La teneur du « droit à l’enfant » et le droit de l’enfant

II – L’élaboration nécessaire d’un statut pour l’enfant
B – La recherche d’un statut de lege ferenda
Peut-on parler de droit de l’enfant et de droit A l’enfant en matière de procréation assistée254 ? Il est regrettable que l’on puisse opposer les droits de ceux dont la procréation devrait faire les êtres les plus proches et les plus solidaires au monde : le père, la mère et l’enfant. Les droits fondamentaux de l’homme ne peuvent s’exercer au détriment les uns des autres. Une approche conciliatrice des droits et des intérêts de ceux qui sont directement intéressés dans l’œuvre procréatrice est donc nécessaire. C’est ainsi que nous verrons succinctement le droit de l’enfant (1) puis la teneur du droit à l’enfant (2) pour ensuite conclure sur une conception génétique de la maternité en faveur de la gestation pour autrui (3).
1 – Le droit de l’enfant, un droit récent
Au cours de l’histoire de l’humanité, on ne s’est pas interrogé sur les droits de l’enfant. Ne choisissant jamais de naître, procréé au hasard et reçu soit avec gratitude, soit avec résignation, l’enfant est apparu d’abord comme un objet de propriété, de puissance, de perpétuation d’un culte, de fierté, d’affection, de rejet ou d’exploitation. C’est la fierté du XXème siècle d’en avoir fait un sujet de droit, et dans la tendance la plus récente, un sujet de droit égal, quelles que soit les circonstances de sa naissance255.
Ce principe de non discrimination, et en particulier le droit pour tout enfant d’avoir un père et une mère, a été proclamé dans l’article 1er du Projet de principes généraux des Nations Unies concernant l’égalité des personnes nées hors mariage (1977).
Il a été inscrit dans la Convention européenne relative à la situation des enfants nés hors mariage, ouverte à la signature des Etats membres le 15 janvier 1975 et entrée en vigueur le 11 août 1978. Il a progressivement été mis en application dans tous les pays d’Europe.
Ce même droit découle, implicitement de l’arrêt Marckx rendu le 13 juin 1979 par la Cour EDH contre la Belgique, que nous avons vu précédemment. La Cour interprète l’article 8§1 comme impliquant le droit fondamental de tout enfant d’avoir « une vie familiale normale ». Ce droit a été ultérieurement réaffirmé dans l’arrêt Jonhston contre Irelande du 18 décembre 1986.
Il en résulte que, au nom du principe de non discrimination, l’enfant issu d’une gestation pour autrui, devrait avoir le droit d’établir sa filiation maternelle.
La clé de voûte de la protection juridique de l’enfant est représentée par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989256.
Instrument juridique quasi universel, puisque 186 pays l’ont ratifié, ce texte n’est pas né sans problèmes ni résistances. L’idée d’un tel texte n’est pas neuve puisqu’elle existait déjà avant la deuxième Guerre mondiale. Mais protéger l’enfant, spécifiquement, oblige chaque pays, chaque culture, à se penser à travers sa jeunesse.
C’est en 1959 que cette réflexion prend sa première forme avec la Déclaration des droits de l’enfant. C’est un texte fondateur mais non contraignant. Au fil des ans, la protection de l’enfant fait son chemin et l’année 1979 est déclarée année internationale de l’enfance. A cette occasion, le gouvernement polonais propose la transformation de la Déclaration en Convention. La différence est majeure : d’un texte non contraignant, on passerait à un texte susceptible d’être revendiqué devant un tribunal.
En dépit des multiples résistances qui s’annonçaient, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies accepta le défi. Néanmoins, de nombreux arguments étaient traditionnellement avancés contre un tel texte par certains Etats estimant que la Déclaration protégeait suffisamment l’enfant. Cet argumentaire largement fallacieux puisque l’enfant doit disposer d’une protection efficace (ce que ne permet pas la Déclaration) et renforcée, en raison de sa plus grande vulnérabilité au regard de son âge (ce que ne permet pas la Déclaration universelle des Droits de l’Homme).
Le travail remarquable de nombreux pays et l’effort considérable des Organisations Non Gouvernementales ont permis d’aboutir à la Convention internationale des Droits de l’Enfant, adoptée par acclamation par l’Assemblée générale le 20 novembre 1989. Et dès le 3 août 1990, les 20 ratifications nécessaires pour l’entrée en application du texte étaient réunies257. L’entrée effective de la Convention date du 2 septembre 1990. Alors que l’Organisation des Nations Unies compte 195 Etats, 186 l’ont ratifié. Nous sommes certes face à un succès, mais nous savons que la réalité est bien différente258.
Concernant l’enfant issu d’une convention de gestation pour autrui, nous avons observé précédemment que la jurisprudence semble dèsormais contraire à cette convention, qui depuis le 18 mai 2005 est d’application directe et qui impose de prendre en considération l’intérêt de l’enfant dans toutes les décisions qui le concernent. Apparemment, les juges français ont omis de prendre en compte cet intérêt en ignorant cet enfant et en se cantonnant uniquement aux parties au contrat.
Mais qu’en est-il du droit à l’enfant ?
2 – La teneur du « droit à l’enfant »
Le « droit à l’enfant », c’est-à-dire le droit d’avoir un enfant, quand on veut, comme on veut et dans n’importe quelle circonstance259 est un droit actuellement revendiqué comme un « droit fondamental », non seulement par certains mouvements féminins ou masculins, mais par certains médecins ou juristes. Le dèsir de procréer est aussi puissant que celui de ne pas procréer dans des circonstances analogues. Un auteur260 s’est interrogé sur le fait de savoir si ce droit inconditionnel fondé sur un dèsir existe-t-il vraiment ? Est-ce un droit liberté ou un droit créance ?
On entend par droit liberté un pouvoir d’autodétermination que l’homme peut exercer sur lui- même et qui implique de la part de l’Etat et des autres particuliers un devoir de non ingé rence. A ce titre, le droit de procréer par des méthodes naturelles peut être considéré comme un droit liberté.
Mais lorsqu’il s’agit de procréations assistées, ce droit liberté change d’aspect car il n’implique plus seulement l’exercice d’une liberté individuelle, dans la sphère intime de la vie privée, mais l’intervention active d’un ou plusieurs tiers liés par des règles professionnelles. Les conditions générales de licéité des actes médicaux impliquent la nécessité thérapeutique, préventive ou curative d’intervenir ; l’utilité et la proportionnalité des actes posés par rapport au but légitime poursuivi et le consentement libre et éclairé du patient. Dans la mesure où les nouvelles techniques de procréation constituent des actes médicaux, elles sont soumises à l’ensemble de ces principes.
Lorsque dans un couple marié, l’un ou l’autre ou les deux sont stériles, le recours à une technique de procréation assistée, éventuellement avec tiers, ne guérit pas l’affection mais permet de pallier aux effets malheureux d’une cause pathologique et d’apporter par là une réponse au problème médical. Il s’agirait alors d’un droit créance, dont une personne humaine
-l’enfant- serait l’objet au profit d’une autre, ce qui serait contraire à la philosophie même des droits de l’homme.
Quant à la Convention européenne des droits de l’homme, elle ne paraît pas davantage fournir un fondement plus solide à un éventuel droit à l’enfant. Aucun texte, tant en droit interne qu’en droit européen, ne proclame le droit de la femme d’avoir ou de ne pas avoir d’enfant. La seule référence que l’on trouve a rapport avec la procréation : il s’agit
de la liberté de procréer. Cette liberté peut être déduite de deux droits fondamentaux : le droit à la vie de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interprété comme le droit de donner la vie.
Dans la pratique, ce droit n’est pas acceptable. On ne peut considérer l’absence d’enfant dans un couple comme une maladie, qui aurait pour remède le don d’enfant. En comparaison avec l’adoption, une psychologue nous a fait remarquer que lors d’un entretien pour l’adoption, si le dèsir d’enfant est trop intense, l’agrément sera refusé à la femme car les conséquences seront trop lourdes pour l’enfant. L’argument thérapeutique en faveur de la gestation pour autrui n’est donc pas valable.
Mais, si le droit à l’enfant ne peut être revendiqué, en raison du risque de marchandisation de l’enfant, nombreux sont les personnes, juristes, médecins, associations, qui réclament la légalisation de la gestation pour autrui, mais uniquement dans des cas très précis, afin que cette pratique puisse respecter les principes fondamentaux.
Lire le mémoire complet ==> La convention de gestation pour autrui : Une illégalité française injustifiée
Mémoire présenté et soutenu vue de l’obtention du master droit recherche, mention droit médical
Lille 2, université du Droit et de la Santé – Faculté des sciences juridiques, politiques et économiques et de gestion
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254 MEULDERS-KLEIN (M.-T.), « Le droit de l’enfant face au droit à l’enfant et les procréations médicalement assistées », R.T.D.civ. oct.-déc. 1988, p. 657.
255 Ibid.
256 « Enfants du monde Droits de l’homme et Droits de l’enfant », voir site Internet :
http://www.emdh.org/emdh/html/droits_enfant/cide.html#application
257 La France a ratifié la Convention le 2 juillet 1990.
258 Enfants-soldats, esclavage, prostitution, les maux sont encore trop nombreux. Les Etats-Unis n’ont pas ratifié la Convention et appliquent toujours la peine de mort aux mineurs. Le Combat est encore long…
259 Sur cette demande nouvelle, DELAISI DE PERSEVAL (G.), L’enfant à tout prix, Seuil, 1983.
260 MEULDERS-KLEIN (M.-T.), « Le droit de l’enfant face au droit à l’enfant et les procréations médicalement assistées », préc.

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