Contrat mutualiste et nature hybride de la mutualité

Le caractère hybride du mutualisme, source d’ambiguïté – chapitre 2 :
S’il ne fait nul doute que le syndicalisme présente une nature institutionnelle, le mutualisme présente un visage plus complexe.
Une réelle ambiguïté préside à la détermination de la nature profonde de la mutualité. Consacrée à une époque où le contrat était la norme, elle en a indéniablement adopté le caractère. Toutefois, vouloir se limiter à cet aspect contractuel amputerait la mutualité de tout un pan de son identité. Le mutualisme présente, en effet, des tendances institutionnelles. Contrat ou institution, c’est la question que revêt l’ambiguïté mutualiste.
Cependant, là n’est pas tout le problème. Il apparaît en effet difficile de cerner avec précision les relations qu’entretiennent à l’heure actuelle syndicalisme et mutualité. Comment ces deux mouvements sociaux s’articulent-ils ? Il est vrai que leurs domaines d’intervention sont différents mais sont-ils véritablement étrangers l’un à l’autre. Ainsi l’ambiguïté mutualiste, si elle est indéniable pour ce qui est de la nature profonde de la mutualité, ne se limite pas à cette question. Il semble qu’elle étende ses effets aux relations entre syndicalisme et mutualité.
Section 1-la nature hybride de la mutualité
La mutualité est le siège d’une véritable ambivalence quant à sa nature. Consacrée à une époque où le contrat était la norme, elle présente en effet un visage contractuel. Aussi existe-t-il un véritable contrat mutualiste, reconnu comme tel par la loi. Toutefois, la mutualité présente, par certains aspects, des tendances institutionnelles. A titre d’exemple, on ne peut pas ignorer l’implication des instances mutualistes dans le service public de la Sécurité sociale. Ainsi, on ne peut clairement affirmer que la mutualité est de nature purement contractuelle ou purement institutionnelle. En cela, le mutualisme présente indubitablement un caractère hybride.
§1-Le contrat mutualiste
A priori, il n’y a aucune définition du contrat mutualiste. Le lien qui s’établit entre un adhérent et sa mutuelle repose sur un échange de volontés faisant naître des obligations réciproques. Dans de telles conditions, les relations juridiques qui se nouent entre les parties sont de nature contractuelle112. Ainsi, il existe bel et bien un véritable contrat mutualiste s’inscrivant dans le rejet du contrat commercial d’assurance. Toutefois, comme tout contrat, il met en place entre l’organisme mutualiste et ses membres des obligations réciproques, obligations constituant les termes de ce contrat mutualiste.
A- Le rejet d’un contrat commercial d’assurance
S’il n’y a aucune véritable définition du contrat mutualiste, il n’en est pas moins reconnu par le nouveau Code de la mutualité. Avec la transposition des directives européennes « vie » et « non-vie » de 1992, les mutualistes avaient été nombreux à exprimer leurs craintes de voir ce qu’il considérait comme un contrat spécifique se transformer en contrat commercial d’assurance. Or, le nouveau Code de la mutualité reconnaît cette spécificité mutualiste, tout en rejetant l’analogie avec le contrat commercial. Il semble qu’il faille ici voir le signe d’un refus de voir le mutualisme perdre ce qui fait son originalité. Le contrat mutualiste existe au même titre que le contrat d’association ou que le contrat d’assurance. Il s’agit seulement d’un contrat propre au domaine mutualiste.
Contrat d’adhésion, les stipulations du contrat mutualiste résultent des statuts. Il s’agit d’un contrat de droit privé, synallagmatique, et normatif. Il réglemente, en effet, les rapports entre les adhérents et le groupement mutualiste. L’adhésion peut être individuelle, c’est à dire résultant d’une manifestation de volonté expresse du futur adhérent, mais elle peut également être collective. Dans ce cas, elle est le résultat d’un contrat de travail, d’une convention collective…
Que l’adhésion soit individuelle ou collective, la question du contrat mutualiste est très liée à celle des statuts de la mutuelle à laquelle l’individu adhère. Adhérer à une mutuelle à titre individuel, c’est en accepter les statuts, le règlement. Les statuts sont la loi fondamentale du groupement mutualiste. C’est ce qui fait la différence entre une relation de type mutualiste et une relation de type assurantielle. Le contrat mutualiste, c’est accepter la philosophie du mutualisme, c’est souscrire à cet impératif de solidarité. Il ne s’agit pas d’une relation purement individuelle entre le mutualiste et sa mutuelle. Le contrat mutualiste comporte toute une dimension collective, et ce dans sa philosophie même.
De plus, le nouveau Code de la mutualité a modifié la mise en œuvre du contrat, révélant sa nature collective. En effet, jusqu’à récemment, c’est par l’adhésion aux statuts que l’on adhérait à un groupement mutualiste. Désormais, les droits et obligations des parties seront précisés dans les statuts, ceux-ci étant votés par l’Assemblée générale113. Ainsi, acceptés par tous, ces droits et obligations ne pourront plus être source de récriminations de la part des membres. Des contrats plus particuliers pourront accompagner ce contrat mutualiste « collectif ». Il convient de préciser que le contrat mutualiste doit primer sur les contrats particuliers. Une question reste cependant toujours en suspens, celle du droit régissant les contrats particuliers. Ceux-ci vont-ils relever du droit mutualiste ou du droit des assurances ? Il faut aussi envisager la possibilité qu’ils soient régis par le Code de la consommation. Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse à ce problème. La pratique nous la donnera très vraisemblablement.
La liberté d’adhésion est un des principes mutualistes. Celle-ci ne renvoie pas seulement à l’expression d’un choix, selon René TEULADE, elle traduit également et surtout « la volonté de s’engager, de contracter »114. La consécration du contrat mutualiste s’est révélée être une des expressions de l’envie des pouvoirs publics de sauvegarder la spécificité mutualiste. La reconnaissance du contrat mutualiste, c’est la reconnaissance de la grande différence entre les institutions de prévoyances mutualistes et les compagnies d’assurances. Toutefois, si cette reconnaissance apparaît comme chargée de symboles, on ne peut faire l’économie d’un examen plus terre à terre du contrat mutualiste. Il convient, en effet, de s’intéresser plus précisément à l’aspect normatif du contrat mutualiste, aux termes même du contrat.
B- Les termes du contrat mutualiste
Le contrat mutualiste dispose d’un pouvoir normatif en ce sens qu’il réglemente les rapports entre les membres et le groupement mutualiste auquel ils ont adhéré. Il s’agit ici d’examiner les termes du contrat mutualiste. Ceux-ci s’articulent autour de deux axes : les cotisations, d’une part, et les prestations mutualistes, d’autre part.
Outre le respect de l’idéal mutualiste, le versement de la cotisation est l’obligation principale de l’adhérent à une mutuelle. Les cotisations constituent l’essentiel des ressources des groupements mutualistes. Leur acquittement, en principe individuel, peut également être pour partie pris en charge par l’employeur. Les cotisations doivent être déterminées de façon très précise que ce soit en ce qui concerne leur montant ou leur périodicité. Cette exigence trouve sa justification dans la volonté de mettre l’adhérent en condition d’une connaissance réelle de la portée de son engagement. Les cotisations peuvent être fixes, variables, individuelles ou familiales. Quelles que soient leurs modalités, elles ouvrent droit aux diverses prestations mutualistes et sont destinées à leur couverture.
En contrepartie du versement de la coti
sation, le groupement mutualiste s’engage à fournir, lorsque cela s’avère nécessaire, différentes prestations. Chaque mutuelle détermine librement les prestations dont elle assure le service. Ces prestations sont de deux ordres : elles peuvent être en nature ou en espèces.
Pour ce qui est des prestations en nature, il s’agit tout d’abord de la couverture du ticket modérateur, c’est à dire le remboursement des soins de santé laissés à la charge de l’assuré social, et des services sanitaires et sociaux, notamment les pharmacies mutualistes, cabinets dentaire ou encore les centres d’optiques. Les mutuelles gèrent ainsi des activités sociales et culturelles, des établissements ou services à caractère sanitaire, médico-social et ce, soit directement soit en association avec des collectivités territoriales ou des personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Les prestations en espèces renvoient quant à elles aux garanties de prévoyance collective. En effet, la mutualité ne limite pas son action à la « complémentarité santé ». Elle étend son activité à la prévoyance collective. Ainsi, elle prend en charge la couverture de divers risques liés au décès, à l’invalidité ou à l’accident.
En outre, le contrat mutualiste engage la mutuelle à respecter un fonctionnement démocratique, la cotisation ouvrant droit à une réelle participation au fonctionnement de l’organisme. « Le contrat mutualiste est ainsi assorti d’un pouvoir de décision qui s’exerce collectivement et suppose un débat préalable afin de permettre aux intéressés de s’exprimer en connaissance de cause. » 115
Gage d’une spécificité mutualiste désormais légalement reconnue, le contrat mutualiste n’en est pas moins un vrai contrat : au versement de la cotisation répond la mise en œuvre de diverses prestations. Toutefois, le contrat mutualiste présente un aspect beaucoup plus profond, faisant appel à la psychologie des adhérents potentiels. Souscrire un contrat mutualiste c’est adhérer aux principes défendus par les groupements mutualistes et c’est prendre conscience de sa participation à une œuvre commune. Adhérer en mutualité s’accompagne d’un réel engagement moral.
Que l’on se place d’un côté pratique ou d’un côté plus psychologique, le mutualisme présente indéniablement un visage contractuel. Peut-on pour autant conclure à sa nature contractuelle ? Rien n’est moins sûr. En effet, le mutualisme présente des tendances institutionnelles, révélant ostensiblement son caractère hybride.
Lire le mémoire complet ==>

Syndicalisme et Mutualité
Mémoire de DEA de Droit Social – Université Lille 2-Droit et santé
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
__________________________
112 SAINT-JOURS (Y.), op.cit., p.165.
113 Art L114-1 C.mut.
114 TEULADE (R.), op.cit., p.72.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top