Les facteurs interculturels sur un site web franco-néerlandais

3.2 L’adaptation du site web
3.2.1 Les facteurs interculturels sur un site web
L’évaluation d’un site web peut se dérouler en adaptant des aspects distinctifs qui sont le point d’appui pour concrétiser les différences culturelles qui apparaissent sur un site web. Dans Hall et al. un tableau distingue les « low context cultures » et « high context cultures », le premier étant lié aux sociétés individualistes, le deuxième aux sociétés collectivistes157.
Dans le tableau 3 sont décrits les éléments-clés de « face 158», un terme issu de Brown et Levinson 159. Selon eux, être poli est une façon d’essayer de sauver la réputation de soi-même et de l’autre individu avec qui on communique. En distinguant un « face positif » et un « face négatif », les différents degrés de politesse peuvent distinguer les approches polies ou moins polies :
– « Face positif » est l’auto-image positive cohérente ou la ‘personnalité’ (y compris le désire crucial que cette auto-image est appréciée et approuvée par l’Autre) ;
– « Face négatif » est la revendication de base des territoires, de la maintenance personnelle, des droits aux non-distractions, c’est-à-dire la liberté d’action et la liberté d’imposition.
Dans les interactions humaines, les locuteurs sont souvent forcés de menacer soit le « face positif » soit le « face négatif ». Ainsi il y a de différentes stratégies de politesse afin d’atténuer ces actes menaçant le « face ».

Les éléments-clés de Société individualiste/ Société collectiviste/ « face » « low context culture » « high context culture »
IdentitéAccent sur l’identité propreAccent sur l’identité du groupe
IntérêtIntérêt pour le « face » de soi-mêmeIntérêt pour le « face » de l’autre
BesoinBesoin de « face » négatifBesoin de « face » positif
Supra-stratégie« Face » auto-positif et auto-négatif« Face » hétéro-positif et hétéro-négatif
GenreDirectIndirect
StyleStyle contrôlant, confrontant et orienté sur une solutionStyle favorable, évitant et orienté sur affection
AllocationAllocation directeAllocation indirecte
Actes non-verbauxActes non-verbaux individualistes, expressions émotionnelles directesActes non-verbaux contextuels, expressions émotionnelles indirectes

Tableau 3. Les éléments-clés de « face » dans les « low context cultures » et « high conctext cultures » 160.
L’encadrement des aspects culturels dans une distinction entre « low context cultures » et « high context cultures » ont rendu possible de conceptualiser les différences présentes implicitement sur un site web. Selon Hall, la langue et culture françaises sont une « high context culture », tandis que la langue et culture néerlandaises sont considérées une « low context culture » 161. Par conséquent, la communication interculturelle entre les deux pays est déterminée différemment, ce qui se manifeste par exemple dans le langage utilisé sur Internet : la version française sera plus indirecte que la néerlandaise. Dans Würtz, il s’agit aussi d’une distinction entre les « high context cultures » et « low context cultures » 162. En se concentrant aussi sur l’aspect visuel d’un site web, il s’est avéré que « high context cultures » utiliseront plus d’images et plus de couleurs par rapport aux « low context cultures », qui ont tendance à une présentation plus sobre dans le sens où le nombre d’images et couleurs reste restreint.
Outre une analyse conceptuelle des sites web, on peut se servir également d’une heuristique qui est à la base d’une sélection de catégories montrant les différences entre sites web 163. A l’aide de la directive de Spyridakis, on peut concevoir une heuristique afin d’analyser et comparer les sites web français et néerlandais, en distinguant la forme et le contenu :
Forme
1) Mise en page
2) Structure des éléments textuels
3) Dynamique et interactivité
4) Efficacité/ simplicité
Contenu
5) Choix de sujet
6) Choix de contenu
7) Pertinence (actualité, références)
8) Termes d’adresse
9) Mondialisation (localisé/ globalisé)
10) Informations supplémentaires
Prenons l’exemple des « 3 Suisses », un e-commerce français qui s’est implanté sur le marché néerlandais en septembre 2008. Dans les Annexes III et IV, on trouve un « print screen » des pages d’accueil en français et en néerlandais 164. L’heuristique est une application de la théorie de Spyridakis et le tableau dans l’Annexe V facilite l’analyse des sites web des « 3 Suisses ». Un par un, les dix éléments sont considérés et mettront en perspective les différences et ressemblances entre les deux versions.
En décembre 2011, on a comparé les deux pages d’accueil et l’analyse a montré qu’il existe notamment des différences et il n’y a que quelques ressemblances. La ressemblance est uniquement que les deux sites web sont actuels en présentant les marchandises jouant sur l’actualité Noël en décembre.
Plus concrètement, la première plus grande différence est l’utilisation des couleurs ; la France a une page colorée, tandis que le site néerlandais est plus sobre, ce qui confirme les théories de Hall et al. et Würtz qui disent que les « high context cultures » se servent de plus d’images et plus de couleurs que les « low context cultures ». Ceci se voit également dans la façon dont les menus et blocs sont présentés sur le site web. La version française a une mise en page verticale, tandis que la présentation néerlandaise est horizontale (voir aussi les flèches dans les Annexes III et IV).
Deuxièmement, on peut noter un contraste au niveau du dynamisme, la version française étant dynamique et la version néerlandaise statique. Par conséquent, la présentation de la marchandise française a l’air « exubérante », tandis que les produits aux Pays-Bas sont présentés plutôt de façon « lisse ».
Troisièmement, les deux versions sont diamétralement opposées dans leurs thèmes d’adresse. Sur le site français, l’adresse au consommateur avec les mots « vous » et « nos », qui témoignent d’un thème d’adresse personnel. Par contre, le site néerlandais se sert d’un thème impersonnel et on ne s’adresse pas directement au consommateur.
Quatrièmement, la mondialisation est présente dans les deux versions. En bas du site français est indiqué clairement dans quels pays « les 3 Suisses » sont présents – à savoir 22. Le site néerlandais est uniquement disponible en néerlandais, mais en haut de la page est clairement indiqué que « les 3 Suisses » est de « la mode française » et ceci n’a pas été traduit en néerlandais. Par conséquent, le consommateur peut s’identifier aux Français en achetant des vêtements conformes à la mode française. Un autre facteur identifiant sur la version néerlandaise est la possibilité de se renseigner sur l’histoire de l’entreprise française. Comme nous avons traité dans le paragraphe 2.2.2, les Français se laissent entraîner par leur histoire et les Néerlandais se concentrent sur leur avenir quand il s’agit de leur identité culturelle. Cet aspect se montre donc aussi sur les sites web des « 3 Suisses » ; le consommateur néerlandais peut cliquer en haut et en bas de la page sur « Wie zijn wij ? 165» pour savoir quand l’entreprise a été créée. Donc, les « 3 Suisses » ne se sont pas adaptés aux valeurs identités néerlandaises lors leur implantation sur le marché néerlandais. Cependant, ce n’est pas un facteur dérangeant, car le consommateur néerlandais pourrait apprécier cet identifiant français, comme l’expression « la mode française ».
Finalement, dans le domaine des informations supplémentaires, les versions française et néerlandaise se ressemblent et en présentent une grande gamme : les méthodes de paiement, les réseaux sociaux où on peut suivre les actualités des « 3 Suisses », les autres services offerts, etc. Cependant, il y a un facteur dont on a parlé dans le premier chapitre. En effet, la popularité actuelle et constante du catalogue en France se montre également sur la version française. Dans les informations supplémentaire, l’ordre est services/ catalogue/ aide, ce qui est sur la version néerlandaise services/ aide/ coordonnées. Dans le domaine de communication des « 3 Suisses » vers les consommateurs, les deux versions offrent la possibilité de s’inscrire au bulletin d’information.
L’état des lieux et le contexte des e-commerces français et néerlandais présentés dans le chapitre 1 nous ont appris quelles sont les raisons de la position de tête des Pays-Bas. C’est pour cela qu’il faudra prendre en compte les points forts néerlandais et les adapter pour l’entrepreneur français. Ainsi faudra-t-il se concentrer sur les tendances néerlandaises, dont l’affiliate marketing, les réseaux sociaux et les comparateurs de prix.
D’abord, l’utilisation d’affiliate marketing sur le site web des « 3 Suisses ». Après avoir consulté le site web français, on ne retrouve pas de publicités sur les sites web visités peu après. Par contre, une visite des « 3 Suisses » néerlandais résulte dans des publicités à l’aide d’affiliate marketing sur les sites web prochains. Le résultat est à voir dans l’Annexe VI avec un « print screen ». Il paraît donc que les « 3 Suisses » se sont adaptés au marché néerlandais en faisant du e- marketing, ce qui est déjà très courant aux Pays-Bas. Ensuite, dans le domaine des réseaux sociaux, les versions française et néerlandaise ont un lien bien visible vers une page Facebook. Sur Facebook aussi, la page néerlandaise est disponible en néerlandais. Finalement, il a paru que les
« 3 Suisses » sont présents sur le comparateur de prix « Prijsvergelijk.nl ». La présence sur un tel comparateur de prix facilite la notoriété des « 3 Suisses » ; les informations telles que les expériences d’autres clients, recensions, coordonnées, la livraison et les moyens de paiement, le jugement du magasin et la possibilité de juger le site personnellement se trouvent parmi les options. Dans l’Annexe VII, on trouve la présence des « 3 Suisses » sur le comparateur de prix néerlandais.
L’analyse des « 3 Suisses » a montré qu’un e-commerce français peut parfaitement s’adapter aux souhaits et attentes des Néerlandais et en même temps maintenir une identité française. Même si on s’est aperçu des différences entre les éléments-clés de « face » présents sur un site web, ces différences n’empêchent pas l’entreprise française d’offrir sa gamme de produits dans un autre contexte, tenant compte de l’autre culture, identité et langue – dans ce cas néerlandaises. Donc apparemment, il est possible de considérer les particularités des sites web et adapter les attentes et attitudes visuelles et textuelles afin de construire un format standard pour un site web franco- néerlandais.
Lire le mémoire complet ==> (Lancer une entreprise e-commerce aux Pays-Bas
Un guide pour une implantation réussie
)

Mémoire de fin d’études – Université d’Utrecht
Master de Langue et Civilisation Françaises – Spécialisation: Communication Interculturelle
_______________________
157 Hall, M., M. de Jong & M. Steehouder (2004). Cultural differences and usability evaluation: Individualistic and collectivistic participants compared. Dans : Technical Communication 51.
158 “Face” est le mot anglais pour “visage”.
159 Brown, P. et S. Levinson (1990). Politeness: Some universals in language usage. Cambridge: Cambridge University Press
160 Hall, M., M. de Jong & M. Steehouder (2004). Cultural differences and usability evaluation: Individualistic and collectivistic participants compared. Dans : Technical Communication 51, p. 492.
161 Ibid., p. 491.
162 Würtz, E. (2006). Intercultural Communication on Web sites: A Cross-Cultural Analysis of Web sites from High-Context Cultures and Low-Context Cultures. Dans: Journal of Computer-Mediated Communication, n° 11, p. 295.
163 Spyridakis, J.H. (2000). Guidelines for authoring comprehensible web pages and evaluating their success. Dans: Technical Communication, p. 359-382.
164 http://www.3suisses.fr/ et http://www.3suisses.nl/.
165 « Qui sommes-nous ? » en français.
 

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