Quelles implications politiques pour l’éducation des adolescents en Haïti ?

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages
🏫 Université d'État d'Haïti - Faculté des Sciences Humaines
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de licence
🎓 Auteur·trice·s
Chéry, Jeanne-Elsa
Chéry, Jeanne-Elsa

Les implications politiques de l’éducation révèlent des inégalités de genre persistantes dans les écoles secondaires haïtiennes. Cette recherche met en lumière comment les stéréotypes sexuels influencent les performances académiques et les choix de carrière, façonnant ainsi des trajectoires professionnelles inéquitables pour les filles.


7.2-Inégalité de compétence et influence sur les choix de carrière

7.2.1- Stéréotypes sexuels et performances au travail

Les stéréotypes sexuels contribuent à établir des performances différenciées entre eux en transformant les attributions à chaque sexe en aptitudes scolaires. Cette répartition du travail des adolescent-e-s a créé une inégalité de compétences qui mène tout droit aux emplois à moindre responsabilité pour les femmes, sans pouvoir de décision et dont les salaires sont inférieurs aux hommes, parfois même à compétence égale.

Ainsi s’opère un mode de transmission de traditions différentes capable d’influencer les choix de carrière où les filles s’orientant vers des métiers traditionnels de moindre valeur sociale renforcent les stéréotypes de genre tandis que les garçons choisiront des métiers traditionnellement masculins et plus valorisants dans l’échelle sociale. Ceci dit, les femmes gagneront moins par rapport aux hommes, sans compter les conséquences de cette inégalité sur les facteurs de développement et la pauvreté.

Par la persistance de ces pratiques dans les comités de classe, l’inégalité de genre ne s’en trouvera que renforcée à l’école.

Nous pouvons déduire comme mentionné au cours du cadre théorico-conceptuel que l’inégalité entre les sexes est criante dans la société haïtienne. Cette inégalité est présente dans toutes les sphères de la société en dépit des luttes féministes pour un chambardement de la situation et le renversement de ce système machiste jusqu’à modeler le comportement des adolescent.e.s.

Comme conséquence de cette inégalité, l’institution scolaire se trouve traversée par des perceptions rétrogrades de la société. Cette société, qui par le même mécanisme, désavantage les femmes par rapport aux hommes en arrive à désavantager les adolescentes par rapport aux adolescents.

Ces considérations nous permettent de saisir que l’éducation différentielle, dont bénéficient les adolescentes et les adolescents, est le reflet d’un rapport sociétal. C’est le fruit des rapports sociaux de sexe qui mettent hommes et femmes sur un terrain d’inégalité où ce sont des rapports de pouvoir, de hiérarchie et de domination qui se tissent entre les sexes.

Ces rapports inégaux qu’entretiennent les adolescent.e.s au sein de l’institution scolaire nous renseignent sur les rapports sociaux de sexe au sein de la société haïtienne.

Les attitudes des adolescent-e-s rencontrées dans le cadre de cette étude sont majoritairement sexistes. Le sexisme concentre cette caractéristique traditionnelle qui transcende les sociétés et révèle le déséquilibre social, politique et historique entre les sexes : que ce soit au niveau des possessions et au niveau des privilèges. La société haïtienne n’échappe pas à cet état de fait qui établit traditionnellement des différences de statut entre les hommes et les femmes.

Nous l’avons vu avec les adolescents scolarisés qui estiment qu’ils doivent accompagner les filles, les soutenir dans leurs travaux scolaires alors qu’ils reçoivent les mêmes cours et partagent la même salle de classe. Le sexisme bienveillant des adolescents males est d’autant plus subtil qu’il est généralement perçu comme une sorte d’attention normale, faisant fi de tous les stéréotypes de genre qu’il charrie.

7.2.2- Discours de la neutralité ou l’invisibilisation des pratiques genrées chez les enseignant.e.s

Les pratiques éducatives jouent un rôle déterminant dans les rapports sociaux de sexe qui se tissent entre les adolescent.e.s à l’école secondaire en Haïti. Les conceptions des enseignants jouent grandement dans la gestion de la mixité, mais aussi sont susceptibles de participer au renforcement de la reproduction des habitus de genre.

L’intérêt ne se porte pas principalement sur les différences constatées ou présumées entre les sexes mais sur le fonctionnement de l’institution, où et comment s’inscrit la différence des sexes dans l’organisation et la vie même d’une école. Comme le souligne Jean-Claude Forquin :

« ce qui s’enseigne, c’est (…) moins la culture que cette part ou cette image idéalisée de la culture qui fait l’objet d’une approbation sociale et en constitue en quelque sorte la “version autorisée”, la “face légitime” »même s’ils sont tous enseignants, même s’ils ont reçu la même formation professionnelle et ont suivi auparavant des études générales comparables, les maîtres n’ont pas trait pour trait le même habitus, n’investissent pas dans leur enseignement les mêmes schèmes générateurs de contenus, les mêmes images de la culture et de l’excellence, les mêmes valeurs ». (Forquin, 1996 : 15).

Les professeur-e-s ne sont pas formé-e-s à la problématique du genre et l’extirpent tout bonnement de leurs discours. D’autres n’ont qu’une connaissance limitée de la problématique du genre qui renforce les stéréotypes et font percevoir l’inégalité sous le fond du naturalisme.

De plus, en dépit des efforts réalisés par les écoles dites progressistes, dont le Cours Privé Edmé, qui s’opposent à un cursus scolaire traditionnel, il y a lieu de constater que l’adoption de certains principes régulateurs ne s’allient pas à l’enjeu de l’égalité filles/garçons comme on l’a vu avec les élèves interrogés, mais comme allant de soi.

La volonté est chez les professeurs qui jugent nécessaire d’en faire un principe ; mais nous ne l’avons pas trouvé chez les directeurs d’école interrogés. Un directeur d’école témoigne : « Nous nous efforçons de donner une éducation de qualité dans notre établissement. Aucune différence n’est portée quant à la provenance des élèves, à leur sexe ou autres.

Chaque professeur est libre de dispenser son cours ; il est tenu de faire montre du respect de tout le monde, c’est tout. » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

Dynamiser la mixité n’est pas une préoccupation globale qui exige la mobilisation d’efforts communs, comme on l’a vu bien à travers plusieurs de nos exemples. La neutralité supposée des savoirs scolaires ne favorise pas la remise en question de la place des femmes et des filles au sein des rapports entre les sexe, non plus.

Or, ce serait là un moyen de faire basculer les clichées sexistes et du coup faire reculer l’inégalité entre les pouvoirs détenus par chacun des groupes sexués. La liberté pédagogique n’est pas une liberté qui embrasse ce qui pourtant saute sur les yeux : l’asymétrie des pouvoirs entre filles et garçons dans la classe et hors de la classe.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les implications du sexisme dans l’éducation des adolescents en Haïti ?

Le sexisme contribue à établir des performances différenciées entre les sexes, menant à une inégalité de compétences qui désavantage les filles par rapport aux garçons dans leurs choix de carrière.

Comment les stéréotypes de genre influencent-ils les choix de carrière des adolescents en Haïti ?

Les stéréotypes de genre orientent les filles vers des métiers traditionnels de moindre valeur sociale, tandis que les garçons choisissent des métiers plus valorisants, renforçant ainsi les inégalités de genre.

Quel rôle jouent les enseignants dans la reproduction des stéréotypes de genre à l’école ?

Les conceptions des enseignants influencent la gestion de la mixité et peuvent renforcer la reproduction des habitus de genre, contribuant ainsi à l’invisibilisation des pratiques genrées.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top