l’acte de voir les articles. Elle relève de la façon de cerner le concept des articles et de la boutique ; concept à partir duquel le « montage visuel » de la vitrine se réalise.

La vitrine remplie une fonction de « médiation » entre l’espace de l’enseigne : l’« intérieur » et celui de la rue : l’ « extérieure ». Elle présente l’enseigne tout en l’empêchant d’être vu depuis l’extérieur par le biais d’utilisation de papier peint, d’affiches etc. Dans ce type de montage inhérent aux vitrines fermées comme H&M et ZARA, l’espace de vente est réservé au client, c’est une zone où il faut entrer pour pouvoir participer à l’achat.

Le font d’une vitrine est fréquemment recouvert de tons de couleurs claires afin de permettre un meilleur détachement des couleurs des vêtements en exposition.

Les vitrines de mode procèdent souvent par traitement chromatique dans le but d’harmoniser la composition des articles par l’association de couleurs dans un rapport d’opposition, de « contraste » ou bien de « complémentarité ».

Afin de déclencher un choc de tension dans le regard, la combinaison de couleur d’opposition et ou de contraste est privilégiée. On utilise par exemple en contraste (clair-foncé) ou en camaïeu.

Les couleurs froides (du jaune au violet) qui suggèrent l’éloignement, vont agrandir une vitrine restreinte, à l’inverse, les couleurs chaudes (rouges, ocres, marrons) apporteront plus de convivialité à un vaste espace.

On en veut pour exemple cette vitrine H&M du boulevard Haussmann, que l’on pouvait contempler dès 17 novembre 2009.

Vitrine H&M, 54 boulevard Haussmann, 17 novembre 2009

Fig.18. Vitrine H&M, 54 boulevard Haussmann, 17 novembre 2009

« H&M ne s’attache définitivement plus qu’à l’achalandage de ses points de vente.

La magnifique ambiance anglaise dans la spectaculaire vitrine du magasin boulevard Haussmann le prouve.

Meubles de styles, objets de curiosités et impostures visuelles côtoient tartans écossais et haut-de-forme dans un désordre cossu et sophistiqué. »229 Ici, la couleur orange apporte plus de convivialité à l’espace de la vitrine.

L’exploitation des couleurs dans les vitrines de mode témoigne de la recherche d’un « parcours tymique de signification. » L’agencement des articles par ton sur ton attire le regard grâce à la “non-tensivité” des variations monochromatiques.

Vitrine ZARA : le 18 juin 2009

Fig.19. Vitrine ZARA : le 18 juin 2009 http://www.journaldesvitrines.com/mode-femme-homme/un-ete-en-blanc-chez-zara.

Un été en blanc chez ZARA.

H&M et ZARA comme la plupart des magasins, utilisent la couleur blanche sur les murs de leurs boutiques afin de mettre en valeur leurs offres de gammes de produits colorés.

Il s’agit de blanc mélangé avec du beige et associé au bois. Dans la plupart de ses points de vente, H&M recouvre de papier peint (de couleur vive) le mur situé derrière ses caisses de payement.

Le papier peint est souvent utilisé pour accompagner la tendance de la saison et actualiser le concept tout au long de sa durée. H&M utilise souvent des motifs adhésifs noirs pour animer ses murs qui sont souvent de couleur d’ombres façon chinoises.

« L’utilisation de la couleur peut aussi être associée au symbolisme chromatique, codifié par la culture ou par les créateurs de mode qui, à chaque nouvelle saison, élisent certaines couleurs pour être celles de la mode actuelle, pour être les couleurs de la saison, adoptées par la société. »230
S’intercale sur le choix des couleurs, le reflet brillant et changeant des passions.

La couleur mise en avant dans la vitrine assure une certaine valeur, laquelle se détermine de par l’usage que l’on en fait. « Ainsi, la couleur est un des éléments par lesquels prennent corps les effets de sens que le discours de vitrine espère déclencher chez l’énonciataire. »231

À travers l’agencement de la forme des articles, le traitement de leurs couleurs et leurs distributions dans les points de vente se traduit non seulement un parcours de la recherche d’unité de la composition mais aussi celui de la création des compositions thymiques.

« Leur intégration en tant que vecteur confère à ces trois éléments de base une force esthétique dont la fonction est de donner une forme à la beauté de la vitrine et d’introduire par là un élément tensif dans le processus de saisie du sens. »232

On ne le répétera pas assez, la plupart des gens qui passent devant une vitrine ne songent pas au shopping, ils ont plutôt l’esprit ailleurs. En cela, il s’avère difficile de parvenir à capter leur regard et imagination.

Pourtant, quand elle est bien utilisée, la couleur y parvient. « Parce qu’elle crée un espace et un environnement qui lui sont propres, la couleur délimite ses propres paramètres pour former un volume intégral et maîtrisé, ce qui fait d’elle un outil parfait pour des vitrines toujours, par définition, compactes. »233

La vibrance émanant d’un tel espace coloré peut avoir un impact considérable sur les passants. La couleur fait plus que nuancer le ton et raconter une histoire, elle est avant tout source d’énergie.

« Dans le magasin, l’éclairage a traditionnellement pour fonction de mettre en valeur la qualité et la couleur des tissus, notamment pendant les mois d’hiver, quand la palette des nuances varie du noir au gris. »234

226 Jean-Marie FLOCH in préface De Oliveira C., « La vitrine : de la vision au sens », op. cit., p. 1.

227 Ibid, p.4.

228 De Oliveira C., « La vitrine : de la vision au sens », Nouveaux actes sémiotiques, op.cit., p.3.

229 http://www.journaldesvitrines.com/tag/hm/.

230 De Oliveira C., « La vitrine : de la vision au sens », Nouveaux actes sémiotiques, op. cit., p.11.

231 Idem.

232 Idem.

233 Portas M., Vitrines- Stratégie de la séduction, 2000, Thames and Hudson, p.79.

234 Ibid., p.142.

Dans la mode la flatterie est une arme incontournable. « Pour faire s’arrêter les passants et leur donner envie d’entrer, une vitrine doit être conçue comme une opération de marketing sophistiquée, un événement en trois dimension aussi captivant qu’une pièce de théâtre ou un jeu vidéo. »235

La vitrine c’est un ensemble vivant animé d’une scène riche de couleur, de mouvement et d’imagination ; le tout donne une ambiance couronnée d’énergie et d’image.

235 Ibid., p.143.

Ana Claudia Alves de Oliveira considère aussi la vitrine comme une zone ouverte au « dialogue » entre le magasin et la rue. Regarder l’article exposé dans la vitrine amène à cerner aussi sa forme et sa texture de si prés à tel point d’avoir envie de l’arborer.

Ces perceptions associées à l’organisation du message ont pour effet de donner le sentiment que ce qui est présenté pour être vu et qui, dans le même élan, se trouve quasiment à la portée des mains, doit transformer l’acte de voir en toucher.

« Dans l’espace-vitrine où de plus en plus la transparence de la vitre renforce l’idée selon laquelle depuis l’extérieur, depuis la rue, le produit exposé à l’intérieur du magasin devient presque accessible au toucher, tout un mécanisme complexe de persuasion est inscrit dans l’architecture même ».236

D’où cette impulsion qui pousse le client à pousser la porte de l’enseigne et à entrer dans le point de vente. Une fois entré, il peut enfin combiner son regard au toucher.

Ainsi dès l’extérieur du magasin, dans la rue, l’exposition des articles vestimentaires prédispose d’ores et déjà à leur essayage ou endossement par le biais du regard.

Dès que le client succombe à cette sorte d’appel au « dialogue », il ne lui reste plus qu’à s’approcher de la porte de cet univers enivrant d’envie d’être à la mode, laquelle porte s’ouvre automatiquement comme par magie.

Le client se laisse alors transporter, par cette sorte de magie, vers des univers des sensations. Une fois au cœur de l’espace de vente, il peut maintenant découvrir beaucoup plus encore : une offre pléthorique d’articles, de coupes de vêtements, d’accessoires, de styles, d’offres de combinaisons etc.

Le client se laisse ainsi conduire sur le parcours de l’achat et « dans cette ambiance cénesthésique, le contrat ne dépend plus que de quelques secondes pour être signé : ce sont les secondes qui précèdent le choix. »237

Si l’on prend l’exemple des vitrines ouvertes que les magasins H&M et ZARA réfutent, on dira que c’est le client en train de faire ses achats qui devient à son tour l’objet exposé.

Dans ce genre de montage, les rôles sont perpétuellement interchangeables ; le piéton auparavant spectateur devient à son tour un personnage lors de la réalisation de ses achats.

De grandes affiches présentant des mannequins arborant les articles phares de la collection servent de séparation entre les deux univers.

Tandis que la vision du client s’est déjà intégrée au toucher, voilà que maintenant les paroles qu’il échange avec le personnel de vente et l’essayage qui s’en suit complètent ce circuit intégré des « sens » qui construisent, par leurs relations, la signification.

« Dans les magasins de vêtements, le taux de conversion augmente en moyenne de 50 % lorsque les vendeurs ou vendeuses abordent les clients, et 100 % lorsque, en plus le client essaye les vêtements. »238

236 De Oliveira C., « La vitrine : de la vision au sens », Nouveaux actes sémiotiques, op. cit., p.13.

238 Gustave Michel directeur-MBA International Luxury Brand Management ESSEC in préface Underhill Paco, La Science du shopping. Comment le merchandising influence l’achat, op. cit., p.8.

Selon l’anthropologue Paco Underhill, « plus le nombre de contact employés-clients est important, plus la vente moyenne est importante. Parler avec un client revient d’une certaine manière à l’attirer d’avantage. »239

Lors d’une de ses études dans une grande chaîne de magasin de vêtements, l’anthropologue découvre que « le taux d’interception était de 25 % ce qui signifie que les trois quarts des clients n’adressaient jamais la parole aux vendeurs.»240

De ce fait, les nombreux clients qui parcouraient l’espace de vente devaient probablement avoir pleines de questions à poser, s’impatienter, chercher inlassablement des employés qui brillaient de par leur absence dans les rayons.

Cela veut dire également que les vendeurs et vendeuses disposent de peu de temps pour la vente active parce que vaquant à d’autres occupations.

Chez ZARA par exemple, la force de vente se doit d’être souriantes, jeunes, branchées, bref, à l’image de la marque. Même si les vendeurs ne vont pas à la rencontre du client pour lui proposer leur aide ou conseil, ils restent quand même largement à son écoute lors que celui-ci les interpelle.

Les vendeurs sont là pour renseigner sur la composition des vêtements, leur fonctionnement et leur technicité mais aussi pour conseiller sur les différentes associations possibles avec d’autres produits etc.

Ici, la parole peut jouer un rôle central autour de la scène que jouent le client et le vendeur à l’intérieur du magasin.

« Les éléments passionnels agissant dans l’ambiance créée pour exposer le produit sont encore une fois mis en action, mais traduits désormais dans un autre discours.

Si la vitrine à l’objectif de séduire, la parole, quant à elle vise la signature du contrat. »241 Cette posture est souvent l’apanage des marques de luxe dont ZARA tente de suivre l’exemple.

Chez son concurrent H&M, la profusion d’articles dans les rayons pourrait justifier l’absence de vendeurs qui se concentrent sur le réassort des rayons et l’encaissement. Au magasin H&M du boulevard Hausman à Paris, les clients le savent, c’est un peu le self service.

Quand je vois un article sur le mannequin, les vendeuses sont incapables de me dire où il se trouve. Le vendeur on ne le voit pas. Le personnel est plus en caisse plutôt qu’à s’occuper du client. (Laure, 25 ans, étudiante, Paris).

« Je m’occupe et j’insiste sur ce point de gérer le rayon Femme. Totalement différent des autres rayons. La section Femme est certainement la plus difficile des trois rayons.

Avant de dire que vous n’avez pas d’accueil client, sachez que les vendeurs ne sont pas la pour vous accueillir ! À la grande surprise générale, les vendeurs sont la pour réassortir les produits, passer leur temps à gérer, les mises en rayon des nouveautés, de ranger les cabines que vous laissez par pile de 15, en boule, a l’envers et compagnie…

Pour ceux qui est du rangement, arrêtez de vous plaindre, ce ne sont pas les vendeurs qui mettent les vêtements par terre pour le plaisir, non ? Lorsque vous regardez les vêtements que vous faite tomber et que vous partez, ne vous plaignez pas de retrouver un magasin en état pitoyable…

Après tout, les vendeurs en on peut-être marre de ranger des produits toutes les 30sec, quand vous n’avez aucun respect pour ces gens ! » (Aline chef de rayon H&M paris).

Tout comme dans le discount alimentaire, la marque doit manager un personnel assez conséquent.

C’est une petite armée qu’il faut gérer heure par heure. Ça tourne entre 100 et 120 personnes. (Pascal le responsable du magasin H&M du boulevard Hausmann).

Ceci c’est pour l’effectif total. En vérité, ils sont deux fois moins en ce jour-là. Difficile d’aller vers les 2000 clients qui passent chaque jour. D’ailleurs, on ne le leur demande pas.

Ici, un vendeur c’est un personnel d’exécution logistique. En clair sa priorité c’est de traiter la marchandise. Anna qui a vidé la livraison du matin est maintenant à la caisse. Une heure plus tard, on la retrouve en cabine. Ici, il faut accepter de faire trois métiers en un.

Il faut tout le temps renseigner les clients, tout le temps en caisse, tout le temps en cabine (Anna vendeuse au magasin H&M du boulevard Hausmann).

Résultat, tout a été fait pour qu’on la dérange le moins possible. Les prix sont clairement indiqués, les correspondances de tailles aussi.

On vous fournit même les explications sur les différentes coupes de jeans ; afin, des silhouettes vous suggèrent un peu partout des produits à combiner histoire d’augmenter les ventes sans avoir à palabrer.

Quant aux vendeurs, c’est à peine s’ils connaissent les différentes couleurs qui existent pour un produit donné. On exagère à peine.

Alors que dans les vitrines des boutiques de luxe à l’image de Chanel, on y présente très peu de marchandises, exclusivité et rareté de la marchandise obligent.

Les vendeuses y sont très présentes et peuvent ainsi prodiguer des conseils sur les articles disponibles en réserve et les tailles.

Le discours persuasif de la vitrine

Une autre trajectoire se dessine cette fois non plus de celui qui agence l’espace de vente mais de celui qui le parcourt. Les articles mis en avant dans la vitrine sont ponctués par la croyance que se fait le client d’eux.

Lorsque le scénographe ou l’étalagiste élabore sa vitrine, c’est évidemment dans le but que celle-ci puisse satisfaire et séduire les désirs des consommateurs.

De ce fait, l’article présenté dans la vitrine comme objet de désir rengorge une certaine valeur potentiellement transmissible à celui qui veut bien l’acheter.

Cette valeur attribuée à l’article émane des jugements de valeur de ceux qui élaborent la vitrine et leur groupe d’appartenance professionnelle.

Non seulement le discours persuasif de la vitrine est organisé en fonction de ce qu’elle veut faire croire au sujet de l’article mais aussi la figuration du discours est orientée selon le profil du destinataire.

C’est en cela que l’on peut affirmer que le discours de présentation des collections est téléguidé par la manière dont son destinataire est présenté.

« Ce deuxième discours, délinéant l’identité de son destinataire et ses désirs, dirige celui de la composition du format des images qui présentent l’objet comme un objet du désir de ce public, qui finit par vraiment le désirer. »242 Dans les vitrines ouvertes, le client peut voir de la rue l’intérieur du magasin.

Les clients choisissent leurs articles puis se rendent au fond du magasin pour les essayer. Les essayages se succèdent et prennent l’allure de répétition.

« On échange des opinions et tout est fait pour que les clients se sentent aussi à l’aise que chez elles. Ce sentiment d’être comme chez soi devient l’élément central destiné à être vu de l’extérieur. »243

L’acte d’essayage orienté aussi bien par les vendeurs que les amis montre aussi que les goûts sont susceptibles de se former à partir de jugement sur les formes.

Lorsque le client pénètre dans le magasin il a souvent un modèle figuratif de référence qu’il veut satisfaire, se vêtir comme ou tel qu’il voudrait paraître aux yeux des autres.

« Ce vouloir centré sur un jeu établi entre l’être et le paraître, si particulier quand il s’agit de mode intime, est alimenté à son tour par une série de stimuli visuels »244.

Des posters de modèles portant les articles phares de la collection exposée en rayon pour la vente sont placés à côté de celle-ci (la collection).

De cette manière, le client qui pénètre à l’intérieur de l’espace de vente peut voir son imaginaire activé par ces belles images séductrices qui l’indiquent comment regagner l’extérieur, habillé autrement.

« Ce discours publicitaire, inséré dans le discours de la vitrine, devient une autre voix qui dialogue avec la consommatrice, comme un instrument de persuasion.

Ces deux discours sont centrés sur des valeurs qui construisent une image de l’“être/paraître femme”, définies en fonction de la clientèle propre du magasin.

Ainsi, la valeur attribuée à l’objet passe par un type de relation programmée, elle-même une valeur définie en référence à un public donné.»245

239 Underhill P., La Science du shopping. Comment le merchandising influence l’achat, op. cit., p.40.

243 De Oliveira C., « La vitrine : de la vision au sens », Nouveaux actes sémiotiques, op. cit., pp.29-30.

244 Ibid., p.31.

245 Idem.

Le montage de la vitrine

L’art du montage de la vitrine a ceci de particulier que son énoncé s’articule autour d’une « stratégie de véridiction qui manipule le savoir énoncé dans le but de faire voir pour faire croire.

Le “faire voir”, qui caractérise le processus de manipulation du regard, tout en guidant notre parcours dans la rue, nous dirige sur le chemin qui mène de la vision à l’interprétation.

Ce sont les catégories modales de la persuasion qui, en régissant les catégories modales volitives des agencements des vitrines, caractériseront les prédicats des produits exposés.»246

Les vitrines sont agencées de manière à ce qu’elles puissent être attrayantes afin de séduire le destinataire pour le pousser à entrer dans l’espace de vente.

Voilà une des fonctions qu’une vitrine se doit de remplir : se faire belle et avoir une capacité de production de « tension des sens» chez le passant ; elle se doit de l’éveiller afin qu’il la perçoive pour ce qu’elle dégage d’attirant et de séduisant.

Le fait que la vitrine instaure une relation de proximité entre l’enseigne et le public, entre l’intérieur et l’extérieur, renforce cet élan d’émerveillement.

Au-delà de cette convocation du sens du passant en vue d’éveiller son attention, la vitrine a pour vocation de pousser le passant à pénétrer dans le magasin en tant que client.

Pour le merchandiser, l’acte d’achat se déclenche déjà sur le trottoir, à partir du moment où débute la contemplation des articles exposés en vitrine.

« Les transformations de l’énonciataire, produites par l’organisation de la vitrine, de même que celles présupposées par son interprétation, sont révélatrices des jeux figuratifs des sujets sociaux.

Transfigurant les innombrables codes qui régissent le vécu, et s’auto-organisant à travers ce processus de transformation, la vitrine rend présent un moment historique, des types de relations commerciales et des modes de communication. »247

246 Ibid., p.35

Les montages, le processus, la production, sont présentés comme étant des valeurs. Cependant les articles exposés et ou le procédé restent privés.

Plus qu’une syntaxe du montage, plus qu’une différenciation entre le client et le consommateur, ce qui est en jeu est l’opposition entre le privé et le public, régissant le régime de visibilité de la vitrine. Le langage de la vitrine dans toute sa composition esthétique touche à l’éthique elle-même.

Parce que de par son choix de proposition de certains types de produits et de marques, la vitrine révèle l’identité de l’enseigne. Cette individualisation de l’enseigne via la mise en scène dans la vitrine le positionne au prés du public.

Partant, la vitrine prédispose à la naissance de jugements, qu’ils soient éthiques ou esthétiques.

Ici, la vitrine se présente comme un discours qui, en mettant en action des acteurs, crée dans son langage sur l’objet son propre objet de langage.

Ce langage de la vitrine décrit un spectacle de la vie de tous les jours immergé dans le réseau de circulation d’objet de valeur. « En créant des façons de sentir, son discours procure une figuration à la sensibilité, à l’éthique et à l’esthétique de cette société.»248

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La captation de la jeune clientèle en matière de mode : Le cas D’H&M et ZARA
Université 🏫: Université PAUL VERLAINE METZ - Sciences de l’information et de la communication
Auteur·trice·s 🎓:
Xavier Manga

Xavier Manga
Année de soutenance 📅: Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’université Paul Verlaine Metz - Le 15 décembre 2010
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top