L’évolution des régimes providentiels de 1985 aux années 2000

L’évolution des régimes providentiels de 1985 aux années 2000

Chapitre 7 – L’évolution des régimes providentiels de 1985 aux années 2000

Dans le chapitre précédent, nous avons brossé un portrait des éléments de structuration et de différenciation des régimes providentiels dans les années 2000. À la lumière de nos résultats, nous avons suggéré que l’activation et le poids des transferts sociaux dans les dépenses publiques constituent deux axes discriminants des régimes providentiels et que leur croisement permet de mettre en relief des formes différenciées de protection sociale.

Dans le présent chapitre, nous chercherons à mettre en relief le parcours évolutif des régimes providentiels depuis le milieu des années 1980 pour évaluer les jalons qui ont conduit à la forme qu’ils revêtent dans les années 2000. Comme nous l’avons évoqué précédemment, cette seconde série d’analyses sera construite sur un nombre plus restreint d’indicateurs (une quarantaine) : nous ne retenons que les indicateurs qui sont disponibles à chacun des points d’observation que nous comptons étudier, soit en 1985, en 1990, en 1995 et en 2000.

Dans la première partie de ce chapitre (sections 7.1 et 7.2), nous chercherons à dégager les tendances lourdes de nos analyses dans le temps et ce, à trois niveaux : la composition des regroupements de pays, les éléments constitutifs des axes factoriels et, par le croisement des deux premiers niveaux, la caractérisation des regroupements de pays sur les axes factoriels. Dans un premier temps, nous analyserons l’évolution du classement des pays et des regroupements qu’ils forment d’un point à l’autre dans le temps. Nous aurons entre autres recours à l’analyse de classification hiérarchique pour évaluer la composition des regroupements et leur relative constance dans le temps.

Ensuite, nous examinerons les éléments constitutifs des axes retenus de même que les continuums qu’ils représentent, après quoi nous commenterons sommairement l’évolution du positionnement des pays sur chacun de ces axes.

Cette première partie propose donc une vision sommaire de l’évolution des régimes providentiels, qui saura mettre en perspective leur situation à chaque point dans le temps. La seconde partie (sections 7.3 à 7.6) se veut une synthèse du parcours évolutif des quatre regroupements de pays qui se dégagent de nos analyses, à savoir les regroupements nordique, anglo-saxon, d’Europe continentale et d’Europe du Sud.

Pour chacun d’entre eux, nous chercherons à mettre en perspective l’évolution de l’architecture de leur protection sociale et du contexte socio-économique avec lequel ils auront eu à composer. Finalement, nous proposerons une réflexion sur l’aménagement des paramètres de protection sociale des régimes providentiels dans le contexte des risques des sociétés post-industrielles. Cette réflexion nous permettra de départager ce qui relève d’un retrait ou d’une reconfiguration dans l’évolution de ces régimes.

Avant d’entrer plus en détail dans nos résultats d’analyse dans le temps, quelques précisions s’imposent en regard de leur similitude avec nos résultats dans les années 2000. Les deux axes factoriels que nous avons identifiés dans le chapitre précédent s’avèrent plutôt stables dans le temps : ils constituent deux axes discriminants des régimes providentiels depuis 1985 et leur croisement permet d’établir une typologie quadripartite des régimes providentiels.

Cela dit, nous avons choisi de présenter les tendances lourdes de nos analyses dans le temps plutôt que de scruter à la loupe la situation des régimes providentiels à chaque point dans le temps. En ce sens, la présentation de nos résultats d’analyse de 1985 aux années 2000 se veut plus succincte et moins systématique que dans le chapitre précédent. Nous avons toutefois pris le soin de mettre en annexe le détail des associations entre les modalités de variables et les axes de nos analyses à chaque point dans le temps.

7.1 L’évolution du classement des pays de 1985 aux années 2000

Si les regroupements de pays que nous avons identifiés dans le chapitre précédent étaient assez homogènes de l’intérieur et hétérogènes vis-à-vis les autres regroupements, nos analyses dans le temps révèlent un certain flou dans le classement de quelques pays jusque dans les années 1990, qui s’estompera graduellement.

Dans les années 2000, les blocs de pays qui émergent de nos analyses sont sensiblement les mêmes que ceux que nous avons présentés dans le chapitre précédent et leur structure présente une distribution fortement marquée géographiquement et/ou linguistiquement (à la seule exception du Portugal, qui figure au sein du regroupement anglo-saxon). Les figures suivantes illustrent le positionnement des pays sur les deux premiers axes factoriels à chaque point dans le temps

Figure 18 – Positionnement des pays sur les deux premiers facteurs, 1985

positionnement pays deux premiers facteurs 1985 1

Figure 19 – Positionnement des pays sur les deux premiers facteurs, 1990

Positionnement des pays sur les deux premiers facteurs, 1990

Figure 20 – Positionnement des pays sur les deux premiers facteurs, 1995

Positionnement des pays sur les deux premiers facteurs, 1995

Figure 21 – Positionnement des pays sur les deux premiers facteurs, 2000

positionnement pays deux premiers facteurs 1985 4 1

Les figures suivantes rendent compte des regroupements de pays que mettent en relief nos analyses de classification hiérarchique à chaque point dans les temps. Leur examen nous permet d’emblée de dégager quelques tendances lourdes en ce qui a trait aux affinités électives entre les cas de notre analyse.

Figure 22 – Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 1985

Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 1985

Figure 23 – Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 1990

Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 1990

Figure 24 – Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 1995

Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 1995

Figure 25 – Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 2000

Classification hiérarchique sur les deux premiers facteurs, 2000

Le bloc que forment les pays nordiques s’avère très stable dans le temps, plus que tout autre regroupement. De 1985 à 2000, sa composition demeure inchangée et sa différentiation vis-à-vis les autres regroupements est très marquée.

En 1990 et 1995, la première coupure dans l’arbre hiérarchique met en opposition les pays nordiques et tous les autres pays en bloc, ce qui permet de révéler une spécificité qui n’a pas d’équivalent au sein de l’OCDE. Comme nous le verrons subséquemment, cette stabilité dans le classement des pays nordiques va de pair avec une stabilité au chapitre des lignes directrices de la protection sociale et des situations socio-économiques qui sont leur corollaire.

On peut noter un enchevêtrement dans le classement des pays anglo-saxons, d’Europe continentale et d’Europe du Sud jusqu’en 1995. Le classement de ces trois blocs de pays est particulièrement flou en 1985 : à l’exception du regroupement continental formé de l’Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas, tous les autres pays forment des blocs hétéroclites. Les choses se précisent déjà à partir de 1990, qui marque l’émergence d’un bloc d’Europe du Sud qui demeurera plutôt stable par la suite.

Si la distinction entre les pays anglo-saxons et les pays continentaux ne devient nette que dans les années 2000, elle est tout de même déjà plus marquée en 1995 qu’elle ne l’était en 1990, ce qui témoigne d’une différentiation progressive entre les deux regroupements. Voyons maintenant plus en détail les mouvements dans le classement des pays anglo-saxons, d’Europe continentale et d’Europe du Sud depuis 1985.

En dépit de leur classement légèrement enchevêtré jusqu’en 1995, les pays continentaux forment sans doute un bloc plus homogène que les pays anglo-saxons ou d’Europe du Sud sur l’ensemble de la période.

En effet, on retrouve un noyau «dur» continental, formé de l’Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas, qui émerge de nos analyses à chaque point dans le temps (sauf les Pays-Bas en 1990). L’Autriche et la Suisse sont sans doute les pays continentaux qui connaissent le plus de mouvement avant de rejoindre définitivement ce noyau dans les années 2000 : le premier se déplace entre les pays d’Europe du Sud et les pays anglo-saxons, alors que le second met du temps à se distinguer des pays anglo-saxons.

Du côté des pays anglo-saxons, la situation paraît plus floue que dans les pays continentaux : jusqu’en 1995 inclusivement, on les retrouve dans deux regroupements différents, dont la composition varie d’un point d’observation à un autre (les pays anglo-saxons marquent une certaine proximité avec les pays d’Europe du Sud, de même qu’avec la Suisse et l’Autriche, tout dépendamment du point d’observation considéré).

En 1995, les pays anglo-saxons se retrouvent toujours au sein de deux regroupements, mais ces derniers ont pour la première fois depuis 1985 une position voisine dans l’arbre hiérarchique, ce qui témoigne d’un certain rapprochement, qui se concrétisera dans les années 2000 alors que tous les pays anglo-saxons se retrouvent au sein du même regroupement.

Quant aux pays d’Europe du Sud, le flou dans leur classement s’estompe plus rapidement que dans les pays continentaux et anglo-saxons. En 1985, on les retrouve dans deux regroupements : l’Espagne et l’Italie forment un bloc avec des pays anglo-saxons alors que la Grèce et le Portugal affichent une proximité avec les Etats-Unis.

En 1990, ils occupent tous des positions voisines dans l’arbre hiérarchique : l’Espagne, le Portugal et la Grèce forment un regroupement à part entière alors que l’on retrouve l’Italie tout près, dans un bloc qui rassemble des pays continentaux et anglo-saxons.

En 1995 et en 2000, on peut distinguer nettement un regroupement composé de l’Espagne, de la Grèce et de l’Italie. Quant au Portugal, il n’affiche des affinités électives marquées avec ses voisins d’Europe du Sud qu’en 1990 : pour tous les autres points d’observation, il se greffe à des regroupements anglo-saxons.

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