La démarche stratégique dans les collectivités

La démarche stratégique dans les collectivités

II. La justification du recours à une démarche stratégique dans les collectivités

De prime abord, il semble difficile de saisir la raison pour laquelle le secteur public adopterait une démarche stratégique à l’instar de l’entreprise. Certes, collectivités et entreprises recherchent à satisfaire une demande, géographiquement et temporellement. Mais si l’entreprise recourt à l’analyse stratégique, c’est parce qu’elle évolue dans un environnement concurrentiel, fluctuant, où sa pérennité n’est pas assurée (la durée de vie moyenne d’une entreprise en France est de 5 ans), et où tout est tourné vers le souci de rentabilité.

Alors pourquoi chercher à introduire des démarches d’analyse stratégique dans des organisations qui, à l’opposé de l’entreprise, se caractérisent par :

  • ∙ une situation de monopole sur leur territoire,
  • ∙ des actions dictées par les lois règlements,
  • ∙ une solvabilité perpétuelle (sans possibilité de faire faillite),
  • ∙ un environnement stable
  • ∙ l’absence de souci de rentabilité

Ces caractéristiques ne sont que des à priori de plus en plus éloignés de la réalité subie par les collectivités.

1) Un milieu concurrentiel

Certes, la concurrence subie par les collectivités n’est pas de la même nature que celle de l’entreprise. L’enjeu pour une collectivité n’est pas sa survie. Elle n’encourt pas la disparition de la carte administrative. La concurrence à laquelle elle est confrontée se situe à deux niveaux différents :

On la trouve d’abord au niveau des élus. Ceux-ci cherchent à éviter l’échec électoral. La concurrence s’exerce entre les différentes équipes qui s’affrontent pour obtenir la responsabilité de la gestion de la collectivité.

La concurrence se trouve ensuite entre collectivités. Qu’elle soit verticale (entre collectivité de catégories différentes) ou horizontales (entre collectivités de même catégorie), cette forme de concurrence semble s’accroître. L’évolution de la décentralisation et de la libre administration a conduit à une situation où les collectivités interviennent sur des domaines identiques. Elles cherchent souvent à satisfaire les mêmes types de demandes. La logique de transferts de blocs de compétences par catégories de collectivités semble dépassée.

Aujourd’hui, l’action publique est transversale. Les compétences et actions des collectivités s’enchevêtrent constamment. Cette transversalité de l’action publique s’observe par exemple dans le domaine social, en réponse à la croissance du chômage, précarité et de l’exclusion.

Les enchevêtrements existent également dans le domaine culturel, où ils s’expliquent plutôt pour des raisons de prestige. On les retrouve aussi dans le domaine de l’interventionnisme économique. Mais c’est surtout dans le domaine de l’interventionnisme économique, dont l’objectif est d’attirer les flux économiques sur le territoire que se développe la concurrence. Face aux difficultés économiques et à l’impuissance de l’Etat de réduire le chômage, des élus adoptent un véritable discours entrepreneurial pour amener les entreprises et capitaux publics sur leur territoire.

A cet égard, les équipements d’infrastructures de transports, la concentration des services aux entreprises, l’aménagement spatial, le niveau éducatif de la population, les taux d’imposition… constituent de véritables avantages concurrentiels.

Pour faire face à ces formes de concurrence, les collectivités doivent se poser la question de l’analyse stratégique. Plus globalement, ce sont les phénomènes de libéralisation des échanges, de mobilité des capitaux, de déréglementation associés aux désengagements de l’Etat et à sa perte de capacité à réguler l’économie, qui sont les causes de cette situation de concurrence entre collectivités.

2) Des champs d’action très vastes

Si les actions des collectivités relèvent de compétences obligatoires, c’est-à-dire imposées par le législateur, bon nombre d’entre elles relèvent de leur clause générale de compétence. Ainsi, les collectivités interviennent dans des domaines très variés.

Le choix de ces interventions nécessite des analyses sur les destinataires de l’offre, sur la quantité, la qualité et les modalités de gestion des services proposés. Ces questions relèvent également de la stratégie (comme une stratégie de marketing). La stratégie de l’entreprise lui permet d’améliorer sa capacité de réponse aux attentes de son marché. La stratégie d’une collectivité lui assure une meilleure aptitude à répondre aux besoins de la population.

3) Des risques financiers réels

Certes, une collectivité ne peut pas faire faillite. Mais les exemples de grands scandales financiers intervenus suite à de graves erreurs de gestion de certaines collectivités dans les années 90, démontrent que les collectivités sont loin d’échapper à tout risque financier. Les conséquences d’une mauvaise gestion sont lourdes : risque de mise sous tutelle du préfet, de restrictions budgétaires avec réduction de la masse salariale, cession certains biens, ou suppression de certains services facultatifs. Les marges de manœuvre dont elles bénéficient financièrement justifient une approche stratégique.

On objecte souvent le fait que le service public n’a pas à se soucier des objectifs de rentabilité. Certes, la stratégie de l’entreprise a pour objectif d’accroître sa rentabilité (toutes ses activités sont tournées vers cet objectif). Mais la stratégie d’une collectivité lui permet d’analyser ses actions en termes de coûts. Les exigences accrues d’efficience du service public nécessitent trouvent également des réponses via l’analyse stratégique.

4) Un environnement mouvant

Par ailleurs, l’environnement dans lequel les collectivités évoluent est mouvant. Leur gestion est impactée par :

  • ∙ les fluctuations économiques (faisant varier les ressources fiscales, déterminant les conditions des emprunts),
  • ∙ les évolutions de la demande sociale (exigence de qualité au moindre coût),
  • ∙ les changements de technologie,
  • ∙ les modifications juridiques (notamment dans le domaine de l’achat public et de l’interventionnisme économique, ou du fait des incertitudes sur l’évolution de la décentralisation).

Les instabilités environnementales ne sont donc pas inconnues des collectivités. Celles-ci se doivent d’être réactives face à ces évolutions.

Si tous ces éléments justifient le recours à des démarches d’analyse stratégique, on comprend bien que celle-ci ne pourra se calquer exactement sur les méthodes de l’entreprise. S’il existe des similitudes entre le secteur marchand et non marchand, les caractéristiques de ce dernier sont bien trop spéciales.

Il ne faut pas omettre que l’action d’une collectivité est avant tout guidée par l’intérêt général. La raison d’être du secteur public est d’abord d’assurer la cohésion sociale et territoriale. Les méthodes demanderont donc forcément des adaptations. Les collectivités doivent chercher à développer des modèles qui leurs sont propres.

Le concept de stratégie peut même être redéfini lorsqu’il est utilisé dans le secteur public local. De manière générale « la stratégie représente l’ensemble des décisions fondamentales qui permettent la meilleure insertion possible de l’organisation dans son environnement afin d’assurer son développement optimale. La stratégie d’une collectivité publique est l’expression de la volonté de déterminer les grands axes du développement futur des politiques publiques, et donc la façon de piloter l’allocation des ressources à moyen terme pour répondre au mieux aux besoins de sa population. »

La stratégie rejoint ce que les décideurs publics locaux app

ellent souvent le projet de territoire. Celui-ci a pour objet de déterminer les grandes orientations souhaitées pour le territoire, sur le moyen et long terme.

La stratégie peut alors se concevoir comme une méthodologie qui participe à l’émergence et à la réalisation d’un projet de territoire construit, réfléchi. Le but est de chercher à dynamiser le territoire en répondant aux attentes du moment et en anticipant les besoins futurs, compte tenu d’un ensemble d’évolutions.

Se pose maintenant la question de la nature de la démarche à entreprendre. Les critères qui légitiment l’approche stratégique supposent une démarche s’appuyant sur des facteurs internes (capacités humaines, techniques et financières de la collectivité) et externes (environnement social, économique, juridique, démographique…), tournés vers la demande sociale.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Investissement et performance. De la conception stratégique à la gestion opérationnelle
Université 🏫: Université Lumière Lyon 4
Auteur·trice·s 🎓:
Emeric Gregoire

Emeric Gregoire
Année de soutenance 📅: Mémoire pour le Master professionnel Management du secteur public : collectivités et partenaires - 2007
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