Opérations d’externalisation : phénomène croissant

Opérations d’externalisation : phénomène croissant

II. Un phénomène croissant

a. Développement des opérations de sale-and-leaseback

Le sale-and-leaseback a été introduit pour la première fois par les magasins Safeway en 1936, aux Etats-Unis. En Europe, le procédé a commencé à se développer dans les années 80. Ces opérations portaient principalement sur des actifs immobiliers détenus par l’Etat, et quelques initiatives privées.

Déjà à cette époque, les différents acteurs économiques cherchaient des ressources pour se développer ou se désendetter. C’est le cas par exemple de Renault, qui a réalisé au cours des années 80, des opérations de sale-and-leaseback au profit de Sicomi.

Cependant, ces opérations étaient généralement isolées, et ce n’est qu’à partir des années 90, que le phénomène s’est vraiment développé en Europe. Le premier à inaugurer le mouvement a été l’Etat anglais. Dans un contexte de réduction des déficits et d’optimisation des ressources, il a, dès le milieu des années 90, amorcé des mouvements de transfert du secteur public vers le secteur privé.

Ces externalisations ont été accompagnées de contrats de longue durée d’entretien et de maintenance, et ont principalement concerné le ministère de la Défense, le Trésor public, ou encore le « Home Office ».

Le mouvement engagé avec succès par le gouvernement britannique a servi d’exemple pour le secteur public d’autres pays européens, mais aussi pour le secteur privé. En France, les premières grandes opérations d’externalisation d’actifs immobiliers (comme celles de Suez ou de la Compagnie Générale des Eaux) ont vu le jour à partir de 1996 et la fin de la crise immobilière. Le mouvement a été prolongé par l’externalisation d’actifs immobiliers d’anciens monopoles d’Etat (France Telecom et EDF) au début des années 2000.

A la même époque, on assiste également à la cession de 167 centres commerciaux par Carrefour au profit de Klépierre pour un montant total de 1,5 milliards d’euros. Ces opérations d’envergure continuent d’alimenter le marché aujourd’hui. En témoigne, les récentes opérations d’externalisations menées par Accor, Décathlon, Casino, ou encore la Poste Immo.

Selon CBRE, à l’échelle européenne, les sale-and-leaseback ont progressé en valeur de 326% entre 2004 (6,7 milliards d’euros) et 2008 (22,5 milliards d’euros), et sont passés de 6% du montant total des investissements européens à presque 20%. Alors que les montants de 2004 étaient principalement liés à un petit nombre de grandes transactions, l’année 2008 a été marquée par 750 transactions indépendantes.

Par ailleurs, la part du sale-and-leaseback dans le montant total des investissements européens n’a cessé d’augmenter depuis 2004 (sauf au premier semestre 2009), ce qui laisse penser que le sale-and-leaseback est devenue structurellement une opération incontournable dans l’univers de l’investissement européen.

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Source : CBRE

En 2009 le secteur financier et de la grande distribution ont été très actif dans ce domaine.

Source : CBRE

b. Une demande croissante des crédits-preneurs

De 2004 à 2007, le sale-and-leaseback est devenu de plus en plus populaire chez les crédit-preneurs du fait de la valorisation élevée des actifs immobiliers. Le sale-and-leaseback était alors le moyen d’extérioriser une plus-value latente, par rapport à la valeur comptable sous-évaluée, inscrite au bilan. D’autre part, le sale-and-leaseback représentait de nouvelles ressources financières pour des entreprises soucieuses d’investir, et de développer leur cœur de métier.

Avec la crise, compte tenu du tarissement des sources de financement classiques, et de l’augmentation du coût de la dette, un grand nombre d’entreprises ont également eu recours au sale-and-leaseback malgré la chute des prix du marché immobilier,

Vendre les murs de son entreprise pour en devenir locataire aurait pu paraître étrange, il n’y a pas encore si longtemps. Cependant, on observe un changement des mentalités. Selon Patrick Henniquau, président de Banimmo Real Estate France : « Les acteurs prennent aujourd’hui conscience que l’immobilier, pour être valorisé, doit être confié à des professionnels, et que sa séparation de l’exploitation est un bon moyen de retrouver du cash pour relancer cette exploitation ».

D’autre part, les avantages fiscaux ont également contribué au succès du sale-and- leaseback chez les crédits preneurs. Les véhicules d’investissement transparents fiscalement ont largement participé au développement du sale-and-leaseback. Stéphane Illouz, avocat associé du cabinet De Pardieu, nous explique ainsi que « la création du statut des SIIC a largement contribué à l’augmentation des externalisations ». En outre, depuis quelques années, la plus-value de cession est taxée à un taux réduit lors de la cession à une société foncière règlementée. Ce qui incite de plus en plus d’entreprises à franchir le pas.

c. Une demande croissante des crédits bailleurs

Le sale-and-leaseback est un produit qui a connu un fort succès auprès des investisseurs durant ces dernières années. Les baux sont généralement longs (15 à 20 ans), et offrent une performance stable, assimilable au rendement obligataire.

Les taux sont dans l’ensemble élevés, (ils peuvent atteindre 8 à 9% selon Colliers International sur les actifs les plus spécifiques) et la créance est généralement protégée par de nombreuses clauses contractuelles. D’autre part, le crédit-bailleur est également protégé par le transfert de propriété, qui lui permet de saisir définitivement le bien, si le contrat n’est pas respecté par le crédit-preneur.

Enfin, avec le changement des mentalités, l’externalisation de l’immobilier n’est plus réservée aux seules entreprises en difficulté. Des signatures de qualité sont désormais disponibles sur le marché.

Les investisseurs comme les fonds de pension et les sociétés d’assurances dont les horizons d’investissement sont parfois supérieurs à 20 ans se révèlent être particulièrement intéressés par ces engagements de long terme, et ces clauses protectrices.

Leur appétit est tel que ces investisseurs institutionnels participent aujourd’hui à 30% des transactions de sale- and-leaseback en valeur alors qu’ils représentent moins de 20% du marché de l’investissement immobilier. D’ailleurs, cette participation est susceptible d’augmenter en

2010. Produit financier autant qu’immobilier, le crédit-bail bénéficie d’un sous-jacent tangible. Le bien est clairement localisé, non délocalisable. D’autre part, le crédit-bail a l’avantage de voir son sous-jacent mécaniquement valorisé avec l’inflation, ce qui lui apporte une garantie supplémentaire.

Enfin, la création de nouveaux véhicules d’investissement (SIIC en 2002, OPCI en 2008) a également contribué à moderniser l’épargne immobilière, et à augmenter la taille des fonds. Fiscalement transparents, ces véhicules d’investissement ont permis d’aligner le rendement net sur le rendement brut, ce qui s’est traduit par une marge de manœuvre complémentaire de 20% sur l’offre de prix des actifs immobiliers.

d. Perspectives du sale-and-leaseback

Les analystes estiment que le marché du sale-and-leaseback en 2010 et 2011 devrait continuer à se développer. En effet, selon Daniel White, spécialiste des fonds immobiliers à l’IEIF, « l’externalisation devrait monter en puissance.

Il n’y a aucune raison pour que ça s’arrête, d’autant que l’offre de véhicules s’est étendue. La crise entraîne le besoin immédiat de trésorerie. Dans ce contexte, le crédit-bail est un modèle qui opère un retour : il permet de dégager du cash sur le court terme pour rembourser ses dettes, ce qui est de plus en plus urgent dans le contexte actuel, pour redevenir ensuite propriétaire à long terme ». Le marché devrait être d’autant plus porteur que les mentalités devraient continuer à évoluer dans les années à venir.

L’enjeu de l’externalisation des actifs immobiliers est de taille. En effet, selon CBRE, la valeur de l’immobilier détenu par les entreprises européennes s’élève aux alentours de 2250 milliards d’euros, soit environ 12 fois le niveau moyen d’investissement immobilier européen sur les 5 dernières années.

D’autre part, toujours selon CBRE, un certain nombre de fonds d’investissement immobiliers, après être restés silencieux pendant la crise, sont en phase active de recherche d’opérations de sale-and-leaseback. Ils chercheraient en effet à bénéficier à la fois du rétablissement de la situation des entreprises et du rebond du marché immobilier.

Enfin, certains observateurs estiment que le marché du sale-and-leaseback pourrait être animé en 2010 par la cession d’actifs spécifiques. Ainsi, le groupe du secteur de la dépendance Orpéa a annoncé un objectif de cession de maisons de retraite de 80 à 120 millions d’euros par an pour les années à venir.

La Poste, a annoncé quant à elle, après avoir externalisé 6 plates formes industrielles, réfléchir à externaliser les murs de 2000 bureaux de poste. Enfin, l’Etat français s’est fixé un objectif de 900 millions d’euros de vente d’actifs pour 2010. Première opération de l’année, le siège de Météo France, a été cédé à la Fédération de Russie.

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