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Mise en demeure dans le bail commercial au Maroc : règles et jurisprudence

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🏫 Université Moulay Ismail - Faculté des sciences Juridiques, Economiques et Sociales
📅 Mémoire pour l’obtention d’un Licence en Sciences économique - 2003-2004
🎓 Auteur·trice·s
B. Rachida & M’barek J.
B. Rachida & M’barek J.

La mise en demeure est l’étape clé de toute procédure d’expulsion commerciale au Maroc. Cette section détaille les obligations du bailleur, les conditions de validité, la procédure d’envoi, les cas de refus et les implications juridiques majeures selon le dahir du 24 mai 1955 et la jurisprudence marocaine.


Section II : La mise en demeure

Le renvoi de la mise en demeure est devenu une obligation du bailleur envers le locataire comme l’indique l’article 6 du dahir qui stipule que :

« Par dérogation aux articles 687, 688 et 689 du dahir de 12 août 1913 (9 Ramadan 1331) formant code des obligations et contrats, les baux des locaux soumis aux dispositions du présent dahir ne cessent que par l’effet d’un congé donné au moins six mois à l’avance, nonobstant toute stipulation contractuelle contraire… »

Donc, ce texte impose expressément l’obligation de la mise en demeure pour exprimer la volonté de mettre fin au contrat. Il est à noter que ce n’est pas cette mise en demeure qui constitue la limite définitive de ce rapport, même s’il est un commencement de plusieurs procédés tels que le jugement par la ratification de la mise en demeure.

À cause de l’importance de cette dernière, la loi impose certaines mentions telles que le délai, les motifs ainsi que l’énonciation de l’article 27. Nous étudierons donc la manière de renvoyer cette mise en demeure (§1) et ses conditions nécessaires (§2).

§1 : La manière de renvoi de la mise en demeure

La mise en demeure a pour but d’exprimer la volonté de mettre fin au contrat de bail par le bailleur. Pour cet objet, il est nécessaire de signifier son refus de renouvellement par l’obligation d’envoyer la mise en demeure dans le délai prévu par la loi.

Donc, s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, la mise en demeure doit être envoyée dans les délais de 6 mois avant la fin du contrat de bail. Par contre, si le contrat est à durée indéterminée, la mise en demeure peut être envoyée à n’importe quel moment, à condition que le bailleur donne au locataire un délai de 6 mois.

Il ressort de cela que l’article 6 précise, dans son organisation de la mise en demeure, un phénomène opposable aux règles générales, surtout les articles 687, 688, et 689 du DOC. Ce sont donc des lois qui ne font pas de la mise en demeure une obligation. En plus de cela, elles ne s’intéressent ni à sa forme ni à son objet et laissent tout cela au consentement des parties.

Mais ces textes ne seraient pas compatibles avec les situations de bail. Donc, le législateur ne trouve aucune solution autre que celle de déroger à ces textes pour insister sur l’obligation de la mise en demeure.

A– La nature juridique de la mise en demeure

La mise en demeure est un acte juridique par lequel le bailleur concerné exprime son refus de renouvellement du bail. Ce refus peut être définitif et entraîne la fin du contrat, comme il peut être une expression de la volonté du bailleur qui permet au locataire de conclure un nouveau contrat avec des conditions également nouvelles.

Mais ce n’est pas la mise en demeure seule qui met fin au contrat. Celle-ci n’est qu’un instrument d’expression de la volonté de mettre fin au contrat de bail. Donc, il est considéré comme un commencement de plusieurs mesures procédurales qui justifient le jugement d’expulsion lorsque le juge est convaincu, selon les circonstances du cas, par les motifs évoqués par le bailleur.

Il est nécessaire que la mise en demeure mentionne toutes les conditions de validité de l’acte juridique, malgré son indication de toutes les mentions prévues par le dahir du 24 mai 1955. À cet effet, la mise en demeure doit être envoyée par une personne qui aura la qualité de propriétaire de la chose louée, s’il est la partie bailleur, ou par toute autre personne ayant acquis le droit de louer le local à des tiers.

S’il y a plusieurs bailleurs, la mise en demeure doit mentionner tous les noms de tous les propriétaires, sauf si la mise en demeure est envoyée par un procureur parmi ces derniers ou si le reste des propriétaires se sont mis d’accord sur la mise en demeure envoyée par l’un parmi eux.

Mais malgré la condition de la qualité, il doit préciser le local concerné par l’expulsion lorsqu’il s’agit de plusieurs locaux loués, avec l’indication de la qualité du locataire et son adresse. Il est obligatoire que la mise en demeure soit faite par écrit avec l’indication de toutes les mentions de délais et motifs d’expulsion ainsi que l’art 27 du dahir. Donc, si la mise en demeure ne contient pas toutes ces mentions, elle n’entraîne pas la fin du contrat, même si le locataire n’a pas procédé à la tentative de conciliation grâce à la non-conformité de la mise en demeure aux dispositions de l’article 6.

À cet effet, un arrêt de la cour suprême stipule que : « Si la mise en demeure envoyée par le propriétaire au locataire dans le cadre du dahir du 24 mai 1955 ne contient pas toutes les mentions prévues par l’art 6 ainsi que l’énonciation de l’article 27, il ne peut considérer le locataire au cas où il néglige la procédure de conciliation comme un occupant sans droit ni titre ».

B- Le renvoi de la mise en demeure

Il est obligatoire que le renvoi de la mise en demeure soit fait personnellement et selon les procédés indiqués par l’article 6 du dahir. Donc, le renvoi ne peut être fait que par une lettre recommandée avec accusé de réception ou par un huissier de justice conformément aux articles 37, 38 de la procédure civile.

Dans ce cas, il y a un accord de la jurisprudence sur le fait que la mise en demeure correcte doit être conforme à la procédure annoncée par le dahir du 24 mai 1955, à défaut d’expression sur la volonté de mettre fin au contrat. Si ce dernier ne prévoit pas des conditions résolutoires, dans ce cas, on peut appliquer l’article 26 du dahir.

L’article 26 précité indique un délai autre que celui de l’article 6. Le locataire peut faire face à l’expulsion par le refus de la mise en demeure. Dans ce cas, la preuve incombe au locataire. La mise en demeure doit être faite selon les dispositions juridiques si elle est envoyée au locataire lui-même ou dans son domicile à son épouse, ses proches, son conjoint, ou toute autre personne résidant avec lui, conformément à l’art 38 de la procédure civile.

La cour suprême prend en considération l’obligation d’indiquer dans le certificat de réception l’identité du récepteur. C’est ce qui ressort dans son arrêt qui stipule que : « La réception correcte doit indiquer, sous peine de nullité, le nom et prénom du récepteur ».

C- Le refus de la mise en demeure par le locataire

Si la personne concernée a refusé la réception de la lettre, ce refus entraîne ses effets car il est considéré comme récepteur de la mise en demeure. Donc, il est obligatoire de l’accepter car le refus remplace la réception. Ce principe est appliqué si le certificat de délivrance indique l’identité de la personne qui refuse la réception.

Pour que ce refus entraîne ses effets, il faut qu’il passe un délai de 10 jours sur la date de tentative de notification du refus de réception, conformément à l’article 39 du code de procédure civile. Un autre problème a été posé, celui de « l’enveloppe non demandée », qui concerne la mise en demeure envoyée par la poste selon le certificat d’administration postale.

Ce problème est totalement différent de celui du refus de réception. À cause de cela, la doctrine a ouvert une grande discussion concernant la sécurité de la mise en demeure sans enveloppe. Un jugement de la cour suprême est très clair dans son arrêt qui stipule que : « Il est impossible de considérer le terme ‘non demandé’ comme un refus de réception » et que « le retrait de la mise en demeure dans l’administration postale ne remplace pas la réception ».

En tant que la cour suprême a commencé à changer son point de vue sur le terme « l’enveloppe non demandée », lorsqu’elle décide que le pourvoi en cassation qui concerne le terme « non demandé » ne signifie pas que le locataire a accepté ou refusé la mise en demeure. C’est un point d’actualité qui ne peut être soumis au contrôle de la cour suprême. Cette décision a été expliquée par le fait que la cour suprême favorise tacitement les tribunaux concernés pour prendre la décision compatible à chaque cas.

Pour faire face à cet handicap, un courant de la doctrine demande d’annuler les procédés de la mise en demeure par la poste et se contente des procès des secrétaires greffiers. Ces procédés peuvent être considérés comme une solution contre les mauvaises foies de certains bailleurs qui envoient aux locataires des enveloppes vides pour justifier la perte de droit de ces derniers.

Mais la quasi-totalité de la juridiction marocaine adopte pour le moment les procédés de la mise en demeure par l’huissier de justice. Pour mieux expliquer, on expose un arrêt de la cour suprême qui prévoit que : « La non-acceptation ou le retrait effectif d’une lettre recommandée dans la poste ne peut éviter la mise en demeure d’entraîner ses effets, car il est impossible à une seule partie du contrat et par sa seule volonté d’empêcher la continuation d’un délai juridique contre lui ».

À cause de cela, le locataire d’un lieu à usage commercial qui ne reçoit pas une lettre recommandée qui porte la mise en demeure renvoyée par l’administration postale ne peut empêcher cette dernière de réaliser ses effets ni celle de l’expiration du délai de 30 jours précisé par l’article 27 du dahir du 24 mai 1955. Donc, il doit au locataire de poser sa demande devant le président du tribunal sous peine de la perte de son droit.

Une autre point très important qu’il faut souligner est celle que la mise en demeure doit être faite au locataire lui-même ou à une autre personne qui le remplace et son payé, mais il faut que la délivrance soit faite à une personne adulte et non pas à un mineur. À ce moment-là, l’huissier de justice doit indiquer dans le certificat de délivrance toutes les informations nécessaires concernant la personne qui reçoit la lettre.

Une décision de la cour suprême à ce propos stipule que : « La mise en demeure envoyée à un mineur est correcte et entraîne ses effets juridiques », contrairement à la réunion des législations arabes qui disent que la mise en demeure faite à une personne de moins de 18 ans ne peut entraîner ses effets juridiques.

Ce que nous remarquerons donc, c’est que la cour suprême doit réviser sa décision à propos de la mise en demeure envoyée à un mineur pour être d’accord avec la réunion des législations arabes. Il ne faut pas être très sévère sur cette réunion, surtout dans le cadre du dahir du 24 mai 1955, pour mieux éviter la perte des droits du locataire.

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– Mohamed Bounbate – Le bail commercial entre le dahir de 24 mai 1955 et le code de commerce 1999
– Abdelouhab Ben Sid, Le précédent ouvrage, page 50.
– Ouvrage de Mohamed Elkaddouri, page 22.
– Arrêt n° 188 daté le 15/3/1978, La revue de justice et de droit /129, page 76.
– Arrêt de la cour suprême – 442 LE 25/2/1987, DOSSIER CIVIL n- 127, page 79.
– Arrêt N° 303 daté le 4/6/1975, Revue de justice et de droit N° 127, page 79.
– Arrêt N° 9/2/1983, Dossier civil N° 7835, Revue de justice, N°32-1983, page 219.
– Arrêt de la cour suprême N° 21128 du 24/11/1986, Dossier N° 98/134, page 70.
– Elkhoudri Lakbir, « Le bail des locaux et son expulsion », Casablanca 1982, page 169.
– Arrêt du 7/12/1965; Les arrêts de la cour suprême, Chambre civile 2-1962-1965, page 209, publiés au ministère de la justice.
– Décision de la cour suprême N°246, Revue de justice N° 38, page 8.
– Mohamed Elkaddouri, Ouvrage précédent, page 29.
– Décision civile N° 331 du 2/7/1969, La revue de justice de la cour suprême, N°15, page 25.
– Le tribunal de première instance de Rabat du 14/10/1981, Dossier non publié.
– Ahmed Assime, page 27.
– Mohamed Elkaddouri, Ouvrage, page 25.
– Rabat, le 15/04/1960, La revue des tribunaux marocains, 10 novembre 1960, page 101.
– Med Bounbate, « Le bail commercial entre le dahir de 24 mai 1955 et le code de commerce », 1999.
– Décision de la cour d’appel de Rabat datée du 4/03/1960, publiée à la revue des tribunaux marocains datée du 25 novembre 1961, page 105.
– Casablanca, le 8 mars 1965, Revue des tribunaux marocains, 25 avril 1965, page 44.
– Rabat, le 15 avril 1960, La même revue du 10/11/1960, page 101.
– Ahmed Assime, page 35.
– La cour suprême, Dossier civil N° 3228, le 30/11/1988, La revue de justice N° 42-43 en 1989, page 123 et la décision de la cour d’appel de Fès, le 21/1/1981.
– Mhamed Boulman, Ouvrage précédent, page 19.
– Elmoukhtar Elattar, Ouvrage précédent, page 106.
– L’article 6 dernier alinéa du dahir de 24 mai 1955.
– L’art 27 du dahir de 24 mai 1955.
– Décision de la cour N° 71 du 2/1/1982, Dossier civil 89480, La revue de la justice N° 30, page 26.

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