La publicité de médicaments véhiculée via l’internet

La publicité de médicaments véhiculée via l’internet – Section 2 :
21- La publicité sur l’internet est susceptible de prendre plusieurs formes. Il peut s’agir tout d’abord de bandeaux publicitaires (« banners »), affichés généralement en bas ou en haut de l’écran, que le consommateur active en cliquant dessus, afin d’obtenir des informations complémentaires de caractère promotionnel, ou d’accéder à un forum de discussion qui pourra, le cas échéant, présenter une même nature.
La publicité peut ensuite prendre la forme de messages interstitiels, c’est-à-dire des messages qui s’affichent très rapidement en plein écran entre les pages de présentation d’un site. Un simple clic sur la page promotionnelle actionne le lien permettant l’accès au le site qui en est l’auteur.
La publicité effectuée en ligne peut également prendre la forme de courriers électroniques ( « spams » ). Ces messages ne sont pas personnalisés, ils ne relèvent donc pas du régime applicable aux correspondances privées53. Partant, ils constituent de la publicité lorsqu’ils sont mis à la disposition d’un public. La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)54 consacre les principes décrits par la Directive européenne du 12 juillet 200255. Les communications promotionnelles à destination des particuliers sont appréhendées selon la règle de l’ « opt-in », en vertu de laquelle elles sont soumises au consentement préalable du destinataire56. En revanche, l’approche de l’ « opt-out » gouverne les cas de courriels de prospection envoyés aux professionnels. Cette approche permet l’envoi de spams aux professionnels et correspond au droit, accordé au destinataire du spam, de s’opposer à l’envoi de courriers électroniques publicitaires, de manière simple et sans coût. Dans tous les cas, chaque courriel doit comporter l’identification claire de la personne pour le compte de laquelle la communication promotionnelle est effectuée.
La publicité sur l’internet se trouve enfin sous les formes de forums de discussion, de sites ou de référencement de sites à partir de moteurs de recherche. Les forums de discussion peuvent servir de vecteur à une publicité, tout comme les référencements de sites peuvent être des formes de promotion de sites ou de services, quand ils fonctionnent à l’image d’un catalogue avec des indexations payantes : lorsque que l’on effectue une recherche, les liens commerciaux apparaissent au-dessus des résultats de la recherche.
L’internet constitue incontestablement aujourd’hui un vecteur de communication promotionnelle privilégié. Il permet en effet de fournir, par le biais d’un site, l’accès à un contenu multimédia (textes, images animées ou non, sons, etc.). Les formes de publicités de médicaments qui y circulent y sont multiples et éloignent le juriste des schémas classiques de la publicité. L’internet constitue en effet un média particulier puisque l’interactivité en est le fondement. Les informations sont transmises à une rapidité fulgurante au gré de simples « clics ». Elles sont également plus adaptées au public qu’elles visent grâce au suivi de « cookies »57. A cela, il faut ajouter que la publicité sur l’internet ne constitue pas un passage obligé, comme l’est un affichage sur la voie publique, l’utilisateur qui recherche une offre commerciale ne visite pas un site par hasard. En outre, la distinction entre simple information et réelle publicité, appliquée à certaines prestations particulières à ce média, comme la mise à disposition de bases de données par exemple, est souvent problématique ; néanmoins, ces difficultés ne doivent pas conduire au non-droit.
22- La loi n° 94- 665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », dispose en son article 2 que l’usage de la langue française est obligatoire dans toute publicité : « dans la désignation, l’offre, la présentation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire. Les mêmes dispositions s’appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ». Dans la mesure où toute publicité sur l’internet peut être qualifiée soit d’écrite, soit d’audiovisuelle, la loi Toubon est applicable à l’internet58. L’hypothèse d’une vente en ligne de médicaments au sein du territoire français ne soulève pas de difficulté dans l’application de ces dispositions à l’internet : la promotion de médicaments par un annonceur français à un consommateur français doit se faire en langue française.
23- Dès lors qu’une publicité est identifiée comme telle, elle doit répondre à certaines conditions encadrées par les Directives relatives à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, ainsi que celle sur le commerce électronique. L’article 6 de la Directive sur le commerce électronique59 prévoit que la communication commerciale doit contenir les informations suivantes : l’identification de la personne pour le compte de laquelle elle est effectuée, l’identification des offres promotionnelles ainsi que les conditions permettant d’en bénéficier, qui doivent être facilement accessibles et précises, et l’identification des concours et jeux, qui doit qui doit également être facilement accessible et précise. Ces exigences ont pour objet de traduire la transparence que doit revêtir la publicité dans un souci de protection du consommateur. Ainsi, la communication promotionnelle sous sa forme électronique doit répondre à un critère de loyauté pour être licite. Dès lors, elle ne doit pas abuser de la confiance du public ou exploiter le manque d’expérience d’un consommateur non averti.
La publicité trompeuse est interdite par de nombreux textes et la Directive du 10 septembre 1984 prohibe « toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elles s’adresse ou qu’elle touche ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent » dès son article 2. La transposition de cette Directive a été effectuée dans le Code de la consommation. Il interdit toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs éléments faisant l’objet d’une liste (relatives au prix, aux conditions d’utilisation, etc.). Ces définitions comprennent tous les supports y compris l’internet ; elles s’attachent avant tout aux conditions de perception de la publicité par le consommateur. En effet, le professionnel exerçant en ligne doit être conscient que le consommateur ne dispose pas nécessairement de logiciels de navigation assez puissants pour obtenir une bonne réception de l’image des produits. Le délit de publicité trompeuse est une délit instantané et le juge considère que l’on est en présence d’une infraction unique, même si elle se manifeste lors de chaque communication faite au public. Elle ne peut par là même être poursuivie et sanctionnée qu’une seule fois, à partir du moment où il s’agit d’allégations uniques contenues dans le même message publicitaire et diffusées simultanément60. Le responsable de l’infraction est l’auteur pour le compte duquel la publicité est effectuée, c’est-à-dire l’annonceur61 ; ainsi, un fournisseur d’accès ou d’hébergement ne pourra donc être poursuivi que sur le fondement de la complicité62.
24- La règlementation relative à la publicité comparative a également vocation à s’appliquer au commerce en ligne. On songe notamment à cet égard à la comparaison « hyperliens » faite sur un site avec des sites d’autre
concurrents. Cette forme particulière de publicité est admise et encadrée par les articles L. 121- 8 à L. 121- 14 du Code de la consommation qui la définit en son article L. 121- 8 comme « met[tant] en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des bien ou services offerts par un concurrent ». Cette publicité est soumise au respect de plusieurs conditions énoncées par ledit Code et peut être également attaquée sur le terrain pénal.
La publicité comparative est ainsi autorisée si elle est objective (c’est-à-dire fondée sur des éléments mesurables ou quantifiables, sans référence à des appréciations subjectives telles que le goût, la saveur ou l’esthétique), loyale et véridique (c’est-à-dire ne constituant pas une publicité de nature à induire en erreur le consommateur). Une condition procédurale de communication préalable de la publicité au concurrent permet à ce dernier de riposter à l’annonce et de saisir le juge des référés si cela s’avère nécessaire.
La publicité mensongère peut donc être attaquée sur le plan pénal. Le délit est constitué par le simple fait de la réception de la publicité mensongère et l’infraction est perpétrée dans tous les lieux où est constatée la diffusion du message publicitaire litigieux63. Par conséquent, tous les tribunaux de France sont compétents pour juger des messages diffusés sur l’internet. Le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 37 500 euros d’amende64. Les victimes disposent également d’un recours de droit commun fondé sur l’article 1382 du Code Civil en réparation du préjudice subi.
25- La publicité sur les médicaments diffusée sur des sites internet de laboratoires est également susceptible de tomber sous le coup des dispositions spéciales du Code de la santé publique relatives au contrôle de la publicité. Cependant, ce régime de contrôle a été conçu de prime abord pour s’appliquer à d’autres supports que l’internet et son application à ce nouveau média a pu susciter en pratique quelques difficultés d’interprétation. En effet, certaines dispositions s’avèrent d’application délicate en raison des spécificités techniques de l’internet : les modalités pratiques du contrôle de la publicité sont difficiles à mettre en place sur le réseau afin d’être pleinement efficaces. Si, en application de l’article R. 5045- 1 du CSP, l’émetteur d’une publicité pour des médicaments doit être un laboratoire doté d’un service de publicité sous la direction d’un pharmacien responsable, le destinataire peut être tout-un-chacun sur le globe, à partir du moment où il dispose d’un accès au réseau. Des contrôles efficaces doivent être mis en place.
26- La définition de la publicité de médicaments posée par l’article L. 5111- 1 du Code de la santé publique65 est large et implique sans difficulté que le support de la publicité soit l’internet. Si l’on se réfère aux exigences du CSP, à savoir qu’un médicament ne peut faire l’objet d’une publicité « grand public » que s’il n’est pas soumis à prescription médicale ni remboursable par l’Assurance maladie et que les dispositions de son AMM ne comportent aucune restriction en matière de publicité, la question se corse sur l’internet. Nul n’ignore que l’internet est le support de prédilection de la publicité de médicaments, cependant les difficultés en la matière naissent souvent de l’éventualité de diffusion transnationale. Dans l’optique de la promotion électronique de médicaments sur le réseau français, les obligations législatives et règlementaires doivent être respectées et peuvent tout à fait l’être. Enfin, la communication promotionnelle illicite se retrouve partout, sur tous les supports publicitaires. L’internet n’est qu’un support nouveau de communication qui accroît certes les potentialités de cette pratique, mais ne l’a néanmoins pas créée. Cela met seulement en valeur la nécessaire mise en place d’une coopération internationale renforcée entre les Etats afin de garantir la sécurité des citoyens.
En aval de toutes ces dispositions relatives aux actes préalables de la commercialisation de médicaments sur l’internet, surgissent de nouvelles interrogations relatives à l’hypothèse de l’ouverture d’une officine électronique et à son exploitation via l’internet. Cette hypothèse révèle que la règlementation française se heurte essentiellement à l’appréciation de concepts « physiques » au sein d’un univers immatériel.
Lire le mémoire complet ==> (La vente de médicaments sur l’internet)
Mémoire pour le master droit des contrats et de la responsabilité des professionnels
Université de Toulouse I Sciences sociales
Sommaire :

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53 La Cour de cassation a défini la correspondance privée en tant que correspondance exclusivement destinée par une personne dénommée à une autre, également individualisée, à la différence des messages mis à la disposition du public. Voir Cour de Cassation, chambre sociale, 2 octobre 2001, Société Nikon France contre Monsieur 0.
54 Loi n° 2004- 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, JORF n° 143 du 22 juin 2004, page 1168.
55 Directive 2002/ 58/ CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, dite «vie privée et communications électroniques», JOCE n° L 201 du 31 juillet 2002, page 37.
56 Cette exigence d’autorisation préalable comporte toutefois une exception lorsque le destinataire d’un e-mail a déjà donné ses coordonnées à l’occasion de l’achat d’un produit ou de la fourniture d’une prestation de service, dans la mesure où la publicité envoyée lui propose des produits et services analogues et réserve au prospect la possibilité de s’y opposer simplement.
57 Les « cookies » sont des outils permettant de récolter des données pendant la navigation, que les sites commerciaux utilisent afin d’établir le profil des internautes et de cibler les publicités à leurs préférences.
58 En ce sens, la réponse ministérielle de juin 1998 du Ministre de la culture et de la Communication : «Les publicités commerciales répondant à l’obligation d’emploi de la langue française en vertu de la loi n° 94- 665 du 4 août 1994 le sont indépendammen t du support utilisé pour assurer leur diffusion. Le second alinéa de cet article institue une obligation d’emploi de la langue française(…). En effet, le droit communautaire comme le droit national considèrent que la ou les langues officielles du pays de commercialisation constituent, sauf rares exceptions, le moyen le plus adéquat pour assurer efficacement la protection du consommateur. Le respect de cet objectif conduit donc à ne pas traiter différemment des autres supports, au regard des obligations créées par la loi du 4 août 1994, les publicités diffusées par l’intermédiaire de l’internet » (Rép. Min. n° 2110, JOAN 22 juin 1998, page 3394).
59 Directive 2000/ 31/ CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000.
60 Cass. Crim., 27 mars 2007, pourvoi n° 06- 85. 442 : la publicité trompeuse diffusée en des lieux différents ne peut être sanctionnée qu’une seule fois.
61 Article L. 121- 5 du Code de la consommation.
62 Leur responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de preuve de leur connaissance avérée du caractère illégal de la publicité.
6
3 Cass. Crim., 17 mai 1989.
64 Article L. 123- 1 du Code de consommation.

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