La culture du risque et la gestion des risques fiscaux

La culture du risque et la gestion des risques fiscaux

§3. La culture et la gestion des risques

« Défini comme étant l’éventualité de subir des impositions futures notifiées par le service de contrôle fiscal ou de rater une opportunité d’avantage fiscal, le risque fiscal occupe une place de choix parmi les préoccupations des entités »147.

Le risque fiscal peut être connu et résulter d’une décision intentionnelle des organes de gestion148, comme il peut être inconnu et résulter soit d’une négligence149 ou d’une erreur150, soit de la survenance d’évènements imprévisibles dans le contexte de l’entreprise 151.

147 F. CHOYAKH« La gestion du contrôle fiscal et le rôle de l’expert-comptable », op.cit, P 11.

148 C’est le cas du non respect intentionnel de l’une des conditions fixées par le cahier de charge et relatives à l’exploitation future d’un projet au titre duquel on a bénéficié d’un avantage fiscal (à titre d’exemple l’exploitation directe d’un foyer universitaire pour une période inférieure à 10 ans ou sa location à des non étudiants).

149 L’exemple des mentions obligatoires qui doivent être portées sur les factures est édifiant à ce titre. En effet le non respect des dispositions de l’article 18 du code de la TVA peut être source de risques majeurs dont les conséquences sont préjudiciables.

150 La non maîtrise des divergences entre les règles comptables et les règles fiscales peut être à l’origine d’erreurs graves notamment en matière de détermination du bénéfice imposable.

151 L’apparition d’une nouvelle législation fiscale ou d’une prise de position récente de l’administration fiscale entraînant la déchéance d’un avantage fiscal dont a bénéficié l’entreprise. L’exemple de la prise de position n°44 du 6 Janvier 2006 de la DGELF est édifiant à ce titre. En effet, cette prise de position exige que les résultats fiscal et comptable soient tous les deux bénéficiaires pour prétendre bénéficier d’un dégrèvement physique.

« Selon la fameuse loi de Murphy, si une catastrophe peut avoir lieu, elle aura lieu au pire des moments. Pour éviter que la catastrophe ne se produise, il faut en conclusion rendre son avènement impossible ou du moins très peu probable »152.

Dans un contexte caractérisé par une inflation et une instabilité au niveau des textes juridiques régissant la fiscalité, par une doctrine administrative qui n’hésite pas à jouer le rôle du législateur fiscal et à apporter des ajouts à la loi153, à prendre des positions ambiguës154 et parfois illogiques155 et par l’existence d’une administration fiscale cherchant à maximiser sa recette par tous les moyens disponibles même en tordant le coup aux principes fondamentaux, sans égard à l’intérêt de l’entreprise et à la bonne ou mauvaise foi du contribuable, la gestion efficace des risques fiscaux est devenue un facteur clé pour la survie et le succès des entreprises Tunisiennes.

152 R. YAICH« La culture du risque », RCF, N°66, Editions Raouf YAICH, 2004, P 3.

153 Voir le §5 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre I.

154 L’exemple de la doctrine administrative relative à la définition de la notion de marché constitue à cet effet un parfait exemple d’illustration.

155 En se basant sur une interprétation stricte de la formulation « pour la détermination du bénéfice imposable » prévue par l’article 49 decies du code de l’IRPP et de l’impôt sur les sociétés, l’administration a limité la possibilité de déduction des plus values exonérées aux entreprises qui réalisent un résultat bénéficiaire. En effet, Dans une prise de position (1765) du 2 octobre 2006, la DGELF a précisé qu’en cas de réalisation de résultat bénéficiaire après déduction des reports déficitaires, des amortissements de l’exercice et des amortissements réputés différés en périodes déficitaires, la société procède à la déduction des revenus et bénéfices bénéficiant du droit à la déduction du résultat imposable tels que les plus values exonérées et les bénéfices provenant de l’exportation.

« Si cette nouvelle tendance doctrinale se développe et se confirme, nous allons nous retrouver avec deux fiscalités : l’une comportant des avantages réservés aux entreprises bénéficiaires et l’autre, pénalisante, pour les entreprises non bénéficiaires, ce qui est contraire aux principes d’égalité devant la loi et d’équité fiscale garantis par la constitution ». (R. YAICH, L’impôt sur les sociétés 2007, op.cit, P 34).

En effet, l’analyse des états financiers de certaines entreprises montre que la charge fiscale constitue une partie assez importante de leurs charges, « les écarts peuvent se traduire par des variations importantes des résultats financiers de l’entreprise lorsque les impôts ne sont pas convenablement gérés et contrôlés »156.

Pour être optimale, la gestion des risques doit se traduire dans la culture des responsables et du personnel de l’entreprise d’une part et dans les prises de décisions de l’entreprise d’autre part.

1. La culture du risque

« La culture du risque fait que, même lorsque l’entreprise est « en contrôle » aujourd’hui sa direction a conscience que le mode de fonctionnement qui permet aujourd’hui d’être « en contrôle » ne garantit pas nécessairement que l’entreprise le demeure face au niveau de changement et de complexité du monde des affaires de demain et que par conséquent, la vigilance est une condition de survie dans le nouveau mode de fonctionnement de l’économie »157.

L’expert-comptable doit se tenir vigilant. En effet, même s’il est convaincu que toutes les menaces et que tous les facteurs susceptibles de créer des risques sont sous contrôle, il doit être conscient de la possibilité de survenance d’un événement ou d’un changement des textes législatifs ou de la doctrine en vigueurs pouvant être source de risques fiscaux importants et dont l’effet peut être néfaste pour l’entreprise.

2. La gestion des risques fiscaux

La gestion des risques fiscaux peut prendre deux formes :

  • * Une gestion passive
  • * Une gestion proactive
1. La gestion passive du risque fiscal

Dans ce mode de gestion, le professionnel aide les dirigeants de l’entreprise à réagir à une menace ou alléger les répercussions négatives des risques qui peuvent survenir.

2. La gestion proactive du risque fiscal

« Gérer le risque, c’est agir sur deux domaines essentiels qui sont la prévention et l’intervention »158.

« Dans une approche proactive, non seulement l’entreprise se donne les moyens d’éviter les dangers, mais cherche également à profiter des opportunités qui les accompagnent »159.

156 S. BELAIR, « Ce que les conseils d’administration devraient savoir à propos de : Atteindre l’équilibre entre la gestion du risque et les occasions fiscales », Deloitte &Touche – Canada, (www.deloitte.com).

157 R. YAICH « La culture du risque », op.cit, P 3.

158 www.wikipedia.org/wiki/gestionde _crise, visité en Avril 2007.

159 R. YAICH « La culture du risque », op.cit, P 3.

La gestion proactive des risques se traduit par la mise en place d’un processus permettant de détecter le risque et de tirer profit des opportunités qui l’accompagnent.

Ce processus comprend 5 étapes :

* Identification des risques

« Plus généralement appliquée aux entreprises, la gestion du risque s’attache à identifier les risques qui pèsent sur les actifs de l’entreprise, ses valeurs au sens large »160. Pour pouvoir aider la direction à gérer d’une manière efficace les risques fiscaux, l’expert-comptable doit commencer par une prise de connaissance de tous les secteurs d’activité de l’entreprise.

Certaines personnes sont tentées de penser que les risques fiscaux s’imputent limitativement aux questions se rattachant au service de fiscalité de l’entreprise. Certes, les risques fiscaux sont générés en grande partie, par la possibilité de conflits pouvant avoir lieu entre l’entreprise et les services de l’administration fiscale lors d’une vérification de la situation fiscale de l’entreprise.

Ces conflits sont susceptibles de générer des redressements en matière imposable dont les répercussions pèsent, généralement, lourdement sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Toutefois, selon S. BELAIR161, « le service de la fiscalité ne gère que 25% à 30% des problèmes fiscaux de l’entreprise. Les quelques 75% restants se trouvent dans les unités d’exploitation et les secteurs fonctionnels, où le service de la fiscalité intervient parfois très peu. En voici quelques exemples :

ƒ Unité d’exploitation : les changements intervenants dans les activités, les contrats ou les relations peuvent avoir des répercussions fiscales imprévues ;

ƒ Services des ressources humaines : les affectations internationales ou l’embauche d’étrangers soulèvent parfois des problèmes fiscaux ».

Ainsi, presque tous les aspects de l’activité de l’entreprise et toutes ses transactions sont générateurs de risques fiscaux.

Pour parvenir à repérer les facteurs éventuels de risques, le professionnel doit accomplir les diligences adéquates dont, notamment :

  • ƒ L’examen du contrôle interne de l’entreprise et la détection de ses points faibles susceptibles de générer des risques fiscaux;
  • ƒ L’élaboration, s’il le juge nécessaire, d’un audit fiscal proprement dit. Cet audit peut même faire l’objet d’une mission spécifique.
* La maîtrise des risques fiscaux

« La maîtrise des risques nécessite la constitution d’une mémoire des évènements générateurs de risques162 et des risques réalisés. Le cahier des anomalies est un moyen de collecte et de mémorisation des risques consommés car il est nécessaire de connaître et de mesurer les dégâts pour déterminer le coût potentiel de chaque risque »163.

Il s’en sort que pour aboutir à une maîtrise des risques, il faut tout d’abord procéder à un inventaire systématique des risques, les enregistrer dans un cahier ou une base spécifique et puis mesurer leur importance et leur gravité.

* L’évaluation des risques fiscaux

Cette étape consiste à « évaluer le couple probabilité de survenance/gravité potentielle. Le gestionnaire de risque va chercher à parer les risques dont la gravité couplée à la probabilité est la plus élevée »164. Le gestionnaire de risque est tenu aussi de repérer les avantages qui accompagnent le risque. A cet effet, il doit évaluer le couple gravité potentielle/avantages.

* La détermination du seuil de tolérance au risque fiscal de l’entreprise :165

C’est le niveau de risque à partir duquel l’entreprise ne peut plus tolérer un risque fiscal supplémentaire. « Il vise à atteindre l’équilibre entre la gestion du risque et les occasions fiscales »166.

160 www.wikipedia.org/wiki/gestion _du_risque, visité en Avril 2007.

161 S. BELAIR « Ce que les conseils d’administration devraient savoir à propos de : Atteindre l’équilibre entre la gestion du risque et les occasions fiscales », Deloitte &Touche – Canada, www.deloitte.com, visité en Avril 2007

162 Ce mémoire doit énumérer, à titre d’exemple, les différentes règles de forme et de fond édictées par la législation fiscale et qui sont liées à l’activité de l’entreprise ou aux avantages fiscaux dont elle a bénéficié.

163 R. YAICH « La culture du risque », op.cit, P 3.

164 www.wikipedia.org/wiki/gestion_de _crise, op.cit.

165 S. BELAIR, – Canada « Ce que les conseils d’administration devraient savoir à propos de : Atteindre l’équilibre entre la gestion du risque et les occasions fiscales », Deloitte & Touche, www.deloitte.com, op.cit.

166 Ibid.

Ce seuil revêt une grande importance vu qu’il permet de réduire la gravité des risques fiscaux, de déterminer ceux qui sont gérables et ceux qui ne le sont pas et de saisir toutes les opportunités fiscales qui peuvent accompagner le risque.

Notons, à ce niveau, que la quasi-totalité des experts-comptables interrogés acceptent un niveau de risque moyen, voire même, élevé (33%), alors que 7%, uniquement, n’acceptent qu’un niveau faible de risque.

* Le choix de la solution appropriée

La dernière étape du processus de la gestion des risques consiste à prendre la décision appropriée relative à chaque risque détecté.

Cette décision peut prendre deux formes :

ƒ La réduction du risque : elle consiste à essayer d’éviter le risque ou d’alléger ses répercussions. Cette décision est prise s’il s’est avéré que le risque est non gérable ou si le seuil de tolérance au risque fiscal est déjà atteint.

ƒ La gestion du risque : dans ce cas l’entreprise choisit d’encourir le risque et de saisir toutes les occasions de planification fiscale qui l’accompagnent. Cette décision est prise s’il est démontré que le risque est de faible importance, que les avantages qui en résultent dépassent les inconvénients et bien évidemment lorsque le seuil de tolérance ne risque d’être dépassé.

Le processus de gestion des risques fiscaux peut être schématisé comme suit :

Le processus de gestion des risques fiscaux

Source : Kinney, 2000, Cité par BORGI (R.), in Mémoire d’expertise comptable, FSEGS, 2007, page 88

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Optimisation fiscale en matière d’IS (impôt sur les sociétés), rôle de l’expert-comptable
Université 🏫: Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Sfax
Auteur·trice·s 🎓:
Hentati Adlène

Hentati Adlène
Année de soutenance 📅: 2008-2009
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