L’analyse des prêts à la consommation révèle des différences surprenantes entre les banques classiques et islamiques au Sénégal. En mobilisant des théories des contrats, cette étude met en lumière des déterminants uniques, essentiels pour comprendre les mécanismes de garantie dans un contexte financier en pleine évolution.
Chapitre 2 :
Contexte de l’étude
Section 1 :
La BIS dans le paysage bancaire sénégalais
Le système bancaire sénégalais est prédominé par les banques classiques. Il est actuellement riche d’une trentaine de banques commerciales et d’établissements financiers présents partout dans la capitale.
Graphique 1: Classement des principaux prêteurs du Sénégal
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Source : UMOA (2019)
Il apparait sur le graphique ci-dessus que les cinq plus gros prêteurs au Sénégal sont : La CBAO, la SGBS, la BICIS, l’ECOBANK, et la BHS. La Banque Islamique vient en sixième position avec 287646 millions de FCFA de crédits octroyés en 2019.
Le secteur bancaire islamique était en pleine croissance au Sénégal. Les dépôts étaient évalués à 294439 millions FCFA. Les produits islamiques de consommation sont très utilisés par les ménages à revenus modestes.
Pour connaitre en profondeur le système financier islamique du Sénégal, nous verrons dans cette section le cadre réglementaire et institutionnel de la BIS ; ensuite nous verrons les politiques prudentielles et la société d’assurance islamique SENTAKAFUL.
– Environnement de la banque islamique du Sénégal
Figure 4: Les zones d’implantation de la BIS
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Source : BIS
Pour plus d’accessibilité, des agences et des bureaux ont été implantés dans les régions. Le réseau bancaire islamique sénégalais est estimé par la commission bancaire de l’UEMOA à 28 agences et bureaux.
Historiquement, le système financier islamique fut autorisé à s’installer au Sénégal le 10 octobre 1979. Un protocole d’accord fut signé en octobre 1983 entre le prince Mohamed Faycal Al Saoud et le Président Abdou DIOUF. Ainsi la banque islamique fut créée officiellement le 22 février 1983, sous forme de société anonyme. Les principaux actionnaires étaient : La DMI5 et l’Etat du Sénégal. En 2009, la BID6 rachète les parts de DMI et devient actionnaire majoritaire. Ensuite le groupe bancaire d’Arabie Saoudite TAMWEL AFRICA est créé pour gérer le réseau bancaire islamique en Afrique.
Aujourd’hui, le groupe est doté d’un capital social estimé à 29 milliards 579 millions et est constitué de quatre filiales : La banque islamique du Sénégal, la banque islamique du Niger, la banque islamique de la Mauritanie, la banque islamique de la Guinée Conakry.
4https://www.ta-holding.com/fr/intl/senegal
5 Le groupe Dar al Maal al Islami créé en 1981 à Genève par différents fondateur dont le prince Al Saoud
6 Banque Islamique de Développement créée en 1975
L’actionnariat est constitué de la sorte : BID (77%) et l’Etat du Sénégal (22.18%). Le reste est détenu par d’autres actionnaires particuliers7.
Les objectifs de la BIS sont les suivants :
- Mener des activités de collecte d’épargne et de distribution de crédits sur la base des principes édictés par l’Islam, répondant ainsi aux besoins et aspirations d’une grande partie de la population sénégalaise.
- Offrir aux entreprises et opérateurs économiques des services bancaires modernes et compétitifs en conformité avec les prescriptions islamiques.
- – Cadre légal
Le qualificatif islamique porté par la BIS signifie que celle-ci exerce des activités bancaires conformes à la Sharia. Elle est habilitée à effectuer des opérations de banque dites de « finance islamique » conformément au droit des affaires musulman et à la réglementation bancaire de l’UEMOA.
L’adoption de la loi cadre portant réglementation bancaire de l’UEMOA, permettait au pays de la zone d’abriter des banques islamiques. Grace à cette loi, la BIS pouvait effectuer en plus des transactions financières, des opérations commerciales et immobilières. Le cadre légal et réglementaire régissant l’activité bancaire classique a été régulièrement révisé pour tenir compte des spécificités de la BIS.
A l’occasion des derniers travaux en vue d’adapter le cadre réglementaire au système financier islamique et grâce aux nouveaux dispositifs de Bale entré en vigueur le 1ier janvier 2018 des lois ont été mises en place :
O Loi uniforme portant réglementation bancaire et ses instructions d’application prises par la BCEAO ;
O Instruction n°002‑03‑2018 du 21 mars 2018 de la BCEAO relative aux dispositions particulières applicables aux établissements de crédit exerçant une activité de finance islamique ;
7 Actionnaires privés et non nationaux
O Instruction n°004‑05‑2018 du 2 mai 2018 de la BCEAO relative aux caractéristiques techniques des opérations de finance islamique exercées par les établissements de crédit de l’UMOA ;
O Loi uniforme portant définition et répression de l’usure ; où les mentions « taux d’intérêt » ont été remplacée par « marge bénéficiaire » comme dans la Sharia.
O Loi uniforme portant réglementation des bureaux d’information sur le crédit dans les Etats membres de l’UMOA et ses instructions d’application prises par la BCEAO ;
O Dispositif prudentiel applicable aux établissements de crédit de l’UMOA et aux compagnies financières de l’Union ;
– Cadre institutionnel
Sur le plan structurel et organisationnel, le Sénégal a disposé d’un cadre institutionnel suffisant pour encadrer la finance islamique. Les autorités de contrôle et les acteurs privés du marché financier sénégalais ont mis au point des outils pouvant être adapté à la finance islamique. Les fonctions de règlementation concernent d’une part, les contrôles et les sanctions d’autre part, les différents organes et institutions de contrôle et les réglementations de l’activité bancaire à savoir :
O Au niveau régional : le Conseil des Ministres de l’Union, la Commission Bancaire de l’UMOA, la commission bancaire de la BCEAO, le CREPMF et la CIMA,
O Au niveau national : le Ministère chargé des Finances, la Banque Centrale, le HCCS et le CCS
Le haut conseil de conformité Sharia (HCCS) est un organe national qui travaille en étroite collaboration avec les institutions qui viennent d’être citées ci-dessus. Le conseil est chargé du contrôle réglementaire et prudentiel de la BIS en vertu de l’instruction n°004‑05‑2018 relative aux caractéristiques techniques des opérations de finance islamique exercées par les établissements de crédit de l’UMOA.
Le comité de conformité Sharia (CCS), est rattaché au HCCS et est chargé du contrôle conformité Sharia de la BIS. C’est un organe interne et indépendant des instances dirigeantes. Le comité est composé de jurisconsultes spécialistes en droit bancaire islamique.
Ces spécialistes sont sélectionnés par le conseil d’administration de la BIS et par approbation de l’assemblée générale des actionnaires sur des critères de compétence, d’expérience et de notoriété. Ils se doivent de contrôler et de superviser les activités de la BIS pour s’assurer de la conformité aux principes de la Sharia, en amont et en aval. Ils peuvent être internalisés ou externalisés.
– Les politiques prudentielles et l’assurance islamique
Rappelons que la Charia reconnait le risque et encourage à le limiter. Cette figure nous informe sur les différents risques auxquels la BIS est souvent confrontée.
Figure 5: Les risques du système financier islamique
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Source: Islamic Finance Advisory and Insurance Service (IFAAS, 2012)
Dans l’application bancaire de la Morabaha avec ordre d’achat, les transferts de propriété sont exécutés l’un après l’autre dans un court délai. En effet, la BIS achète un actif donné pour le compte du particulier. Le prix de l’actif est fixé à l’avance entre les deux parties. Le bien acheté est inscrit au bilan de la BIS, puis revendu au particulier qui remboursera en plusieurs échéances. En respectant la séquence des flux contractuels et financiers, la BIS peut être confronté au risque opérationnel, au risque de marché et au risque de crédit.
- – Les politiques prudentielles et l’assurance islamique
Le dispositif prudentiel de Bâle II, intervient comme un garde-fou. En 2013, BITAR avait fait une étude sur l’impact des accords de Bâle, sur la stabilité et l’efficacité des banques islamiques par rapport des banques classiques. Le dispositif de Bâle II dont voici les piliers a été mis en place dans la zone UEMOA le 1ier janvier 2018.
- exigence de fonds propres (ratio de McDonough)
- procédure de surveillance de la gestion des fonds propres
- transparence dans la communication des établissements financiers
Pour se protéger du risque de crédit liée au défaut de paiement, la BIS peut soit exiger un dépôt de garantie, soit faire signer à son client une promesse unilatérale d’achat. Ainsi comme mesure préventive à ce risque encore appelé risque de contrepartie, le dispositif de Bâle II prévoit le calcul d’un « Coussin contra-cyclique » comme suit :
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Avec θ ∈ [0 ; 0,025]
Le risque moral peut intervenir :
- Avant le défaut de remboursement (sélection adverse) (ex ante) ou bien
- Après le défaut de remboursement (ex post) (aléa moral)
- – La société SENTAKAFUL
En finance classique le risque est entièrement transféré à l’assureur tandis qu’en finance islamique le risque est mutualisé par les contributeurs au fond TAKAFUL.
Le code CIMA reconnait l’assurance islamique (TAKAFUL) et l’apparente à l’assurance mutuelle classique. L’assurance islamique s’est beaucoup développée ces dernières années au Sénégal avec l’installation progressive de la finance islamique.
La BCEAO a émis des normes pour réglementer l’assurance vie qui fait partie des garanties du contrat Morabaha. C’est ainsi que la société SENASSURANCE a lancé SENTAKAFUL conformément aux normes de la CIMA. Cette nouvelle société d’assurance créée en février 2019 est dédiée uniquement à l’assurance islamique.
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4 https://www.ta-holding.com/fr/intl/senegal ↑
5 Le groupe Dar al Maal al Islami créé en 1981 à Genève par différents fondateur dont le prince Al Saoud ↑
6 Banque Islamique de Développement créée en 1975 ↑
7 Actionnaires privés et non nationaux ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux prêteurs au Sénégal?
Les cinq plus gros prêteurs au Sénégal sont : La CBAO, la SGBS, la BICIS, l’ECOBANK, et la BHS.
Quand la banque islamique a-t-elle été créée au Sénégal?
La banque islamique a été créée officiellement le 22 février 1983.
Quel est le cadre légal de la banque islamique au Sénégal?
Le cadre légal et réglementaire régissant l’activité bancaire classique a été régulièrement révisé pour tenir compte des spécificités de la banque islamique, permettant ainsi à la BIS d’effectuer des opérations conformes à la Sharia.