Enfant adultérin et Enfant issu des conventions de mère porteuse

4 – L’analogie avec l’enfant adultérin
La situation des enfants nés de mère porteuse doit être rapprochée de celles des enfants adultérins, dont ils sont d’ailleurs une variété. La loi a renoncé à poursuivre les comportements illicites des adultes en décriminalisant l’adultère, et en refusant sciemment d’incriminer la convention de gestation pour autrui dans les lois de 1994 (pourtant les autres interdictions posées par ces lois sont sanctionnées pénalement). Dans les deux cas, le législateur a estimé que ces comportements peu recommandables n’appelaient pas une réponse pénale. Dans le cas de l’enfant adultérin, on peut faire valoir le souci de protéger la famille légitime. Mais dans le cas de l’enfant issu des conventions de mère porteuse, le refus de l’adoption ne profite à personne. Le propos demande un minimum de justice et de cohérence. Si un comportement est considéré comme moralement et socialement nuisible, ceux sont qui l’adoptent qui doivent être sanctionnés et non pas leurs enfants innocents212.
Avant 1972, l’enfant adultérin ne pouvait pas établir sa filiation. La filiation adultérine ou incestueuse était mal acceptée, elle était même inférieure par rapport à la filiation naturelle simple, du fait qu’elle résultait d’un adultère ou d’un inceste, profondément contraires aux bonnes mœurs. Lors des travaux parlementaires précédents la loi de 1972, M. JOZEAU- MARIGNE, ancien sénateur, critique le système qui « fait payer à des enfants qui ne sont pas responsables du comportement plus ou mois condamnable de leurs parents, le prix de ces agissements, en les privant de tous moyens de subsistance et de leurs droits les plus élémentaires : droit à la filiation, à l’entretien et à l’éducation ». Il rappelle que notre droit a été condamné par les instances de l’Organisation des Nations Unies, comme constituant une discrimination à l’égard d’une certaine catégorie de population, au même titre que les législations basées sur une discrimination raciale213. Le projet de loi cherche à établir une égalité de principe entre toutes les catégories d’enfants.
Depuis la loi n°72-3 du 3 janvier 1972, le fait que le père ou la mère soit mariée par ailleurs n’empêche pas d’établir sa filiation. La loi de 1972 représente une révolution : à l’ancienne hiérarchie des filiations, elle substitue l’égalité aux fictions ; à l’hypocrisie du droit antérieur, elle préfère la vérité214. Cette loi a réécrit, au Code civil, le titre de la filiation. Pour la première fois, en effet, le principe était posé de l’égalité des droits entre les enfants, quelle que fut la qualité de leur filiation. M. Maurice BRIAND215, député, énonce que « la loi de 1972 a constitué un incontestable progrès dans le droit de la famille et de la filiation en s’engageant dans la voie d’une plus grande égalité entre les enfants légitimes et les enfants naturels et en supprimant l’infâmante catégorie des enfants adultérins. Elle tendait ainsi à unifier les droits des enfants, quelles que soient les conditions dans lesquelles leur conception était intervenue et quelle que soit, par ailleurs, la situation de leurs parents ». Ainsi expurgé de conceptions moralisatrices, le droit civil de la filiation y gagnait en justice et en équité en prenant davantage en compte l’intérêt des enfants216. Pourquoi l’enfant doit il être puni de l’inconséquence de ceux qui l’ont appelé à la vie ? Pour M. FOYER, ancien ministre, c’est une loi de justice et de vérité, une loi d’égalité des enfants, en leur assurant l’établissement d’une filiation exacte, et de responsabilité de leurs auteurs. Il affirme que « l’Assemblée montrera qu’elle a la résolution de rendre le Droit et la Société non seulement plus généreux mais tout simplement juste »217.
Mais, aujourd’hui, cette égalité entre tous les enfants n’est plus parfaite. L’égalité des filiations n’est pas réelle218 depuis que la science est capable de distinguer la conception et la gestation. Si tous les enfants peuvent établir leur filiation, un enfant a été oublié par le législateur : l’enfant issu d’une convention de gestation pour autrui. Il ne peut établir, en l’état actuel du droit, que sa filiation paternelle. Or, les raisons de fond pour interdire l’établissement du double lien de filiation sont différentes pour l’enfant incestueux et l’enfant issu des conventions de mère porteuse. L’enfant incestueux ne peut établir sa filiation à l’égard des deux parents car le législateur a voulu éviter que ses origines ne figurent, contre son intérêt, dans son acte d’état civil, l’inceste étant totalement contraire aux bonnes mœurs. Mais, concernant l’enfant issu d’une convention de mère porteuse, l’illégalité commise par les parents n’est pas comparable à l’inceste. L’interdiction d’établir la filiation maternelle, dans ce cas, est injuste et dèsormais injustifiée (notamment avec le développement de la procréation médicalement assistée).
L’enfant est donc victime de l’illégalité commise par ses géniteurs. Ainsi l’argument de discrimination invoqué en faveur de l’établissement la filiation adultérine avant 1972 est transposable à l’enfant issu de la gestation pour autrui. A défaut, le père pourra toujours simuler une liaison adultère (pour permettre l’adoption de l’enfant par son conjoint) afin d’esquiver la prohibition d’adoption posée par la Cour de cassation à l’égard de l’enfant issu d’une convention de gestation pour autrui.
Il en résulte que la politique législative et jurisprudentielle excluant l’enfant issu de convention de gestation pour autrui semble en totale contradiction avec le droit des conventions internationales.
Lire le mémoire complet ==> La convention de gestation pour autrui : Une illégalité française injustifiée
Mémoire présenté et soutenu vue de l’obtention du master droit recherche, mention droit médical
Lille 2, université du Droit et de la Santé – Faculté des sciences juridiques, politiques et économiques et de gestion
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212 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.), « Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », préc.p. 269.
213 Sénat, n° 16, 1971-1972, p. 7 M. Léon JOZEAU-MARIGNE
214 HAUSER (J.) et HUET-WEILLER (D.), Traité de droit civil, La famille, Fondation et vie de famille, 2éme éd., Paris, 1993, p. 215.
215 JO débats parlementaires AN 2° séance du 14 déc. 1981.
216 Au statut d’égalité entre les enfants, la loi du 3 janvier 1972 avait accolé une importante restriction : cet enfant « adultérin », qui a accédé à la vie juridique en 1972, est encore frappé d’une capitis demi-nutio, devenue injustifiable, au plan successoral en présence du conjoint bafoué ou des demi-frères et sœurs conçus au cours du mariage auquel il a été porté atteinte. Parce que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, à la suite du recours formé après l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 juin 1996, dans l’arrêt rendu le 1er février 2000, la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins est venue supprimer toute discrimination relative à la condition juridique des enfants adultérins. Il n’y a dons plus de « filiation adultérine », Rubellin-Devichi (J.), Droit de la famille, Paris, Dalloz action, 2001, n°1198.
217 Rapport de M. FOYER, au nom de la commission des lois (n°1926) 1970-1971 p. 32
218 Contrairement à ce que c
ertains auteurs prétendent, V. RUBELLIN-DEVICHI (J.), Droit de la famille, préc.

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