La publicité au générique, la publicité professionnelle

2 La publicité professionnelle
2.1 La publicité au générique
2.2 L’économie de marché et la publicité professionnelle
2.3 Historique de la période restrictive
2.3 Période d’ouverture de la publicité professionnelle
2 La publicité professionnelle
2.1 Publicité au générique
Nous connaissons tous ce qu’est la publicité ou du moins nous le croyons.
Tous les jours, du lever au coucher, nous sommes enveloppés par la publicité : Autobus, Métro, Radio, Télévision, Panneaux réclame, Journaux de toutes sortes.
Il n’y a pas deux pas que nous fassions et nous butons sur une affiche publicitaire.
La publicité qu’elle soit commerciale ou professionnelle présente plusieurs éléments semblables.
Les auteurs consultés sont des universitaires de renoms œuvrant dans des milieux quelque peu différents. Les Cossette, Motulsky et Galbraith n’ont plus à être présentés. Ils ont tous trois pris position sur la publicité et on ne peut ignorer leurs commentaires puisque cette même publicité est le fondement de la publicité professionnelle.
Le sujet de la publicité professionnelle intéresse toutes les professions libérales reconnues par le code des professions québécois. Nous évaluerons la situation sous cet angle, mais avec une attention particulière vers la médecine dentaire, qui présente certaines spécificités.
2.1.1 LA DOCTRINE : LES VUES D’UNIVERSITAIRES RECONNUS
« L’animal est une créature du besoin, alors que l’homme y ajoute le désir. Le besoin est organiquement ressenti [la SOIF…); le désir est la sensation d’un manque qui n’est pas un besoin »*
*Marcel Boisot dans «La morale cette imposture» (1999)
* Cossette
CossetteLa publicité, telle que définie par le professeur Cossette55 «est une forme persuasive de la communication de masse particulièrement quand l’activité concerne la promotion de biens ou de services»
Il s’empressera de dire que ce n’est pas la meilleure forme de communication, que la communication interpersonnelle est plus efficace et que si on a recours à la publicité pour persuader des masses de gens, c’est qu’elle est plus économique. Quand la communication est-elle persuasive? Voilà ce qui s’ensuit comme réponse à cette question :
« D’un certain point de vue, toute communication est persuasive : peut-il se trouver une personne qui parlerait sans sentir le besoin que son point de vue soit accepté par son interlocuteur » 56
Toute forme de communication persuasive sur un produit ou service est donc communément appelé publicité; ce mot est alors employé dans un sens générique.
Le rôle de la publicité c’est d’essayer de changer l’attitude du consommateur face à un produit ou un service.
Le but de la promotion des ventes est une activité de communication en vue de provoquer une demande immédiate pour un produit ou un service.
Sans entrer dans tous les menus détails de la publicité, retenons qu’elle peut se présenter sous des aspects multiples qui peuvent être de la commandite au publi-reportage.
« Sans compter que la publicité est désormais multiforme, l’imagination et la ruse des publicitaires est sans limite. Ils inventent chaque jour de nouvelles formes de publicité […] ».57
L’industrialisation galopante et la mécanisation, l’arrivée des media de masse et l’urbanisation, sont tous des facteurs qui ont contribué à rendre la publicité telle qu’on la connaît.
Aujourd’hui la publicité se définit comme étant toute forme de persuasion de masse à visées commerciales.
« La publicité crée des besoins en ne présentant que des demi vérités, en jouant sur les valeurs sociales et en séduisant l’imagination avec ses images singulières et ses beaux mots […] »
De l’aveu du professeur Cossette le publicitaire expliquera qu’il ne fait que répondre à des besoins non conscients, ce qui l’amènera à discuter de ce que le consommateur désire.
Suite à ces vérités, frôlant le mensonge, le législateur a promulgué la loi sur la concurrence58 en 1985, afin d’assurer au consommateur des prix compétitifs et un choix des produits incluant les services professionnels, afin de lui éviter des indications fausses ou trompeuses.
Article 74.01
« (2) […] est susceptible d’examen le comportement de quiconque donne […] des indications au public relativement au prix auquel un ou des produits similaires ont été, sont ou seront habituellement fournis […] On déduit habituellement que le prix normal est celui auquel on a, dans un marché donné […] vendu une quantité importante du produit à ce prix […] »
C’est en vertu de cet article que des entreprises sont condamnées chaque année pour avoir tenté d’induire en erreur les consommateurs quant aux prix auxquels elles offraient des marchandises.
Il est à noter qu’au paragraphe 6 de cet article apparaît la prise en compte de l’impression générale :
« (6) Dans toute poursuite intentée en vertu du présent article, pour déterminer si les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important, il est tenue compte de l’impression générale qu’elles donnent ainsi que leur sens littéral»
Déjà en 1978, Québec s’était muni d’une Loi sur la protection du consommateur 59 visant à protéger le consommateur de telles fourberies. L’article 219 précise :
« Aucun commerçant, fabriquant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que se soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur […] »
Il faut donc en déduire qu’un annonceur ne peut pas faire de la publicité pour un produit s’il ne peut pas le fournir aux conditions annoncées.
Visant à corriger l’impression que la publicité était mensongère, le Code de déontologie des publicitaires canadiens mettait l’accent sur la véracité dès l’article premier, qui est intitulé Véracité, Clarté et Exactitude. 60
Déjà en Suisse, on penche en faveur de l’entrée de la publicité dans les manuels scolaires, et en Allemagne, la vente d’espaces publicitaires dans les écoles y est déjà autorisée. Nos universités québécoises n’ont-elles pas déjà amorcé la publicité exclusive à PEPSI?
C’est Ramonet qui disait dans le monde diplomatique en parlant de la publicité qu’elle était, « Tentaculaire, étouffante, oppressive […] elle est parvenue à investir […] l’art, la culture, la science, l’éducation […] la recherche et l’enseignement » 61
Aux États-Unis plus qu’ailleurs, les marchands investissent en publicité pour décupler le désir chez les pauvres comme chez les riches. Aussi, les entrepreneurs nord-américains ne se privent-ils pas pour stimuler les désirs : l’Amérique du Nord dépense deux fois plus en publicité par habitant que l’Europe : aux États-Unis, on investit près de 400$ par habitant par année; en France, 160$ par habitant.62
La désuétude des objets est un autre aspect que la publicité sait exploiter en convainquant le consommateur que les objets ne sont plus adéquats, qu’ils sont dépassés.
Ils ne sont pas écartés parce qu’ils sont usés ou brisés; ils souffrent de vieillissement psychologique, ne répondant tout simplement plus à l’image que les consommateurs se font d’eux-mêmes. Renouveler la valeur symbolique des objets, c’est aussi à quoi sert la publicité.63
Cet avancé contribue à susciter un désir bien que ce ne soit pas un besoin.
À titre d’exemple, touchant la médecine dentaire, il faut voir l’appât que ce vieillissement psychologique crée avec la publicité concernant le blanchiment des dents.
* Motulsky
«La publicité fournit des informations au consommateur, mais ces informations ne sont pas neutres» Bernard Motulsky, 1980
MotulskyComme deuxième consultant dans ce domaine de la publicité, nous retrouverons le professeur Bernard Motulsky64, qui s’empresse de nous dire que la publicité est un processus de communication qui englobe la formalisation et la transmission de messages. Le processus publicitaire est étroitement lié à l’acheminement de messages commandités et il conclut que :
« Le coût de fabrication et de transport du message publicitaire est en effet payé par l ‘émetteur de ce message »65
La publicité est donc décrite comme une industrie autonome de communication.
Certains points ont capté particulièrement notre attention dans le contexte de cette présentation :
En premier lieu, certaines caractéristiques du produit annoncé peuvent avoir un impact plus considérable chez le consommateur.
Les cosmétiques, parmi lesquels la dentisterie cosmétique pourrait être classée, font la preuve de l’efficacité de la publicité.
Motulsky prête beaucoup d’importance sur l’information trompeuse qui est interdite par le législateur; le problème fondamental repose sur sa définition :
« Étant donné dit-il « […] que la tromperie peut être démontrée seulement dans une information factuelle et univoque, il faut y reconnaître la frontière entre les méthodes licites de persuasion et les méthodes illicites. A partir du moment où le message publicitaire ne contient pas d’informations mensongères, il franchit déjà une première étape dans son acceptation par la collectivité. Les messages, pour être acceptables, doivent donc éviter les énoncés manifestement trompeurs […] »66
Les difficultés qui régiraient l’information en publicité s’établissent surtout dans la définition de l’espace restreint entre persuasion et tromperie.
« La publicité fournit des informations au consommateur, mais ces informations ne sont pas neutres : elles ont une fonction bien précise d’incitation L’information publicitaire présente la caractéristique essentielle de n’être pas recherchée par le récepteur, mais de tenter de s’imposer à lui. Par sa simple présence, la publicité est une incitation, même si son contenu est entièrement véridique.»
C’est par la bouche d’Edgar Morin que Motulsky tente de clarifier la mince différence entre information et incitation.
« Le message publicitaire doit viser à confondre l’information et l’incitation. C’est à partir de cette dualité que se développe la dialectique, voir le double jeu publicitaire entre information et incitation »67
La publicité n’est généralement pas recherchée pour son contenu informationnel. Elle cherche à s’imposer malgré l’indifférence du récepteur. Elle présente comme une vérité l’opinion d’un producteur sur son produit. En ce sens elle peut être trompeuse par nature. Sa caractéristique principale est d’être incitative.
Vers 1975 l’Office des professions du Québec constatait que l’absence de publicité pourrait avoir des effets néfastes :
« L’OPQ estime que les consommateurs sont desservis par l’absence de publicité sur les prix des services professionnels »68
En terminant avec la pensée de Motulsky qui tentait de répondre à l’OPQ estimant que les consommateurs étaient desservis par l’absence de publicité sur les prix des services professionnels, nous ne pouvons faire autrement que de retenir cette phrase, mais encore plus son questionnement.
« Une publicité qui ne peut mentionner qu’un certain nombre d’informations précises et factuelles est sans doute le type de publicité la moins incitative qui se rapproche le plus d’une véritable information aux consommateurs.»
Mais le rapport de forces actuel conduit-il vers ce type de publicité?» (notre soulignement)
* Galbraith
GalbraithNotre troisième consultant en la personne de John Kenneth Galbraith en est un de grand calibre. En tant qu’économiste, il nous fournit un horizon différent sur la publicité.
Parmi ses nombreuses publications reportons-nous à deux d’entre elles, soit «l’Ère de l’opulence» 1958, et le Nouvel État industriel 1968, ouvrages qui sont intimement liés comme le souligne l’auteur dans son avant -propos.
Dans le premier ouvrage il démontre que le système actuel est en mesure de produire un surplus de biens en regard de ce que les consommateurs peuvent utiliser.
Ceux-ci sont dès lors soumis à une telle pression de la publicité que la notion de souveraineté du consommateur peut en être affectée. Il opte enfin pour une amélioration de l’éducation afin que les citoyens – consommateurs soient capables de faire un meilleur choix.
Neuf ans plus tard dans le «Nouvel État industriel» Galbraith nous laisse voir le rôle de la publicité qui en permettant la présentation des produits, contribuera à susciter la réponse espérée de la clientèle.69
Le «Nouvel état industriel» (1968) met à nouveau en relief le rôle de la grande entreprise; celle-ci est obligée pour assurer son maintien et sa croissance de contrôler le marché par la publicité. Ceci lui permettra de mieux planifier.
En vue de réaliser cet objectif, le pouvoir est détenu par une technostructure regroupant gestionnaires et techniciens. Celle-ci cherchera à satisfaire les actionnaires et maintenir la croissance; elle englobe tous ceux qui constituent le groupe de prise de décisions, c’est une entente collective qui se substitue à l’entrepreneur.
Aussi, Galbraith en appelle-t-il à un renouveau des politicologues publics et à un sursaut des élites intellectuelles et professionnelles.
Dans une économie de marché, on convient que la concurrence est nécessaire pour que se maintienne l’équilibre entre l’offre et la demande.
Cet équilibre est cependant de plus en plus difficile à atteindre et on fait face très souvent à une concurrence imparfaite, ce qui bouleverse l‘analyse néo-classique.
Dans l’enseignement classique économique l’initiative est censée appartenir au consommateur. Cette filière normale correspond de moins en moins à la réalité.
L’entreprise moderne a les moyens par la publicité de manœuvrer le consommateur quant au choix et au prix. Galbraith énonce que nous sommes entrés dans un nouvel âge du capitalisme qu’il identifie « la filière inversée ».
Ce n’est plus le consommateur qui, par la demande commande le rythme de la production des entreprises, mais bien l’inverse.70
Le producteur influence le consommateur pour qu’il achète ce qu’il produit. Ce n’est plus la demande qui oriente l’offre, mais le contraire. Le consommateur-roi n’est plus celui qui domine la logique économique.
Aux mains d’une technostructure, dont la publicité, qui a la capacité d’échapper aux contraintes exercées par le marché, le producteur a le pouvoir de déterminer ses prix et d’exercer une forte influence sur les décisions du consommateur.71
Dans un tel contexte, la publicité joue un rôle déterminant selon Galbraith, car le producteur peut orchestrer le désir de consommation. En conséquence, la publicité peut créer des besoins inutiles dont les premières victimes sont souvent les plus vulnérables.
Par la publicité la fabrication du désir de consommation plutôt que la consommation elle-même est suffisante pour la mise en production.
Une autre astuce de la publicité pour éviter la concurrence directe, consiste à apporter au produit ou aux services une différentiation qui crée chez le consommateur le sentiment qu’il s’agit d’un produit ou service différent des concurrents, jouissant ainsi d’un quasi-monopole.
On se retrouve alors dans un marché de concurrence monopolistique. Les prix sont susceptibles d’être supérieurs. Galbraith soutient dans «L’Ère de l’opulence» que la publicité fait naître des besoins qui auparavant n’existaient pas; de plus le producteur crée des désirs qu’il cherche à satisfaire.72
Une fois admis que les besoins correspondent à un processus d’autodétermination, et constatant le rôle de la publicité dans la création des besoins ainsi que notre assujettissement à la persuasion publicitaire, on en arrive à la conclusion que la théorie de la demande est quelque peu ébranlée en regard des objectifs de l’économie.
Cette pression de la publicité qui asservit le consommateur entre en conflit avec cette notion de souveraineté du même consommateur. C’est donc dire que publicité et autonomie du consommateur pourraient devenir des éléments antinomiques.
De plus, à cet égard certaines contradictions se font voir entre les prémisses de l’économie néo -classique et la publicité.73
Qu’il nous soit permis de fermer une dernière fenêtre de la philosophie de Galbraith, qui se laisse voir dans «The affluent Society»
« The producer is making the goods (or services) and making the desires for them […] advertising creates the wants it seeks to satisfy»74
« The central function of advertising is to create desires to bring into being wants that previously did not exist»75
Nous venons de voir à vol d’oiseau ce que pensent trois universitaires de la publicité. Les fondements doctrinaux qui ont été relevés, s’appliquent à toute publicité compte tenu de certaines restrictions sur la publicité professionnelle, qui sont imposées par le Code des professions et le Code de déontologie.
Il sera important de garder en mémoire ces éléments d’ordre général qui pourront certes nous permettre une meilleure compréhension des limites acceptables au niveau de la publicité professionnelle.76
Lire le mémoire complet ==> (La publicité professionnelle
Problématique soulevée dans le cadre de la déontologie du médecin-dentiste
)

Essai en vue de l’obtention du grade de « Maître en droit»
Faculté de droit – Université de Sherbrooke
_______________________________
55 C. Cossette, professeur, « La publicité, déchet culturel » Presse de l’Université Laval, 2001
56 Ibidem, page 5
57 Ibidem, page 35
58 Loi sur la concurrence (L.R.C.) 1985, c. C-34, partie 7.1. «Pratiques commerciales trompeuses» article 74.01 à jour 31 août 2003, Source : http://lois.justice.gc.ca/fr/chrch.cgi?query=74.01&method=AND&doc_id=158746&part=block&langue=fr&x=9&y=5
59 Loi sur la protection du consommateur L.R.Q., c.P-40.1 article 219
60 Code canadien des normes de la publicité (NCP) article 1, voir Annexe 5.2 http://www.adstandards.com/fr/standards/adstandards.asp
61 I. Ramonet, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, «La pieuvre publicitaire», mai 2001 www.monde-diplomatique.fr
62 J. Schor, selon des recherches rapportées par dans « The Overspent american» Harper – Collins, 1999 http://www.ecobooks.com/books/overspent.htm
63 Précité, note 55, 4e partie, page29
64 B. Motulsky, « La publicité et ses normes » Les presses de l’université Laval 1980, page 79 (Monsieur Motulsky est aujourd’hui directeur des communications à l’Université de Montréal)
65 Ibidem, page 2
66 Ibidem, page 75
67 E M.orin, préface à l’édition de 1968 de « Publicité et société » par Bernard Cathelat (cité dans Motulsky- « La publicité et ses normes» U de Laval, 1980
68 OPQ, rapport sur la réglementation des honoraires professionnels dans la pratique privée, 1977, pages 203-204
69 J. K. Galbraith, «Le nouvel État industriel» traduit de l’anglais, Galimard, Paris 1968, page 82
70 Ibidem, page 218
71 http://perso.wanadoo.fr/claude.beck/la%20filiere%20inversee.htm
72 J. K. Galbraith, « L’Ère de l’opulence », Calman-Levy, Paris 1961, pages 149-152
73 Contradictions entre le modèle capitaliste néo-classique et la publicité. Notre exposé n’a pas pour objectif d’élaborer sur ce sujet. L’annexe 5.12 permettra au lecteur d’obtenir un peu plus de détails sur cette problématique.
74 J.K. Galbraith, « The affluent society », Houghton, Mufflin Company, Boston, second edition, revised 1969, page 150
75 Ibid, page 149
76 Nous signalons de plus que les Normes canadienne de publicité apparaisse en Annexe 5.2

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